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Full text of "Histoire de Loius XII"

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BISTOIRE DE lODIS l\\ 



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HISIOIRE DE LODIS Xll 



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DU MÊME AUTEUR 



riqne lur le prieuré de Flotin, 1 vol. in-8. 
condition forentière de TOrléAnais an moyen âge, 1 vol. in-8. 
9an de la Taille, seigaeur de Boadaroy, 4 vol. in-12. 
I, dit Barba-bleae (en collaboratioa avec M. Bossard). 1 vol. la-8. 
aacd, daohesae d*Or]éana et de Berry, 1 vol. iQ-8. 
lolitiquea da règne de Lonis XII {Collection des documents iné- 
. in-4. 

de la Révolution française an commencement du xvi* lidole. 
le la Béforme, 1 vol. in-S. 

le LonIs XU. par Jean d'Aulon {Collection de la Société de Vhis- 
Zfice) 1. 1 et 11, 2 vol. in-8. 

as les Etats français dn Saint-Siège, an moyen âge, 1 vol in-8. 
règlements de la République d'Avignon, an xiii* siècle, 1 vol. in-8. 
ktion manioipale coatnmière au moyen âge, br. in-8. 
e Savone en 1507, br. in-8. 
du canton du Tessin par les Suisses, 1 vol. iQ-8. 
(position internationale en 1470, br. in-8. 
L transaotion entre le duo Amédée VIII et le clergé de Savoie, 
0-8. 

-Oanx, grand in-fol., avec eaux-fortes de M. Carbonoien 
han, maréchal de Qié, 1 vol. in-4. 
ace, duchesse de Bourbonnais, 1 vol. in-4 . 
slitique de Ludovic le More, br. in-8. 
m Bologne au xv« siècle {Revu£ historique), 
libres aux xiii" et xiv* siècles, br. in-8. 
et Pierre de Fénin (Revue de Vart français), • 
lette an Petit Trlanon {Le Comspondant), 
i Saint-Barthélémy par un huguenot (Annales de philosophie 

Louis Xil (Revue historique). 

Louis Xn, en 1509 {Revue historique), 

des dindons {Bibliothèqu? de CÉcole des Chartes). 

I au xiv» siècle en Genevois {Revue d'Histoire diplomatique), 

Loire diplomatique : Rapports du secrétaire géuêraU 

)S aveugles (Valentin Uauy). 

glement pour les guides de montagne, br. in-S. 



ANaSRS, IMPttllâKRiB A» BURDIN BT 0^^, 4, RCB GABNIBR. 



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HISTOIRE 



LOUIS XII 



PAR 



M. DE MAULDE-LA-CLAYIÈRE 

h 

▲Kan SOOft-PKiFBT, 

AHaM iLftn OB L'iOOLB DBS CBASTIS, 

MBMOmB OOBBBirOIIOAlIT OB LA BOairt BOYALB OB LOMDBBS, 

BB l'aCADÉMIB BBS SOBIICBS B8 BOMOBIB, 

BB L*ACABiMIB BOYALB o'bISTOIBB BB MAOBIB, 

>B LA COMMISSIOH MYALS D'aitTOlBB KATIORALB DB TUBIN, BTC 

Le sage Loais XII, sa miliea de ces rob» 
S'élève comme on cèdre et lear donne dm lois. 
Ce roi, qu'à nos aïeui donna le Ciel propice, 
Sur son trOne avec lui fit asseoir la Justice. 

YOLTAIBB. 



PREMIËEIE PARTIE 

LOUIS D'ORLÉANS 



TOMB IIX 



OF THE », 

(( in"v.:\>.iTY ) 

PARIS 
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR 

28, RUE BONAPARTE, 28 
1891 



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CllAPlTllE XV. 



PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLE8 
(jANVlER-AOUT 1494). 



.Charles VIII et Ludovic Sforza semblaient pressés d e jouir 
et d'escompter leurs triomphes. Charles VIII passa tout le 
mois de janvier 1494 au Plessis-les-Tours, en fêles et en ban- 
quets; il émerveilla l'ambassade d'Espagne par la somptuosité 
d'un festin ^ ; il faisait faire à la reine des entrées solennelles 
dans les villes environnantes*. A Milan, Ludovic préparait sa 
grandeur future par le déploiement d*un luxe bien autrement 
magnifique. Le beau diplôme de donation à Béatrix d'Esté, 
du 28 janvier 1494, cette page exquise de miniature dont la 
possession enorgueillit si justement le Musée Britannique, 
demeure comme un des témoignages de son faste et de son 
goût Cependant on prenait des mesures pour le prin- 
temps. La garde royale et les pensionnaires devaient se 
trouver à Lyon à la mi-carême ', et Charles VIII n'attendait 
pour s'y rendre lui-même que la fin des négociations avec les 
ambassadeurs florentins, négociations qui continuaient labo- 
rieusement à Tours; Ludovic interdisait officiellement tout 
embauchage d'hommes ou de vaisseaux pour le compte de 
Naples*. 

1) Compte, dans le Porlef. Fontanieu 147-148. 

2) Délibération du conseil de Bourges,' 8 janvier (Arch. munie, de Bour- 
ges, A A. 34). 

3) Desjardins, p. 270 et s., 361. 

4) Cberrier, p. 382. 

m 1 



108939 

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2 HISTOIRE DE LOUIS XII 

A Naples aussi, après les obsèques exlrêmemeutsolcnuclles 
du feu roi, le couronnement du nouveau monarque Alphonse 
donna lieu à des fêles sans fin. L ambassadeur milanais ne 
manqua pas d'y figurer et en rendit compte à son gouverne- 
ment dans le plus minutieux détail'. Alphonse passait pour 
un homme emporté et fier: on s'aperçut bientôt d'un change- 
ment complet dans sa personne, la couronne le rendait mo- 
deste et souple. 

La nouvelle de la mort de Ferdinand ne parvint à Tours 
qu'au bout de sept jours. Charles VIII jeta un cri de joie; il 
considérait cet événement comme providentiel. A l'instant, 
le 8 février, il écrivit à Ludovic son intention de régler toutes 
ses affaires en quarante-huit heures, et de partir pour Lyon*, 
où il ne comptait même rester que cinq ou six jours •. A ses 
yeux, le concours des Florentins ne faisait plus de doute ; il 
l'affirmait du moins à l'ambassadeur de Milan. Une sorte 
d'illuminisme troublait sa vision nette des choses ; il déclara 
à M. de Bourbon, stupéfait, qu'il se sentait appelé par Dieu 
lui-même en Italie *. 

En effet, il se rendit sur-le-champ à Amboise *, d'où il 
annonça au royaume, par une brève proclamation, la mort 
de Ferdinand : il ajoutait qu'héritier légitime de Naples, ap- 
pelé sur ce trône par la voix des princes et des seigneurs napo- 
litains, il allait à Lyon réunir d'urgence « de bons et grans 
personnaiges », princes du sang, « prélatz, cappitaines, chefz 
de guerre, gens de nostre conseil, de nos parlemens et 

1) Mémoire de M. P. Magistretti, dans VArchivio st. lombardo, 1879, 
p. 685 et s. 

2) Arch. de Milan, Pot. Est. Francia, 1494-95. 

3) Id. Rapport, sans date, de Tambassadeur milanais. 

4) Desjardins, 361. 

5) Le Dauphin qui s'y trouvait venait d'être malade (Desjardins, 270). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGIfE DE NAPLES 3 

autres », afia de « prendre une bonne conclusion... pour le 
bien de nous et de nostre royaume. » C'était une simple noti- 
fication de volonté ; il n'en résultait aucune pensée de con- 
sulter la nation même sur l'opportunité d'une guerre*. En 
même temps que cette déclaration belliqueuse, partirent des 
ordres aux gens d'armes de se tenir prêts à marcher*. Il en 
résulta un ébranlement général; on vit tous les vagabonds du 
royaume prendre la route de l'Italie, si bien qu'il fallut, peu 
après, donner Tordre de les arrêter à la frontière des Alpes '. 
Dans son enthousiasme, Charles VIII s'étonna de ne rece- 
voir de Milan aucune réponse : de Rome, il lui parvint d'assez 
mauvaises nouvelles. Le bouillant jeune homme ne compre- 
nait rien à la circonspection, aux détours, à l'adresse de la 
diplomatie italienne : les atermoiements du pape l'irritèrent: 
il traita de haut le Saint-Siège. Dans les instructions qu'il 
remit à Amboise le 10 février aux ambassadeurs (l'évéque de 
Fréjus et M. de Saînt-Moris) envoyés à Rome, il prescrit de 
bien faire comprendre son absolue volonté d'aller attaquer les 
Turcs, et, si le pape résiste, de reprendre la suggestion d'une 
réforme de TÉglise, la menace d'un concile général; il recom- 
mande aussi de se rapprocher, sous Tégide de Ludovic, du car- 
dinal de Saint-Pierre-aux-Liens, Jules de la Rovère, alors re- 
tranché à Ostie et en état de rupture ouverte avec le pape. 
Charles VIII communiqua même ces instructions à Ludovic*. 
De ces maladresses, il résulta qu'Alexandre VI accueillit les 
ouvertures du nouveau roi de Naples et lui promit l'investi- 
ture. Le 8 mars, le roi de Naples se fit couronner en grand 



1) Lettre à la ville de Troyes, publiée par M. Stein, Annuaire-Bull, de 
la Soc. de l'Hist. de France, 1888, p. 206. 

2) Fr. 25717, 152. 

3) Ordre du 6 mars (Arch. de Milan). 

4) K. 1710 : Arch. de Milan. 



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4 HISTOIRE DE LOUIS XII 

apparat. En revanche, le pape envoya à Charles VU! la rose 
d'or, qu'il bénit le 9 mars *. 

Dans ces graves circonstances, Louis d'Orléans ne s'éloigna 
point du roi. Il passa à la cour le jour de Tan, s'ingéniant à 
plaire : il distribue des gratifications à toute la maison de la 
reine et du roi, même aux enfants de cuisine du Dauphin; et à 
carême prenant, il renouvelle ses générosités dans la cuisine 
royale. Il fait un cadeau à Bacquelebant, le « capitaine des 
galeries m d'Amboise ; il offre au favori du jour, le jeune Mio- 
lans, six poinçons de vin clairet de Blois. Il faut croire qu'il 
acquérait ainsi quelque influence, car l'ambassade d'Espagne 
lui offre, à lui-même, une mule. Louis ne quitta le roi qu'au 
moment du départ; il court alors régler sommairement ses 
affaires à Blois, oti, le 9 février, on le reçoit avec des démons- 
trations de tambourins et de ménestrels, à Orléans, où des 
aumônes de 20 livres aux Carmes, aux Jacobins, aux Augus- 
lins trahissent son souci de popularité. Pendant celte rapide 
absence, Louis se maintint encore en contact constant avec le 
roi, au point d'échanger des messages même la nuit*. 

A ce moment, nous remarquons aussi dans ses comptes un 
présent à une femme nommée Philippe du Four '. 

Cependant Ludovic Sforza, au lieu de répondre à l'en- 
thousiasme du roi, en semblait déconcerté : il se méfiait de 

i) Rapport de St. Taberna à Ludovic. Rome, 9 mars 1494 (Arch. de 
Milan). Le 11 mars 1494, Alexandre VI, par un bref spécial, annonça à Lu- 
dovic Sforza qu'il envoyait un ambassadeur à Charles VIII pour le supplier 
de renoncer à son expédition, qui troublerait toute l'Italie et arrêterait l'expédi- 
tion projetée contre les Turcs, avec tous les princes chrétiens. « Nous savons, 
ajoute le pape, que vous avez sur lui beaucoup d'influence. Nous vous prions 
instamment d'insister dans le mèmesens}^{Chme\jNotizenblatt, 1856, p. 423). 
Cf. Trinchera, Codice Aragonese, t. Il, p. ii, p. 421. 

2) TU. Orléans, XIII, 929, 930. 

3) A Orléans, il donna à Henri de Rohan, dit Guéménée, 30 livres pour 
se faire soigner d'une maladie : il donna 50 1. à Alof de Clèves pour motif 
semblable. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 5 

tant de légèreté et songeait avec souci qu'en attendant il 
allait se voir exposé aux coups de Naples, de Rome, peut- 
être de Florence. Il redoutait extrêmement le nouveau roi de 
Naples, avec lequel il se trouvait dans les plus mauvais rap- 
ports personnels, depuis le mariage de son neveu et dlsa- 
belle de Naples; car un moment Ludovic avait tenté de s'ap- 
proprier la fiancée : le vieux Ferdinand avait esquivé la diffi- 
culté avec une sage diplomatie ; mais Alphonse ne s'était pas 
cru obligé de taire ses appréciations: de là, un grand malaise 
dans les rapports, suivi d'une extrême froideur. Alphonse, en 
montant sur le trône, sentit, de son côté, la nécessité d'un rap- 
prochement. Il fit proposer à Ludovic son amitié. Le duc de 
Bari répondit avec empressement, et il poussa Tastuce jusqu'à 
offrir, séance tenante, au roi de Naples la formation d'une 
ligue avec Ferrare et Florence, contre les Français*; quant à 
lui, Ludovic, ses négociations avec la France n'avaient d'autre 
but, disait-il, que A' amuser Charles YIII et de détourrjer 
l'orage du Milanais. Il est bien possible, en effet, que, si le roi 
de Naples eût consenti à l'élévation personnelle de Ludovic au 
trône de Milan, Ludovic eût changé d'allures; deux ans plus 
tard, le 7 septembre 1496, devenu enfin duc de Milan, il disait 
avec un cynisme incroyable : « Je confesse avoir fait grand 
mal à l'Italie, mais je l'ai fait pour me maintenir là où je suis. 
J'en ai été fâché ; c'a été la faute du roi Ferdinand et des Vé- 
nitiens *. » Mais pas plus que Ferdinand, Alphonse ne pouvait 
satisfaire l'ambition de Ludovic. Ce vague rapprochement 
amena néanmoins une certaine hésitation chez le duc de Bari. 
Le pape, de son côlé, s'efforçait de créer des obstacles, ou tout 
au moins des relards, dans les projets de Charles VIII. Maxi- 
milien témoignait une mauvaise humeur non dissimulée ; là 

1) Cherrier, p. 382. Ludovic, écrit Ferdinand, e^ituUavia bon italiano 
(Trinchera, p. 325). 

2) Dépêches de Foscari, dans VArchivio storico italiano (p. 843). 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

iidovic devait prendre des précautions ; Ascagne le 
e rassurer Maximilien, de lui laisser comprendre 
parait un piège en Italie aux Français *. Bref, la si- 
ivenait de plus en plus obscure, 
vant aucune nouvelle, Charles VIII devint perplexe ; 
le presser les ambassadeurs florentins; il en vint 
se demander si la nouvelle de la mort du roi de 
lit vraie *. A la cour, on soupçonnait, sans oser le 
que nouvelle intrigue de Ludovic, et Taltitude dé- 
ée, désolée, de l'envoyé milanais nepouvait que for- 
3upçons. Pendant que l'ambassadeur écrivait à Milan 
lier le duc de Bari de prendre une situation plus 
le donner de ses nouvelles ', le roi, revenu de sa pré- 
première, s'arrêtait à Moulins, d'oii il adressa aux 
franco, le 27 février, très probablement sur les con- 
[. et M™* de Bourbon, une proclamation bien diiïé- 
1 première : il demandait, cette fois, à chaque ville, 
à Lyon « ung bon personnaige » pour recevoir ses 
lations et les rapporter *. 

'Orléans escortait le roi et la reine. A Bourges, les 
s de la ville lui donnèrent une aubade ; à Moulins, 
t à toutes les réceptions et reçut le plus honorable 
e duc de Bourbon commanda aux halles de Moulins 
t de trompettes et de ménestrels en son honneur, 
lait une magnifique robe de velours cramoisi, con- 
s à Blois pour son voyage. Il donna audience à un 
ets d'Asti, Denis de Baudrie, de Cherasco, qui lui 
rs produits italiens, vin, oranges, olives... \ 

rde. 

celte étrange question aux ambassadeurs florentins le 24 février 
277). 

à Troyes, publiée par M. Stein* 
léans, XIII, 929, 930. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 7 

Il suivit à Lyon le roi et la reine, qui y firent leur entrée 
avec un extrême apparat. Dans un moment où Targent était 
si rare et si précieux, cette cérémonie coûta 3,500 livres, que 
le roi dut payer par acomptes*. Mais quel brillant cortège, que 
de robes d*or et de diamants étincelants* I Le roi, qui savait 
ses projets fort impopulaires et qui ne voulait consulter per- 
sonne, cherchait à en imposer' par le spectacle de sa grandeur. 
Il affectait aussi d'avoir à la bouche le mot de croisade pour 
soulever les restes du vieil esprit chevaleresque et chrétien ; 
le 14 mars, il demanda officiellement au pape de faire venir le 
grand maître de Rhodes pour le consulter*. Il espérait trouver 
un appui au moins dans la noblesse; il alla jusqu'à donner à 
la comtesse de Dunois, veuve, comme on sait, 5,000 livres pour 
qu'elle vînt à Lyon*, et le duc d'Orléans lui avança aussi 
2,000 livres sur la gabelle de Châteaudun pour l'aider à faire 
figure*. Le 17 mars, le chancelier réunit la noblesse, et fit en- 
tendre quelques grandes phrases; il parla d'honneur, de pa- 
trie, de l'opprobre qui couvrirait le roi s'il renonçait à l'héri- 
tage de Naples. Les députés des villes ne se réunirent que le 
7 avril, et de suite manifestèrent des sentiments fort peu sym- 
pathiques. A l'audience royale, les députés de Paris risquèrent 
quelques observations; le roi refusa de rien entendre et les 
congédia en déclarant qu'il voulait un appui et non des con- 



1) Porter. Fontanieu, 147-148. 

2) D'après Fontanieu, qui dit avoir vu une quittance originale, la parure 
de la reine aurait coûté 8,000 écus (fr. 13760), Cependant, Charles VIII avait 
donné à Anne de fort beaux bijoux, li existe un ordre de lui, en 1491, d'a- 
voir à trouver n'importe où 7,000 1. pour payer un diamant qui plaît à la 
reine (fr. 15538, n" 208). 

3) Rapport de Belgiojoso, du 6 marp, cité par Delaborde. 

4) K. 1710. 

5) Fr. 20379, p. l/ii. 

6) Tit. Orléans, XIII, 930» 



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8 HISTOIRE DE LOUIS XII 

seils *. Piqués de cet accueil, les Parisiens déclarèrent se re- 
fuser à aucun concours pécuniaire, et, dans une réunion plé- 
nière, tous les délégués des villes résolurent, puisqu'on ne 
demandait point leur avis, de se borner à entendre les décla- 
rations du gouvernement. Ainsi fut fait. Le 7, en présence 
du roi, le 8, en séance privée, Adam Fumée exposa les plans 
du roi, insista sur leur nécessité, et ne souleva aucune question 
d'argent : ensuite, les députés s'en allèrent'. 

Le roi crut devoir répandre dans le royaume dès lettres où 
il se disait appelé par le pape contre les infidèles, où il parlait 
de son accord avec le roi des Romains'. Néanmoins, on signa- 
lait les démarches pressantes des envoyés napolitains en Al- 
lemagne et en Angleterre pour une coalition et, quelques jours 
plus tard, le pape lut en consistoire un bref, où, tout en louant 
convenablement les projets de croisade, il déconseillait avec 
fermeté toute entreprise sur Naples*. 

Aussi, malgré l'obéissance du royaume, le mécontentement, 
si vif à la cour, éclata jusque dans le peuple sous forme de 
chants populaires. Un de ces chants, dialogué, exhorte iro- 
niquement les Français à se couvrir de gloire : « On sçait assez, 
à Paris et à Sens, — Vostre valleur ; quérez autre adventure ! » 
Mais le chanteur répond, en préférant « paix certaine que vic- 
toire espérée «MJne figure de rhétorique bien commune à cette 

1) Anx. Ferron. 

2) Champollion, Documents inédits, II, 477. 

3) Lettre du 11 avril, au parlement de Bordeaux ; fr. 25717, 15':. 

4) Hosmini, Vie de J.-/. Trivuke, II, 200, 201. 

5) Fr. 1721, ff. 1,1 v<». Voici encore un de ces chants : 

Rondeau dudit voyaye (id., f. 2.)] 
« SainctjMalo, d'Urphé et Beaucaire, 
Ne vous fera l'on jamais taire, 
De Naples guyder le voyage, 
Que le grant dyable ou malle rage 
Vous puisse les bouches retraire ! 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 9 

époque, évocation discrète des États généraux, c'est la mise 
en scène d'Éfflise, Noblesse et Labeur ; iàns une chanson inti- 
tulée Complainte de France, toutes trois déplorent le départ 
de Charles VIII*. 

En Italie et en Allemagne, le roi n'obtint pas plus de succès. 
Ses envoyés extraordinaires, l'archevêque de Sens Tristan 
de Salazart, et Louis de la Trémoïlle, reçurent de Maximilien à 
Munich un accueil assez froid ; Maximilien déclara qu'il partait 
pour Spire et qu'il préférerait négocier avec le prince d'O- 
range*. Des envoyés français se rendirent aussi dans toutes les 
cours italiennes, pour exposer les droits de leur maître sur 
Naples, et à Rome, pour protester contre l'investiture d'Al- 
phonse. Le 7 février, Charles VIII avait adressé à Milan son 
valet de chambre Thiercelin, pour mander le commandant en 
chef des troupes milanaises, Galéas de San Severino, mari 
d'une bâtarde de Ludovic', avec lequel il voulait combiner ses 
plans et son action*. Galéas n arrivait pas et Ludovic se bor- 

Assez sçavez qu'il est contraire 
Au Royaume; mais, pour actraire 
Le chappeau, vous guydez Taflaire, 
Sainct Malo ! 

« Bourgeois, marchans, vueillez retraire 
Le fol conseil, quant chascun braire 
Voyez de vous a forcenage. 
On vous mettra, pardieu, en cage. 
En la Barbarye ou au Caire, 
Sainct Malo ! » 

1) Montaiglon et Rothschild, Anciennes poésies.,,, VIII, 74. 

2) Rapport sans date (Arch. de Milan). 

3) Galéas de San Severino, originaire de Naples, de la famille des princes 
de Bisignano, qui se rattachait à une antique famille française venue en 
Italie avec la maison d'Anjou, entra au service de Ludovic et se fit bien 
venir de lui en Taidant dans ses entreprises contre le duc Galéas. Depuis 
son mariage, il était devenu le principal personnage du gouvernement 
milanais, comme Pavait été aussi son père Robert de Sbn Severino. 

4) Arch. de Milan. 




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10 HISTOIEB DE LOUIS XII 

naît, pour la forme, à enrôler quelques mercenaires lombards *. 
A Lyon même, rien n'avançait; on manquait d'argent; les 
ambassades avaient de la peine à partir *. Le roi, fort inexpé* 
rimenté en matière d'administration, croyait tout organiser 
en donnant quelques ordres brefs ; il annonçait toujours son 
entrée en Italie vers la fin de mai, fût-ce, disait-il, seulement 
avec trois courtauts^. On le laissait s'agiter, sans s'empresser 
à le servir. Mais on déplorait de le voir rompre avec les Flo- 
rentins, les seuls alliés fidèles et traditionnels delà France en 
Italie; Louis d'Orléans, M. de Bourbon, le sage Louis d'Am* 
boise, Georges d'Amboise exprimaient ouvertement leurs re- 
grets à cet égard*. C'était là pour eux le côté le plus grave 
lie la situation ; car le roi, tout en présidant sans cesse des 
joutes, des tournois, des combats à* la barrière^, semblait 
réellement plus en voie de se divertir que de préparer sérieu- 
sement une expédition dangereuse. Louis d'Orléans devait 
naturellement prendre sa part des plaisirs; il fit venir de 
Blois son orchestre de onze chantres et « sa tapisserie » *; il 
organisa un grand tournoi avec des tentes spéciales pour les 
combattants \ Le ducdeFerrare lui envoie deux lasniers* ; le 

1) 13 mars (Arch. de Milan). 

2) L'ambassadeur milanais écrit, le 29 mars, que Stuart d'Aubigny et 
Perron de Baschi viennent de partir, avec la mission de se rendre près de 
Ludovic, puis à Rome. Le général des finances doit les suivre « avec grand 
argent » pour solder des troupes italiennes. — Le 30, il écrit que le général 
demande deux jours de répit, pour partir le lundi de Pâques ; mais, sur la 
nouvelle de Taccord du pape avec Ferdinand, on lui ordonne de partir de 
suite... (Arch. de Milan). 

3) Delaborde ; Desjardins, 293. 

4) Desjardins, 279, 281. 

5) Chronique de Benoist Mailliard, publ. par M. G. Guigue (1883). 

6) Tit. Orléans, XIII, 930. Leur voyage coula 110 écus d'or (192 liv. 
10 sous). 

7) Tit. Orléans, XIV, 932. 

8) Tit. Pons, 32 (24 mars). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES il 

prince d'Orange lui fait donner une sérénade de luths. Mais 
quand on lui parle de Texpédilion de Naples, il répond, en sou- 
riant, que c'est une idée chevaleresque*. 

Comment la prendre au sérieux, cetteidée, quand on voyait le 
roi passer ses journées à table, ses nuits en débauches, nouer 
des intrigues galantes, se livrer sans frein, malgré la présence 
de la reine, aux amours les plus vulgaires? Commines accuse 
Louis d'Orléans, « homme jeune et beau personnage, mais 
homme de plaisir », d'avoir participé aux folies amoureuses 
du roi; aucun indice ne corrobore cette accusation. Arnold le 
Ferron assure, avec plus de vraisemblance, que le roi trouva 
pour architectes de ses plaisirs, pour émissaires, des courti- 
sans de haut parage; parmi eux, Sanudo cite nommément 
M. de Clérieux, auquel il attribue une plaisante ambassade 
près d'une fille du peuple dont s'éprit le roi. Clérieux était à 
la fois fin courtisan et bon calculateur; tout compte fait, il 
préférait pour la France et pour le roi les aventures galantes 
aux aventures tragiques : c'était sa manière de servir le roi 
de Naples. Lyon s'enorgueillissait d'un tel spectacle; dans 
une sorte de ballade, qui courut alors, La Réfomiation des 
dames de Parvi, faictepar les Lyonnoises^ on voit les dames 
lyonnaises déborder de fierté, vanter leurs joutes et leurs 
tournois, se moquer de Paris délaissé; les dames de Paris ré- 
pliquent par une moquerie des plaisirs des Lyonnaises, en 
termes fort cyniques*. 

Pendant ce temps, on suspendait les pensions pour six 
mois, on imposait aux provinces des prêts, on établissait, au 
nom du roi, de nouvelles aides : le roi et les hommes d'État 

1) D'après Fontanieu (Histoire manuscrite), Charles VIII, dès le mois de 
décembre, avait invité à des tournois à Lyon, pour le printemps, l'archiduc 
el d'autres princes. Le 16 avril, il en renouvela l'avis au roi d'Angleterre. 

2j Montaiglon et Rothsehild, VIII, 244, 253. 



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12 HISTOIRE DE LOUIS XII 

OU de guerre encore au nid^ comme dit Amelot de la Hous- 
saye, dont il pouvait prendre conseil, s'imaginaient trouver des 
trésors en Italie; encore fallait-il de l'argent pour parlir. L'ar- 
mement s'opérait avec une lenteur extrême; au milieu d'avril, 
on attendait toujours les gens d'armes de Normandie et de Pi- 
cardie : le bailli de Dijon s'occupa d'enrôler des Suisses. Outre 
les cinq cents hommes italiens que Ludovic devait fournir, on 
le chargea d'en enrôler autant pour le compte de la France. 
L'apparition de la peste en Provence empêchait de ce côté 
tout effort maritime : à Gênes, on avait donné ordre de cons- 
truire vingt-cinq galères. 

Impatienté de tant de désordres et de retards, le roi s'en 
prit au vieux maréchal des Querdes, et lui fit une scène telle- 
ment violente, que le brave vieillard, depuis longtemps dé- 
goûté de tout ce qu'il voyait, mourut peu de jours après, le 
22 avril, d'une attaque d'apoplexie. 

Louis d'Orléans tenait à honneur d'être absolument prêt. Il 
profitait de sa prospérité financière (car les États de Norman- 
die lui avaient voté, l'année précédente, 14,000 livres en sus 
des 44,000 livres de ses pensions*) pour liquider définitivement 
toutes les vieilles dettes, bien établir sa situation et préparer 
l'avenir. Pendant son séjour à Lyon, ilremboursa 16,000 livres 
au prince d'Orange, et dégagea le domaine de la Ferté-Milon" : 
il régla à Nantes et à Rennes des restes de comptes de laguerre 
de Bretagne avec le trésorier Becdelièvre, et fit revenir ses 
coffres de chambre, d'office, et de chapelle, qui étaient de- 
meurés à Nantes ; il achève de rembourser une dette de 400 
écus au couvent de Bourg-Moyen; il verse 2,000 livres à la 
veuve du conseiller Louis Ruzé, 100 à la veuve de Jean Hu- 

1) Comptes de trésorerie, janvier-mars 1494 n, st., avril-juin 1494 (Tit, 
Orléans, XIÎÎ et XIV, 929-933). Nous en extrayons les détails qui suivent. 

2) TU, Orléans, 932, 934.- 



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PBÉPARATIFS DB LA CAMPAG^rE DE NAPLiS 13 

rault, 120 à son secrélaire Jean de Vaux, 32 à un marchand 
de vin de Nantes. En même temps, il se mettait activement 
en mesure de partir. Un chariot spécial lui apporta son harnais 
de guerre, œuvre de l'armurier Louis Merveille de Tours, mais 
accoutré et habillé k Paris \ Son train personnel Tavait suivi ; 
les archers de sa garde, depuis le mois de janvier, n'atten- 
daient à Blois que le signal du départ ; de Moulins, le duc avait 
envoyé un exprès porter Tordre de les équiper à neuf. Dans 
les premiers jours de mars, il fait acheter à Beaune, à Dijon, 
à Chalon, une provision de vin; il expédie ses armures à Asti^ 
sous la conduite d'un certain Georget de Calicaris. A la fin de 
mars, ses trésoriers, Malhurin Gaillart et Vigneron, arrivèrent 
en bateau, avec 5,000 livres d'argenterie ou de numéraire tiré 
de la recette d'Orléans. Le duc fit aussi écrire au trésorier de 
Blois et même à sa femme de lui envoyer tout l'argent dispo- 
nible. Son conseiller, Georges d'Amboise, d'abord resté à 
Rouen, son capitaine Robinet de Framezelles, vinrent le re- 
joindre sur son ordre. Il envoya chercher jusque dans sa mai- 
son Jean de Louan, l'ancien compagnon de la guerre de Bre- 
tagne. 

Enfin, le 15 avril, sur la mise en demeure de Du Bouchage, 
qui allait à Milan négocier un bizarre projet d'entrevue entre 
Charles VIII et l'Empereur ', Galéas de San Severino arriva. 
Il rencontra aux environs de Lyon Tévêque de Saint-Malo et 
Etienne de Vesc; sa première préoccupation fut de régler avec 
eux les détails du cérémonial de son entrée. Charles VIII no 

1) Georges d'Auxy lui fournit un cheval coureur^ de 30 écus d'or, le 28 
avril {TU, Auxy, 26). 

2) Du Bouchage, envoyé à Ludovic avec des lettres de créance du 10 avril 
(Arch. de Milan), devait représenter Charles VIII à Milan pendant la période 
des préparatifs. Il avait aussi l'ordre de traiter les affaires de Ceva dont 
nous parlerons plus loin. On le tenait au courant de tous les incidents des 
préparatifs. 



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44 HISTOIRE DE LOUIS XII 

lui garda pas rancune d'une si longue attente ; au contraire, le 
46 avril, San Severino fut reçu avec un apparat sans exemple 
et des honneurs extraordinaires. II trouva, à la porte de la 
ville, les comtes de Foix, de Ligny, de Nevers, le prince de 
Salerne, le maréchal de Bourgogne, et les autres grands sei- 
gneurs, les cent gentilshommes de la garde du roi, et un large 
déploiement d*archers. Au milieu de cette pompe militaire, il 
se rendit directement au logis du roi, conformément à Téli- 
qnetlc réservée jusque-là aux deux premiers princes du sang. 
Le roi, placé entre les ducs d'Orléans et de Bourbon, lui fit 
l'accueil le plus solennel, le plus cordial, et voulut lui-même 
le mener chez la reine». Dès le premier jour, une intimité 
véritable s'établit entre le souverain et l'ambassadeur. San 
Severino devint le vrai premier ministre de la France ; le con- 
seil du roi se tenait chez lui. Charles VIII, qui se voyait déjà 
par la pensée sur le trône du Grand Turc, s'était constitué un 
véritable harem ; pour mieux montrer son amitié à Galéas, il 
l'y introduisit, et là, prenant par la main avec une grâce toute 
orientale l'une des jeunes filles, il l'offrit à l'ambassadeur, 
puis on s'accorda, de part et d'autre, deux heures à*ébaUement. 
Galéas ne put offrir au roi que des chevaux, des armures, des 
parfums, cadeaux fort agréables au prince, qui, du reste, raf- 
folait de parfums et aimait à couvrir son lit de roses*. Chaque 
jour, Galéas adressait à son beau-père Ludovic un rapport 
délaiilé sur les amitiés du roi, sur les travaux avec Saînt- 
Malo et Vesc. 11 accompagna le roi dans une excursion en 
Dauphiné, et revint avec lui à Lyon*. 

Naturellement le duc d'Orléans se trouva tout à fait mis à 
l'écart. San Severino, dans ses rapports, semble ignorer même 

1) Rapport de S. Severino, 16 avril (Arch. de Milan). 

2) Delaborde. 

3) Arch. de Milan, Pot. Est., Francia, 1494-95. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 15 

son existence. Ofiiciellement, il se comporta envers le prince 
avec la courtoisie d*un diplomate italien de bonne école. Il lui 
offrit de magnifiques présents, robes, senteurs, fromages de 
Lombardie, un cheval, divers accoutrements kld^, mode dllalie, 
pavois, lances, brigandines, salades, grand couteau turquin^ etc. 
Il envoya les neuf trompettes de l'ambassade, son trompette 
personnel, son joueur de souplesses, sonner, jouer devant le 

duc *. Louis continua sa vie joyeuse de promenades, de 

chasses, de tournois 

Ludovic, pourtant, ne prenait pas la peine de dissimuler 
son hostilité envers le duc d'Orléans. Au milieu des désordres 
chroniques qui se produisaient dans le marquisat de Ceva, 
Tun des marquis, Rolandin de Ceva, co-seigneur de Saint-Mi- 
chel, violemment expulsé, recourut à Tadministration d'Asti. 
Ludovic se hâta de prendre parti pour Texpulseur, André de 
Ceva de Castellain, et ses gens « troublèrent » Faffaire « hors 
de toute raison ». Cet ennuyeux incident préoccupait Louis 
d^Orléans depuis le mois de mars; Louis avait dû, à ce propos, 
échanger force messages avec ses gens d'Asti, mander même 
Hector de Montenart à Lyon'; il avait pressé aussi l'envoi de 
Du Bouchage à Milan. Dès qu'il apprit l'arrivée de San Seve- 
rino, il voulut tenter le premier un essai d'entente. Avant 
même l'entrée de l'ambassadeur, il se porta à sa rencontre 
hors de Lyon, et lui exposa longuement l'affaire, en le priant 
d'intervenir pour arrêter les intrigues des gens de Ludovic. 
San Severino répondit d'un ton rogue et vague : « Il n'y avait 
pas d'intrigues, on connaissait la prudence de son maître ; 
tout cela n'était qn imaginations de Montenart, qu'effet de sa 
haine ou de ses intérêts; plus tard, lors de son retour en Lom- 



1) Vit. Orléans, XIV, 932. 

2) Tit. Orléans, 930, 932. 



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46 HISTOIRE DE LOUIS XII 

bardie, il verrait à s*en occuper. » Louis d'Orléans demeura 
calme et répliqua doucement que, prêt à bien faire son devoir 
pour servir le roi et répondre aux menaces de Naples, honoré 
du commandement de Farmée de mer dans une entreprise à 
laquelle Ludovic attachait tant de prix, il comptait, en re- 
vanche, trouver dans Ludovic « un bon frère et parent ». Il 
développa cette pensée longuement, d'un ton cordial. SanSe- 
verino se borna à répondre que Sa Seigneurie savait recon- 
naître les procédés de ses amis. Puis la conversation continua 
sur des banalités d'occasion. Louis raconta à l'ambassadeur 
que le roi Charles voulait combatlrc Alphonse corps à corps 
et venait de commander dans ce but un équipement de com- 
battant à pied*. 

Louis d'Orléans se tint donc sur la réserve. Selon la rumeur 
publique, il devait commander la cavalerie*. 

Il aurait, quant à lui, préféré simplement rester à Asti, avec 
sa compagnie de cent lances; il croyait peu au succès de l'ex- 
pédition, il croyait encore moins à la bonne foi de Ludovic, 
et toute son ambition était de demeurer en arrière, pour agir 
ensuite selon les événements. Malbeureusement, ce plan ne 
plaisait pas à Ludovic, et dès la fin de mars, il avait été dé- 
finitivement écarté : le roi décida, au contraire, d'éloigner 
son cousin du Milanais, en lui donnant le commandement 
de la flotte, avec le titre de lieutenant-général. Nous nous 

1) Dépêche du i8. avril (Arch. de Milan). 

2) Desanplio apparaius bellicif publié par doms Martène et Durand (Voyage 
litléraire). Il courait d'ailleurs les bruits les plus invraisemblables. Un 
moine lyonnais de cette époque, B. Mailliard, a laissé un journal (publié 
par M. J, Guigue), plein d'erreurs, qui évalue l'arraée française à cent mille 
hommes, et porte, pour la flotte, vingt-quatre grands navires, huit cents 
grandes galéasses, onze cents caraques, deux mille vingt-six galères de 
course, quatre cent soixante-neuf galéasses ou brigandins, et d'innombrables 
barques 1 etc. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 17 

bornerons donc à rendre compte ici de Torganisation de l'ex- 
pédition maritime, et nous ne pouvons que renvoyer à Tou- 
vrage de M. Dclaborde le lecteur qui serait curieux de savoir 
comment l'énergique impulsion de San Severino put arriver 
enfin à organiser une expédition, à laquelle personne n'ajou- 
tait foi. 

D*aprës le plan de campagne, l'expédition maritime devait 
être la partie capitale, et Ton prenait Gênes pour quartier gé- 
néral*. Gênes, rivale de Venise, pouvait seule fourni rie point 
d'appui nécessaire* : place de banque de premier ordre, grand 
entrepôt d'approvisionnements, ses quais, son môle, son phare 
assuraient à son port une commodité, une sûreté uniques ; ni 
le port commercial de Marseille, ni le port militaire de la Cio- 
tat n'entraient en comparaison. Autour même de Gênes, on 
trouvait, comme autant de satellites, une suite de petits ports 
où des navires pouvaient sinon entrer, du moins s'abriter, et 
où Ton avait à enrôler toute une population maritime et beau- 
coup de barques : Savone même possédait un port fort bon et 
fort beau'. Ajoutons que Charles VIII ne pouvait hésiter à 
choisir Gênes, puisqu'il comptait sur Milan et sur Asti comme 
base d'opérations; d'ailleurs, il se faisait bien des illusions sur 
les sympathies des Génois pour la France. 

Gênes se remettait à peine de deux rudes épreuves^ — un 
hiver tel que, dit-on, les bords de la mer gelaient; une peste 
épouvantable qui amena une désertion complète de la ville, 
où il ne resta que trois cents hommes de garde, — lorsqu'à la 



1) Commines, édition Dupont, III, 463 (Lettre de Saint-Malo). 

2) « Les Genevois se disent portiers des Itales; aussi sont ils, car quicon- 
que, soit seigneur de Gènes, malgré tout le monde aura son entrée dedans 
le pays » (Jean d'Aulon). 

3) Le Livre du compas (li99), fr. 25376 : Description de$]côtesetjles de la 
MédUerranée, fr. 2794 : Traité de Germain Sorin, fr. 2132. 

)ii 2 



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18 HISTOIRE DE LOUIS XII 

fin do l'année 1493, elle reçut la visile d'un Marseillais nommé 
Rinaldo, chargé par Charles VIII d'étudier ses ressources*. 

On estimait la flotte nécessaire à cinquante galères, vingt- 
quatre gros navires et douze galions. Ludovic en fournissant 
douze et le roi ne comptant en mettre en ligne que huit, deux 
de Normandie et six de Marseille, il fallait en construire ou 
en uoliser trente. Ludovic fournissait quatre navires; on 
pouvait en armer sept en Normandie ou en Bretagne, six 
à Marseille et six caraques à Gènes : il restait à trouver sept 
navires et six galiotes*. L'agent du roi parcourut conscien- 
cieusement les côtes et les ports en Provence, comme sur la 
Rivière. 

Au commencement de 1494, la flotte milanaise, forte de douze 
galères et de quatre navires, rallia Gènes; aucune mesure finan- 
cière n'étant prise, Ludovic dut ouvrir le crédit nécessaire à sa 
subsistance*, et le conseil de Gènes élut une commission mu- 
nicipale de quatre membres pour veiller à Tordre public et aux 
vivres*. Un navire, la Negronne^ arriva à Gênes tout désem- 
paré : cet incident, si élémentaire^ fit comprendre lanécessité 
d'ouvrir un chantier spécial de radoubage. Le roi expédia 
aussi au marquis do Rothelin, gouverneur de Provence, les 
instructions les plus formelles pour aider aux préparatifs mi- 
litaires : une ordonnance interdit en Provence l'exportation 
des bois propres à la construction navale, et le roi demanda 
même au duc de Savoie de prendre une mesure analogue pour 
le comté de Nice ^. Ainsi, depuis trois mois passés, on s'agitait 
à Gênes et sur la côte, et pourtant rien n'avançait, faute d'ar- 

1) Ag. Giustiniano. 

2) Delaborde, p. 327. 

3) Giusliniano : Senarega. 

4) Arch. de Gênes, Diversorum, X, t081: 150, 645, 

5) Commines, édition Dupont, II, 446. 



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PRÉPARATIFS DK LA CAMPAGNE DE NAPLES 19 

genl. C'est Je 28 mars seulement que Belgiojoso put annoncer 
à Ludovic l'envoi de Godefroy Travers, porteur do 23,000 écus 
pour les constructions et nolis, et Tenvoi d'une somme pa- 
reille en Provence, ainsi que Toxpédilion des ordres néces- 
saires pour faire prendre la mer aux galères disponibles de 
Marseille et de Normandie*. 

On ne se mit à Tœuvre qu'au commencement d'avril :il fal- 
lait bien du temps pour faire doubler Gibraltar par l'escadre 
de Rouen, composée de la Loyse^ vaisseau amiral de Louis de 
Graville», la Nef de Rouen et autres vaisseaux de haut bord. 
A Gènes même, on ne pouvait pas improviser une flotte; il ne 
sufQsait pas de la construire, encore fallait-il l'équiper. Les 
équipages normands étaient assez difficiles pour la subsistance ; 
on leur devait du cidre ou de la bière, du beurre, du lard, des 
harengs» du bois, du suif; pour les Provençaux, les provisions 
du pays suffisaient, mais on calculait qu'il fallait, par galère 
et par mois, 420 quintaux de biscuit, 6 de viande salée et au- 
tant de riz, 10 de fromage, 7 bottes do vin, 20 émines de fèves, 
12 barils de sardines ou d'anchois, de l'huile, du vinaigre, des 
oignons» des épices^ des chandelles, etc. Il y.avait aussi à en- 
rôler le personnel des galères et à fournir rartillerie.Uno galère 
« de bonne voille », en Provence, comportait cent quatre-vingt- 
cinq personnes d'équipage, c'est-à-dire le capitaine, huit offi- 
ciers, unbarbier-médecinet son aide, un cuisinier, seize marins 
pour la manœuvre, au moins huit hommes de guerre, un 
maître arbalétrier, quatre canonniers et cent quarante-quatre 
galiots pour tirer la rom^ /comme artillerie, un canon, six cou- 
levrines de divers calibres, cinquante hacquebutes^ cinquante 



1) Vienne, 28 mars (Arch. de Milan). 

2) Perret, 2Vot. ^iog,8UT±, Malet de GravUle, p. 138. Cf. Jean d'Aulon, 
tome II. 



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20 HISTOIRE DE LOUIS XII 

arbalètes, cent halecrets ou brigandines garnies^ avec des pro- 
visions de poudre, de boulets, etc.*. En se mettant à Tœuvre 
au commencement d'avril, on ne pouvait pas songer évidem- 
ment à marcher vers la fin de mai, comme le voulait le roi. 

Galéas de San Severino, dès son arrivée à Lyon, s'attacha 
surtout aux affaires de Gênes. Le 18 avril, il reçut Baptistin 
Campofregoso, qui venait apporter les protestations de dé- 
vouement des Génois*, et, le 23 avril, il écrivait à Ludovic 
que, pour le passage de l'armée par le Piémont, Saluées, Asti 
et le Montferrat, toutes les mesures (d'ailleurs très faciles) 
étaient prises, mais qu'il hâtait l'expédition à Gènes, par le 
Rhône, des provisions de poudre qui se trouvaient à Lyon. 
Conformément à la politique de Ludovic, il poussait le roi à 
prendre la voie de mer, sous prétexte que la présence de la 
cour à l'armée de terre compliquerait Tapprovisionnement, et 
le roi semblait goûter l'avis ^ 

Il devenait urgent de se hâter pour dégager à tout prix le 
cardinal de la Rovère, que le pape serrait de près à Oslie, et se 
garder ainsi la porte ouverte sur Rome. Le roi, se croyant tou- 
jours prêt pour la fin de mai, se fit dès lors ouvrir, à la banque 
Sauli de Gênes, un compte de 200,000 ducats, en traites sur 
Milan et Rome. Mais àLyon on savait bien, en toutcas, que, sur 
les cinquante galères prévues, douze qu'on venait de donner 
à construire à Toulon ne seraient pas prêtes, non plus que la 
galère spécialement préparée pour le roi. Chose bizarre : on 
tenait le duc d'Orléans strictement à l'écart des préparatifs faits 
pour son armée. Le 24 avril, le conseil, « per dare reputacione 
alaimpresa», décida d'envoyer à Gènes deux cousins du roi, les 

1) Les faits de la marine y par Ant. de Conflans (fc. 742). 

2) 18 avril (Arch. de Milan). 

3) Arch. de Milan. Toutes les pièces citées ci-après sont tirées, sauf indi- 
cation contraire, des Archives de Milan, Potenze estere, Francia^ 1494-95. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 21 

comtes de Foîx el de Guise (d'Armagnac), qui devaient em- 
mener avec eux le grand écuyerd'Urfé, chargé de commander 
tous les préparatifs*; le sire de Beaumont, capitaine, pour le 
commandement militaire *, et un trésorier pour les paiements 

i) Pierre d*Urfé était un ancien chambeilaa de Bretagne, chargé en 1465 
du paiement des gens de guerre. Nous avons vu (tome II, p. 89) dans 
quelles conditions, après avoir servi les ducs de Bourgogne et de Bretagne, 
il devint chambellan, grand écuyer, maître de la grande écurie du roi, séné- 
chal de Beaucaire et Nîmes, châtelain de Gallargues {TU, Urfé, n»» 2, 6, 7, 8 
et s.). Il reçut, en 1486, une gratîBcation de 1,200 1. convertie en une pension 
égale, que le roi éleva à 2,000 1. en 1492, et, en 1494, une compagnie de 
quarante lances (id,t n" 16 à 23. Cf. Commines, édition Dupont). 

D'Urfé avait déjà été envoyé en Piémont au mois de février (Desjardins, 
276). 

2) Jean de Polignac, écuyer, seigneur de Beaumont, près Clermont-Fer- 
rand, et de Bandan ; il avait épousé Jeanne de Chambes,dont Commines avait 
épousé la sœur. Hélène de Chambes (Commines, édition Dupont, II, 446). 
Son frère cadet, Élie de Polignac, était entré au service du comte d'Angou- 
léme et devint seigneur de Fléac, en Angoumois (Cabinet des titres, Poli- 
gnac) : l'une des filles d'Élie était la maîtresse officielle du comte d'Angoulôme 
et la directrice de sa maison ; nous aurons à en reparler. Élie de Polignac 
fut un des deux témoins de Tinventaire des meubles du château de Cognac 
en 1496, dont il sera question au chapitre xxii. *- Quant à Jean, nous le 
trouvons, dès les premiers temps du règne de Charles VIII, en 1483, grati- 
fié du privilège de deux foires pour sa terre de Randan (J J 213, 74 ; 214, 
39). Les patentes déclarent que Jean de Polignac, écuyer, seigneur de 
Randan, au pays d'Auvergne, « entre ses autres terres el seigneuries, est 
seigneur hault justicier, bas et moien, du lieu, terre et seigneurie dudit Ran- 
dans, ouquel lieu a ung beau bourg et villaige, assis en beau pais, bon et 
fertil, qui d'ancienneté, souloitestrebien peuplé et habité, mais, a Toccasion 
des guerres et divisions et morlalitez qui ont esté oudit pais, iiz ont esté fort 
apouvriz et inhabitez, tellement que, de présent il y a peu d'abitans demou- 
rans... » Elles sont contresignées : « Par le roy en son conseil, ouquel estoient 
Monseigneur le duc d*Orleans, les contes de Clermont, d'Alebret et de Du- 
nois, les evesques d*Alby et de Constances, le mareschal de Marie (le maré- 
chal de Gié, alors comte de Marie), les sires de Torcy, de Richebourt, de 
Comminge,de Vaten, et autres presens. » On remarque parmi ces signatures, 
celles du parti d'Orléans. En 1487, au coup de main de Gié et de des 
Querdes devant Béth une, la bouillante ardeur de Polignac le mit au premier 
rang: il fut le premier à donner sur l'ennemi. D'Urfé se distingua aussi à 
cette affaire (Jaligny). 



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HlSTOimS DK L0C1S XH 

dcnumdailf en même temps, à Lodovic, an pcrsonnag^c 
mente, qui pût guider cet état-m^or. 
28 avril, San Severino déclarait à Ludovic connaître 
a situation des armements marilimes. Tout compte fait, 
ait pouvoir annoncer qu'aux douze galères milanaises 
idraient vingt-cinq françaises, c'es(-à -dire qualre qu'on 
Q construction à Beaucaire, douze qu'on venait de metlrc 
chantier à Gènes. Il devait y en avoir six disponibles à 
lie et deux à Rouen, et Tordre de se rendre à Gènes, 
nnoncé depuis un mois et resté dans les bureaux, allait 
arlir. San Severino, du reste, se récriait. Que faire avec 
rcos si insuffisantes? Saint-Halo, de qui il tenait ces 
, partageait son avis, et ajoutait même que les galères 
es ne pourraient certainement pas prendre la mer avant 
lin. Saint-Halo disait avoir sollicité et obtenu la mise en 
ir des douze galères de Toulon, mais il trouvait des 
lictions et ne pouvait indiquer une date, même ap- 
ative, pour leur achèvement. En tout cas, on allait faire 
dès le lendemain 29 avril, la commission de Gènes, 
î l'argent. Par un autre message du même jour, San 
10 confirme encore cette dernière nouvelle et Tordre 
du roi. 

) avril se passa sans aucun départ : vainement San Se- 
tempêtait et s'en prenait à tout le monde. Pour cette 
comme pour les autres, rien n'avançait, les instruc- 
) contredisaient, tout était désordre et tiraillements. Le 
outait aucun conseil^ mettait à l'écart les gens expéri- 
^ ne s'occupait de rien et commandait tout, ne trouvait 
•gent et le jetait (si j'ose ainsi parler de l'argent de ses 
) parles fenêtres; Saint-Halo, préposé avec deux ou 
^oris, fort novices, à un travail écrasant, où sa compé- 
î trouvait en défaut, commençait à s'effrayer de sares- 



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PRÉPARATIFS DB LA CAMPAGNE DE NAPLES 23 

ponsabiliié : dans ce bouleversement du inonde, il ne voyait 
et no visait qu'un unique objet, le chapeau de cardinal; entre 
un maître inconséquent, fantasque, obstiné, une cour fort peu 
sympathique et un allié tel que Ludovic, il évitait de se com- 
promettre. Tout le monde en faisait autant. Les personnages 
désignés pour la mission de Gènes s'en souciaient fort peu. 
D'Urfé, dont le bon sons redoutait les surprises si souvent 
éprouvées là-bas, réclamait, lui aussi, l'adjonction d'un gran<] 
personnage milanais qui pût le soutenir et, au besoin, couvrit 
sa responsabilité. Le 2 mai, San Severino, pour lui donner 
satisfaction, pria Ludovic de désigner le commissaire d'A- 
lexandrie. Le capitaine de Beaumont et Jean de la Primaul- 
daie, contrôleur général de Bretagne, dont le rôle était très 
restreint, acceptèrent de partir avec lui ; et, le 4 mai, d'Urfé 
reçut enfin du conseil ses instructions. Quoique chargé sim- 
plement d*opérer l'armement de laflotte, on lui traçait un pro- 
gramme compliqué : agir en tout « par le conseil et avis » de 
Ludovic, éclairer les côtes avec des brigandins, se tenir sur la 
défensive et n'attaquer laflotte napolitaine que s'il le fallait; 
en cas d'urgence, il pouvait lever, parles soins de Ludovic, 
des gens garantis sûrs et de provenance non contaminée par 
la peste, ou requérir la compagnie de Stuart d'Aubigny, déjà 
descendue en Montferrat pour assurer les routes : avant tout, 
il devait armer les douze galères et six transports ou caraques 
en construction, dont le roi se réservait seulement de nommer 
les capitaines ; presser l'armement de laflotte de Ludovic; ras- 
sembler des navires (galions, sagistres ou fustes) pour le trans- 
port de trois mille chevaux, les ponlons nécessaires à Tartil- 
lerie; acheter en Sardaigne, dans les meilleures conditions, 
les approvisionnements nécessaires de salaisons, fromageries 
et légumes secs ; inspecter les ports supplémentaires d'arme- 
ment^ et veiller à la concentration définitive pour le 30 juin, 



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24 HISTOIRE DE LOUIS XII 

dernier délai accepté par le roi ; surveiller rarmehieat à Mar- 
seille des quatre galères en construction à Beaucaire, et, s'il y 
avait lieu, préparer une galère pour le roi. Si Tépidémie cessait 
îi Nice et en Provence, il pouvait désigner en Provence des 
ports d'embarquement. Sitôt sa mission accomplie, il remet- 
trait le commandement au duc d'Orléans, et reviendrait sans 
délai'. 

Les nouvelles d'Ostie devaient faire hâter les préparatifs. San 
Scverino pressait vivement le roi. Suivant Ludovic, il fallait de 
suite expédier à Ostie cinq ou six mille hommes, et vingt- 
quatre galères, dix navires, douze galions, avec de l'artillerie. 
Charles VIII promit, une fois de plus, d'expédier sur l'heure les 
galères de Marseille. En attendant, les délégués de Gènes ne 
partaient pas. Le 5 mai, Galéas annonce à Milan le départ de 
d'Urfé avec le sire de Beaumont et une provision de 50,000 fr. 
Le6,ilaffirme que des ordres vienncntd'ètreenvoyés,àce qu'on 
lui dit. Le 7 mai, d'Urfé enfin a quitté Lyon, mais avec Beau- 
mont seulement : on insinue que M. de Foix le rejoindra plus 
tard, lorsqu'il y aura des troupes réunies. Mais d'Urfé et 
Beaumont s'arrêtaient à Chambéry, pour attendre le trésorier 
La Primauldaie, qui ne devait les rejoindre que le lendemain 
8. C'était encore une semaine perdue; de plus, La Primaul- 
daie n'emportait que la moitié de la somme (6,000 ducats) ré- 
clamée par Ludovic pour ses avances à Gênes : le roi promet- 
tait seulement de ne plus demander de nouvelles avances et 
d'achever le règlement plus tard. Il autorisait Ludovic à em- 
ployer directement à la solde de quatre cent cinquante lances 
levées en Milanais, la contribution de 50,000 livres promise par 
lui pour l'expédition. Saint-Malo jurait d'expédier, dès le len- 
demain, la nomination des capitaines de galères. 

i) Orig. ms. Moreaii, 774; publ. par M'*« Dupont, Comraines, IIl, 444. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 25 

San Severino crut tout en bonne voie ; il offrit des chevaux 
au roi, qui les reçut très cordialement, et quelques gfintillezze 
à la reine. Dans sa dépêche officielle du 9 mai, il raconte 
même avec complaisance les flatteries extraordinaires dont il 
est l'objet de la part d'Etienne de Vesc'. 

Les difficultés, pourtant, semblaient croître d'heure c 
heure. La peste faisait d'affreux progrès*. Les demandes c 
prêts ou de contributions se heurtaient dans tout le royaun 
à une résistance passive, mais absolue. Il régnait un mécoi 
tentement général. A la cour une vive inquiétude se mêlait 
l'indignation. Devant tant d'incohérence, de retards, de cor 
tradictions, chacun se demandait où Ton allait. Les Florentii 
savaient et disaient le fond des choses, les trahisons de Ludc 
vie : il devenait fort clair pour tout le monde, sauf pour le ro 
que Ludovic ne désirait nullement le succès de Texpéditioi 
qu'il voulait seulement déchaîner un trouble inlense, poi 
satisfaire ses vues propres et annihiler l'opposition du roi d 
Naples. On jugeait insupportable de voir le roi écarter 1< 
princes de sa famille, ses vieux conseillers, ses serviteui 
dévoués, pour livrer la direction du royaume à l'ambassadei 
d'un aventurier. M. et M"* de Bourbon quittèrent brusquf 
ment Lyon in furia, le 7 mai au matin '. Le lendemain de ci 



1) Toutefois, il envoie un cavalier spécial à Milan, porteur de nouvel! 
qu*il ne se soucie pas de confier aux postes royales ( « aux cavaliers ( 
roi »). Arch. de Milan, PoU est., Franciaj 9 moi 149i. 

2) D'octobre 1494 à 1495, à Bordeaux, le commerce fut complèteme 
suspendu : il périt seize à dix-huit mille habitants. Le reste prit la fui 
(K. 77, no 17). 

3) Desjardins, 297, 387. Le bâtard Mathieu de Bourbon saisit Saint-Ma 
à la gorge, devant le roi. — Madame de Bourbon n'était pourtant pas ant 
pathique aux négociations avec FAIlemagne, car déjà, à ce moment, < 
Taccusait, à ce que disent les ambassadeurs florentins (Desjardins, t. 
p. 387), de convoiter pour sa fille la main du fils de Maximilien, avec 
Bourgogne pour dot. 



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26 HISTOIEE DE LOUTS XII 

éclat, San Severino se présenta hardiment devant le roi, en 
présence de la cour entière. Invité par le roi lui-même, disait- 
il, à s'expliquer librement, il venait là protester contre les 
« mauvaises paroles » qu'on se permettait à la cour. Il parla : 
il célébra, sans rire, le dévouement illimité de Ludovic, même 
à rencontre de rAllemagno et de l'Angleterre, ses douze ga- 
lères, ses quatre gros vaisseaux, ses cinq cents hommes, l'im- 
portance de Gènes pour les préparatifs. Bref, en sortant de là, 
il put se vanter près de son maître d'avoir parlé haut et rude. 

On se tut, Louis d'Orléans surtout, lui si suspect et qu'on 
disait obligé de suivre l'expédition, parce que le roi ne voulait 
pas laisser derrière lui l'héritier éventuel de la couronne*. 
Louis acheta, quelques jours après, à un homme d'armes, 
Pierre de Tardes, dit le Basque, un grand cheval de bataille*. 

Les nouvelles de Gènes suscitaient encore des difficultés. 
Galéas, acquérant la certitude que décidément l'envoi à Geof- 
froy Travers comprenait 3,000 ducats au lieu des 13,000 jugés 
indispensables, court chez Saint-Malo demander des explica- 
tions. Saint-Malo se borne à exciper d'un ordre royal, dont il 
ignore, dit-il, le but et les motifs. Galéas s'émeut do plus en 
plus; il montre à son interlocuteur les travaux de Gènes déjà 
suspendus une fois faute d'argent, la belle saison perdue, 
Alphonse prêt à marcher. Saint-Malo ne trouve à répondre que 
par de vagues défaites; il sait que le roi assigne en Provence le 
reste de l'argent, il ne doute pas que le roi n'en presse le recou- 
vrement... Hors de lui, Galéas l'interrompt et lui montre une 
lettre de Ludovic, qui l'accusait, en toutes lettres, de lenteurs 
calculées. Ce fut au tour de Saint-Malo de se récrier; il pro- 
testa vivement de tout son zèle. Mais San Severino le quitta vio- 
lemment sans rien entendre, et s'en alla colporter l'accusation. 

1) Brantôme : Dosjardins, 301. 

2) Au prix très élevé de 350 écus d'or {TU. Tardes, H). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 27 

Tout le reste du mois de mai se passa ainsi en récrimina- 
tions, en hésitations chaqnejour grandissantes. Le 18^ Galéas 
obtient pourtant la décision définitive que le roi prendra la 
voie de mer*. Le 21, les envoyés florentins reçurent une au- 
dience du duc d'Orléans, qui les entretint avec beaucoup d'a- 
mitié et de franchise; l'expédition lui semblait difficile et 
surtout mal préparée ; elle ne pouvait pas commencer avant 
plusieurs semaines. Quant à lui, il n'y prenait part que sur 
Tordre formel du roi, mais cet ordre lui suffisait. Il servirait 
le roi jusqu'à la mort. Il ajouta confidentiellement que tout ce 
qu'on avait fait jusqu'à présent, envois de troupes, armements 
de Gènes, ne lui semblait avoir pour objet que de satisfaire 
Ludovic ou de s'assurer un peu mieux de la fidélité des Génois. 
Les renseignements particuliers des ambassadeurs confir- 
maient, du reste, cette appréciation*. 

Pendant cette entrevue, Galéas allait voir le roi, qu'il trou- 
vait tout plein de sérénité. Il lui parla avec amertume. Selon 
lui, toutes les difficultés venaient de ce qu'on n'avait vu 
encore en Italie ni un denier^ ni un soldat de France, ni un 
bateau : elles s'évanouiront en fumée, dès qu'on senlira le roi 
résolu à marcher. Malheureusement, on France, l'expédition 
n'a guère d'autres partisans que MM. de Saint-Malo, de Yesc 
et de Lille : aujourd'hui que M. de Saint-Malo paraît aban- 
donner la partie, MM. de Vesc et de Lille deviennent eux- 
mêmes très froidst tout est très difficile. Il y a une urgence 
extrême à faire partir pour Gênes des convois d'approvision- 
nements, afin de remonter le moral de tout le monde. 

Le roi ne parut ni surpris, ni froissé, ni même ému d'en- 
tendre constater une situation si caractéristique. 

Une circonstance très grave venait pourtant achever la 

1) On annonçait déjà cette décision le 9 (Desjardins, 299). 

2) Desjardins, 304, 395. 



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28 HISTOIRE DE LOUIS XII 

déroute des partisans de rexpédition. Le cardinal de la Rovère, 
non secouru, pressé par le pape, menacé du blocus par les 
Napolitains, ne pouvait plus tenir à Ostie ; il s'enfuit avec 
deux serviteurs, et vint débarquer à Savone, où des députés 
de Gènes le reçurent fort honorablement*. De là, il voulut 
gagner Avignon, siège de sa légation : il trouva les portes 
fermées sur Tordre du pape. Il se réfugia alors à Lyon, où il 
arriva vers la fin de mai, et où, le 1" juin, il fit, par ordre du 
roi, une entrée d'apparat. 

En réalité, Saint-Malo, déconcerté par la confusion et la 
mauvaise tournure de toutes choses, de plus en plus ému des 
trahisons attribuées à Ludovic, du défaut d'argent, du mécon- 
tentement unanime de la France, de Tentêtement du roi 
auquel on ne pouvait rien faire entendre, n'apportait aucun 
zële dans les préparatifs. Galéas seul soutenait Charles VIII 
et le dirigeait à sa guise. Les princes et tout le conseil s'étaient 
formellement opposés à ce que le roi choisit pour lui-même 
la voie de mer, qu'ils jugeaient dangereuse et inopportune. 
Galéas, d'après les instructions de Ludovic qui tenait essen- 
tiellement k éloigner Charles VIII du Milanais, l'avait emporté 
sur ce point aussi, et le roi maintenait sa décision : en sorte 
que le vide le plus complet se faisait autour du jeune prince. 
Charles VIII en prit son parti sans hésiter. Il donna à Galéas 
une grosse pension, et une compagnie : il annonça sa prochaine 
promotion dans l'ordre de Saint-Michel ; pour ne pas assister 
à la cérémonie de collation, le duc d'Orléans fit une absence 
de quelques jours, mais on attendit son retour. 

A Gènes même, la situation tendait à empirer. Le dévoue- 
ment des Génois inspirait de légitimes appréhensions. Ludo- 
vic avait beaucoup d'ennemis, Jean Galéas et le roi de Naples 

1) Senarega : Giustiniano. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 29 

un parli nombreux. D'Urfé ne cacha pas la situation, bien 
connue d'ailleurs à Milan^. D'Urfé se plaignait aussi de ne 
pouvoir agir, faute d^argent, la banque Sauli lui faisant des 
difficultés, tandis qu'on laissait Tennemi, le roi de Naples, 
s'approvisionner directement jusque sur le marché de Gènes. 
Ludovic finit par écrire à d'Urfé qu'il avancerait encore la 
moitié des dépenses. Pour gagner une popularité indispensable 
à ses projets» et qui lui manquait,il promulgua aussi, quelques 
jours après, une ordonnance portant réduction des impôts, 
concession du droit de chasse à tous les citoyens, large am- 
nistie pour les contrebandiers*. 

On cherchait à enrôler des stratiotes albanais et grecs. Mal- 
gré tout, l'armée se formait peu à peu. Les ambai^sadeurs 
florentins estiment à cent soixante lances, deux mille Suisses 
et deux mille arbalétriers gascons les troupes passées de l'autre 
côté des Alpes, à la date du 27 mai*. San Severino agissait de 
toutes ses forces. Le 30, dans une entrevue avec le roi, à la- 
quelle assistait Saint-Malo un peu remis de son découragement, 
Galéas s'aperçut avec une extrême surprise que Charles YIII 
ignorait la promesse de Ludovic de faire de nouvelles avances. 
Celte fois, il dissimula son mécontentement et proposa, de la 
part de Ludovic, de payer cinq galères sur dix; il n'insista 



1) Dépêche de San Severino, 30 mai. 

2) D*après M. Formentinl, Il ducato di Milano, 104. 

3) Dépêche de Galéas, du 31 mai : 

« Benche la Ghr(n<^ y/itk sia tanlo disposita a la impresa quanto più possa 
essere, et non manchi de ordinare tulle quelle provisione che siano neces- 
sarie, seoondo li ricordi che li fa fare la Ex. V., nondimeno per quesli signori 
deputati, quali non li vano de bon pede, anchora sono pur usate de le dila- 
lione et longheze ad fare le expedicione. » Le roi se plaint de ses ministres 
qui le contrecarrent en dessous. Il inlervienl sans cesse personnellemenf 
pour presser les décisions. Il désire s'aboucher avec Ludovic, à Gènes oi 
ailleurs : il entend qu'à la mi-juin, il y ait à Gènes, douze galions, vingt- 
quatre galères, etc. (soit les chiffres indiqués par Galéas). 



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30 HISTOIRE DE LOUIS XII 

plus sur le rôlo négatif du caissier Travers, passé à Tétai de 
légende : il présenta les excuses des Génois, avec leurs récla- 
mations contre d'Urfé, toutefois, qui retenait au iK)rl et 
requérait quinze ou seize gros vaisseaux. Il annonça les négo- 
ciations de Ludovic et de Stuart d'Aubigny avec les Colonna 
pour un ravitaillement d'Ostie'. 

Il venait à peine de remettre au courrier le récit de cette 
pénible entrevue, lorsqu'une nouvelle rencontre avec Saint- 
Malo le mit hors de lui. Saint*Malo> maintenant^ marchandait 
lorganîsatîon de Tarmée de terre. Ludovic était d'avis que la 
France prît à sa solde le marquis de Mantoue, capitaine géné- 
ral des Vénitiens : Saint-Malo trouvait les prétentions du 
marquis trop hautes et préférait se passer de lui. La colère de 
Galéas déborda. Dès le lendemain matin, Galéas était chez le 
roi et lui tenait un langage d'une \aolence extraordinaire : 
« Le roi, disait-il, se laisse tromper par ses ministres. Il va, 
dansTexpédition, perdre son honneur et ruiner ses intérêts. » 
Charles VIII semblait stupéfié, car, le 23 mai encore , il annon- 
çait la fin de tous les préparatifs dans un délai d'un mois. Il 
essaya de calmer Galéas et, contrairement à ses habitudes, 
parla longuement, pour développer ses projets. « Après la 
victoire de Naples, dont il ne faisait pas de doute, il marchait 
sur les Turcs et délivrait toute la chrétienté. D'où pouvait 
venir l'émotion de Galéas? il se le demandait. Il faisait son 
compte : il aurait en mer, dans le courant do juin (puisqu'il 
en avait donné Tordre), douze galions, vingt-quatre galères, six 
caraches génoises et les quatre navires de Marseille, le tout 
portant dix mille hommes, sans parler des équipages. Il 
voyait, en outre, à sa disposition, cinq cent lances, deux mille 
cinq cents Suisses, trois cents artilleurs, huit cents Italiens 

1) Desjardins, 305, 306, 397. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 31 

du prince de Salerne, six mille arbalétriers. Le 20 juin, à telle 
heure, jour et heure fixés par lui, la flotte mettait à la voile, 
et le prince de Saleme (car, avec Galéas, il valait mieux ne 
pas prononcer le nom du duc d*Orléans) prenait le comman- 
dement du corps d'armée auxiliaire. Bien plus, le roi enten- 
dait renforcer la flotte de vingt^quatre autres galères, de 
douze navires, et des galions nécessaires pour le transport 
d'une valeur de mille cinq cents lances françaises, c'est-à-dire 
de trois mille archers, deux cents Espagnols et quatre cents 
gens de pied. Voilà pour la mer. Pour les opérations terrestres^ 
il ne voyait pas plus de difficultés. M. d'Aubigny trouverait à 
Rome mille hommes d'armes, dont il recevrait la solde. Enopé- 
rant sa jonction avec le corps de Saleme et l'appoint fourni par 
les Colonna, il disposerait de cinq cents Lombards, cinq cents 
lances milanaises, six cent quarante lances françaises, mille 
cinq cents arbalétriers à cheval,deux cents génetaires espagnols, 
deux mille Suisses, mille cinq cents arbalétriers à pied. Vrai- 
ment, que voulait-onde plus? Galéas semblait un peu pressé. Il 
fallait bien le temps de préparer une expédition en Orient!...» 
Galéas, malgré tant de chifl'res, ne se calma pas. Dans sa 
dépêche du 2 juin à Ludovic, il revient encore sur le langage 
qu'il a tenu au roi et accable Saint-Malo de toutes les respon- 
sabilités. Certes, les nouvelles d'Italie expliquaient ses empor- 
tements. Le plan de campagne s'écroulait : Ostie venait de se 
rendre, la flotte napolitaine prenait la mer : le roi de Naples 
et le pape, étroitement unis, semblaient en mesure non pas 
seulement de se défendre, mais d'attaquer; ils méditaient et 
préparaient une révolution à Gènes, pour s'ouvrir par là les 
portes de la Lombardie*. De toute façon, la voie de mer sem- 

1) Ce dont il se croyait certain (Desjardius, p. 487-88, 449). V. la cor- 
respondance de Ferdinand dans Trinchera, Codke Aragonese, t. II, p. ii, 
p. 325-328, 389, 418, 421. 



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î HISTOIRE DE LOUIS XII 

lait fermée : contrairement au vœu de Ludovic, il faudrait 
rendre la route de terre, passer par la Lombardie, puis par 
ologne, descendre^ à travers mille hasards, par tout le centre 
3 ritalie. Dans ces conditions, Ton se demandait s'il ne con- 
înait pas d'interrompre les préparatifs de Gênes. Pierre 
Urfé, ayant obtenu des Sauli une avance de 60,000 ducats 
1 espèces et une lettre de change de 25,000 sur Naples, tra- 
ûUait maintenant avec énergie, et trois transports allaient en 
rovence charger Tartillerie*. Les Génois eux-mêmes parais- 
lient assez satisfaits du mouvement d'affaires créé par rar- 
ement'. Mais pouvait-on se fier à eux? Le cardinal-arche- 
^ue tenait la tête du parti napolitain et l'on craignait que 
s troubles n'éclatassent à la vue de la flotte deNaples'. D'un 
itre côté, l'Espagne observerait-elle ses promesses de neu- 
alité, ne céderait-elle pas à la tentation d'intervenir? Le roi 
îclarait avoir foi dans la loyauté espagnole : mais il pria le 
xdinal de la Rovëre d'adresser une lettre au cardinal de 
^nes. La Rovëre jugea la démarche inutile et intempestive. 
Galéas revit, le S juin, le roi, qui se borna à le remercier 
! la défense, faite enfin aux Génois, de fournir à Tennemi 
s approvisionnements. Il revint à la charge le lendeinain; il 
>ulait absolument savoir à quoi s'en tenir sur les dispositions 
i roi et ses moyens financiers-: Charles eut beau se retran- 
er dans de bonnes paroles, Galéas insista avec force; il re- 
ésenta la nécessité, l'urgence de ne pas interrompre les ar- 
sments de Gènes, de les presser au contraire, pour empêcher, 
i moins, les Napolitains de s'établir à Ostie, si bien que le 
i, fort ému^ manda de suite les membres de la commission 

l) Giustiniano, Senarega: Desjardins, 401. 

l) Giustiniano. 

l) Le 5 juin, les Anciens décidèrent de lever mille hommes de pied, pour 

r compte (Memorie Genovesi, Arch. du Ministère des Affaires Étrangères 

France; Gènes 2, f« 230 vo). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 

spéciale des affaires dllalie. L'envoyé du roi à Milai 
Bouchage, qui prenait une grande part à la direction de 
faires en Milanais, tenait un langage analogue et réels 
l'envoi de troupes*. Le 9 juin, on promit à Galéas de de 
satisfaction à Du Bouchage; et, en effet, le 10, Charles 
informa lui-même Du Bouchage que, selon sa demande, 1 
d'Orléans recevait Tordre de prendre la mer : le duc se 
drait à Âsti, de là à Gènes, avec de bons capitaines et un 
d'armée, et sans séjourner à portée du Milanais, car la 
lèverait l'ancre avant la fin du mois ^ 

Le roi croyait assurément plaire à Ludovic, par ces 
velles. Ludovic insistait sur l'expédition maritime, pour 
gner Louis d'Orléans: il continuait à préparer son œuvre 
sonnelle avec une invincible ténacité et une duplicité vra 
audacieuse. Pendant que San Severino tenait à Lyon la 
duite et les propos que nous venons d'indiquer, Ludovic 
vait, le 7 juin, à Vigevano, les ambassadeurs florenlins, ( 
il protestait d'une vive amitié pour Florence, il dépion 
jeunesse et l'entêtement de Charles VIII, qui s'obstii 
prendre le lilre de roi de Naples, sans écouter aucun avi 

Le conseil royal sentait bien le peu de fonds qu'il ] 
faire sur Ludovic, et il aurait ^ulu, tout au moins, se 
nager les moyens de le tenir en bride. Aussi la nominati 
duc d'Orléans n'avait pas passé sans difficulté : le ce 
avait même décidé, tout d'abord, que le duc prendrait h 
de terre, et la décision semblait tellement officielle que le 

1^ Du Bouchage, accrédité, comme nous Tavons dit, par lettres 
avril (Arch. de Milan, Carlo Vni), joua, après le départ de San Sever 
rôle extrêmement actif. Son nom figure sans cesse dans les dépêches, 
formé en Bossallia, 

2) Copie italienne de la lettre de Charles VIII, communiquée par D 
chage à Ludovic (Arch. de Milan, P. £., Francia), 

3) Desjardins, 556. 

m 3 



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34 HISTOIRE DE LOUIS XII 

bassadeurs vénitiens promirent sur leur terriloire, un bon 
accueil*. Il fallut pourtant se contenter que le roi renonçât à la 
voie de merpour lui-même, et revenir sur la détermination prise 
pour le duc d'Orléans. L'amiral de Graville paraissait plus na- 
turellement indiqué pour diriger la flotte... Graville ap- 
partenait au groupe des anciens conseillers mis à l'écart. Dans 
ses moments d'extrême embarras, le roi l'appela, ainsi que 
le maréchal de Gié, au conseil spécial des affaires dltalie : 
mais là s'arrêta la faveur royale. Graville y siéga quelques 
jours, et, comme on ne lui demanda rien de plus^ lorsque la 
cour quitta Lyon, il s'en alla dans ses terres à Marcoussis, 
puis en Picardie', sans dissimuler son angoisse. 

Le duc d'Orléans perdit, un instant, patience, quand il sévit 
décidément séparé du roi et relégué en mer, pour plaire à Lu- 
dovic; il s'emporta, il s^exprima sur le compte de Saint-Malo* 
en termes virulents, il dit tout haut ce qui se disait tout bas\ 

C'est dans ces conditions qu'il demeura chargé du service 
maritime ; le roi, se figurant réussir dans son projet d'entrevue 
avec Maximilien^, partit pour la Bourgogne, où il consentit à 
emmener Galéas*. Louis d'Orléans reçut pour instruction de 
marcher droit sur Naples, sans toucher à aucune puissance 
neutre^ Il accompagna le roi quelques jours, et le quitta le 



1) /rf., 316. 

2) Fr. 20483, 14. 

3) Qui avait refusé d'abord, mais Galéas lui fit parler par Et. de Vesc, 
l'homme de Ludovic (Lettre du 4 mai, Arch. de Milan). 

4) Desjardins, 309. 

5) Charles VIII avait une telle réputation que Maximilien se flutlait de lui 
faire rendre la Bourgogne comme le Roussillon. Ludovic y travaillait, mais 
Charles VIII se montra, cette fois, fort réfractaire (Arch. de Milan, Pot. Est. 
Francia, 1494-95). 

6) Arch. de Milan. 

7) Desjardins, 407. Le roi lui donna un coursier k poii noir {Tii. Orléans, 
933). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 35 

49 juin, pour venir à Lyon préparer son départ; mais il laissa 
près du roi son ami François de Luxembourg. Galéas partit, à 
son tour, d*Auxonne, le 23 juin^ Charles VIII comptait 
rentrer à Lyon le 24; la peste le décida à retarder son 
retour*. 

Les circonstances devenaient très pressantes. Le 25 juin, la 
flotte napolitaine prit hardiment la mer pour aller à Gênes 
tendre la main aux Adorno et à leur parti. Chose étrange : la 
ville de Gênes affectait des airs de neutralité, et Tagent con- 
sulaire napolitain continuait à y résider, au milieu des pré- 
paratifs de Tarmée française. Le doge et les Anciens écri- 
virent seulement, le 18 juin, une belle lettre au roi, pour 
offrir la coopération de tout leur dévouement, de tous 
leurs efforts, à l'œuvre du grand écuyer d'Urfé : à en 
croire cette lettre, ils ambitionnaient un titre qui comblerait 
leurs vœux, celui de « serviteurs du roi » '. Singulier spec- 
tacle que celui d'une ville convoitant avec une si vive ar- 
deur un titre qu'elle pouvait si facilement se donner... En 
réponse, le conseil de Gênes reçut, le 25 juin, avis de l'arrivée 
prochaine du duc d'Orléans, représentant du roi; le bruit cou- 
rut même de l'arrivée de Charles VIII. Aussitôt on adjoignit 
aux quatre commissaires déjà désignés huit citoyens, des plus 
considérables^, pour déterminer les honneurs dus au rang et 
àlamission du prince, organiser sa réception, préparer quatre 
maisons à son usage, louer ou acheter le matériel nécessaire*. 
Le duc d'Orléans se trouvait encore à Lyon, le 24 juin, jour de 

1) Lettre de Charles VIII, 23 juin (Arch. de Milan). 

2) Desjardins, 404, 407. 

3) Arch. de Gênes, Litterarum, 36, 1812. 

4) Notamment Thomas Giustiniuni, Antonio Spinola, Pierre Sauli, Jean 
Adorno, Paul de Fiisco, Lazare Grimaldi, Augustin Doria. 

5) Arch. de Gènes, Diversorum, X, 1081: 150, 645; Memorie genovesiy 
Min. des Affaires étrangères de France, Gènes 2, f° 231. 



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36 HISTOIRE DE LOUIS XII 

la fête patronale, où les tabourins et ménestrels de la ville lui 
offrirent une aubade*. 

II laissa la direction de ses affaires en son absence au nou- 
vel archevêque de Rouen, Georges d'Amboise, qui avait ob- 
tenu du roi, le 29 mai, un sursis pour la prestation du ser- 
ment réglementaire. Notons à ce sujet un détail caractéris- 
tique : le même jour, 29 mai, le frère de Georges, Jean d'Am- 
boise, seigneur de Bussy, prit un arrêté, comme lieutenant 
général du lieutenant du roi en Normandie, pour ordonner le 
versement à Tarchevêque élu des revenus de la vacance. Une 
récente ordonnance, de 1493, attribuait bien à la Sainte-Cha- 
pelle de Paris les régales du royaume ; mais M. de Bussy dé- 
clarait purement et simplement s'y soustraire, en vertu des 
« libertés et privilèges de la Normandie * » . Voilà un bien 
grand respect des doctrines gallicanes et des libertés locales! 
Georges d'Amboise arriva à Lyon vers le moment du départ 
du duc d'Orléans : ajoutons qu'il prit rang à la cour parmi les 
chefs du parti représenté par M. et M"Me Bourbon, Graville, 
les maréchaux de Gié et de Baudricourt*. Malgré les bulles 
pontificales qui consacraient son élection dont nous avons 
indiqué plus haut* les circonstances, il réclama encore, avant 
de prendre possession, des patentes expresses du roi, « pour 
doubte d'encourir contre les ordonnances faictes touchant les 
bénéfices de nostre royaume ». 

Ces patentes, accordées le 17 juillet, visent l'investiture du 
pape, sans mentionner même l'élection capitulaire. Aussitôt, 
Georges, par lettres datées du 19 juillet 1494 a Lyon, délégua 
l'évêque de Coutances pour la mise en possession du siège : 

1) Tit. Orléans, 933. 

2) Arch. fie la Seine-Inférieure, G. 1138. 

3) Desjardins, 315. 
A) Tome II, p. 279. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLE8 37 

il prêta serment au roi le 22 août, à Vienue, dans la maison 
d'un nommé Antoine Combe, devant Tévéque de Sainl-Malo, 
délégué du pape, en présence de diverses personnes de la cour, 
le maréchal de Baudricourt, le capitaine Jean Blossetde Saint- 
Pierre, le conseiller au parlement Charles de Haultbois, et 
autres* ; puis il retourna à Rouen*, où il prit la direction du 
duché et des affaires personnelles de son maître; c'est à lui 
que s'adressera Louis d'Orléans pour recevoir de l'argent, des 
soldats ou même des conseils. M. de Bussy conservait son 
titre de lieutenant général et une pension ducale de 1,200 
livres. Georges recevait la même pension' et s'intitulait « ar- 
chevêque de Rouen, lieutenant général de Normandie en l'ab- 
sence du duc d'Orléans »; c'est-à-dire qu'il remplissait la 
très haute fonction, la vice-royauté du duc lui-même, par dé- 
légation du roi et du duc d'Orléans*. 

Le 28 juin, à l'aube du jour, une escadre napolitaine, com- 
posée de neuf galères et de quatre brigantines, portant à bord 
le cardinal de Gènes, Jérôme Adorno et bon nombre d'autres 
émigrés, recueillis sur la route, parut en vue de Gênes. Les 
Adorno se flattaient de voir une partie de la population accla- 
mer le pavillon napolitain et s'insurger : personne ne remua. 
L'escadre dut se replier en toute hâte sur Recco, petit port 
éloigné environ de dix milles dans la direction de la Spezia; là, 
plusieurs des émigrés se trouvaient dans leurs domaines; on 
débarqua pour essayer de soulever le pays. Les équipages 
se répandirent en bon ordre à terre, et acquittèrent exac- 

1) Arcb. de la Seine-Inférieure, G. 1138. 

2) Le duc lui écrit à Rouen, peu après (TU, Orléans, 929). 

3) TU. Orléans, 942; TU, Amboise, 154, 167, 172, 173, 168-171. 

4) Commission de Georges pour la monstre et revue des troupes prévo- 
lales, Rouen, 27 février 1494-95 (fr. 26104, 1054). C'est par erreur que 
M. Perret afûrme, dans sa biographie du sire de Graville, que l'amiral reçut 
en 1494 le gouvernement de Normandie. 



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38 HISTOIRE DE LOUIS XII 

tcmenl leurs achats, en monnaie du pape ou de Naples'. 

L'incident avait causé à Gênes une émotion profonde, mais 
une émotion tout opposée à celle qu'espérait le parti napoli- 
tain. En dehors des deux partis politiques, personnifiés par 
quelques familles,spécialement parles Adorno et les Frcgoso, 
la grande masse des Génois se souciait aussi peu des Napoli- 
tains que des Milanais ; elle ne pensait qu'aux affaires, elle en 
voulait à quiconque donnerait le signal des hostilités, surtout 
si rapprochées. Baptiste Fregoso se hâta d'écrire au roiTémo- 
tion de la ville '. C'était un très grave motif ^e presser 
l'arrivée du duc d'Orléans. 

Charles VIII, fort désappointé de ne pas rencontrer l'empe- 
reur ', venait de prendre avec Galcas do San Severino ses 
dernières dispositions, et de congédier les ambassadeurs flo- 
rentins. Il fit même expulser de Lyon les agents de la banque 
Médicis. La situation se dégageait nettement. Il fallait tra- 
verser l'Italie ; et la France, appuyée et dirigée par Ludovic, se 
brouillait avec Rome et Florence. Elle rencontrait à Venise 
une neutralité peu sympathique; l'envoyé français, Gilbert 
des Serpens, sieur de Citain, ne put même pas, malgré ses 
instances^ oblenir une certitude de libre passage et de ravi- 
taillement *. Stuart d'Aubigny *, envoyé d'abord en ambassade, 
revenait à Casai, sur la demande expresse de Ludovic, pren- 
dre le commandement de l'avant-garde, qui couvrait le 

1) Senarega; Giustiniani. 

2) Fr. 2961, f«> 12. 

3) Charles VIII comptait sur la diplomatie de Ludovic et de Du Bou- 
chage pour lui ménager cette entrevue. Par ses libéralités, Ludovic avait 
alors une grande action sur Maximilien. II lui versa 100,000 écus d'or le 
8 juillet 1493, sur la dot de Blanche Sforza, 100,000 écus d'or le 15 mai U94 
pour le deuxième terme de la dot, une valeur de 60,000 ducats en bijoux le 
20 mars 1494 (fr. 46074, n« 27). 

4) Arch. de Venise, Secreio 35, p. 5 v». 

5) Ludovic lavait demandé dès le 15 avril, du vivant même du maréchal 
(Arch. de Milan). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 39 

passage des Alpes et que le vieux Des Querdes devait primi- 
tivement commander. 

On prétend qu'il ouvrit assez mal la campagne, en se laissant 
aller aux charmes de la cour de Mont ferrai, en s'éprenant de la 
jeune marquise, à laquelle il aurait même fait des confidences 
plus ou moins exactes, sur un prétendu amour du duc d^Or- 
léans pour la reine S 

La force exacte de Tarmée française, au commencement de 
juillet, n'est pas très exactement connue. D'après diverses indi- 
cations contemporaines , M. Delaborde croit pouvoir évaluer 
à trente et un mille cinq cents hommes Tarmée de terre, et à 
dix mille quatre cents (soit quatre cents lances à la mode de 
France et huit mille gens de pied) l'armée confiée au duc 
d'Orléans*. L'artillerie, supérieurement pourvue, depuis la 
guerre de Bretagne, avait excité Tadmiration de San Séverine, 
lorsqu'il assista avec le roi aux exercices de tir à Lyon '. 
L*heure de l'action sonnait. 

Louis d^Orléans prit tout son argent disponible, renvoya, au 
commencement de juillet, ses enfants d'honneur, ses oiseaux^ 
écrivit en Normandie qu'on expédiât sa compagnie, et partit, 
sans attendre le retour du roi. S'il ne se pressait pas davan- 
tage, c'est qu'il savait les armements de Gênes encore incom- 
plets. 

1) Marg. de Lussao, Anecdotes secrètes des règnes de Charles VIII et de 
Louis XII t p. 40, 

2) Flori porte les forces à un chiffre un peu plus haut : il parle de dix mille 
fantassins et mille archers. Un autre auteur estime à vingt-huit mille hommes 
seulement les forces de Charles VIII au moment du départ (Pétri Cyrnei, 
Historia, De Carolo VIII : ms. lat. 17556, f«501). 

3) Rapport du 22 avril (Arch. de Milan). M.Boutaric (p. 361) fait remonter 
jusqu'à Louis XI la constitution de cette artillerie formidable, fort accrue, 
en tous cas, sous la régence d'Anne de Beàujeu. Elle présentait à ce moment 
un aspect magnifique et comportait d'innombrables machines, dont plusieurs 
traînées par soixante chevaux. 



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HISTOIRE DE LOUIS XÏI 

n de Savoie se montrant alors toute dévouée à la 
it ses principaux membres recevaient de bonnes 
Louis d'Orléans prit la route du mont Cenis. 
\ à Chambéry nous est signalé par une gratifica- 
cus d'or à vng facteur de farces et ballades, qui 
Dur lui plusieurs ballades ^ Nous le retrouvons 
te du château de Moncalieri, où il présente ses 
i la duchesse régnante, où les trompettes, les ta- 
d°' de Savoie, un tabourin local, trois ménestrels 
d'aubades '. Il reçoit partout Taccueil dû à un 
t en chef, lieutenant général du roi *. 
Sforza, avisé le 5 juillet de l'approche du duc 
vait envoyé à Asti Nicolas de Corigia et Galéas 
rter dos compliments de bienvenue. Il pensait que 
rait à Asti le 6 juillet, ou le 7 au plus tard, et se 
rheure à Gênes. Les envoyés milanais devaient 
mis, sur toute sa route, les plus grands honneurs 
vivement de lever des troupes à Gênes ou d'en 
Bologne, à Florence, à la Spezia, n'importe où ^ 
iva à Asli le 9 seulement, et d'assez mauvaise hu- 
il avait tenu à adresser, de Moncalieri même, une 
tre à Ludovic. Il lui mandait, en termes courtois, 
t à Savone, où il avait envoyé le prince de Salerne, 
5, foin et paille, faisaient défaut; il priait Ludovic 

e Savoie, d'abord comte de Bresse, puis duc sous le nom de 

000 livres ; son fils Philibert, qui allait faire campagne dans 

se, 15,000 livres; son bâtard, René, le bâtard de Bresse, plus 

Fende, par son mariage avec Anne Lascaris, 600 (fr. 26103 

Frézet, Histoire de la maison de SavoiCy t. II). 

,ns, 9:-J3. 

ziehungen der Mediceer..., p. 548. — Un bonhomme du pays 

pins blancs (TU, Orléans, 933). 

s, 283, 287. 

Milan ; 5 juillet. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 41 

d'en expédier. Il réclamait aussi un envoi de harnais de guerre, 
lances, bardesy etc. « Le temps, disait-il, nous a manqué pour 
en apporter suffisamment, et d'ailleurs nous pensons en trou- 
ver ici meilleur marché qu'ailleurs. Ce sera le prouffiz des 
marchands, » On voit que la politesse parfaite de ces premiers 
rapports ne laissait pas que de trahir une certaine ironie ; 
d'aucun-côlé, on ne parlait d'une entrevue, pourtant bien 
naturelle et bien facile. Ludovic désirait expédier de suite 
Louis sur Gênes, et Louis datait sa première lettre de Mon- 
calieri, qui ne semblait pas un foyer d'amitiés pour Ludovic. 
Dans le fond même des choses, apparaissait un sentiment sem- 
blable, puisque les deux parties avaient rair,sous prétexte d'un 
appui mutuel, de se renvoyer Tune à Tautre le soin des me- 
sures à prendre. 

Ludovic, qui s'étaitrapproché à Alexandrie, répondit à Louis, 
le 8, par une lettre sur le même ton : A Gênes et à Savone, 
disait-il, on manquait de provisions ; il priait le duc de s'en 
pourvoir près de la duchesse de Savoie, à la cour de Montfer- 
rat ou dans le comté d'Asti C'était assez mal débuter. 

Le 9 juillet, Louis annonce à Ludovic son arrivée à Asti, et 
le remercie des bonnes paroles apportées par les deux délé- 
gués. Pour le reste, il se tient sur une extrême réserve, le roi., 
dit-il, ayant donné à MM. d'Aubigny et du Bouchage ses ins- 
tructions détaillées. 

Le même jour, Ludovic voyait arriver à Asti trois mille 
quatre cents Suisses enrôlés par le bailli de Dijon. Réconforté 
par cet événement, il se hâte d'en informer Louis et le prie 
de ne pas oublier le paiement des gens d'armes de Gênes, 
car, de ce côté il n'éprouvait pas une tranquillité absolue *. 

Conformément au programme, Louis d'Orléans ne fit que 

1) Arch. de Milan. 



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42 HISTOIRE DE LOUIS XII 

traverser Asti, OÙ les tabourins el trompettes du pays, avec 
deux trompettes, courtoisement envoyés par le marquis de 
Saluées *, célébrèrent son entrée. Il fit, selon l'invitation de Lu- 
dovic, demander à Turin do Tavoîne pour Gênes et Savone ; il 
en demanda aussi à la marquise de Mont ferrât, qu'il pria d'a- 
dresser à Gênes sa réponse. 

Il entretenait avec Ludovic des rapports incessants, par Du 
Bouchage, par Raoul du Refuge qui se rendit à Alexandrie 
trois fois de suite, par M. du Couldray (Jean du Puy) qu^il 
y envoya aussi •. Quant à Ludovic, il confiait ses messages à 
de simples courriers, ou à son more * ; il envoya aussi son 
orchestre de hautbois jouer à Asti, et fit offrir au duc un beau 
coursier y avec deux paires de riches bardes (selles). 

Dès le lendemain de son arrivée, le 10 juillet, Louis d'Or- 
léans courut à Gênes passer une rapide inspection avec le 
prince de Salerne et le comte Chiaramontc *. Le 12, il écrivit 
à la bftte un billet à Ludovic, pour le rassurer sur les diffi- 
cultés soulevées à propos du campement de plusieurs compa- 
gnies ; le 13, il revint à Alexandrie ', où vingt-deux trompettes 
et tabourins le reçurent en grand tapage % et où il vit pour 
la première fois le chef réel de la dynastie usurpatrice 
des Sforza. 

Élevé sous le ciel brumeux du nord, à l'école de Téconomie, 
du travail, de la pauvreté même, Louis entrait brusquement 



1) m. Orléans, 933. 

2) Robert de Balsac, seigneur d'Entragues, fut aussi député à Vigevano 
{TU, Orléans, 945). 

3) Tit, Orléans, 944 els. (compte de 1494); lettre de Ludovic, Alexandrie, 
6 juillet (Arch. de Milan). 

4) Sanudo. 

5) Sanudo donne à ce sujet des détails inexacts : selon lui, le duc d'Or- 
léans serait allé le 14 à Vigevano et le 15 seulement à Alexandrie. 

6) Compte de 1494. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGXB DE NAPLES 43 

dans un monde nouveau, dans un monde de richesse et de 
jouissance, où les raffinements deTart le pics merveilleux se 
joignaient aux raffinements du confort. A la modeste et éco- 
nome cour de Savoie, rien ne Tavait préparé à cet état de 
choses, ni les minces trésors de Chambéry,garnis de reliquaires 
ou de souvenirs pieux de Félix V ou d'Anne de Chypre*, ni 
Faustère habitation de Moncalieri. En Lombardie,il se sentait 
pour la première fois hors de France. Pour la première fois, 
il éprouvait la responsabilité du commandement et la néces- 
sité de faire honneur à la gloire de son pays. 

De son côté, Ludovic, qui paraissait compter sur le duc 
d'Orléans, ressentait une certaine déconvenue de voir le duc 
compter au contraire sur lui et lui demander notamment un 
emprunt de 60,000 ducats. Au mèma moment, une dépêche de 
Belgiojoso confirmait ce dernier point. Le roi, certes, tenait ses 
promesses, en créant des impôts : l'emprunt forcé florissait, un 
peu violemment même; mais on se demandait où pouvait 
passer Targent... Le roi, rendu à lui-même, s'amusait beau- 
coup : de temps à autre, il donnait quelque ordre cassant, 
vague, sans portée pratique, et s'imaginait, parce qu'il effrayait 
les gens de bon sens ou tranchait dans le vide, gouverner. 
Préoccupé de ce côté, Ludovic n'avait pas moins de motifs 
de redouter l'avenir à Gênes. Louis d'Orléans et lui se ren- 
contraient donc sous des auspices peu favorables : mais la 
nécessité pressait l'un, et l'autre le souci de faire loyalement 
son devoir. Tous deux se trouvèrent immédiatement d'accord 
sur l'urgence de devancer une attaque napolitaine. Comment 
y arriver? Si l'argent et les troupes de Ludovic mettaient à 
l'abri d'un coup de main, D'Urfé ne s'entendait pas avec le 
commissaire milanais : le manque de rames avait retardé 

\) V. Fabre, Trésor de la Sainte-Chapelle des ducs de Savoie au château 
deChambéry (Invent. du 6 juin 1483). 



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44 HISTOIRE DE LOUIS XÏI 

Tarmement des galères, les levées de troupes ne s'opéraient 
point, les galères attendues de France n'arrivaient pas, non 
plus que rartillerie '. Et, pendant ce temps, la flotte napoli- 
taine menaçait : le cardinal Fregoso et Hiblet de Fiesque, em- 
barqués à son bord, faisaient des recrues. Un incident sans 
importance venait de trahir Taffolement des Génois : la simple 
nouvelle du rappel du consul napolitain avait déterminé, le 
7 juillet, une véritable panique. Les bourgeois, perdant toute 
contenance, avaient adressé à Ludovic une supplique, au 
moins bizarre, pour lui demander d'intervenir, d'obtenir le 
maintien de Tagent ennemi, étranger, d'après eux, à toute ac- 
tion politique, uniquement consacré au règlement des affaires 
privées de ses nationaux, et dont le départ équivalait à un 
désastre*. Le conseil des Anciens, pour raffermir un peu les 
courages, publia, le même jour, l'avis qu'on garantissait le 
loyer des maisons occupées par des Français et le paiement 
de tous les dégâts. Le 10, François de Luxembourg arriva 
fort opportunément, avec une créance du duc d'Orléans qu'il 
devançait de quelques heures. Les Anciens, réconfortés, firent 
vider l'arsenal et répartir l'artillerie entre les commissaires, 
sous leur responsabilité; à Tun cinq bombardes et dix canons, 
à un autre douze bombardes et vingt-cinq canons, à deux au- 
tres seize bombardes, quarante-huit canons, àeixxpassevolantSy 
des munitions et des chevaux, à tel autre vingt-quatre 
bombardes, ou six canons, et ainsi de suite jusqu'à épuise- 
ment, de manière que les citoyens notables se chargeassent 
d'asstfrer en même temps leur défense personnelle et celle du 
territoire '. Les Anciens volèrent aussi deux adresses de dé- 
vouement, presque identiques, au roi et au duc d'Orléans. Ils 

1) Delaborde; Arch. de Milan. 

2) Arch. de Gênes, Litterarum. 

3) Arch. de Gênes, Diversorum. 



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PRÉPARATIFS E)E LA CAMPAGNE DE NAPLES 45 

représenlaient la ville comme ayant déjà fait tout son possible, 
davantage même, par l'embargo mis sur les vaisseaux en 
chargement ou en partance et par la réunion d'une foule de 
navires de second ordre, comme prête encore à hâter Tarme- 
ment, sans rien négliger, malgré le dommage de son com- 
merce : ils ajoutaient la nouvelle, un peu prématurée, que, sur 
les côtes, tout était prêt pour empêcher un débarquement *. 

Il faut croire que ces belles assurances ne satisfaisaient 
qu'à demi Ludovic et Louis d'Orléans, puisqu'ils voulaient 
sortir à tout prix de la situation actuelle. Ludovic débordait 
danxiété et d'activité fébrile : dans la journée du 14 juillet, il 
n'expédia pas à Lyon moins de sept messages successifs. En- 
traîné à un chiffre d'avances auquel il ne s'attendait pas et 
ému des besoins que lui révélait le duc d'Orléans, il pressait 
le roi, attendu la gravité des circonstances, d'expédier au 
moins tout de suite à son frère Ascagne la solde de 30,000 du- 
cats promise aux Colonna, et d'envoyer sur Gênes tout le 
reste des troupes disponibles; il offrait de procurer de nou- 
velles avances, sous la caution de grands seigneurs tels que le 
duc de Bourbon *. 

Le prince de Salerne partit aussi pour Gênes, avec Baltazar 
Postecula, et, dans une assemblée solennelle du conseil et 
des magistrats, il fit de grandes promesses, au nom du roi et 
du duc d'Orléans; il jura que le roi, tout dévoué aux Génois, 
ne laisserait pas porter atteinte à leurs intérêts, que chacun 
trouverait son compte à le servir. Cette harangue produisit 
bon effet ». 

Ainsi d'accord sur les mesures urgentes, Louis et Ludovic 
se séparèrent sans aborder aucun sujet personnel : Ludovic 

1) Arch, de Gènes, LiUerarum. 

2) Delaborde. 

3) Arch. de Gènes, LiUerarum (lettre des Génois, 20 juillet). 



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46 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

n'osa pas parler des affaires (le Ceva. Louis semblait si pressé 
de partir que, dans la journée du 14, il expédia son chambellan^ 
Robert de Balsac, seigneur d'Entragues ' , à la marquise de 
Montferrat, pour annoncer son arrivée. 

Son <v cheval gris >> lui fut expédié d^Asti pendant la nuit, el, 
le 15 juillet, dès Taube, il quitta Alexandrie, avec François 
da Casale (ou da Casato), accrédité près de lui comme agent 
de Ludovic. Il joignit en route son maître d'hôtel, Dampierre, 
qui arrivait d'Asti, et le soir même il entrait à Casai, au son 
des harpes et des trompettes de la cour, des trompettes de 
M. d'Aubigny, avec les deux fous de la marquise. Les confé- 
rences de Casai se prolongèrent plus que celles d'Alexandrie, 
car Louis ne revint à Asti que le 18 •. 

Ludovic sentait bien le besoin de régler ses difficultés avec 
le duc d'Orléans, mais il ne savait comment s'y prendre. Mé- 
content de ne pas voir Fr. da Casale saisir sa pensée secrète, 
il lui expédia, le 16, une nomination de commissaire à Gènes, 
et accrédita son chancelier Bernardin Valérii, comme nouvel 
envoyé près du duc d'Orléans. Nous avons pu constater aux 
Archives de Milan que Ludovic refit trois fois les instruclions 
destinées à Valérii ; malgré beaucoup de ratures, il ne put ar- 
river à un texte satisfaisant. Valérii reçut l'ordre de motiver 
simplement son arrivée, en disant qu'on venait de recevoir de 
soi-disant nouvelles de France, d'après lesquelles le duc d'Or- 
léans se déclarait satisfait pourles questions de Ce va, questions 
que Ludovic n'avait pas eu le temps d'aborder dans leur en- 
trevue. Défaite vraiment bien faible, bien difficile à admettre! 

Malheureusement, à Gênes, l'accord ne régnait pas davan- 

1) Robert de Balsac,seigDeurd'EDtragues,plus tard sénéchal d*Agenais,avuit 
pris une pari active à la guerre de Bretagne et avait môme 6guré au service 
du parti du vicomte de Rohan (V. t. II, p. 197). 

2) Réception par trois ménestrels {fit. Orléans, 94 1). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 47 

lage. Ludovic ne craignait pas du tout, de ce côté, Teffort 
matériel de la flotte napolitaine, bien que cette flotte s'élevât 
au chiffre respectable de trente-cinq galères, dix-huit vais- 
seaux et d'une foule de navires, portant trois mille hommes 
de guerre, sans compter les émigrés *. Ce qu'il redoutait, 
c'était l'effet moral de son voisinage, et l'explosion du com- 
plot tramé à Gênes même (un de ses auteurs l'avait révélé au 
roi) pour le renverser du pouvoir, lui, Ludovic*. Or, les deux 
commissaires français, Luxembourg et D'Urfé, entraient en 
rivalité. D'Urfé prétendait garder le commandement, en vertu 
de sa commission première, jusqu'au départ de la flotte. 
Luxembourg, représentant du duc d'Orléans, qui représentait 
lui-même le roi, se séparait fort nettement de D'Urfé dans sa 
correspondance avec Louis et Ludovic. 

Louis d'Orléans, excédé de tant de tiraillements, brûlait d y 
couper court, par une marche en avant'. Le 16 juillet, de 
Casai, il rend compte au roi de son accord avec Ludovic, en 
termes enflammés : « Tout est prêt à Gênes, disait-il, pour 
rebutter l'attaque; mais, mon cousin de Bari et moi, nous con- 
sidérons cette situation passive comme un déshonneur et une 
faute; c'est perdre sa réputation et toutes les amitiés possibles 
en Italie. Il faut, à tout prix, des hommes, de l'argent, et une 
victoire : il faut aller chercher l'ennemi *. » Le même jour, 
Charles VIII,en réponse aux précédentes instances de Ludovic, 

i) Guichardin. Ludovic avait pourtant interné à Milan les principaux ha- 
bitants de GAnes et du pays, dont il suspectait la fidélité {id)» 

2) Machiavel, Fragments historiques ^ 1. 

3) D'Asti, il envoie au roi en toute hâte à la cour Jacques de Chambray, 
sieurde Thevray, un de ses hommes de confiance intime. Thevray devaitrester 
près du roi pour y représenter le duc : il y resta deux mois {TU, Orléans, 
946). Il remplit une mission analogue pendant l'expédition. 

4) Traduction italienne, communiquée à Ludovic (Àrch. de Milan): le même 
jour, Louis recommandait & Ludovic le marquis de Gotron et le frère du comte 

. de Clermont. 




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48 HISTOIRE DE LODIS XII 

se bornait à annoncer l'envoi du sire de Piennes au duc d'Or- 
léans. Ce 16 juillet, Ludovic était àLomellina, d'où il écrivait 
au duc d'Orléans pour lui proposer de laisser au capitaine 
Joan et au gouverneur de Gênes le soin d'accorder MM. d'Urfé 
et de Luxembourg; tout en s'inclinant devant la décision que 
prendrait Louis, il l'engageait aussi à ne pas se rendre à Gènes, 
avant d'être bien sûr d'y trouver les forces nécessaires pour 
garantir le succès \ 

Or, pendant ces dialogues épistolaires, précisément le 16 
juillet, la flotte napolitaine, sortant brusquement de son inac- 
tion, marcha sur Porto-Venere, à l'extrémité ouest de la rade 
de la Spezia, et le cardinal Fregoso fit adresser une som- 
mation à quatre cents Génois qui venaient d'y occuper un pe- 
tit fortin : ces gens, ayant demandé la nuit pour réfléchir, 
répondirent le lendemain matin à coups de canon. Il n'en 
fallut pas plus pour exciter à Gênes une violente rumeur. 
Les Français voulurent marcher. D'Urfé sortit du port, à 
la tête de douze galères, onze navires, vingt galions, flotte 
faible et improvisée, où s'embarquèrent nombre de Génois..., 
Jean Adorno, Jean-Louis de Fiesque, malade, mais acharné à 
combattre son frère Hiblet, bref les partisans, les soudoyés de 
Ludovic, si l'on veut parler comme Guichardin. On arriva trop 
tard en vue de la Spezia ; il avait suffi des montagnards accou- 
rus à la défense du fortin pour eff*rayer la flotte napolitaine, 
qui faisait voile sur Livourne. Le rôle de l'expédition se borna 
à élever un nouveau bastion à Porto-Venere *. 

Cette simple promenade produisit Teffet moral réclamé par 



1) Arch. de Milan. — Louis, qui avait dû mander lui-même de Vernoa 
(en Normandie) sa compagnie {TU, Orléans, 939, 945), envoie à cette com- 
pagnie, restée en Dauphiné sous les ordres de Framezelles, Tinvitation de le 
rejoindre sans délai (id., 946). 

2) Senarega ; Giusliniani ; Sanudo ; Cronica di Monfen^ato, etc. 



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PRÉPARATIFS DE LÀ CAMPAGNE DE NAPLES 49 

Ludovic et Louis, Elle fut surtout utile à Lyon. Charles VIII, 
tombé sous le joug d'une jeune ouvrière, prenait ses repas 
chez elle et y tenait même le conseil : chaque matin, en sor- 
tant de la mansarde de cette demoiselle, on se demandait^ 
d'après les conversations du roi, si Texpédition aurait lieu. 
L'ambassadeur milanais Belgiojoso se servit adroitement de 
la nouvelle pour rendre au roi quelque sentiment d'honneur : 
Charles décida de quitter Lyon le 28, et Ton s'occupa aussitôt 
des détails financiers, jusqu'alors trop négligés. 

Le conseil se réunit le 25 chez Georges d'Amboise et arrêta 
un ensemble de mesures ' ; il fit notamment signer au roi la 
nomination d'un comptable spécial (JeanPerresson,contrôleur 
du grenier à sel de Tonnerre), pour régler les comptes de la 
nef royale*. Dans le moment où il pensait prendre la mer, 
Charles VIII s'était surtout préoccupé, et occupé lui-même, 
d'orner le vaisseau royal. Pour cette grosse affaire, il avait, le 
i«' juin, envoyé « hastivement et a grant dilligence », en mis- 
sion spéciale à Gênes, le clerc d'office Colinet du Myn : Coli- 
net demanda à D'Urfé et autres « chefs de guerre » des indi- 
cations de dessin, démesure, de nombre, pour la confection 
des drapeaux ; il rapporta plusieurs patrons peints, que le roi 
voulut examiner lui-même à Dijon, et qu'il envoya confection- 
ner à Lyon « a grant dilligence ». Le décor coûta fort cher; on 
ne put pas régler à moins de 2,438 livres la simple exécution 
des drapeaux, mais on devait obtenir un résultat pompeux. 
Le changement de décision du roi interrompit les préparatifs; 
on les reprit et on les acheva pour le service du duc d'Orléans, 
La nef royale- ducale-amirale devait porter huit bannières 
bleues en haut de la hune, à l'avant de la pompe^ deux autres 
au milieu et quatre dans les coins de la proue, soit quatorze 

1) Delaborde. 

2) Arch. nal., KK. 333. 

m A 



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âO filSTOIRlfi DE LOUIS ïll 

bannières, arlUtiquement décorées, par les peintres lyonnais 
Jean Prévosl et Pierre du Past dit d'Ambenas,de trois g^randes 
fleurs de lis sur chaque face : chaque fleur de lis d'une aune 
et un tiers de haut, exécutée en or fin à Thuile et au vernis. 
Les mêmes artistes peignirent trois grandes fleurs de lis d'or^ 
de deux aunes, sur chaque face d'une grande bannière bleue 
dite endryvet^ longue de cinq aunes et demie, à deux pointes, 
« en façon de voile », destinée à flotter au haut du grand 
mât. Etienne des Salles, ditLyévain^ peintre et vitrier du roi, 
sema de fleurs de lis un grand drap de talTelas bleu, pour le 
tour de la hune : il peignit aussi les deux cottes d'armes, en 
taffetas bleu, des héraults du roi, soit douze fleurs de lis sur 
chacune : dix bannières bleues d'une aune de long pour les 
trompettes de Tarmée de mer, qu'il orna, sur chaque face, de 
trois grandes fleurs de lis de deux pieds chaque. Ces dernières 
bannières, traitées avec un soin extrême, furent ornées 
encore d'un bouton de filigrane d'or de Florence, de deux 
houppes de soie enveloppées dans un semblable filigrane et de 
deux longs cordons en torsade de soie et d'or de Florence* 

Ainsi quatorze bannières bleues fleurdelisées, un grand 
pavillon, deux casaques de héraults, dix bannières de trom- 
pettes et une grande tente formaient le principe de la décora- 
tion pour le roi. Le changement de destination induisit à arbo- 
rer les couleurs du duc d'Orléans. Jean Bourdichon, le cé- 
lèbre peintre du roi *, peignit une Notre-Dame^ de huit pieds 
de haut, sur chaque face d'un grand étendard, ou /7am6e, jaune 
et rouge, à franges de soie, long de cinquante aunes, soit un 
plein de vingt aunes et deux pointes de trente. Il exécuta deux 
autres Notre-Dames de cinq pieds, sur un pareil étendard de 

1) Le peintre Jean de Paris ne reçut aucune commande éa cette affaire : 
mais c'est lui qui avait organisé l'entrée du roi et de la reine en i494(J. 
Renouvier, Jehan de Paris, p. 12. M. Renouvier dit, par erreur, 1493). 



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PRÉPARATIFS DK LA CAMPAGNE DE NAPLES 

quinze aunes de haut destiné aux signaux : ei d 
Dames de trois pieds et demi, entourées d'une nuée 
d'un rayonnement d'étoiles d'or (avec un porc-épic 
une motte de terre, le tout sur semis de « pi 
porc-épic), sur un grand étendard de cinq aunes do 
mé le panan^ pour l'avant de la pompe. Enfin Bou 
cora huit bannières bleues, longues de trois aunes, 
écusions d'Orléans^Milan qui en couvraient chaqu 
qu'à quatre doigts du bord. Qu'on nous pardonne d'i 
ces détails, puisqu'on les jugeait fort importants 
d'occuper le roi en personne^ parmi les plus granc 
de l'État. 

Quand Perresson reçut, comme nous l'avons dit, 
de régler la dépense, cette dépense était faite. Pierr 
contrôleur d'écurie du roi, lui en remit le compte 

Louis d'OrléanSi du reste, n'éprouVâ pas moins 
de se mettre à l'unisson du luxe et de l'art des 1 
commanda, pour sa compagnie, de belles enseigne 
de Suie et d'or^ et pour sa suite de somptueux capai 
hoquetons couverts d'orfèvrerie^ seiae couvertures 
l'écusson d'Orléans-Milan par un brodeur de Blois, 
soigneusement ciselées par divers orfèvres '. De Gi 
voya en France un page chercher ses grands che 
leurs harnais : d'Asti, il se lit acheter à Milan du dn 
Gènes des courtines de damas jaune et rouge pour 
camp. Son contrôleur, François Doulcet,allaàMar£ 
cher des conserves et du \in, pour sa table de bor 
voit : Louis d'Orléans ne pensait plus guère aux ru 

1] KK. 333. PerressoQ reçut, le 1» août, un acompte de 86 
solder (Portef. Fonlanieu, 149-lBO). 

2) Joursanvault, 677, 678. 

3) tu: Orléans, 938, 939. 



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52 HISTOIRE DE LOUIS XU 

nirs de la guerre de Bretagne. Devant la prospérité inouïe, le 
bien-être, Tintensité de vie, qui éclataient en Lombardie, les 
Français ne pouvaient manquer d'éprouver l'impression de 
leur aïeul Brennus à Rome ^ Ils trouvaient, comme Ta bien 
dit M. Mérimée •, toutes les séductions que la nature, les arts, 
une civilisation raffinée pouvaient offrir à des hommes ardents 
à tous les plaisirs et qui croyaient les rencontrer pour la pre- 
mière fois. D'ailleurs on se plaisait aies enivrer de merveilles. 
Nous n'aurons que trop souvent occasion de le constater dans 
la suite de nos récits : c'était à qui, en Italie, entourerait ces 
fiers conquérants des caresses de la voluplé,des séductions de 
toute nature. Les femmes semblaient résolues aies ensorceler 
de leurs sourires : dans l'air tiède de la péninsule, sous un 
brillant soleil, devant les flots bleus et les horizons diaphanes 
et les paysages aux chaudes harmonies, parmi toute la magie 
des arts, de l'espritjde l'élégance, de la somptuosité, la femme 
italienne, formée aune école plus raffinée que morale, appa- 
raissait avec le sourire de Mona Lisa. Si ce sphinx exquis se 
laissa trop souvent deviner, si les courages les plus virils 
s'enchaînèrent aux séductions offertes, à qui s'en prendre ? 
L'Italie accusa et accuse nos pères : la France accuse les Ita- 
liennes. Qu'on permette à l'impartiale histoire de déclarer, 
en principe, qu'il paraît plus équitable de n'accuser per- 
sonne, et de laisser la question en suspens. Ou, si l'on veut, 
qu'on accuse la nature humaine, toujours si fragile, les 
mœurs du temps, l'éducation surtout. Il ne semble pas plus 
juste d'acquitter au tribunal de l'histoire la grande dame napo- 
litaine, qui, pour obtenir une faveur de Charles VIII, lui 
amène et lui livre sa propre fille, que le jeune roi lui-même, 
oublieux des responsabilités du commandement. 

1) Sismondi, Républiques italiennes, édition de 1826, XII, 38 et s. 

2) Mérimée, Portraits historiques et littéraires (Branlhome^. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 53 

Sans même recourir à des arguments si langibles,un rapport 
d^un agent de Ludovic nous montre bien l'impression produite 
sur les Français dès leurs premiers pas. Il s'agit de deux en-* 
voyés de Louis d'Orléans, qui traversent Pavie où se trouvait 
le malheureux duc de Milan, Galéas, pour se rendre à Milan ; 
passage délicat autour duquel veillait Ludovic ! On entoure 
les deux chevaliers français, on leur montre toutes les curio- 
sités et les splendeurs de Pavie, château, bibliothèque, deux 
des plus belles choses du monde *, cathédrale, université, 
reliques, chartreuse... La journée entière s'écoule; ils poussent 
des cris d'admiration. Ils repartent fort lard pour Milan : 
peine ont-ils pu serrer la main de l'infortuné duc, et surtout 
ils n'ont pas vu la duchesse ! Le duc et la duchesse restent 
isolés, réduits aux communications de Ludovic*. 

1) Archivio st, italiano^ XXIII, Compte rendu de P. Rotondi; C, Magenta, 
Visconti e gli Sforza nel castello di Pavia^ 2 v. f®. 

2) L'agent de Ludovic écrit : 

« Per exequire quanto l'Ex» V» mi ha commisso, hieri malina acompa- 
gnay li duy cavalieri dellll"° S. Duca de Orliens al Domo, dovi olditeno raissa, 
et vidino il Regiesoie, stata nova, la Darsina, il castello, la libraria et le 
Reliquie, ne si partirono de Castello che volsino tochare la roane al Duca 
et al conte de Pavia. La Ducbessa non viseno altramente. Nel tornare ad 
Ihostaria, li fece vedere le scole. Aile 20 bore, li bo acompagnati alla Cerlosa 
per la via del parcbo, et visto la Chiesia et tulto il resto cbe li parve una 
cosa stupenda, dicendoche, per uno palazo[com]eèil castello et una chiesa 
corne è la Certosa, non hano paro al mondo. Et bavondoli facto apparcchiare 
da li frati una colalione, non si sono partiti fin aile 24 bore, in modo che, 
si corne dovevano andare ad Milano, non hano passato Binascho, et questa 
matina doviano andare ad Milano. Li sono scapate due parole de hocha, che 
poy fare intendere alla £• V*. Nel tornare ad casa, trovay lo 111"** S® Ducha 
che V3neva in castello, et il conte Guido era con la E* Sua, et lié tornato 
questa matina con légère al p'° S. et Ducbessa luy proprio una letlera de 
TEx* Vt, de la conlinentîa vedera per linclusa copia, et luy proprio in loro 
presentia mi ha comisso quella che similmenle vedera per linclusa, imponen- 
domi el p** Sf« cbe cosi li facesse. lo, vedendo quella de TEx» V*, non mi 
e parso far resislentia, et nel partire el p^ S., li donoe uno mellone. Il tiitto 
me è parso significare alla Exa V*, adcio venendo alcuno ad dolersi che li 
ussero occupale le sue tese, sapia donde procédera. Havendo inteso el p'*. 



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K4 HiSTOiBi DE LOUIS xn 

Vraiment, on peut dire qu'au moment où une vive émotion 
étreignait l'Europe , surtout l'Italie et Constantinople, les 
cours donnaient un bien étrange spectacle ! Venise, tout en 
proclamant sa neutralité, armait. Le pape prêchait la croisade 
et secrètement s'entendait avec le Turc * , Charles VIII ne 
parlait plus de quitter Lyon. La décision prise en conseil, dès 
le i9 juillet, do confier le gouvernement au duo de Bourbon, à 
cause de son absence, ne lui semblait sans doute pas urgente, 
car il ne se b&lait ni de la sanctionner ni delà publier. On eût 
dit qu'il ne pouvait se décider h sacrifier une parcelle de son 
pouvoir. Quant à Ludovic, il ne rappelait ses ambassadeurs 
ni de Florence ni même de Naples ; bien plus, il ne cessait dç 
promettre au roi de Naples de ne pas le laisser détrôner, il fai- 
sait dire à Venise, à Florence, qu'on ne s'inquiétât pas, qu'il 
saurait bien « renvoyer le roi »* . Il se moquait de Charles VIII, 
assez aveugle pour ne pas comprendre son projet d'engc^ger 
la France dans un mauvais pas, où il l'abandonnerait s^il ne fai- 
sait pis. Croirait-on que Pierre deMédicis mit, en toutes lettres, 
sous les yeux du roi, la preuve matérielle de \^ trahison de 
Ludovic?... Il n en résulta rien, sinon un redoublement i'^ùr 
tivité de Ludovic, anxieux de sortir au plus vite de cette passe 
difficile. Les billets du duc de Bari ^u duc d'Orléans se multi^ 
plient avec une hâte fébrile *. Le 19 juillet, Ludovic remercie 
Louis d'avoir obtenu la paye de juillet, pour les troupes levées 

S. che li duy cani dati ad Guidone erano orepati per uno oanatepo, ne ha 
roandato un altro paro a| S. Marchese di Manlua. Ricommandoroi de oonth 
nuo humilîler alla Ex» V». Papie, die 8 augusti 1494. Ex» V® Servitor fidelisr 
si nus, Dionysius, » 

Illmo et Ex°<» Dnomeo, singular^o d^o, Ludovico MarifiB Sfortiœ Viçecomili. 
— Per D. Jo. Jacobum Gilinura, in maqibus propriia. Cito. — (Aroh. de 
Milan.) 

1) Cherrier, I, 416. 

2) Commines. 

9) Guiehardin ; Arch, de Milan. 



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PRÉPARATIFS DB ta GAMPA6NB DE NÂPLES S5 

en Milanais. Le 23, il accrédite comme délégué près de lui un 
frère de Galéas et d' Antoine-Marie de San Séverine, Gaspard, 
plus connu sous le sobriquet de Capitan Fracassa^ qui avait 
Tordre de se rendre immédiatement à Asti, de gagner à tout 
prix la confiance du duc d'Orléans, de presser les embarque- 
ments, de réclamer surtout lapaye ; carie roi parlait maintenant 
de la renvoyer au 8 août, ce dont Fracassa devait témoigner un 
étonnement profond. — Ludovic se déclarait prêt à aller lui- 
même à Alexandrie, hâter le départ des troupes; mais pour les 
expédier, il fallait les payer. 

Le 24 juillet, il insiste, dans une nouvelle lettre, sur l'ur- 
gence de prendre un parti... Certes, c'était une insistance bien 
inutile, car Louis d'Orléans ne se préoccupait pas moins de la 
situation; il lui arrivait des réclamations sur la tenue des 
troupes, notamment sur celle de la compagnie Foix •, sur le 
logement des compagnies Montfaucon et Caumont *. Il avait 
fort à faire de maintenir Tordre parmi tous ces Suisses et ces 
Français dispersés : il redoutait les suites de Téchéance finan* 
cière de fin de mois. Enfin, Saint-Malo etBeaucaire annoncent . 
Tcnvoi deTargent. Ludovic, satisfait,mais sceptique, demande, 
le 30 juillet, qu'on le prévienne, dès qu'on aura vu le numé- 
raire. En effet, l'argent arrive, mais en quantité insuffisante : de 
plus, les résultats d'une si longue attente se manifestaient 

1) Comte de Caïazzo. Il s'était engagé au service de Charles VIII, avpq 
un certi6cat de Ludovic Sforza garantissant sa loyauté et sa sincérité (fr. 
2922, fb 14). Ludovic garantit aussi les autres capitaines (Portef. Fontanieu, 
147-48). 

2) Le duc envoya Raoul du Refuge faire une enquête à Canale, où elle 
était cantonnée {Tit.ûu Reruge, 59). 11 envoie en Mon tferral faire des/o^er la 
compagnie de domp Joan {TU. Orléans, 946). Cette compagnie va se canton- 
ner près d'Alexandrie, où le duc est encore obligé de lui écrire deux fois 
(td.,939). 

3) Lettre du 12 juillet, à Ludovic, lui promettant satisfaction (Arch, de 
Milan). 



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56 HISTOIRE DE LOUIS XII 

chaque jour plus vivement : discussions et rivalités dans Tar- 
mée, maladies causées par l'apparition de chaleurs torrides, 
indiscipline des Suisses, qui semaientles routes de maraudeurs. 
Après la paye, un certain nombre de ces Suisses du bailli de 
Dijon désertèrent, selon une pratique trop fréquente. Louis 
d'Orléans, exaspéré, écrit, le 31 juillet, à Ludovic, pour deman- 
der qu'on les arrête et qu'on garde la frontière : « Et, de ma 
part, je y envoiray ung prevost des mareschaulx, pour en faire 
pendre et estrangler autant qu'il en pourra trouver. » Il trans- 
met le même avis au bailli de Dijon. Il prit aussi diverses 
mesures à Gênes, d'accord avec San Severino, et arrêta ses lo- 
gements. Ludovic le félicite chaleureusement, le 31 juillet, de 
son activité et de sa vigueur'. 

L'heure avait bien sonné d'agir. On attendait le signal. Rien 
ne venait. Charles VIII, jadis si pressé, semblait paralysé à 
Lyon, où il fallait multiplier les démarches pour obtenir de lui 
le nécessaire .... II ne parlai t plus de départ : à l'instant décisif, 
« Vénus » faisait tort à « Mars » ' . Pourtant, que de soldats 
sans pareils, à la tête ou dans les rangs des compagnies qui s'é- 
branlaient, et quelle soif de gloire ! Autour de ce roi, qu'on 
se figurait de loin comme un jeune conquérant, le pied à 
rétrier ', voici le vainqueur de Saint-Aubin, Louis de la Tré- 
moïUe, devenu premier chambellan, chevalier de Tordre, 
pensionnaire de 10,000 livres * ; le fils du connétable de Saiut- 
Pol, Louis de Luxembourg, comte de Ligny, héritier des cent 
lances du maréchal des Querdes ^ ; François de Luxembourg, 

1) Arch. de Milan. 

2) Le Vergier d'honneur, 

3) V. son portrait sous cette forme dans l'admirable exemplaire du Lan- 
celot d'i LaCy imprimé sur vélin pour le roi par Antoine Vérard, en 1494, 
(Biblioth. nationale de Paris). Hennin attribue à tort ce portrait à Louis 
d'Orléans. 

4) TU. La Trémoïlle, 70. 

5)- TU, Luxembourg, 89 (29 avril 1494). 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 57 

vicomte de Martigues, vieil ami et chambellan de Louis d'Or- 
léanSy et demeuré son compagnon^; Engilbert de Clèves, 
cousin germain de Louis par son père, et du roi par sa mère, 
étroitement rattaché au service de la France par son mariage 
avec Charlotte de Vendôme *, et l'un des plus vaillants capi- 
taines'; Berault Stuart, seigneur d'Aubigny, chambellan, 
commandant de Vincennes^puisd'HarQeuret de Monlivilliers, 
chevalier de Tordre, gouverneur de Berry, pensionnaire du roi 
pour 3,000 livres, capitaine de cent lances sous Louis XI, ac- 
tuellement commandant de la garde du corps du roi : — Stuart, 
d'origine écossaise *, enrichi au service de la France, aimait 
trop Targent *, comme un bon favori de Louis XI qu'il avait 
été •, mais on pouvait compter sur son énergie ^ ; — Yves d'A- 
lègre; Claude de la Châtre, capitaine de la garde, dont les 
soixante- treize ans ne refroidissaient point l'ardeur belli- 
queuse * ; Philippe du Moulin ; Jean de Polignac , sire de 
Beaumont, le commissaire de Gênes; le prince d'Orange, si 
vaillant à Saint- Aubin ; Robert de Framezelles, lieutenant com- 

1) Tit. Luxembourg, 84 et s. 

2) V. tome II, p. 246. 

3) K 553, XIX : ms. Dupuy 570, p. xlii ; Engilbert soutenait contre le 
sire d'Orval un procès indéfini : Charles VIII, malgré les protestations du 
Parlement, donna et maintint Tordre d*y surseoir pendant l'expédition (X*» 
9323, r»» 151, 156, et ci-après). 

4) Charles VII avait octroyé à Jean Stuart, comte d*Évreux, seigneur 
d'Aubigny, Vécartelure de France, par patentes de Blois, février 1428-29 (fr, 
3910, fo 185). 

5) n avait été soudoyé par Ludovic pour pousser Charles VIII à Texpédi- 
tion : il se fit, en outre, donner par le roi une gratification de 12,000 1. pour 
ses peines (Tit, Stuart d'Aubigny, n<» 9> 

6) V. not. Patentes de Louis XI, du Plessis-les-Tours, 12 nov. 1482, 
continuant à Bérault Stuart les gabelles de La Flèche et Château-Gonthier 
à lui données le 25 février précédent (ms. Clairamb. 222, f* 207). 

7) Louis XI l'avait chargé, comme capitaine de Vincennes, de garder René 
d'Alençon {Tit. Stuart d'Aubigny, 2 à 9 ; d'Aubigny, passim), 

8) La Tbaumassière, Hist. du Berry, p. 353. 



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HISTOTBI DE LOUIS Zll 

la compagnie d'Orléans, l'ancien condamné de 
iin d'une noble ardeur ' ; le maréchal de Rieux^ 
mai, d'une compagnie de soixante lances seule- 
)sez mauvaise humeur; le maréchal de Gié, plein 
d'autorité et de faste' ; MM. de Vendôme, de 
de Foix ; Guinot de Lauzières, chargé de l'artillo- 
['autres capitaines. Et parmi les simples gentils- 
)reton François de Saint- Amadour, qui reçoit de 
ns un cheval en reconnaissance de ses exploits ' ; 
lly, baron de Longray, bailli de Caen,rude homme, 
is XI •; le jeune Jacques Galiot, écuyer d'écurie 
chai d'Armagnac, un type de vaillance '; Jean 
igneur de Barbazan, chambellan, capitaine de 
ices, héritier d'un nom illustre • ; ou même les 
î, un peu fous, mais encore plus braves : Art us 
neur de Boisy; Guillaume de Poitiers, seigneur 
marquis de Coiron, tout animé d'une ambition 
)îneet Germain de Bonneval... Jacques, baron de 
injou, chevalier de Tordre, lieutenant général du 
mmandait les cent gentilshommes de lan^aison 
roupe d'élite, où chaque gentilhomme était retenu 
constatant sa loyauté et sa vaillance. Il mourut à 
mpagne, et eut pour successeur Yves d* Alègre • . , . 
I plupart de ces brillants soldats pouvaient encore 
les inconnus : mais on ne s'y trompait pas, On 

donna une pension de 2,400 liv. (r*7. Framezelles, 8). 
223, 327. 

roi 40,000 liy. Y« notre biographie, Pierre de Rohan^ p. 39. 
rey, 
, édition Dppont, III, 420 ; TU. Saint-Amadour, 2. 

TU. Galiot, 3. 
ic, 16, 17. 
)5;KK,78. 



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PRÉPARATIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 89 

sentait qu'au premier signal, quand ces épées sortiraient du 
fourreau, rien ne saurait leur résister. 

Seulement, le signal ne venait pas. 

A Gènes, tout paraissait prêt ' . La ville continuait à faire 
quelques dépenses d'artillerie, nécessaires pour sa sauve* 
garde ' : le 24 juillet, elle acheta un chargement de farines 
siciliennes, de la nef Pallavicini^ seule laissée au commerce, 
au dire de Senarega.... 

Le 29 juillet, D'Urfé fit une démarche agréable à la ville : H 
vînt notifier aux Anciens que le roi, voyant la flotte napoli- 
taine accueillie dans le port de Livourne, malgré les protesta- 
tions d'amitié des Florentins, déclarait Florence son ennemie 
et autorisait Gênes à compter sur la France pour ses revenu 
dications. Presque aussitôt, pendant que le conseil, ému, 
heureux, en referait à Ludovic, François de Luxembourg vint 
annoncer l'arrivée du duo d'Orléans et présenter ses compli- 
ments. Cette nuance de dualisme persistant ne parut pas pro- 
duire bon effet, car le conseil vota une adresse de dévoue- 
ment au roi et à Ludovic, adresse où il ne mentionna pas plus 

i) Ji^fi^Tèsl^ Descriptio apparatus &e^/tci.,.} tej^te peu cligne de foi, publié 
au t. II du Voyage Httéimrey le service des rames était fait par des criminels 
ou vagabonds envoyés de France. L'auteur affirme qu'il en vit passer qua- 
torze cents pour cette destination. Le savant Rosminî (DelV Istoria di Milano, 
t. ni, p. 169) assure, nous ne savons sur quel fondement, que la plupart des 
soldats français de l'armée de Charles VIII étaient des « repris de justice, 
qui portaient de longs eheveux et de longues barbes, pour dissimuler les 
stigmates du bagne ». Si l'on peut eroire que, selon la coutume, Charles VIII 
avait expédié des galériens pour ramer sur les gaIères,nous avons dit aussi 
qu'il avait interdit le passage des Alpes à tout aventurier ou vagabond. Les 
monstres et revues nous donnent le tableau des compagnies de l'armée fran- 
çaise, qui paraissent fort régulièrement mises sur le pied de guerre. Brantôme 
(Discours sur les Colonels) parle seulement de la tenue débraillée de cinq 
cents arbalétriers gascons, qu'il dépeint à demi-nus, d'un aspect repoussant, 
la plupart marqués du fer rouge. Mais Rosmini a un peu trop généralisé cette 
peinture, trao^e, d'ailleurs, par un auteur fort sujet à caution. 

9) hffih' de Q^nes, JHversiQrum, 



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€0 HISTOIRE DE LOUIS XII 

le duc d'Orléans que le duc de Milan. Courtoisement, on fit 
seulement passer l'adresse au roi par les mains du duc d'Or- 
léans * : mais on senlil, ce jour-là, je ne sais quel reflet des 
vieux préjugés enracinés à Gênes, depuis un siècle, contre la 
maison d'Orléans, à cause des rapports avec Savone et les 
marquis de Ceva. 

Le même jour, entrèrent dans le port, douze galères cons- 
truites en Provence, avec de l'artillerie '. Elles se joignirent 
aux soixante voiles (vingt-cinq galères, treize galions, douze 
navires, dix bateaux), toutes prêtes, qu'on avait essayées, la 
veille, par une première reconnaissance en mer. Ce n*était 
pas l'effectif prévu ' : mais il n'y avait plus rien à attendre 
pour le moment. Aussi le duc d'Orléans arriva-t-il le même 
jour, et il s'installa au palais Saint-Thomas, propriété du 
cardinal de la Rovère *. Tout aussitôt, il constata qu'on man- 
quait de pontons pour les chevaux, de fourrages, de provi- 
sions : la ville elle-même commençait à souffrir de la disette, 
h cause de l'arrêt du commerce, et une plainte générale 
s'élevait. 

Louis d'Orléans n'y pouvait rien : il revint, à Alexandrie, 
le 4 août, tenir un grand, conseil de guerre avec Ludovic, 
MM. de Piennes, d'Urfé, de Luxembourg, Stuart d'Aubigny, 
de Chastillon *. Cette fois, il comptait couper court aux em- 

1) Arch . de Gênes, Litterarum. 

2) Le 30 juillet, Ludovic, déjà informé, écrit de Vigevano au duc d'Orléans 
pour lui demander si une partie de cette artillerie n*est pas destinée à 
Gênes (Arch. de Milan). 

3) On ne voit pas que les galères de Normandie et de Bretagne, auxquelles 
il avait été si souvent question d'envoyer des ordres de départ, aient rallié 
Gênes. Au reste, on ne pouvait dégarnir les côtes voisines de l'Angleterre. 

4) Sanudo; Giustiniani. 

5) L'auteur de la Chronica di Monfeirato {Monuments Historix PatiHx, 
Scriptores, t. IH, c. 1243), assez mal renseigné, signale bien à tort la pré- 
sence à Alexandrie du jeune duc de Milan, Jean Galéas. Il s'agit, plus pro- 
bablement, du prince de Salerne, à qui Louis avait écrit Ht, Orléans, 945). 



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PRÉPARATIFS DE LA. CÂMPÀGNB DE NAPLES 61 

barras par un embarquement immédiat. Mais Ludovic se re- 
trancha encore dans son objection première : selon lui, il 
fallait d'abord payer les troupes et compléter les approvision- 
nements; il insistait vivement sur ces points essentiels. Le 
lendemain 5, arriva enfin Favis formel que le roi allait y 
pourvoir : alors le conseil de guerre décida que le duc d'Or- 
léans irait à Asti présider la paye, le 6 août, et qu'il ferait 
partir les troupes le 8. Pendant que le corps d'armée de terre 
s'avancerait en Lombardie pour se concentrer aux environs 
fle Parme, les troupes de mer, divisées en deux colonnes, sous 
la haute direction du duc, s'embarqueraient, les unes à Savone 
par les soins de Fr. de Luxembourg, les autres à Gênes 
sous les yeux de D'Urfé. Le duc d'Orléans irait ensuite s'em- 
barquer lui-même, ce qu'il pourrait probablement faire le 11. 
En effet, au jour dit, des troupes considérables marchèrent en 
Parmesan, pour se masser sur la frontière milanaise, et Louis 
d'Orléans, après avoir expédié ses colonnes, attendit à Asti 
l'heure du départ. Il renvoya en France son aumônier Pierre 
de Beauvau, avec un cordelier. Nous le voyons donner de 
menues gratificalions aux trompettes de Tarmée navale, des 
secours à un homme blessé par les gens d'armes, à un capi- 
taine suisse réduit à la misère par le retard de la paye ' 

La crise économique grossissait à Gênes, et l'arrivée des 
troupes ne fit que l'aggraver : le 13 août, le doge dut pro- 
mulguer une ordonnance accordant la libre entrée à tous les 
comestibles et une complète sauvegarde à qui en apporterait '. 
Le 14, le conseil des Anciens, défaillant devant le cri public, 
formula, dans une délibération, les sentiments pacifiques de la 

1) TU, Orléans, 94 i et suiv. : Sanudo. Pendant ce temps, il correspond 
avec Ludovic et Du Bouchage par Raoul Du Refuge {TU, Du Refuge, 59 : 
Joursanv.). 

2) Ârcb. de Gênes, LUlerarum» 



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HlSTOlUK DE LOUIS XU 

ilatioû et des vœux contre la guerre où Ton s'engageait', 
mis d'Orléans ne quitta Asli que le 16, et s^approcfaa len- 
int de Gènes. A Serravalle, un joueur de souplesses vint 
mer ses soucis ' • Le 18, les douze commissaires de 
\8 se réunirent pour lui préparer une réception officielle 
enable ; mais, eu même temps, ils firent rédiger par quatre 
Te eux une requête pour la levée des représailles exercées 
on contre des Génois. Ajoutons de suite que Charles VIII 
oit à cette demande. 

19 août, Louis d'Orléans entra solennellement à Gènes : 
rendit droit au port, où il prit possession de la galère dé- 
ïe pour son service, la Negrona, le plus gros vaisseau de 
)tte '. Il y arriva l'argent à la main, et ne distribua pas 
is de 107 livres (53 écus d'or) de menues gratifications 
s musiciens; en revanche, il lui fallut entendre quatre 
pettes de la galère du capitaine Perrot Joan, vingt- 

des navires, cinq du gouverneur, quatre d'une nau 
ise^ six de l'amiral, trois ménestrels et Irois tabourins 
rênes, trois tabourins du duc de Milan, trois d'An^ 
-Marie (de San Séverine), cinq de François de Luxem- 
^, trois de la galère Spinola, quatre de la galère Nicolas 
ault, trois d'une galère nouvelle, cinq trompettes et 
e hautbois de la galère Turbin, quatre de la nau Naigron, 
ista à une course de matelots en rade : puis un canot de 
u Naigron le ramena à terre *. 
ittendit encore à Gènes les ordres du roi. 
arlcs YIII était toujours à Lyon. Heureusement, la peste 
g[ea à en sortir. Il se réfugia à Vienne, d'où il écrivit^ 

Tch. de Gênes, Dtversortiw* 

Ht. Orléans, 944. 

>anudo. 

'it. Orléans, 944, 920. 



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t^RÉPARATlFS DR LA CAMPAGNE DE NAPL 

le 20, une lettre assez vague/ pour réclamer de 
le royaume. Il annonçait son intention de se r( 
« pour voir partir le duc d'Orléans » * ; mais s( 
de plus en plus incertain, se demandait ce c 
faire et s'il irait seulement jusque là*. Ann 
quoique bien hostile à l'expédition, employa 1 
fluence pour rendre au roi un peu de raison; e 
torpeur.... 

On prit de rigoureuses mesures financière 
malgré leurs résistances, durent consentir des 
donnancede régence, arrêtée le 19 juillet, et si^ 
le 9 août \ parut enfin le 28 ^ 

Le 27 août, Louis d'Orléans reçoit une aul 
tabourins; le 29, arrive un courrier de la marq 
ferrât, et plusieurs matelots mènent le duc/ow 
31, un « joueur de basleaulx » joue devant lui 
de Gènes continuait quelques armements défeni 
rait si le roi viendrait à Gênes : le conseil chai 
de Fiesque de préparatifs par sa réception éveni 

Malheureusement, pendant que les jours suc 
aux jours, la flotte napolitaine, sortant brusqi 
vourne, occupa en un coup de main Porto Ven( 
séquent la rade de la Spezia. A cette nouvell 
tremble ; le conseil perd la tète : le 21 août, ce 
tout à coup de trouver trop mesquins les préser 
duc d'Orléans, et décrète une contribution non 
rendre convenables; le 22, le lendemain, il s'; 

1) Fr. 20432,113. 

2) Desjardins, 499, 503. 

3) Orléans, il août: Lemaii^e, Antiquitez.é,., p« 5l3. 

4) La Mure, II, 438. 

5) Lettre aux habitants de Troyes^ publiée par Stein : CI 

6) Ti/. Orléans. 



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64 HISTOIRE DE LOUIS XH 

nemî, à Frédéric d'Aragon, prinqe d'Altamura, « 1res digne 
commandant de la flotte royale, j» par une supplique où il le 
prie instamment de rendre Porto Venere. Dans cet écrit, le 
conseil allait jusqu^à nier toute participation aux actes de Lu- 
dovic et de Louis : « nihil egimus », et quoiqu'il fût bien évi- 
dent que le prince d'Altamura ne se rendrait pas à ses vœux, 
à peine pouvait-on deviner une menace sous cet étalage de 
soumission*. 

Le 29 août, enfin, Charles VIII se résolut à passer les Alpes : 
avant de partir, il crut devoir prendre des précautions minu- 
tieuses, qui témoignaient de sa défiance envers M. et M"* de 
Bourbon, et même envers la reine. Il ordonna à la reine de 
se tenir à Moulins, et il prescrivit qu on gardât le dauphin à 
Amboise, sans communication avec le dehors, sous les yeux de 
quelques affidés désignés par lui : Guyot Pot, M. de Boisy et 
autres *. H se réserva de donner les moindres ordres ', et la con- 
signe était tellement précise que nous voyons, le 17 octobre, le 
capitaine des archers d'Amboise écrire en Italie au roi, pour lui 
demander si les archers de la garde du dauphin peuvent aller 
h la messe *. Il voulut satisfaire Alain d'Albret, qui ne cessait 
de gémir, malgré le parti qu'il avait tiré des événements de 
Bretagne, et qui parlait toujours de ses droits sur le duché ' ; 
alléché par la restitution du Roussillon à TËspagne, Alain 
obtint du roi l'abandon du comté de Gaure et de la ville de 
Florence \ 

1) Arch. de Gênes, Diversorum; id., Litterarum, 

2) Portef. Fontanieu (27 août). 

3) La reine fut désespérée d'être ainsi séparée de son fils, alors malade. 
Il reste, d'elle, une suite de lettres adressées à Amboise, aux chambellans 
et maîtres d'ijôtel de son « Olz le Daulphin » {ïr, 2922), 

4) Fr. 25541,190. 

5) A cause de sa femme, Françoise de Bretagne. 

6) Compilation de Guillaume Blanchard, p. 382. On se rappelle qu'Alain 
avait obtenu une compagnie de cent lances, et 110,000 écus d*or pour sa 
trahison de Nantes {Til, Albrel, 204,212). 



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PKÉPARÂTIFS DE LA CAMPAGNE DE NAPLES 

A ces acles de politique étroite et d'amour-propre u] 
puéril, continuaient à se mêler des inconséquences de ; 
homme. Le roi, par exemple, tint beaucoup à faire esca 
une montagne du Dauphiné, réputée inaccessible à eau 
ses parois à pic ; on parvint à bisser par des échelle 
hommes^ qui racontèrent n'avoir vu sur le plateau q 
« garenne de chamois » '. Dans la vallée d'Aulx, il fitpe 
sans jugement, de malheureux Yaudois ^.. 

Bref, le roi expédia des messages dans toutes les direc 
et dit adieu à la reine. Anne de Bretagne, timide, éperdi 
attachée à son mari, le vit partir avec effroi. On ne parla 
des crimes, des poisoùs de l'Italie : elle entoura elle- 
Charles VIII de femmes sûres, pour lui faire la cuisine, 
son linge *... Au dernier moment, Charles renonça à ] 
par le mont Viso, où il venait de faire percer un tunnel, 
de l'admiration générale, et il préféra la route dumont Gei 
qui demeurait la plus commode pour Tartillerie ^ En Pié 
dans le Montferrat, il s'avança partout au milieu de 
grands honneurs, parmi des enchantements sans fin : 
reçut comme un suzerain, on multipliait les attentio 
plus délicates, les plus ingénieux plaisirs. C'était à qi 
guerait Thonneur de le servir ; des gens de Chieri obi 
de s'attacher à lui ^ 

1) Histoire manuscrite de Fontanieu. 

2) A. de la Vigne. — Détail curieux^ et qui montre le sérieux d 
siens royales : en entrant à Briao^n, Charles VIII, suivant la coutu 
mémorïale des premières entrées des rois, déclara délivrer les pris 
Mais on oublia d'exécuter sa décision, et les prisonniers restèrent d 
cachot. Louis XII leur donna la liberté en 1500 (six ans plus tard), 
cution de la promesse de Charles VIII (JJ 232, 3 yo). Quant aux ^ 
ils furent pendus sous les yeux du roi. 

3) Rozier hUtorial. 

4) Sanudo, p. 70. 

5) Jacq. Signot {Meslanges historiques y de Camuzat). 

6) Oct. de Saint-Gelais et A. de la Vigne, Le Vergier d'honneur 

m 5 



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66 HISTOIRE DE LOl'lS XII 

Pendant que le cardinal de la Rovfetë et le nlaréchal de Gié le 
précédaient à Asti^ Belgiojoso et Étifeûne de Vteic; btlVoyés prfes 
de Ludovic, revinrent à Chierî, atlnbticcr que les ducs de Bari 
et de Ferrare attendaient à Annone, dût l'extrêttlfe frbhtifere 
milanaise. Le roi y envoya immédiatement La TrémoïUe, 
avec l'avis que le lendemain il irait dlher à VillaûuttVA et 
coucher à Asti *. Le soir du 9 septembre, les deux ducs italiens, 
accompagnés de Louis de la Trémoïlle, vinrent se joindrfe au 
cortège royal, à un mille environ d'Asti. Lte roi letir tendit 
la main, sans façon, à la française, et ste plAlçàall riiilîfeu d'eux*. 
C'est ainsi que, par un hasard trop étrange polit ne pas èfembler 
naturel, l'héritier de Charles Vil et de*Louis XI entrt dans la 
ville du duc d'Orléans, escorté de tous les adversaires passés, 
présents et futurs du maître des lieux, Ludovic Sforza, Ife Hlic 
de Ferrare, Louis de la Trémoïllfe *. 

in-fo, Paris, s. d. Gel ouvrage, que nous consulterons souvent, a eu plusieurs 
éditions. Il a été publié aussi dans la collection Cimber et Danjou. 

1) Lettre de Chieri (Quiers), 8 septembre (Arcb. de Milan). Dans celte 
lettre, le roi dit que Beaucaire Ta assuré du dévouement de Ludovic. 

2) Delaborde : Rosmini, Vie de J.-J, Trivulce^ II, 204. 

3) Nous trouvons encore à ce moment, dans les comptes de Louis d'Or- 
léans, une réminiscence de la guerre de Bretagne. Il donne à un de ses 
anciens amis, Louis Picart, seigneur d'Estelant, 700 livres pour relever sa 
maison, démolie par ordre du Parlement pendant la guerre de Bretagne {TU 
Orléans, 945). 



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CËAPlTftE XVI 

SEPTEMBRE \i^i 

Louià d^t)rléânà avait fait k Asti une apjparilîon le 1®' sep- 
Wmbté, Jour où il devait présider à la paye mensuelle *, et il 
était retourné de suite à tâènes, dont il n*osait pas s'éloigner. 
Ce fi'est pas qu'il craignît de se retrouver avec Ludovic, 
même en présence dû roi : lout entier à son devoir, ilatfcclail 
dé se tenir avec le gouvernement lombard en termes excellents, 
cordiaux même, au point d^échanger de menues gracieusetés. 
La charmante duchesse de Bari lui envoie, avec iin hillet de 
sa main, unteftaîn nombre de ces fromages de Lombardie, 
célèbres alors dans le monde entier par leur facture unique 
et leur grosseur; une autre tois, elle lui adresse des cailles *• 
Louis ne demeure pas en reste de galanteries : le 4 septembre, 
un clievauclieur porte à la ducliesse, avec un billet affectueux, 
une bourriche de poisson de mer « pour Vendredi et samedi '». 
Mais Louis d'Orléans ne voulait pas perdre de vue la ÎBiolte Na- 
politaine : des espions^ soigneusement distribués, l'informaient 
des inouvements de l'ennemi. Sur toute la côte veillaient des 
sentinelles, prêtes à donner l'alarme à la première alerte par 
les signaux convenus, tin grand feu la nuit, de jour une grande 
colonne de tumée. tl faisait torliïier, munir, garder toutes les 
positions de la côte ^. 

Ses ïorces s'élevaient à environ dix mille hommes, dont 

1) Reçu de ses gages de capitaine (k 26104, 101). 

2) Elle M avait envoyé aussi se^ joueurs de lutz el labourins (Orléans, 944) . 

3) Arch. de Milan; Tit, Orléans, 944, 939. 

4) Fr. 2794, fo il v*»; fr. 25376; fr. 2I.J.'. 



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68 HISTOIRE DE LOUIS XU 

Marino Sanudo établit ainsi le compte, d'après les Feascigne- 
ments du gouvernement vénitien : Comme cavalerie : trois 
cents chevaux sous son commandement personnel , cinquante 
chevaux (compagnie Foix), cinquante chevau-légers (compa- 
gnie italienne capitan Fracassa) ^vingi hommes d'armes divers, 
trente de sa garde particulière, plus quatre chevaux alloués à 
chacun des vingt capitaines de galères,soit quatre-vingts; huit 
cenls lances à cheval (représentant mil six cents cavaliers), 
mille archers à cheval, trois cents artilleurs à cheval, en tout 
deux mille neuf cents chevaux ; comme infanterie, six mille 
hommes de pied. Le ravitaillement de cette troupe devenait 
difficile. Le 4 septembre, une décision du conseil dut procla- 
mer un sauf-conduit général en faveur de quiconque apporte- 
rait du vin*. 

Personne ne connaissait exactement les projets du roi : 
mais on croyait volontiers, selon le vœu du duc de Bari, 
qu'il allait se rendre à Gènes, av^c Ludovic. Le conseil de 
Gênes, tout ému, se réunit le 1" septembre pour en délibérer : 
selon Tusage courtois de Fltalie, il proclama la visite du 
roi un honneur insigne, sans exemple; considérant que 
Charles VIII avait suspendu les représailles de Lyon et levé 
les gabelles pour le ravitaillement de Gênes, et qu'on pour- 
suivait encore des négociations près de lui, il décida, à l'unani- 
mité, de célébrer par des fêtes son arrivée *. 

La flotte napolitaine se trouvait à vingt milles de Gênes, au 
fond du golfe de Rapallo,dans un mouillage excellent, abrité des 
vents du nord et de Touest, commandé seulement au sud par 
la pointe de Portofino ». Le village de Rapallo, situé au fond 



1) Arch. de Gênes, Litterarum. 

2) Arch. de Gênes, Diversorum\ Arch. du Min. des Aff. étr. de France, 
Gênes 2, fo 231 vo. 

3) Fiori. 



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r 



SEPTEMBRE 1494 

du golfe qui tirait de lui son nom, appartenait à un de 
du parti anti-napolitain, Jean-Louis de Fiesque ; c'é 
gros village, d'aucun intérêt stratégique, ouvert, sai 
railles, sans autre défense qu'un petit poste de troupe 
par Jean-Louis de Fiesque. 

Malgré la neutralité officielle des Florentins, don Fi 
attribuant son premier insuccès à l'insuffisance de ses 
avait employé son temps de relàch^ à embaucher des 
sur le territoire de Florence; maintenant en force, il d 
bien tendre fermement la main à ses amis de Gèc 
Doria, les Grimaldi, les Montaldi, les Fregoso, adv( 
du parti gouvernemental que représentaient les Spin 
Lomellini, les Pallavicini, les Adomo *... Il jugea 
ne pas tarder, plus, et débarqua, le soir du 6 sepl 
quatre mille hommes, lesquels prirent possession de 1 
sans aucune difficulté. Au même instant, les feux, alli 
proche en proche sur lacôte^avec la rapidité de l'éclair 
çaient une descente de Tennemi. Aussitôt^ Gènes est en r 
en tumulte, en effervescence : on eût dit que le combi 
se livrer dans la ville même. Les Français, ne sachant 
va se produire au dedans ou au dehors, attendent 1' 
debout, l'armure au corps, selon leur usage en pare 
Dès que le jour paraît, le clairon sonne : le duc d'C 
à la tête de tous ses navires disponibles (dix-huit j 
six galéasses et neuf vaisseaux) ', embarque mille ^ 



1) Sanudo. 

2) Senarega. 

3) Flori donne à cet égard des renseignements fort exagérés. 
lui, on avait nolisé douze bateaux marchands, de premier rang, oC 
établi des écuries pour transporter mille cinq cent quatre-vingt seize 
vingt-trois moindres navires, dit barques, où pouvaient tenir aiséo 
cent soixante-dix chevaux, dix-sept galions pour six cent vingt 
des vaisseaux moindres pour cinq cent quatre-vingts chevaux, une 



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HISTOIRE DE tours XII 

icre et fait vaile bardiiTient vers Rapallo, ^ U fovôHr 
rise légère qui lui permet de sortir fepileine«t du 
r ses ordres, w\i petit corp^ de troupes, pqfnpreni^qt, 
direction gépérale du capitm fr<ïc<w<i, de^ Italiens, 
s Français et une partie de^ Suisses, Je^o Adorno, 
gouverweur de Gêue^, ayep deux ^eut^ Italiena, An- 
e Qessay, bailli de DiJQW, fiveo lea Suissw, Jew- 
e Fiesque^ M- de Pienpes, ^wivfiit. pai» ]^ 0ôle, le 
lefit de Ift flotte- l^Q reste 4^4 trqypea demeurait à 
[)our garder h ville. 

iir côtéj les Napolitains poussaient uue FQ(>enuai^8WPe 
avers Que^t de la poipte de PqrtpfiUPj et ètnbli«^§ftieut 
and' gardes à Recpo, d'où il^ dqmiuaieut la mw dp 
Hiblet de Fiesque, Uhî^ de Jean-l^quis, pqmmHpdait 
atioqs, dftqs un pays, pqs^^dé par W f^miUfl et qu'il 
8«^il à merveille. Jl dispq^ait dp forpea bien aupérieur-es 
du duc d Orléans ; contrairement i^ squ espqir, il w 
dans le pays même aucun écho ; au contraire, il fîqus- 
e hosiilit^ m»uifesie, eq porte que les Napqlitains 
[ prudent de se renfermer h Rapallq, où Us tr-availlèrent 
ïnde activité h ^e mettre k T^bri d'un coup de main ; 
lues beure^, uu rempart de terre et de fascine^, ceint 
se, entoura le viU^tge. Ij'^ttaque par mer semblait peu 
Ire, par la flotte uapplitaine, d'après le dénombrement 
3is de SanudPïPPniptait vingt-sept galères,deux/ifs/«, 
jalions, quatre navires,et un grand nombre de barques, 
lire près du double de la flotte française : toutefois 

pour cent chevaux, trente galères légères (de course), dont une 
us grande, la galère royale, construite avec un art merveilleux 
isposée avec Vomatus royul; il y avait, en outre, flix mille hommes 
rôts à s embarquer sur une (iQtte de pent vingt-si* vaisseaux. Si 
s'était apppmpli, c>Ot été fQrPHid^ble . — Malheureusement, il resta 

projet. 



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SEPTEMBRE 1494 

elle mauqqaît d'artiUfirie, 16^41» que les Françms pos 
une artillerie admirable. 

A peine en ra4e, Louis d*Orléans constata que ses bc 
trop lourds, (rop f)[^assifs, tenaient mal la pxer, ne me 
pas et p'qbéissaiont pas à la pfi^pœuvre. I^algré ïi 
de la l>rise, toujqurs f^yQfable, e\ qui, p^r conséqi 
ralysait, c^iez ses adversaires, ^oute velléité de n\{ 
avant, il lui fallut pqe journée entière pour s'avan 
ses gros^ps foirtef^sses de bois jusqu'à la bauteur d 
p^f une mer admirable. Jj^ troupe dq terre camp 
ei^ f^c^ dp Ijij. pn ^rqyant, liçmjs aperçut au loin 
napolitaine, q|^, yoijes déplpyées, bpse en arriè 
rapideipept (fit Rfjlir toujours) (Japs la direction de t 
Sop }mp^tî^P<^® ?|or^ 4^b^r4^" Nerveux, én^q, il t 
n^^t ayx ^JépQents, « ^u palme (Je 1^ mer et des vei 
fajl})esse (Jp 'aip » ; il Ij^s ^pcqsait (Je lui ravir le ce 
g-loirp, et cptte lpe\\e espadre qu'il copsidérait pomme i 
assurée... 

L^ puit fppç^ de jeter l'ancre; le lepdemain matii 
tembre, jojjr 4® }§ Nativité Notre-Dame, les loui 
SQ^^x français, s'éljranlant 4? nouveau, réussirent, a^ 
cojjp de peinç, ^ pénétrer dans le golfe de Papallo. 
prpfondeur leur permit 4e stopper près du rivage 
pérer le 4ébarquepïput sous la protection de leurs 1 
chose d'autant plu^ facile que les troupes d'fliblet de 
laissées à terrp P^F l'escadre napolitaine, ne poss^d 
up canop. |j^ journée entière se passa en manœi 
c'^st spulenient vers l^ tombée de la nuît/qu'une co; 
la troupp de terrp, sous les ordres de Jean Adopno, ar 
Recpo p^r le cbpmin direct de la montagne, descend 
vergers pt les pb4t8^ig^e^aies de Tentour de Râpa 
rpjoiftdr^ 9nr la plagp le^ troupes de la flotte. Tou1 



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72 HISTOIRE DE LOUIS XH 

s'élève une grande clameur, formée de mille cris sauvages : 
ce sont les troupes d'fliblet de Fiesque, qui se lèvent tout à 
coup du retranchement et fondent sur la colonne d'Adorno. 
A ces cris, la compagnie suisse de débarquement monte la 
côte au pas de charge et attaque en désordre : elle est repoussée. 
Les Suisses reculent ; mais, un peu en arrière de là, ils se refor- 
ment en ligne serrée et, quoique les obstacles du terrain ne leur 
permettent pas de se déployer, ils remontent vigoureusement 
à Tassant. L'ennemi soutient le choc avec une véritable éner- 
gie, et le combat devient une mêlée. A quelques pas, cou- 
lait un ruisseau, en bas de Rapallo^ au bord de la bande plate 
de terrain terminée par la plage. Un pont, défendu par une 
tour, commandait cette petite rivière : les Suisses, bien com- 
mandés^ dirigent tous leurs efforts sur ce pont et cette tour, 
dont on a compris l'importance ; c'est la ligne de retraite de 
Tennemi. La flotte, embossée à portée, appuie le mouvement 
par l'envoi de quelques boulets de gros calibre. Les Suisses 
forcent l'entrée de la tour : un moment encore, et ils seront 
maîtres du pont. Soudain, voici des cris formidables dans la 
troupe napolitaine : elle aperçoit des paysans, qui accourent en 
armes sur les flancs de la montagne pour l'attaquer. Le bruit 
se répand que Jean-Louis de Fiesque, avec six cents hommes, 
vient d'occuper les passes de l'Apennin, que, nulle part, 
aucune retraite ne se trouve possible. Hiblet de Fiesque, en 
qualité de chef de parti, n'a pas de quartier à attendre : il le 
sait, il perd la tête, il se sauve. Sa disparition donne le signal 
du sauve-qui-peut général. Ses hommes fuient, ils fuient 
dans le plus complet désordre ; les uns gravissant la montagne 
en toute hâte comme des chèvres, les autres se jetant tête 
baissée dans des taillis voisins, sans se demander s'ils y trou- 
veront une issue. La nuit, fort heureusement pour eux, 
vient s'étendre sur cette scène de vertige, de folie humaine. 



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SEPTEMBRE 1494 73 

Ils laissaient pourtant sur le champ de bataille une centaine 
de morts ou de mourants, chiffre assez considérable, comme 
l'observe Guichardin, eu égard à la manière tout artistique 
dont on faisait alors la guerre en Italie ^, et un bien plus 
grand nombre de blessés : ils laissaient aussi des prisonniers, 
notamment plusieurs de leurs chefs : Jules Orsini, etRolandin 
Fregoso^ l'un des fils du cardinal de Gênes, plus habituel- 
lement connu sous le sobriquet de Fregosino. Jules Orsini 
était un Romain, fourvoyé dans cette bagarre comme ennemi 
des Colonna. Fregosino, au contraire^ en sa qualité d'émigré 
génois, pouvait tout craindre de Ludovic : pour sauver sa tête, 
il obtint de se rendre à Louis d'Orléans personnellement. Les 
Franco-Génois ne perdaient guère que vingt-cinq hommes. 
Etienne de A^esc, venu à Gênes, soi-disant pour hâter Vavi- 
taillement de la fameuse galère royale dont on a parlé précé- 
demment, qui coûta si cher et ne servit jamais, avait voulu 
accompagner au feu son ancien ami d'autrefois, le duc d'Or- 
léans; il fut fait prisonnier. A la faveur de la déroute finale, il 
recouvra la liberté, mais point ses bagues et joyaux^ dont la 
perte lui parut bien amère *. Quant à Hiblet de Fiesque, grâce 
à son habitude du pays, il parvint à s'évader, avec ses fils, par 
les bois et les montagnes, et il gagna la Toscane, mais ce ne 
fut pas sans de cruelles alertes. Trois fois arrêté et retardé 
par des brigands improvisés, bien qu'il n'eût rien à prendre, 
il finit, dit-on, par ôter tous ses vêtements et par fuir ainsi, 
afin de ne plus exciter de cupidités *. 

1) Guichardin a raconté tous ces faits de main de maître. Nous nous sommes 
conformé à son récit et à ceux de Senarega et de Flori, qui sont d'accord, sauf 
pour le chiffre des morts aragonnais, porté par Senarega à deux cents, par 
Flori à cinquante seulement. Le récit de Sanudo contient quelques inexacti- 
tudes, ainsi que la plupart des récits modernes, notamment celui de Varese. 

2) Fr. 20616, n<» 45. Charles VIII Tindemnisa. 

3) Giustiniani. 



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74 HTSTQfPE EIÇ I.QUIS XII 

P«P9 pettp ^ff^ire, ïiouis ^'Qfl^i^Rs ^v^t wis ijq service de 
sQi^ pîiys tQute Ténergiqwe ^^r«^vq^re de U guerre de Bretagne, 
cbargeaat lui-même pr tête de sps troupe* qu'il excitait, à 
qui jl « dpnn^jt dn cœqr ^^ ^. flan$ SQft r^PPOrt ^w rfti, il «igoftla 

la Y^llftnap (ÎQ]Pf- de la firwge, Guy dfi ï^aq^ières, 4ntftipe 
de fim^¥i ^H « PF^^ï ^ire » de pjeuue», du mftUre d'hfttel fiwy 
de Brllh^c, qp'ij \9^\n^ môme, de w propre twaiu, wfppp 

cl»e¥{4lie?î eur le pj^ftfqp de l^^t^Hp, pppfiiflp « yjHllftRt entFfl HBg 

millier « '.. 

Il traita les cjiptifs avec une courtoisie cfievaleresque, en 
hèta plutèt qu'en vainqueur. Suivant l:usage italieu, on se 
partageâtes dépouilles. Ludovic conserva ûcsini, avec lequel 
il s'arrangea bieutôt pour la rançon ; Louis d'Orléans, Fre- 
gosino % proie aussi importante, mais moins opime, qu'il 
ta:^a cependant à une rançon de 8,Q0Û ducats. Les soldats se 
ruèrent sur le butiq, avec une rage sourde à toute discipline. 
Le lendemain matin, pendant que les paysans déppujllaient 
les fugitifs dans la montagne, les Suisses se prirent dès Taube 
abattre tous les bois et à en tirer leurs ennemis, auxquels ils 
ne laissèrent que la phemise. Puis, en proie à une sorte 
d'ivresse atroce, ces hommes de fer, babitu|§s à vivre de vio- 
lences, se jetèrent sur le vi)|age, sans que rien pÀt les arrêter, 
et le traitèrent en place prise d'assaut : ils ne connaissaiept ni 
amis, ni ennemis, ni cbef^; on eût dit des taureau;, ia barrière 
brig/ée, vjoyaftt rpugjç. Jea» Adorno se mit ep Jrayers : i} fjwlUt 
être égorgé, MM. d'Urfé et i^ Pienfles l^ l4f:hj:^nt h grand'- 



1) Saint-Gelais. 

2) Saint-Gelais : A. de Içi Vigne : P. Desrey : Le Vergier d'honnetir. 

3) Sanudo, par deux fois, affirme que Louis d'Orléans fit un autre prison- 
nier, Roiando Fregoso; mais il doit commettre une confusion, car nous ne 
trouvons mention dans tous les documents q^ie du seul « comte l^onrgousin », 
c'est-à-dire Fregosino. 



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SEPTEMBRE 1494 75 

peine des mains de ees furieux ^ Les Suisses se précipitèrent 
jusque dans Phôpital, où se trouvaient une cinquantaine de 
malades, qu ils décapitèrent tous. 

Quand il ne resta enfin rien à piller, les Suisses, couverts du 
fruit de leurs rapines dont ils se faisaient gloire, reprirent sans 
ordre la route de Gènes. Le bruit de leurs excès arriva avant 
eux dans une ville déjà fort surexcitée, et en pleine fermen- 
tation. Une indignation immense, furieuse, souleva Gènes et 
les villages de la côte. Vainement, les Adorno, sentant Tin- 
surrection prête à éclater, firent tout pour apaiser les esprits : 
lorsqu^on vit paraître des Suisses, la fureur ne connut plus de 
bornes, surtout dans la basse population des quais et du port : 
on voulait se jeter sur eux, pour leur arracher leurs indignes 
dépouilles. Un homme de Rapallo reconnut comme son bien 
une petite barque que des Suisses cherchaient à vendre : il la 
réclama ; les Suisses le repoussèrent : de là une dispute vio- 
lente. Un rassemblement se forme et, en un instant, devient 
immense. Dans cette foule haletante, éperdue, la rumeur court 
que les Suisses massacrent des Génois. Le cri : Aux armes, 
sort de mille poitrines. Les magasins se ferment; l'émeute 
éclate. Une populace en délire arrête et massacre les Suisses 
isolés qu'elle rencontre dans les rues, presque tous circulant 
dans la ville de la manière la plus inoffensive, ou rentrant chez 
eux sans rien savoir. Une vingtaine deBuisses périrent ainsi : 
les autres trouvèrent un refuge dans des maisons particulières, 
où des citoyens courageux leur ouvrirent la porte. Partout 
les Français prennent les armes. Heureusement, JeanAdorno 
parvint à dominer un peu l'effervescence : la vérité se fit jour, 
et surtout la nouvelle des meurtres qui venaient de s'accom- 
plir donna à réfléchir. Le gros des Suisses se trouvait encore 



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76 HISTOIRE DE LOUIS XII 

sur la route de Rapallo : au bruit de la mort de leurs camara- 
des, ils se mettent en bataille et profèrent contre Gènes de san- 
glantes menaces. Mais dans ce moment arriva un ordre de 
Louis d'Orléans, qui, dans la crainte de troubles, leur inter- 
disait l'entrée de la ville. Les Suisses campèrent donc hors de 
la porte à environ deux milles de distance, et par là le danger 
d'une collision immédiate se trouva écarté. 

Lorsque Louis, ramenant péniblement ses galères, rentra 
le lendemain au port, il trouva dans la ville un silence absolu. 
Pour prendre le temps de connaître la vérité et empêcher, en 
attendant, toute possibilité de conflit, il prescrivit à la flotte de 
se retirer en rade et d'attendre ses ordres. Il descendit à terre, 
avec ses capitaines, au milieu d' une grande affluence de ci- 
toyens et de notables génois, qui Tescortèrent solennellement 
jusqu'à son palais. 

Louis n'était pas homme à passer facilement condamnation 
sur tant d'excès, de part ni d'autre : il envoya aux Suisses 
Tordre de rester, honteusement, hors de la ville. Le surlende- 
main de son arrivée, on remit en liberté les gens arrêtés sous 
l'inculpation de trouble, sauf deux qui subirent le dernier 
supplice *. 

Le roi venait d'arriver à Asti, lorsque, le 10 septembre, sur- 
vint dans cette ville un courrier éperdu, annonçant un désastre 
à Rapallo et la captivité de Louis. d'Orléans. Aussitôt le roi 
d'assembler le conseil, toute affaire cessante . Vingt membres 
accourent à son appel, bouleversés et ne sachant que ré- 
soudre... Un autre courrier, vrai celui-là, arriva quelques 
heures plus tard, avec des nouvelles exactes. On voulut alors 
retrouver le premier ; naturellement, il avait disparu *. 

Quel homme heureux que Charles VIII ! Tout lui réussissait, 

{) Giustiniani : Flori : Uberti Folietœ, Qenuens, Historise. 

2) Annales d'Aquitaine : Nie. Gilles : P. Desrey : Le Vergier d'honneur. 



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SEPTEMBRE 1494 77 

même ses fautes. Et quel enchantement que sa vie! Accue 
fêté, choyé partout, il lui suffisait de se montrer pour trou 
réceptions triomphales, compliments des plîis jolies fi 
du pays, « chère joyeuse, passetemps curieux, esbatem 
de herpès ettabours, pour resjoyrlecœur des amoureux», 
suite partageait toutes ces délices : les dames se disputa 
ses gentilhommes, toutes ces dames « à faces angéliquei 
couvertes d'or, de velours, de satin, de gros diamants, 
saphirs magnifiques. 

Pour enrichir la gorge et le te tin, 

La robe longue, le gorgias patin. 

Le corps troussé frisquement de velours. • . 

Somme, c'estoit ung paradis terrestre. 

Une certaine représentation de scène d^accouchée, don 
à Ghieri par les soins de la duchesse de Savoie, demeu 
particulièrement gravée dans le souvenir de Tarmée frança 
comme « la plus gorgiase chose que jamais homme vit » *. 

La cour qu'il allait rencontrer à Âsti présentait plus de 
ductions encore, plus de charmes s'il se peut, surtout des 
hors plus brillants et plus somptueux'. Béatrix d'Esté', 
ranimait de sa grâce exquise et distinguée, avait accompa^ 
Ludovic à Annone, avec vingt demoiselles d'honneur et vi 

1) Le Ycrgier d'kmneuTy parOct. de Saint-Gelais et A. de la Vigne. 

2) Da Paullo. 

3} Un poète du temps la dépeint ainsi (Les dictz des femmes de divt 
nations, fr. 1717, f^ 82 et 82 v<») : 

La Lombarde. 

Si femme au monde a le cueur franc et gay, 
Je mylannoise en ce cas le bruyt ay« 
Plus que nulle autre a mon amy privée, 
Mais le jaloux me tient tant en abay. 
Que des François l'actente en est grevée. 



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7J3 HIStblRE DK LOUIS XII 

dàtlies dé l'aristocratie milanûse^ et elle déployait le luxe le 
plttd magnifique. 

Lié 10 éBptetnbre> Charles VIII reçut donc^ pour saluer son 
arrivée) la nouvelle d'une victoire. Dans la même journée^ 
Béatri&i sans attendre la visite du roi^ vint d'Annone lui faire 
la IlévéMôniDe^ avec téute son escorte qui obtint le plus grand 
SUCCES; iQharles embrassa la jeune duchesse^ puis toutes les 
dames let les demoiselles; cette journée ravissante se termina 
par des danses, et par des marques de la plus grande intimité. 
Ludovic connaissait les hommes et s'entendait aies conquérir^ 

Les lettres qui partirent d'Asti h 10 isfeptetnbre, parles soins 
de Ludovic, pour annoncer à toutes les viUes de France la vic- 
toire de Rapallo, ^ôrteiil lés traces de quelque lyrisme. A les 
en croire, l'armée napolitaine avait perdu cinq ou six cents 
hommes; le reste, au nombre dé cihq où sîi mille, Is'étaît dis- 
persé : les « grands » capilâînes se trouVâienl pHsorttiîérs. 
Puis, comme saisi du s'chipule dti h*eû pds dîW ilssei, te roi 
ajoutait, en posl-scrijplùih, que « lé surplus desdils sepl Wllle 
hommes » (avec un post-scriptum de plus, ils seraient d^Vehus 
neuf mille) avait élé défait et « Nicolle Ùrsin w ))Hs V Lihtttt- 
^eile produisit un effet î'rhmense : il n'en fallut paS plttS potot* 
îOiliSriner le renom antique à' invincibilité de Tannée fratiiçAîsé. 
rôùle la péninsule Iressaillil, « perdit le coéUt » '. Doh Fré- 

La âttckesse tfe Bar (de Bari) . 

Pour haultain port, pour gaye contenarwe, 
Riche acoustreure en nouvelle ordonnance. 
Pour bel accueil, et beauUé prinse au choix, 
Nulle n'en est dont on ail souvenance 
Qui pleust oncq tant a Charles Roy François. 

1) Il flattîiit Charles VIIT d'une manière prodigieuse ; il l'appelait Charle- 
lagne, il le traitait couramment de héros {Histoire manuscrite, de Fontanieu). 

2) Cherrier : Slein : Delaborde, p. 400 : Arch. municipales de Lyon, BB. 22. 

3) Cl. de Seyssel, Uist. de Louis XIL 



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r-A 



SfePtkMBRE 1494 



dérib lUi-ttlêhi)B; qUi ^ittëhdaii & Sëdtri CAléUdé ié i-éâult 
cHli bbn diB âfe retirer sut LiVotithe, t^oùt f fiiiré de ttbdVtgil 
irfecHiéà et liénlëir ericôVfe qùfelqûeâ bddps dfe ttiaitt idt li bôl 
mais , à la guerre comme dans la vie , lëà ^ticëëâ «'le 
chAthént, botiH tS\ï khàûvais; leii hldi&dies se ïûi'terA à boi 
lieâ ihàtlBiolâ lai teanqtiëtiehtt bref, il hé fit j^lus rien. 1 
Frâkifelô; ftVec ttrt fehthbdàiaàtoé péUl-êtré tttt peu bffifeifeb, i 
célébra cfettë Vitloire coihttle remportée sut à là fleur dé tôUI 
les Ytâlles »; il sertablàil tJUé a là ittét tremblât jusqi 
Naples fe *. Que tài$-je? Lé rôi fa'àvait pas encore pHs 
conamaudemetit dé ses troupes, et déjà on thàtttàit en ebt 
plainte les infortunés de Nàples *. 

Cfe fut là le côté Vraiment fàchteUx Ae la tiibdeîtfe Vifett)irte 
Rà^aUb. Elle tt-éa \ïh Ittiragié; elle IStaréitità certain* e^pHl 
déjà th)p ôptlinisteii. Je iié Véttx d'aûtte pneuve de celte ^ 
rexcitàlibn nJU'Ùh fait véritablement étrangla, itiôùï. Un Pàlé 
logue, hérititet dé drbilà â Ttempire d'Oriettt-, Se trouvait 
Rbttotô : lé 6 SéptémbiiB 1494, un homme pourlàht blétt hàbi 
et d'un esprit biert Hâsià, RitymôUd Péi-aUd^ évéque ^ 
Gûrck, chtt assurer à jamais àà fortunfe, ten obleûant de 
Paléolôgue cession de ses droits en favbiir de Charles VU 
cette cessioti fut passée, fort à Tinsu du ti[)i> pat Uti feimp 
âttie lititàHé, et pbrtée au registre des mîttutes d'Un tabellio 
eitrt lé* totàtitthi de fèk-mé tet lé* ventéà de terre. Tant 
chose semblait naturelle, tant OUtck tenait à tottSactier 
priorîtft 1 On croit rèVer en HshtontraUt un tel acte, uniqi 
eii son genre ', même patmî les papiers d'une expédition ( 

i) Le Vergier d'honneur, 

2) Les regretz et complaintes du roy Alphonce d^Arragon, publ. par M. 
la Pilorgerie, 

3) Les deux feuillets qui portaient cette mioute furent arrachés du régis 
notarial, conservé à VArchivio eollegiaie du Capitole le 9 octobre 1740, s 
UD ordre spécial de Benoît XIV, à la demande du duc de Saint-Àgnan, amb 



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80 HISTOIRE DE LOUIS XII 

tout est extraordinaire. On ne s'étonne plus alors des discours 
enQammés de Tadmirable Savonarole, et, comme Philippe 
de Commines, on appelle volontiers toute cette entreprise le 
« mystère de Dieu ». 

Un seul homme conservait, dans le tourbillon, son impla- 
cable sang-froid^ l'homme qui présidait à tout, qui entendait 
tenir les. fils des événements, celui qui déchaînait l'expédition 
française sur l'Italie, et qui en réalité s'en souciait le moins, 
Ludovic. Tandis qu'il était censé faire auprès de l'Empereur 
les affaires de Charles VIII et qu*il semblait y échouer, Lu- 
dovic, sentant venir Theure de l'action décisive, entrait en 
campagne pour son compte et se forgeait un levier puissant. 
Le 5 septembre 1494, à l'heure même où Charles YIU mettait 
le pied en Italie sur son invitation, Ludovic obtenait de l'Em- 
pereur, en grand secret, et moyennant écus comptants, un 
diplôme impérial qui le proclamait duc héréditaire de Milan, 
lui et ses descendants : un autre diplôme du même jour, re- 
connaissait même aux enfants naturels légitimés de sa descen- 
dance le droit de succéder à défaut d'enfants légitimes ^ Ainsi, 
tout était prêt. Il ne restait plus qu'à hâter l'exécution, qu'à 
faire remporter par les Français quelques victoires, qui, en 
affranchissant Ludovic de Jean Galéas et d'Isabelle d'Aragon, 
lui permissent de prendre leur trône, et de s'allier ensuite avec 
l'Allemagne pour bien prouver à la France l'indépendance de 
son pouvoir et de ses sentiments. 

Seul, Louis d'Orléans ne bénéficia point de sa victoire. Il 
se trouvait à Gênes dans une situation très difficile, dans un 

sadeur de France. Oa Jes remplaça au registre par une copie authentique 
{Hist. manuscr. de Charles V/IT, fr. 10450, in fine). Ces feuillets, revêtus, 
dans la marge, d*un certificat authentique de provenance se trouvent aujour- 
d'hui dans le ms. lat. 10408, fo 87, de la Bibliothèque nationale de Paris. 
1) Copies contemporaines, fr. 16074, n» 27. 



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SEPTEMBRE 1494 8i 

milieu hostile \ Fort éprouvé par une température sèche et 
brûlanle, il souffrait d'accès de fièvre intermittents, auxquels 
on reconnut de suite le caractère de la fièvre épidémique de 
Lombardie, la « fièvre quarte * ». Cependant, il luttait; à Tins- 
ligation de Ludovic, on persistait à annoncer l'arrivée du 
roi à Gènes et c'était à qui briguerait l'honneur de le rece- 
voir*. Tout à coup, Louis apprit que Charles VIII venait d'être 
atteint à Asti, le 13 septembre, d'une maladie, encore non dé- 
finie, mais sûrement très grave; de la maison de Jean Roero, 
où il habitait^ on avait dû le transporter dans une chambre 
du couvent des Jacobins, dont les fenêtres donnaient sur des 
jardins, et sur la campagne*. Le 13, la duchesse de Bari avait 
fait organiser une grande fête en son honneur, sous la direc- 
tion de Léonard de Vinci ; il fallut contremander trombones, 
piffari^ et toutes les dames, déjà munies de superbes toi- 
lettes •. 

Dès qu'il put se rendre compte de son état, le roi envoya 
au duc d'Orléans Tordre de venir à Asti. Louis quitta aussitôt 
Gênes, le 15 septembre, épuisé lui-même par la fièvre qui 
Tavaitdévorétoulelanuit, jusqu'à huit heures du matin, très 
énergique pourtant, plein d'ardeur, et prêt, disait-il, à servir 
le roi jusqu'à la mort. Louis emmenait avec lui son prison- 
nier Fregosino *. Il semblait ne se préoccuper que de la ma- 

1) Saint-Gelaisditquil fut mai reçu. D'un autre côté, le Conseil de Gênes 
écrivait encore, le 12 septembre 1494, à Frédéric d*Aragon, prince d'Altamura, 
pour réclamer contre Temprisonnemenl de son envoyé, contraire au droit des 
gens u probata consuetudo in bello »; on ne pouvait, disait-il, arrêter un 
envoyé, « sine dedecore » (Arcb. de Gênes). 

2) Chronica di Monferrato : Sanudo : Saint Gelais. 

3) Flori ; Senarega. Charles VIII comptait même entrer à Gênes avec une 
robe couverte de croix de Jérusalem. 

4) Vergier d'honneur : A de la Vigne. 

5) Sanudo* 

6) Sanudo. Inutile de relever Terreur de la Chronica di Monferrato^ suivant 
laquelle Louis emmenait aussi Hiblet de Fiesque . 

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g^ HISTOIHE Pl£ LOUIS XII 

ladie du roi et oublier complètement lasiepne, Il c^lla jusqu'il 
FelizzaaOi afin d'y coucher et de se trouver le lendemain ^ 
Asti pour le lever du roi *. 

Il arriva au milieu d'une véritable crise poUtiquQ : la ma- 
ladie de Charles VIII remettait tout en question, et, le 14, 
dès qu'on avait su le roi en proie à une fièvre ardente, un 
murmure général avait éclaté parmi les Français : beaucoup 
parlaient de reprendre sans délai le chemin de leur pays. 
Malgré la victoire de Rapallo dont ils connaissaient les dé- 
tails, les gens du conseil du roi, on ]e sait, goûtaient fort peu 
Texpédition, et rien de ce qui se passait ne modifiait leur 
manière de voir. La maladie du roi rendait subitement la vie 
à toutes les objections. Depuis Tarrivée à Asti, l'armée se 
plaignait; elle trouvait la chaleur torride, le vin aigre, les 
habitants peu empressés. Des pluies diluviennes, succédant 
brusquement à une période de sécheresse ardente^ couvraient 
le pays d'inondations et de vapeurs pestilentielles *. Le 
nombre des maladies grandissait. Entre Français et Italiens, 
là aussi bien qu'à Gènes, se produisaient des jalousies, des 
défiances, des rixes même ^ 

Les façons de Ludovic déplaisaient de plus en plus à l'en- 
tourage du roi. Malgré le profond secret gardé sur la oonces* 
sion du diplôme impérial^ le bruit vague d^une trahison de 
Ludovic s'était répandu jusque dans l'armée, avant même l'ar- 
rivée à Asti*. On se sentait, avec un certain malaise, compromis 
dans l'intérêt de la faction du duc de Bari^ et l'on ne pouvait 
s'y tromper. Les cours de Savoie, de Montferrat, de Saluées, 

\) Lettre de Fr. de Casât à Ludovic, Alexandrie, 15 septembre (Arcb. 
de Milan). 

2) Schiavina, Annales Alexandrini {Monumenia di f^toria palria t. IV, 
482, 483). 

3) Commines ; Sanudo. 

4) Commines. 



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SEPTEMBRK 1494 

fort clairvoyantes, n'ignoraient rien, surtout la cour de 
voie, si opposée à Ludovic depuis son indigne attitude 
vers Bonne de Savoie. Et les Florentins, ces vieux alli^ 
la France, et les nombreux mécontents du Milanais, 
lesquels Louis d'Orléans se trouvait en rapports depuis ] 
temps, et le plus illustre de ces mécontents, le maréchal . 
Jacques Trîvulce, entratné par la haine de Ludovic à a 
dans l'armée napolitaine, et le parti napolitain à Gênes 
même, ne Jugeaient-ils pas sans fard le rôle assumé pi 
France? Le personnage de Ludovic ajoutais encore ans 
fiances. On sentait trop Thomme âprement attaché à la j 
suite de ses inlôrêls, sous toutes les formes et par tou 
moyens, même les plus mesquins. Par exemple, la ba 
Sauli, recommandée au roi par Ludovic, avait déjà lo 
14,000 francs d'intérêts depuis trois mois pour son avan< 
100,000 francs ; dès le mois d'août, ces prétentions inseï 
avaient éveillé les soupçons et Ton accusait, en toutes let 
certains personnages importants d'avoir « part à cet arj 
et au profit. * » Le conseil put éprouver un sentiment sii 
lier, lorsque, le soupçon se chargeant en certitude, on sut 
le prêteur usuraire^ recommandé par Ludovic, n'était c 
que Ludovic lui-même, sous le prête-nom d'une banqu 
ses États. Ludovic, d'ailleurs, faisait si hautement sonnei 
services, se montrait si exigeant, que Charles VIII, blesî 
sa prétention à obtenir des pensions ou de l'argent pou 
protégés, avait dû y couper court, dès le 6 août, par 
lettre polie, mais très ferme, datée de Vienne *• 

D'autre part, s'il faut en croire certains historiens, Lud 
malgré tout son empressement et son peu de scrupules 
sonnets, se serait froissé des assiduités d'un chevalier frai 

i) Commines. 
2) Arch. de Milao. 



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84 HISTOIRE DE LOUIS XU 

connu pour ses bonnes fortunes, Tirrésistible sire de Beauvau, 
près de sa femme ; toujours est-il qu'il profita de la maladie 
du roi pour renvoyer de suite Béatrix à Vigevano *. 

Très embarrassés de la situation, Etienne de Yesc et M. de 
Saint-Malo s'étaient rendus à Annone, dès le 14, avec quatre 
capitaines, parmi lesquels le maréchal de Gié et de M. de 
Champéroux, pour arrêter de suite un plan de campagne avec 
le duc de Bari et ne pas laisser prise à des hésitations qui 
pouvaient avoir de graves conséquences. On se demanda 
encore s'il fallait marcher par la Toscane (mais alors on se 
heuriaitaux Florentins), ou par Gênes et les côtes. Ce dernier 
plan avait les faveurs du roi : mais le roi exigeait, en ce cas, 
l'occupation du château de Gênes, et les Génois ne semblaient 
pas disposés à y consentir. Bien plus, on s'apercevait que les 
partisans les plus connus de Ludovic à Gênes figuraient parmi 
les adversaires résolus de la remise du château aux Français; 
nouveau motif de soupçons... Saint-Malo et Vesc, émus de la 
tournure des événements, accédèrent à tout ce que voulut 
Ludovic. Ils allèrent jusqu'à ne pas repousser la demande du 
duc de Ferrai'e de prendre le commandement général de toute 
Tarmée, et ils lui promirent personnellement une compagnie 
de cent lances*.... 

L'arrivée du duc d'Orléans modifia un peu les choses : il ne 
fut plus question du pacte d'Annone. Tout en conservant une 
extrême réserve, Louis prêcha l'union, la confiance, le courage*. 
Comme Commines, il jugeait inutile de récriminer contre Lu- 
dovic, dont on ne pouvait plus se passer. Le 17 septembre, 
deux tabourins du duc de Ferrare vinrent lui donner une au- 

i) Marg. de Lussan, Anecdotes secrètes des règnes de Charles VIII et de 
/.ouis Z/f (Paris, 1741), p.50.lQulile de dire que cet auteur est très suspect. 

2) Sanudo. 

3) Arn. Le Ferrou. 



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SEPTEMBRE 1494 

bade *. Ce même jour, une très forte éruption trahit 
maladie du roi^ la variole, et elle fit disparaître toul 
lude sérieuse ; le médecin de Ludovic vint voir le rc 
tata que Téruption se faisait de la manière la plus i 
Les médecins attribuèrent cette maladie, d'ailleurs fo 
au changement d'air*. Naturellement, la foule hosli 
ligne ne voulut pas admettre cette interprétation et 
à cet égard, les plus malveillantes insinuations *. 
conditions, Ludovic se dispensa d'aller voir le roi ; 
lembre, il écrit au comte de Caïazzo que tout est ri 
Tapprobation du roi : la maladie du prince suspend 
négociations, et quant à lui, il ne veut pas aller v 
par discrétion, sachant combien il serait désagréable 
de se montrer le visage couvert d'éruptions; mais, ( 
jours au plus^ cette intempestive indisposition 
plus*. 

Nous remarquerons cependant que, le 18 septer 
lettre, signée du roi, invite Ludovic à remettre le p( 
et la garde d'Annone, cette ville frontière où il se te 
homme d'armes de la compagnie du duc d'Orléans. < 
sure trahissait assez Taclion du duc d'Orléans, qui, 
insista lui-même par une lettre du 20 ^ En même 



i) TO. Orléans, 947. 

2) San u do. 

3) Benedetti, adversaire de Charles VIII, mais médecin, Tapp 
ou epictydas (De rehuLS Caroli VIII : Il fatto d'arme del Tarro, 
fo 7 v^). Ludovic en parle de même dans une lettre au comte de 
18 septembre (Arch. de Milan). 

4) Ghilini, Annali di Alessandria, la qualifie de « mal frança 
vina {Annales Alexandrini) de mal « ex mulierum amoribus ibi 
cto » {Monumenta hist, patri^f IV, c. 483). 

5) Arch. de Milan. 

6) Arch. de Milan, Pot. Est,, Franda» Carolo VIII : Luigi X 
plus loin, page 89, note 2, que ce fut sans succès. 



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86 Hl^tOlJIE DE LOUIS XII 

Conseil de Gênes, renonçant aux projets de réceptioti du roi, 
décidait, le 18, d'envoyer à Asti quatre ambassadeurs, parmi 
lesquels Luc Spinola et Nicolas de Brignoles, porter à 
Charles VIII des hommages de bienvenue *. 

La direction de Texpédition allait peut-être subir une modi- 
fication sensible, et Ludovic se voir obligé d'admettre quel- 
ques mesures de précautions : mais le roi se remit très rapi- 
dement. Le 21, il put se lever et recommença à donner des 
ordres. Le même jour, Louis d'Orléans, payant ses impru- 
dences, dut s'aliter sérieusement d^une « double quartaine ». 

Pendant trois semaines, Louis ne put pas quitter le lit, et il 
vit se succéder à son chevet les principales personnalités mé- 
dicales du pays. On le considérait, et il se considérait lui-même 
comme en danger. Son médecin ordinaire, Salomon de Bom- 
belle^, lavait suivi, naturellement : mais Salomon était pour 
son maître un ami, un conseiller intime, tout autant qu'un 
médecin. Louis l'employa deux fois en missions de confiance, 
à Bra, à Chei*asco ; il l'envoya aussi à Ceva, pour les difficultés 
toujours pendantes de ce côté. Au point de vue de sa santé, il 
se remit aux soins d'un spécialiste indigène, le médecin pié- 
montais Antonio Flori, de Chieri', qu'un chevauchetir alla 
chercher en toute hâte. On fit aussi venir un médecin du pays 
d'Albe, Jean d'Albe, qui resta près du duc pendant vingt et un 
jours, probablement à la suggestion de Bombelles. Un méde- 
cin nommé Pierre Le Moyne vint aussi visiter le prince. Enfin 
Louis fit demander le vieux Jean Burgensis, l'homme de 
confiance et de science par excellence. Un chevauchour royal 



1) Arch. de Géaes, Diversorumé Luc Spinola, aroiaieurj aDcien agebt) en 
Angleterre, de la politique an ti- française, avait été ub des bénéûoiaifes des 
mesures prises par le roi, pour la suspension des représailles et la conduite 
des victuailles. 
l 2) Il lui donna 10 écus d'or (TO. Orléans, 937). 



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SEPTEMBRE 4494 

porta en hàtë dWmboise à Blois Texpression de ce 
Burgensis se trouvait à Ghàteauduû. Alarmée, pleine 
tion, la bonne Jeanne de France fait en pleine nuit s( 
cheval et partir un serg^ent, pour aller (sans aucun délai 
dier Burgensis'. Le vieux médecin n*hésita pas; il pa 
rheure et, quelques jours après, il rejoignit son malade 

Louis, décidément assagi, fit aussi parvenir à Jea 
Fronce une lettre fort convenable où il l'appelait « tt 
m'amye w et signait Vosire amy^ comme uii mari ordic 
parlait de ses affaires, de ses besoins, lui demandait de 1 
et se recommandait à ses prières *. Il adressa aussi à C 
d'Amboise, une lettre, qu'un piéton ordinaire porta de 
Rouen*. On fil, en son nom, des aumônes, à divers cou\ 
Blois ; il écrivit même, par exprès spécial aux chano 
Saint-Sauveur. Pendant ces longues journées de fièvre 
puisement, son seul délassement était d'entendre un ti 
d'Asti, Jean Albert, jouer quelques airs de guitare *. Un 
génois, Jean Grimaldi, lui envoya, par deux fois, des t 
de fruits : grenades, prunes, poires, oranges ou auli 
reçut, aussi, de la part d'un certain M. de « Saint-Reval 
oranges et une. targette à ses armes, et, de la part d'un 
paysan, un couple de faisans. 

L'entourage du duc ne payait pas un moins large 1 

1) Tité Orléans» 946. 

2) Il reçut 100 liv. (]rf., 939). 

3) Jeanne de PrancCy p. 238. 

4) Legendre, rhistorieti du cardinal d'Amboiae, prétend qUe 
d'Amboise, visant à la pourpre, était venu retrouver à Asti Louis d 
mais que la maladie de Louis Qt échouer ses projets. C'est une ern 

5) TU. Orléans, 937, 938, 939. Cf. un don d'écarlate à trois i 
(JoursanvauU, 645). 

6) W., 937, 945. 

7) Serravalle? (/d., 937). 



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HISTOIRE I 

} ; le médecin Gabric 
n des pages ducaux 
autres officiers dun 
rs de la garde reç 
pour Taideràvivre 
3ar c'est ainsi qu'on 
ques)*. Deux Suisseï 
i montagnes, reçoiv( 
}0uvait donc plus so 
ement de la flotte. L 
d'ardeur belliqueuse 
6 octobre, pour all( 
al et marcher *. Qu 

3 de convalescence, il ne se préoccupa que de la 
son mieux . Il fit reprendre à Gênes sa vaisselle, ses 
, quelques meubles qu'il y avait laissés. Il reçut de 
peu d'argent : son grand veneur Dinteville, avec les 
îs attachés à la vénerie depuis 1493, vint le rejoindre. 
d'Amboise ne crut pouvoir mieux faire que de 
er une haquenée et un lévrier. Un archer qui arri- 
rance lui amena un autre lévrier. Louis fit demander 
B, à la Bellonnière, les oiseaux de Guyonde Sully, et 
e-Châtel ses propres oiseaux. Pour fêler Tamélio- 
son état, le roi mit à sa disposition un fauconnier que 
itifia d'un cheval ; un gentilhomme italien offrit au 
tit chevreuil, le comte de Ligny un lion*, 
ouis se résigna assez aisément aux ordres du roi et aux 

7. 
{7. 
^. 

0. 

Irléans, 945, 938, 939, 933 : Sanudo. 



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SEPTEMBRE 1494 

nécessités de la situation, c'est-à-dire au séjour d*Âsti; d\ 

tant plus que Tenthousiasme du premier jour avait bien y 

fait place à des tiraillements dont on ne pouvait augurer r 

de bon. L'hostilité, le mépris des cours voisines pour Ludo^ 

les préoccupations nées de la maladie du roi laissaient des tra 

assez profondes. Pendant que Ludovic boudait à Vigeva 

son beau-p^re, le duc deFerrare, se retirait à Ferrare, furi( 

de voir maintenir au comte de Montpensier le commandem 

en chef de l'armée. Fort de son entente avec le roi et de la i 

ladie du duc d'Orléans, Ludovic maintenait ses intrigues d 

le marquisat de Ceva. Grâce à Bombelles, comme nous Tav 

dit, et aux ordres transmis par le fourrier Pierre de Montah 

bert, dit Gransay *, Louis, de son lit, y répondit si énergie] 

ment que Rolandin de Ceva, assuré d'un appui, rentra quelq 

jours après, les armes à la main, dans sa seigneurie de Sa 

Michel. Le duc d'Orléans paya les frais de ce coup de ma 

Le cardinal de la Rovère' se trouvait presque seul à lu 

contre le désarroi de l'expédition. Briçonnet retombait d 

ses hésitations de Lyon, dans ses craintes et ses dégo 

Etienne de Vesc, lui-même , tout en faisant secrètement 

affaires de Ludovic à la cour *, se défendait officiellemeni 

prendre aucune pail aux événements *. La reine, le duc 

Bourbon, informés de la maladie du roi, envoyaient des let 

suppliantes, pour presser Charles VIII de renoncer à tous 



OW., 939, 

2) iOO \iv. {Tit. Orléans, 936, 937; TU. Ceva, 9). Le 27 septen 
André de Ceva, de Castelin, arrivait à Aonone, pour poursuivre ses n 
mations à Asti, sous Tœil de Ludovic (Lettre du podestat d'Annone au 
de Milan publiée par Saige, Documents historiques sur la principau 
Monaco, I, p, 515). 

3] Guichardin. 

4) Lettre de Ludovic, du 29 septembre, citée par Delaborde, p. 4il. 

5) Sanudo. 



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% HiSTOihe DE Lotfs xn 

projets \ Le Conseil opinait pour que le roi passât l'hivêr en 
France. Mais le roi, sur soii oreiller, ii*avait cessé de se repattre 
de prophéties. Dès qu'il put se lever, ce fut pour désirer 
de revoir Ludovic et remettre eu branle tout le mouvement 
arrêté net par sa maladie. Le comte de Montpensier reçut 
Tordre de marcher; Commînes, envoyé à Venise, dut partir dès 
le2iS. On obéit, aveo moins d'enthousiasme que jamais. La sai^* 
son semblait passée^ on touchait le mois d'octobre. Personne 
ne croyait à la continuation de Tentreprise, et rentétement ex* 
traordinaire du roi semblait confiner à une sorte dé folie *, 
GommineSi pourtant peu ingénu, raconte qu'en se rendant à 
Venise c< avec mulets et train », par le chemin le plus beau du 
monde, il fit la route à petites journées et arriva tranquillement 
six jours aprèS) le 2 octobre. Il l'avoue : « il croyait fermement 
que le roi ne passerait pas outre », et il craignait, non sans raU 
son, d'aller jouer à Venise un sot rôle. A Venise d'ailleurs, il 
trouva toutle monde parfaitement convaincu de la prochaine 
retraite du roi. On ne parlait que d'un succès reniportéen Roma- 
gne par l'armée napolitaine le 18 septembre, de l'arrivée d'une 
ambassade d'Espagne qui allait s'entremettre en faveur de Na- 
pies, du désarroi complet de l'expédition: mécontentement du 
duc de Ferrare, éloignement de Ludovic, défaut complet d'ar- 
gent cheSB Charles VIII '. Ludovic^ pourtant, n'entendait pas 
lâcher sa proie. Un ambassadeur florentin obtint dé lui une au- 
dience, le 25 septembre, à Alexandrie ; la Seigneurie jugeait le 
moment propice pourreprendreles anciennes ouvertures : l'en- 
voyé reçut un accueil très froid : Ludovic Vanta la puissance 

1) Sanudo. 

2) Dans son Épitaphe de Charles VIII (fr. 172i, f» 34-35), Octovien de 
Saint-Gelais excuse le roi, comme agissant en vue d*une reyendication légi- 
time, « non par folye ». 

3) Desjardins, p. 511, 516. 



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SEPTEMBRE 1494 91 

irrésistible de là France, la modération dé Sôd gouvememeilt 
qui demandait seulement aux FloreniiilB le passage et des 
vivres, et il les engagea fort à y consentir, sous peine d'un 
vif repentir K En même temps, on annonçait à Alexandrie 
rembarquement imminent de La Rovëre et le retour du grand- 
écuyer d'Urfé à Gênes, pour reprendre la direction adminis^ 
trative des opérations. Et, dès le lendemain de cette démarche, 
le conseil de Gènes, qni nô pdtivait entendre parler sans émo- 
tion d'un arrangement avec les Florentins, répliqua par une 
violente démonstration ". 

Il fallait absolument de l'argent. Ludovic traita l'affaire en 
banquier éprouvé : il consentit enfin à cautionner, le 27 sep- 
tembre, un emprunt de 87,500 écus d'or, consenti au roi par 
un syndicat milanais^ et remboursable à Lyon> des le mois de 
novembre ; mais son cautionnement était plus apparentque réel^ 
car on exigeait, comme couverture, l'engagement personnel 
des deux trésoriers des guerres, et des billets à ordre souscrits 
pour une Valeur totale de 30,000 écus par divers personnages. 
Parmi les soucripteurs qui donnèrent au roi cette marque de 
dévouement, nous trouvons des amis du duc d'Orléans, George 
d'Amboise pour 2,000 écus, l'évèque Geofl'roy de PompadoUr 
pour même somme, le maréchal deGiépour6|000; Gommines 
souscrivit un billet de 4^000*. Il fut, en outre, stipulé que 
Ludovic ne contribuerait dans aucun cas pour plus de 50,000 
livres aux dépenses de l'expédition. Le roi voulut^ du moins, 
exiger la justification de cette contribution : Ludovic n'y con- 
sentit qu'à condition de faire entrer en ligne de compte, à leur 
prorata, l'intérêt des sommes avancées ! or, cet intérêt était de 



1) Desjardins, p. 567. 

2) Arch. de Gènes, Diversorum. 

3) Delaborde, p. 407; Kefvyrt de Lettenhove, Lettres et IfégociationSf 
p. 111 et suiy. 



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92 HISTOIRE DE LOUIS XIÏ 

18 pour cent par trimestre, même incomplet, soît de 10,3S0 écus 
pour le service du dernier emprunt, sans compter les avances 
faites à Gênes; Ludovic ne risquait donc pas grand'chose *, et 
à ce moment Ton eut la certitude que le syndicat milanais, dont 
il prenait si bien les intérêts, se résumait réellement en lui- 
même. Cet argent, si chèrement acheté, ne suffisant pas pour 
les plus pressants besoins, Charles VIII dut conclure encore 
avec des maisons de Gênes et de Milan un emprunt, non moins 
onéreux, de 100,000 ducats. Il put ainsi faire face à la paye de 
ses troupes, le 1*' octobre *. 

Dans une telle pénurie de ressources, après tant de mois 
consumés en préparatifs souvent vains et en gaspillages de 
toute nature, on comprend certes le terrible souci des serviteurs 
du roi, en présence du mauvais état de Tarmée, devant Tablme 
financier où l'on se jetait. Charles YIU ne paraissait pas préoc- 
cupé, lui : au contraire, il affectait de diriger encore d'Asti 
le gouvernement intérieur de la France. Le 28 septembre, par 
exemple, il prit parti entre deux abbayes de France, qui se 
disputaient les reliques de saint Florent, et il envoya la dé- 
fense formelle de transporter -ces reliques '. Il expédia aux 
Florentins un ultimatum, pour le passage de l'armée. Il fit 
accueil à un ambassadeur du marquis de Mantoue. Le marquis, 
dont la France avait refusé les services, était à la fois beau- 
frère du comte de Montpensier et généralissime des Vénitiens; 
c'est à ce double titre probablement, que, d'un côté, il en- 
voyait offrir au roi de disposer de ses États, tandis que, de 
l'autre, il pressait vivement Venise de se déclarer contre la 
France *. Charles VIII ne voyait rien ; sa santé était mauvaise, 

i) Rec. de Simonetta, f» 490. 

2) Sanudo. 

3) Autogr. de la Biblioth. de Saint-Pétersbourg, (I), I, n*35. 

4) Sanudo : Desjardins, I, 514. 



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SEPTEMBRE 1494 9 

ses ordres incohérents. Une violente crise de douleurs d'es 
tomac Tempècha, le 1^'et le 2 octobre, de recevoir un ambas 
sadeur vénitien ^ Le S, il annonce, pour le lendemain ou 1 
surlendemain, son départ pour Parme au duc de Bourbon, pa 
un billet sec et arrogant, où il ordonne au duc de « supprime 
la pillerie » dans le royaume, « chose qui me déplaît, » et d 
lui écrire souvent '. Le courrier à peine parti, il changea san 
doute d'avis, car il s'en alla en Montferrat. 

La confiance de Ludovic commençait à s'ébranler forte 
ment : revenu à Annone, il voulut le 29 septembre, dans ui 
accès de colère, partir brusquement, sans prendre congé, e 
sous le prétexte, à peine spécieux, de préparer la visite an 
noncée du roi à Vigevano. Les représentations d'Etienne d 
Vesc empêchèrent seules ce coup de tète *. Ludovic necroyai 
plus ni au roi ni au succès. Autour de Charles VIII lui-même 
parmi ses conseillers, ses serviteurs, ses fonctionnaires, s 
formait une sorte de ligue pour mettre un frein à ce que Toi 
considérait comme un aveuglement. Ludovic ne se fiait guèn 
à Commines et le faisait espionner à Venise \ L'ambassadeu 
de France, néanmoins, au lieu de travailler à la guerre seloi 
sa mission, travaillait évidemment à la paix : bien plus, i 
restait en relations avec les Florentins, qu'il engageait à teni 
bon! L'échec de l'expédition, considéré comme fatal un jou 
ou l'autre, devait d'ailleurs, dans les prévisions des habiles 
entraîner une réaction contre les ministres compromis et nom 
mément la chute de Saint-Malo : on pouvait donc prévoir 
dans un délai donné, le retour eiïectif aux affaires des duci 
d'Orléans et de Bourbon. Les gens avisés devaient ainsi s< 

1) Sanudo. 

2) Aulogr. de Sainl-Pétersbourg, (I), I, n* 38. 

3) Delaborde. 

4) Kervyn de Letlenbove, ouvr. cité, p. 123. 



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niSTOlRK DE u>m9 xii 

d^Orléaas et le rendre en quelque f^orte Tar- 
ntre Ludovic. C'est ce que fit Commines, 
à Venise le «ire de Cbampdeniers, pour 
pendant toute la durée de son ambassade '. 
lui-même, par l'influenoe de calculs sem- 
pas moins d^obséquiosité envers Louis, et 
I de main de Geva, le retour du roi en 
choses bien faites pour déplaire à Lu-» 

), de Bologne^ avec une finesse tout ita- 
irveille le fond de la situation. Il suggéra 
même au roi de Naples, de s'entendre avec 
dtferrat et la duchesse de Savoie, de s*ea- 
cour avec Philippe de Savoie, comte de 
Orléans, afin de s'emparer « de Toreill^ du 
e, hardi , mais d'une exécution difficile. .. 
essaya sur-le-champ. L'envoyé florenlin 
le duc d'Orléans, mais le duc, préalable- 
dans des dispositions favorables. Il lui 
Tait trouver un arrangement honorable et 
it que le roi de Naples prêtât hommage à 
itlt un tribut annuel, et lui versât de suite 
àterminer. En revanche, Louis suggérait 
pourrait intervenir, par la même occasion, 
6tentions sur le Milanais, moyennant IV 
du duché; il pensait que le roi de Naples 
e vengeance à tirer de Ludovic, cet ennemi 
ir des droits de Galéas, élu de l'Empereur, 
bien la grosse difficulté : pour que la su- 

Commines, d*après Sanudo, était nooompagné aussi 
iernard. Ne serait-ce pas Vomi des Florontios, dpnt 



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Sl!:i*TKMBRB 1494 9S 

zeraineté de Naplea p^ss&t h h France, il fallait Tôter k la 
cour de Rome, qui Texercait depuis des siècles.., 

Louis d'Orléans, au su et avec Tapprobatiou de Saint-Malo 
et de divers autres personnages, entretint en grand secret un 
ami officieux des Florentins, nomnié Bernard ^ Dès le 3 oc- 
tobre, l'ambassadeur Ridolfî envoyait à Florence 1© cpmpte- 
rendu chiffré de celte importante conversation. Louis dé- 
clara, parait-il^ que, encore malade, il se sentait pourtant en 
état de reprendre sa place dans larmée royale, mais qu'il 
éviterait, autant que possible, d'agir contre les intérêts flo- 
rentins*. C'est Ludovic, disait-il, qui a tout fait pour détruire 
la Seigneurie de Florence, qui ne casse de la représenter 
comme la mortelle ennemie de la France, qui a inspiré au roi 
la résolution d'en finir avec elle par la force, s'il n'obtient pas 
pleine satisfaction de ses volontés : Ludovic pousse à l'entrée 
en campagne immédiate, avant l'hiver : mais on ne s'effraie 
pas de la perspective d'une campagne d'hiver. Les Français 
comptent sur le concours de Lucques, et plus encore sur les 
Colonna et la position d'Ostie. Ils ont présentement sous les 
armes en Italie quatorze cent soixante lances, y compris deux 
cents lances de l'armée do Gènes : on vaenvoyer à Ostie quatre- 

1) Desjardins, 574. 

2) Commines disait, en môme temps, aux Florealins, que, k si Ton avc^il 
l*inleation défaire la paix, on pouvait renvoyer à Florence! parce qu'il espé- 
rait bien obtenir d'eux des conditions plus honorables que qui que ce soit, mais 
que, 9'\[ fallait continuer à user de rigueur et de dureté, il ne se sentait pas 
propre à oe métier, et ne voulait pas le faire » (Kervyn de Lettenhove, Lettres 
et Négociations, II, 133). Louis d'Orléans, partisan, comme tous les hommes 
sérieux, de Tantique alliance avec Florence, tenait un langage semblable. Il en 
avait le droit; car Ludovic lui-même avait contribué à l'écarter d^ larmée 
de terre, où fîgurait pourtant sa compagnie : remplacé dans son comman- 
dement de mer, ayant gagné une victoire, encore malade, il lui aurait 
fallu, pour prendre rang dans Tarmée du comte de Montpent^ier, un zèle 
qu'oq ne lui demandait pas. Au contraire, il voyait beaucoup d'avantages 
de toute sorte à rester à Asti, pour ainsi dire en retraite, pendant une expé- 
dition dont le succès lui semblait impossible. 



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96 HISTOIRE DE LOUI 

vingts lances et quatre mille homme 
raissait douter qu'on confiât au card 
mandement de Texpédilion. Il trouva 
la fierté extrême qu'affectait Ludovic 
Rapallo ; c'est Ludovic qui avait fait e 
les villes de France, pour en porter h 
tout entier à sa passion, à son enth( 
de marcher personnellement à une b 

Uami demanda si Ludovic et le n 
bien d'accord : Ludovic, lors du dépa 
Louis, — promettait monts etmerveil 
les Français occuper les châteaux de 
quand le roi^ ému de l'état de Gène 
Toccupation du castelleto qui comma 
s'est dérobé sous prétexte de désor 
dales... A propos de Gènes, le duc a 
comptait bien ne pas y retourner. A i 
celé par des capitaines suisses qui se 
ne pas recevoir leur paye, et qui, en 
vivre sans argent, lui-même ne rece^ 
dû se résoudre à avancer de ses dénie 
cats, dont il n'arrivait pas à obtenir 
qu'il en parlât tous les jours à Saini 
pour inspirer confiance au roi, Ludov 
de traiter le pays comme sien; Lou 
personnes désiraient qu'on prît Ludo^ 
pât le château de Milan... 

Vami fit remarquer quelesFloren 
nuire à Texpédition, car le moindre é 
mée française, obsédée d'idées de 
que les Génois offraient leur appui effe 
le roi allait recevoir de l'argent, qu' 



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SEPTEMBRE 1494 

bardie, on ne pouvait pais s'en aller sans rien faire, s 
peine de se perdre de réputation. Uami allégua alors Tin 
vention possible, probable, de Maximilien, dans le mom 
où Ton s*y attendrait le moins : cette objection parut touc 
davantage le duc d'Orléans qui, sans y répondre directemc 
s'ouvrit de la manière dont, suivant lui, pouvait se ré{ 
l'expédition. 

h'ami interrogea ensuite le duc sur la situation de Bri^ 

net. Fallait-il réellement le croire sincère dans ses affir 

tioDS pacifiques, lui, qui passait pour l'ardent promoteui 

la campagne? Louis avoua conserver vis-à-vis de Briçoi 

une certaine réserve ; Briçonnet lui en voulait d'avoir év< 

près du roi ses trames avec Ludovic et avec le pape : et i 

tout, maintenant qu'on se trouvait engagé, il craignait, ec 

de malheur, une explosion formidable de mécontentement 

sage duc de Bourbon, si calme, si mesuré d'ordinaire, 

vait-il pas dit, lui-même, au roi et à ses conseillers, er 

quittant : « Vous allez en Italie, ce qui ne m'a jamais plu. 1 

vous donne le succès I Je fais des vœux pour l'honneur c 

couronne de Frane ! Mais si tout va mal, le premier qui ' 

montrera le poing, c'est moi. » Le duc d'Orléans, ce; 

déclarait faire les mêmes vœux ardents : il n'épargnerait 

au monde pour bien servir le roi et lui être agréable, car ( 

sait assez notoirement hostile à l'expédition, et il entend ga 

en France toute sa réputation d'honneur. Mais, enfin, en 

d'échec, Saint-Malo et consorts n'auraient plus qu'à di 

raître. Saint Malo le sait comme lui. Or l'avènement au 

voir du duc d'Orléans, fidèle à la vieille politique d'ai 

pour Florence, serait « la fortune de Florence ». 

. Voyant le duc en veiné de confidences, ïami prononç 

nouveau !e nom de Maximilien ; aussitôt le duc d^Orléan 

fin à la conversation. 

m 7 



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98 HIStOIRE ÛE IX)UIS Xlt 

Celait la première fois que Louis, enhardi par les cirooni* 
tances, sortait de sa réserve pour tenir un langage si net. te 
secret des tergiversations, des hésilationsi des tiraillements 
inavoués dont nous avons jusqu'à présent constaté la trace, 
éclatait au grand jour. La politique personnelle de Louis 
d'Orléans paraissait. Dans tout ce qu'il venait de dire, il n'y 
avait en définitive qu'un vœu précis et pratique, celui de voir 
la France occuper le ch&teau de Milan. L'avenir, un avenir 
prochain, devait faire comprendre sa prévoyance sur ce point. 
Quant au reste^ Louis d'Orléans, d'accord avec Saint^Malo, par 
un singulier effet du sort, estimait qu'on ne pouvait opérer 
une retraite pure et simple^ mais qu'il convenait aussi de ne 
pas pousser l'expédition à ouTfànce, et de chercher un terrain 
honorable de transaction. A cet égard, son patriotisme Tempoi^ 
tait, évidemment, sur son intérêt privé, car son intérêt ne 
pouvait que lui faire souhaiter un échec. Il faut ajouter pour^ 
tant que ce patriotisme n'était méritoire k aucun point de vue i 
car on ne peut pas d*avance jauger, si j'ose ainsi dire, une 
défaite. Le moindre échec pouvait se convertir en désastre... 

Après cette importante conversation, l'ami osa s'en aller h 
Annone sonder Ludovic. Là, il trouva un mauvais accueil, des 
menaces, des propos fort aigres. Ludovic dit sèchement que 
Charles VIII considérait Gênes comme son bien et voulait lui 
rendre Sarzana et Pietrasanta, occupés par Florence, A quoi 
Vami riposta fort ironiquement qu'il lui plaisait de voirie roi de 
France appeler Gènes « son bien «. Ludovic se reprit ; « Gênes 
est au roi, comme Florence ou Milan à Maximilien. » L'ami 
répliqua qu'il n'était pas question de Florence : que, quant à 
Gênes et à Milan, Son Excellence (Ludovic) semblait bien les 
vouloir pour lui-même. On se sépara sur cette impertinence *. 

1) Desjardins, 579-583. 



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ftEPTEMBRE U94 99 

AjQutop^ de suite que le vague projet ci uu accord, parallè- 
lemeut soutenu par Saint*MaIo, par le comte de Bresse, par 
Miolans, par Commmes, prit corps, au point quebientôtle pape 
et le roi Alphonse s'en mêlèrent, et que le comte de Bresse de* 
manda personnellement à un agent de Naplea, secrètement ac- 
crédité près de lui, une gratification de 6 ou 8,000 florins pour 
aider à Texécutiou, On se hâta de lui en envoyer 6,000. D'autre 
part, Louis d'Orléans, évidemment d'accord avec la femme de 
Galéas, la duchesse Isabelle d* Aragon^ entra en relations 
directes avec le roi de Naples, par un nommé Pellegrino Lorini, 
et formula ses propositions. Ainsi, le comte de Bresse et lui 
entamèrent chacun pour leur compte, à Tinsu Tun de Tautre, 
deux négociations différentes. Une troisième, avec Ludovic, 
avait échoué ; mais de Venise Commines en poursuivait une 
quatrième près des Florentins, qui en avisèrent le roi de 
Naples* Le roi de Naples ne désirait qu en finir; il accepta 
toutes les offres, et, comme toutes semblaient fort autorisées, 
il se crut hors d'angoisse. 

Le pape allait envoyer au roi un légat; il fut convenu que 
ce légat proposerait la solution convenue entre le duc d'Or- 
léans et le roi de Naples'. Mais l'ambassadeur florentin 
Spinelli, qui marchait avec le comte de Bresse, voulut prendre 
les devants ; il offrit brusquement au roi, de la part du roi de 
Naples, un tribut annuel de 300,000 ducats. Charles YIII, qui 
n'était point préparé à l'ouverture, refusa non moins brusque- 
ment de Tentendre et déclara sa démarche absurde ^ C'était 
fini. 

Il faut dire qu'à ce moment décisif Ludovic, oubliant tout 
d'un coup ses rancunes^ était venu se loger à Asti même, tout 
près du roi> à la porte des Jacobins; qu'il entourait le roi, 

1) GommlneB i Deajardins, 458-462« 

2) La Pilorgerie, Campagne et bulletins de la grande armée, p. 85. 



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100 HISTOIRE DE LOUIS XU 

Tamusait, le distrayait, le cajolait. Le roi passait volontiers 
Taprès-midi chez lui. Ludovic fit taire Saint-Malo, qui l'accu- 
sait de trahison et cherchait à lutter contre Finfluence absolue 
prise par lui et par son aide de camp, Etienne de Yesc, sur le 
roi ^ Il ne « chantoit pas, au doux son du rebec, la trahyson 
qu'il avoit mys tremper » *. Il n'apprit que le 5 octobre, lors de 
son retour à Vigevano, pendant que le roi partait en Mont- 
ferrat, la rentrée violente de Rolandin de Ceva à Saint-Michel. 
Sur le champ, il écrivit au roi et au duc d'Orléans des lettres 
impératives, presque insultantes. Le roi, disait-il, avait parlé 
d'un arbitrage pour régler toutes ces affaires de Ceva; les 
marquis de Ceva en acceptaient le principe et allaient y sous- 
crire, quand le lieutenant d'Asti est venu « voler » un de leurs 
meilleurs châteaux. Il prenait cet acte comme une injure pour 
lui et pour eux, il s'indignait de la voir se produire sous 
les yeux et malgré les ordres du roi : il réclamait la restitution 
immédiate du ch&teau. Il invitait aussi son agent, le comte 
Ch. Balbiano, à traiter « chaudement » l'affaire». Le lendemain 
de cette lettre, le 6, une insurrection contre les Français écla- 
tait, comme à point nommée à Annone^. 

Ludovic s'irritait aussi de voir le roi résolu à s'en aller en 
Montferrat, à Pavie, même sans le duc d'Orléans '. Pour lui 
forcer la main, il avait, le 2 octobre, écrit partout, à Plaisance, 



1) Commines : Saint-Malo ne pensait toujours qu'au chapeau de cardinal ; 
rhostilité du pape le refroidissait; il craignait les suites de l'expédition et 
aurait bien donné 30,000 ducats pour la clore, eu négociant sur la base du 
chapeau. 

2) Le Vergier d^ Honneur, 

3) Arch. de Milan. 

4) Sanudo. 

5) Le duc d'Orléans resta à Asti ; mais, pendant le séjour de la cour à 
Casai, il écrivit à MM. de Saint-Malo et de Piennes qui accompagnaient le 
roi (Tit. Orléans, 939). 



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SEPTEMBRE 1494 10 

à Panne, pour annoncer Tarrivée de Charles VIII*. Le 5, 
envoya à Parme un de ses hommes de confiance, Bernard! 
da Corte (que nous retrouverons un jour), porter au corn 
de Montpensier Tordre formel de marcher en avant. Mon 
pensier répondit qu'il n'avait pas d*argent*. Rien ne fit 
Témeute d'Annone s'apaisa; l'affaire de Ccva finit comn 
ces sortes d'affaires, elle entra dans une phase diplomj 
tique. 

Charles VIII accepta sans façon l'offre de la marquise ( 
Montferrat de lui prêter ses bijoux, sur lesquels il contrac 
un emprunt, aussi bien que sur ceux de la duchesse ( 
Savoie. En revanche, il assuma le patronage du marquisa 
Puis il alla faire à Vigevano une visite d'apparat, pendai 
laquelle il ne se départit pas d'une bien rigoureuse éliquett 
car sa garde personnelle fit seule les services d'honneur, ( 
rondes, de portes, et prit les clefs. Le 10 octobre, le jour ( 
l'entrée du roi en Milanais, Louis d'Orléans écrivait d'Asti 
Ludovic; il annonçait sa guérison, et son désir de « monter 
cheval, pour aller devers le Roy etluy faire service » *. Lud 
vie répondit à cette politesse en envoyant au duc une paire < 
sacreSy envoi ironique, qui sentait plus la chasse que laguerr 
Louis, extrêmement courtois, adressa à Vigevano le gran 
veneur Dinteville, pour offrir à la duchesse de Bari d( 
lévriers et des chiens courants*. 

Ludovic avait atteint son but. Pendant le séjour du roi, 
reçut de Florence et de Naples de violentes menaces, ma 
les capitaines de l'armée française lui écrivaient les leltri 
les plus affectueuses , et prenaient ses ordres ; Montpensi< 

1) Boselli, Storie Piacentine, II, 270. 

2) Ârch. de Milan. 

3) Collection Fillon, n* 115. 

4) TU. Orléans, comptes, n^» 938 et s. 



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102 HIStOfftÈ tlË LÔÛtS XII 

signait : « Votre bon filz, Gilbert *. ï) Otl lui etl réféwlt deâ 
affaires de service. 

Ne manquant jamais une occasion d'étaler sa vanité, Ludo- 
vic voulut éblouir le roi par un accueil extraordinàiretnent 
somptueux ' : on avait apporté de Milan les tapisseries ducales^ 
les splendides bijoux, les plus riches costumes ^ Il montra au 
roi, avec ostentation, son vaste domaine, soti parc, d'une beauté 
fameuse, peuplé d'innombrables animaux sauvages ; il ne lui fit 
grâce ni de ses quatorze mille moutons, ni de ses dix-huit cents 
bètes à cornes \ Il lui proposa aussi une visite à Milan; mais 
Charles VIII ne s'en soucia point, et partît au contraire pour 
Pavie voir le malheureux duc Galéas. Ludovic poussa la pré- 
venance jusqu'à offrir au duô d'Orléans de venir à Milan, pour 
changer d'air et achever sa convalescence ! « De rechef Vous 
en mercye, lui écrivit le 19 octobre Louis d'Orléans, et, ce 
besoing en avoye, je yroye aussi privément que en lietl he 
place que j'aye en ma conté d'Ast ; mais, grâces a Dieu, ttia 
fièvre ne m'a, ce derrenier accès, pas fort tenu, et disent mes 
médecins qu'elle ne me reprendra plus. Par quoy, j'espère, 
incontinant que pourray monter à cheval, aller devers le Roy 
pour luy faire service en cest affaire, et à vods tout le plaisir 
que possible me sera, de Ce qui vous pourra toucher'. » 

1) Arch. de Milan. 

2) Dierum utilium liber, Philippi de Lischale, notarii (ms. de Ja biblio- 
thèque de M. le prince Trivulce, à Milan), sdmedi. Il octobre Udi. 

3) RosmiDÎ, Vie de J.-Ji IVivulcc, II, 205. 

4) Rozier historial. 

5) Pièce comprise dans la vente des 15-16 avril 1885, par Et. Charavay 
{Catalogue^ n° 5)i Dans celte lettre, que M. Charavay a eu robligeatiôe de 
nous communiquer, Louis remercie Ludovic de ses protestations de dévoue- 
ment et l'assure, en échange, qu*il continuera à prendre à cœur les affaires 
de Ludovic « comme siennes. » — « Vous priant, Monsieur mon cousin, que 
ce pendaht me vueillez escripre et faire savoir les nouvelles qui surviendront, 
el me ferez ung singulier plaisir. En me recommandant... » etc. Sigiié 

« Vostre bon cousin, Loys », contresigné par Cotereau. 



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SËPtEMBRE 1494 lO; 

Charle» VIII arriva à Pavie, le 14 octobre. Aux acclamation 
du clergé, des magiëtrâts, de la ville entière, à travers des ruei 
toutes tendues de tapisseries, il se rendit au château, qu*i 
voulut habiter, malgré les efforts de Ludovic; le soir même 
il alla voir sa tante, Bonne de Savoie. Quant à son entrevui 
aved son cousin Jean Ôaléas, elle fut déchirante et laissa dani 
le cœur généreux du jeune prince une impression ineffaçable 
Tétatdu duc de Milan semblait empirer chaque jour^ depuis 
Tarrivée du roi en Italie. A vingt-six ans, Galéas se mourait 
il se voyait mourir : il ne quittait plus son lit, et, séquesln 
du reste du monde par les ordres du duc de Bari, ne recevai 
personne, Charles YIIl, malgré ses soupçons, se contint ' 
parce que Ludovic assistait à Tentrevue : il donna àTinfortuni 
malade de bonnes paroles et lui promit de ne pas Tabandonner 
Galéas n'osait pas, non plus^ parler : cependant^ il présenU 
son jeune flls François, au roi, qu'il supplia de le proléger, d( 
Tadopter. Charles YIII» les larmes aux yeux, prit Fenfant dam 
ses bras, en promettant de veiller sur son avenir. Isabelle d'A 
ragon tomba alors aut pieds du roi, et le conjura d'épargnej 
son pfere, le roi de Naples. Charles répondit « qu'il ne se povoil 
faire, mais elle avoit meilleur besoing de prier pour son marj 
et pour elle, qui estoit encore belle dame et jeune ». La scène 
dit un chroniqueur, eût « arraché des larmes k des pierres » ^ 
Aussi Ludovic évita avec soin qu'elle pût se renouveler : le 
lendemain, il emmena le roi à la Chartreuse, et, le surlende- 
main 17, partit avec lui pour Plaisance. Charles VIII ne pul 
même pas prendre congé du malheureux Galéas, ni d'IsabelU 
qui espérait pourtant l'avoir ému. Il alla simplement, le IS ai 
soir, dire adieu à Bonne de Savoie. Ce soir-là, les deux amis 
du duo d'Orléans, M. de Champdeniers et François de Luxem 

1) Commines. 

2) Cronaca di Ant. Grumello : Commines : Da Paullô. 



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104 HISTOIRE DE LOUIS XII 

bourg, restèrent auprès de Bonne après le départ du roi. Soit 
commisération, soit espoir de voir réussir encore les projets 
d'arrangement, tous trois convinrent de se rendre de suite 
auprès de la duchesse Isabelle pour lui donner à comprendre 
qu elle ne reverrait plus le roi ; mais ils ajoutèrent qu'avant 
deux mois le roi de Naples serait l'ami du roi de France *. 

Charles VIII ne quitta pourtant pas Pavie sans adresser au 
pape une sorte d* ultimatum. Il se plaignait que le pape ne 
donnât pas au grand maître de Rhodes l'ordre de venir le re- 
joindre à Rome « pour le service de Dieu, l'église et la chré- 
tienté » et apporter des conseils pour l'attaque de la Turquie. 
Il affirmait de nouveau, en termes mystiques, son intention 
de marcher sur les traces des anciens croisés : et il commen- 
cerait par se rendre à Rome, où il arriverait pour Noël, 
ayant « ung veu pour visiter les sainctz et dévotz lieux qui y 
sont ». II se plaignait fort aussi que le pape voulût attaquer 
les Colonna, entrés au service de la France, non pas contre 
l'église, mais contre l'usurpateur de Naples. Il repoussait 
d'avance le légat annoncé, le cardinal de Sienne, « lequel est 
tout arragonnoys, et qui a tousjours tenu et tient le party du- 
dit Alphonce, par quoy en luy ne pourroye avoir affection, ne 
adjouster foy ace qu il me diroit ». Le roi protestait contre la 
partialité que montrait un pareil choix, se répétant le fils obéis- 
sant et dévoué de l'Église, plein d'un « giant vouloir au bien 
de la chrétienté, comme on le verra par effet » ■. Du reste, pour 
joindre l'effet à la parole, le roi arborait de grands étendards 
de soie blanche, avec ces mots latins : Voluntas Dei, ou encore 
Missus a Deo, évidemmentempruntés au Précurseur saint Jean- 
Baptiste. Le pape Alexandre VI, beaucoup moins sujet que 
Charles VIII à des entraînements d'aussi haut vol, n'en conti- 

1) Desjardios, p. 586. 
2)Fr.2962, fo 112. 



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SEPTEMBRE 1494 lOS 

nuait pas moins ses bons rapports avec le Grand Turc. Quant 
au grand maître de Rhodes, Jacques d'Aubusson, s*il ne ~ 
dérangea pas, il envoya du moins ses conseils par une lettr 
cette lettre se résumait à trouver le roi trop jeune pour enti 
prendre une croisade et à lui donner en méditation les paroi 
du Christ qui, en remontant au ciel, dit à ses disciples : « 
vous donne la paix, je vous lègue la paix '. » 

Arrivé le 18 octobre à Plaisance, où on l'entoura de gran 
honneurs, le roi y était encore le 21, avec Ludovic, son ii 
pirateur. Tout d'un coup, le matin du 21, on apprit q 
Jean Galéas Sforza se trouvait au plus mal ; presque aussi 
ensuite, on apprit sa mort, arrivée dans la nuit du 20 au 2^ 
Sur la première nouvelle •, Ludovic avait disparu dès l'aube 
Un cri général, unanime, d'indignation, d^imprécation, s'éle 
contre lui dans l'armée française et au dehors : Galéas si 
combait à une fièvre toociquée *, le médecin royal Théodore 
Pavie, qui avait assisté à la visite du roi, savait^ disait-on 
quoi s'en tenir à cet égard*. Pressé d'en finir, Ludovic vena 
sans doute, de faire administrer à son neveti quelque « ma 
vais breuvage » '. Aucune voix ne s'élevant pour disculj 
Ludovic, le dégoût, le mépris qu'il inspirait à la chevalei 

\) Portef. Fontanieu, 146. 

2) Uiavre manuscrit de Ph. de Lischate (bibl. de M. le prince Trivulce) 

3) Sentendo la morte^ dit Da PauIIo. 

4) Poggiali,MeworicdiPiacenza,VIII, 127, 128 : A. de la Vigne : Bose 
Storie Piacentine : Sanudo. Le 9 septembre, Ludovic avait tiré de Plaisai 
une subvention de 8,000 ducats d'or. 

5) Tossichata, dit Ant. Grumello : una allra medecinajqm fut la derniè 
dit Da PauIlo. Cr. les rapports fort médicaux sur la maladie de Jean Gale 
publiés par C^ Magenta, I yisconti e gli Sforza nel castello di Pavia, 
461. Le bruit était tellement universel que Ludovic le More adressa 
Tévéque de B rescia une lettre pour protester contre l'accusation d'avoir 1 
son neveu (t6id., p. 469). 

6) Guichardin : Ghilini, AnnalL..t p. 114. 

7) A. delà Vigne : Flori. 



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16 Hi^toiftE bË tiOtJts xn 

sin^âise, furent ftu comble. Il ne passa plus dëë lots, pâf mi 
s Français, comme dans les cours de Savoie, de MontfeN 
t et de Saluées, que pour le dernier des misérables* Nous 
^nstatons, nous ne jugeons point. Charles YIII^ consterné^ 
, des le lendemain ) célébrer à la cathédrale de Plaisance un 
rvice extrêmement solennel^ avec une foulô de Ciergeë, 
larante torches portées par des enfants dé chœur en noir et 
issistance de tout le clergé séculier ou régulier. Le roi y vint 
Se retira à TofTerloire» laissant à la cathédrale le comte de 
resse et d'autres amis de Galéas ; à la sortie de la messe, on 
stribua en son nom 200 livres impériales d'aumônes. 
Quant à Ludovic, après avoir reçu, en routej la nouvelle 
; la mort de son neveu, il courut à Milan, et là^ le 22 octobre^ 
réunit au château environ deux cents personnes, notables de 
Loix, auxquelles il proposa, avec une fausse bonhomie < 
élire duc le iils de Galéas. Naturellement, la réunion pro- 
sta : bref, Ludovic déclara se laisser faire violence et accep- 
r pour lui-même le titre ducal, trop lourd à porter pour un 
ifant dans des circonstances si compliquées. Sans autre for* 
alité, il revêtit, séance tenante, une robe de drap d'or et se 
ndit à Téglise Saint- Ambroise, au milieu d'acclamations 
ules prêtes et d'une foule stupéfaite *. 
Ludovic envoya immédiatement demander à Maximilien la 
iblication de son investiture, et même, pour ménager TEm- 
sreur tout en lui forçant la main, il fit aussi enregistrer 
ir-devant notaire la déclaration secrète qu'il acceptait les 

1) Cronaca di GenoM, -da, Aleôs. Salvago, publ. par DesimonI, p. 68 : Dà 
Lullo : Corio : rapport au ma^quiB de Mantoue, publié par G^ Magehta» 
II, p. 463. Suivant ce dertiier texte, le plus authedtique de tous, Luddfle 
déclara duc sans rien demander à personne; personne tle dit rieft. Il 
vêtit une robe de brocart, fit une promenade de deut heures dans Ift VlDe^ 
envoya annoncer à la veuve de Galéas qu'il était êlU dud fïdf le itÈû gé- 
iral. 



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SKPtEMBftE 1494 loi 

fonctions diicales en vertu, non pas d'une élection, tnaîâ du 
diplôme impérial '• 

Le corps de Galéas arriva à Milan avec une pompe médio- 
cre, au milieu des larmes de la population * : égaré par une 
incurable vanité, plus forte encore que son habileté, Ludovic 
ne comprit pas le caractère choquant d'une opposition qui 
frappait tout le monde. Il se rendit, en apparat, près du corps, 
puis dans une assemblée solennelle, où il procéda à sa 
proclamation. Si ses amis et le monde officiel des fonction- 
naires affectaient beaucoup de joie, la population n'y prît pas 
grande part : elle éprouvait un sentiment étrange de deuil, de 
scandale, de désorientation, si Ton peut ainsi dire. Ludovic, 
dès la première heure, ne négligea rien, menaces, caresses, 
promesses de toute sorte, pour en imposer. S'il voulait bien 
accepter le pouvoir, disaient ses affidés, ce n est pas qu'il l'am- 
bitionnât; only forçait. En pleine tempête, lorsque l'Italie 
entière se sentait menacée, les grands de TÉtat voulaient pour 
pilote un homme prudent, habile, expérimenté. Vraiment 
était-ce bien l'heure de remettre sa destinée à des princes en 
tutelle^ à des enfants ou à des idiots ? Ne voyait-on pas à Asti 
le duc d'Orléans, resté en arrière du roi avec des forces con- 
sidérables, et aspirant ouvertement au trône de Milan? Cha- 
que jour accroissait les forces du duc d'Orléans : très proba- 
blement, la victoire de Charles VIII à Naples donnerait le 
signal de l'invasion du Milanais. 



1) Il Tenait d*oblenir de Maximilieo ua nouveau diplôme, daté d'Anvers, 
3 novembre 1494, destiné à être publié pour préparer les événements. Dans 
ce diplôme, Maximilien consentait à afGrmer que Ludovic avait plusieurs fois 
sollicité pour son neveu Tinvesliture impériale du duché, mais que lui- 
même, Maximilien, s'y refusait, l'Empire ne pouvant accorder d'investiture à 
un usurpateur déjà en possession du pouvoir (fr. 16074, n» 27). 

2) « Nonparva c^im lacrimarum effusione » {Diaire manuscrit de Phk de 
lischale) : Da PaullOé 



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l8 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Même dans le peuple, ces raisonnements spécieux ne 
tsarmaient pas la haine ni les reproches méprisants. Il cou* 
it de sourdes menaces, des prophéties de malheurs... La 
mpète! on savait qui la déchaînait. « Ludovic avait empoi* 
»nné son neveu, pour usurper criminellement le pouvoir sur 
n petit-neveu; il attirait en Italie un roi bon et crédule, non 
Lspour Taider sérieusement à conquérir un royaume, mais 
)ur l'enlacer, le tromper, et le détruire après s'en être servi, 
larles VIII n'avait rien de mieux à faire que de revenir en 
rière et de détrôner Tusurpateur. On parlait du duc d'Orléans, 
aladeà Asti, et sans commandement! Certes, bien des gens 

préféraient, quoique étranger, à Ludovic! » 

Cependant, l'arrivée des félicitations officielle des villes, la 
lissance du fait accompli calmèrent, peu à peu, en appa- 
ince, cette population ondoyante, plus habituée à plier qu'à 
>mpre*. Le conseil génois, soigneusement formé, comme on 
tit, d'ainis de Ludovic, envoya seize délégués *. La ville de 
avie, seule, se montra très froide, et déclara attendre la visite 
Il nouveau duc'. 

Ludovic, ivre de joie, excellait, du reste, à manier les ima- 
inations mobiles de Htalie. Le 21 octobre, dans la proclama- 
on relative à la mort de son neveu, il déplorait cette crise fa- 
ile, survenue au moment où le duc paraissait mieux, et il pro- 
3stait d'une « douleur incroyable ». Le 22, une nouvelle 
iroclamation annonçait, avec emphase, sa propre élévation 
cclamée par les magistrats de l'État, par les notables de la 
apitale et des villes: « J'ai accepté, disait-il, le sceptre de 
et empire. » Et pour célébrer la joie des peuples, leur recon- 



1) Da Paullo. 

2) Giustiniani. 

3) Flori : Commines : Gorio. Cependant, on y fit, le 23 octobre, de grandes 
émonstrations en l'honneur du More (C° Magenta, ouvr,cité, II, 468). 



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SEPTEMBRE 1494 

naissance envers Dieu, il les invitait à trois jours d'enti 
siasme, de chdmage, de processions et de feux de joie S < 
complétait par une amnistie générale, promulguée, en 
nom, par Baptiste Visconti et Jean-François Marliano *. ( 
proclamation, en latin, dans un style impérial, sentait une g 
deur, que Ludovic ne démentait pas. Dans son langage, 
ses façons, il se posait comme un roi de Lombardie', coi 
l'arbitre^ sinon comme le maître futur de lltalie entier 
n'avait à la bouche que des mots de paix. Il adressa à Tan 
bassadeur florentin les paroles les plus sympathiques*. 

Cependant le scandale était grand partout', notamment 
cour impériale, sur laquelle comptait tant Ludovic. La pr 
nièce de Ludovic, cette Blanche-Marie Sforza, qu'il avait 
riée à Maximilien, fit tous ses efforts pour éloigner son 
d'une cause si compromettante : Maximilien, qui d'aill 
goûtait peu sa femme, hésitait à se séparer d'une bonne so 
de revenus, d'un homme très riche, prêt à solder à tout 
des faveurs indispensables. Ludovic ne craignait rien c 
côté : mais il pouvait tout craindre du côté de Charles ^ 
qu'il s'agissait de lancer définitivement en avant. 

Charles YIII se trouvait dans le plus complet désarroi 
l'absence de Ludovic, il ne savait plus que faire. D'Urf 
même, jadis soutien si actif de Texpédition, malade à G 
sans argent et découragé, écrivait pour arrêter le roi da 
marche et lui révéler les intrigues du duc de Bari à Gé 
A Venise, probablement sur les suggestions de Commine 

1) Boselli, Storie : Corio. 

2) Sanudo : Da Paullo. 

3) On annonçait, le le' novembre, son intention de prendre le I 
Bex Insubrium (C® Magenta, ouw, citéy II, 464). 

4) Desjardins, 584, 585. 

V. Tépigramme sanglante du célèbre J. Pontanus contre le ci 
Ludovic, en tête de son traité Deprudenlid, Il lui prédit une ruine tri 
Commines. 



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iiÛ HliTÛtKE PS LOUIS Xll 

tenait pour certaio que Charles YIU se croirait obligé, par se» 
promesses, de prendre parti pour le fils de Galéas. A Plaisance, 
on ne savait que résoudre. Le roi hésitait extrêmement, et Ton 
se demandait par où il allait passer. La pensée d'hiverner en 
Provence, les insistances de M. et M"^* de Bourbon pour une 
entente avec Florence, reprenaient faveur*. 

L'idée de Constantinople l'emporta 1 Charles VIII fit féliciter 
Ludovic de son avènement. Vers le même moment, Louis 
d'Orléans, fort correct, envoya le gouverneur d'Asti, Hector de 
Montenart, en ambassade solennelle à Milan, avec deux gentils- 
hommes et leur suite, et un courrier en avant de l'ambassade*. 

Tous ces événements se précipitèrent avec la rapidité de 
réclair. Ludovic, après avoir arrêté toutes choses dans les 
moindres détailset pris ses précautions contre sa famille, après 
avoir notamment enfermé au château de Milan sous bonne 
garde le frère de Galéas, Hermès Sforza, qu'il proclama vice-* 
duc, partit avec Antoine -Marie de San Severino, trois jours 
après son avènement, rejoindre Charles VUI. 

Il pressa le roi de marcher, sans perdre un instant. De toutes 
les alliances jadis promises et garanties par Ludovic, aucune 
ne se produisait. N'importe! Le roi manquait toujours d'ar- 
gent : il signa une ordonnance prescrivant la vente du domaine 
de la Couronne jusqu'à concurrence de 120,000 écus. Et il 
marcha. 

M. de Champdeniers, après avoir quitté Venise pour assister 
à l'entrevue de Pavie, était revenu à Asti, Louis d'Orléans le 
renvoya près du roi, avec ordre de le suivre partout et de sol- 
liciter près de lui « et autres » les besognes et affaires ducales. 

On se doute de la situation d'esprit du duc d'Orléans... 



1) Desjardins, p. 453, 519, 525, 529. 

2) Orléans, XIV, 938. 



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SEPTEMBRE 1494 lll 

Champdeniers rejoignit le roi à Florence, et il ne le quitta 
plus'. Il était secondé par Jacques de Chambray, seigneur de 
Thevray, qui lui servait en quelque sorte d'aide de camp et 
qui avait plus spécialement la mission d*envoyer fréquem- 
ment des nouvelles au duc d'Orléans '. 

Louis d'Orléans resta seul à Asti, sans autres troupes que 
sa garde personnelle de vingt-quatre archers', et quelques 
hommes du service de forteresse. Sa compagnie suivit le roi, 
sous le commandement de Robinet de Frameselles, honoré 
dans 06 but du titre de capitaine. Le duo envoya même à ses 
frais avec le roi cinq de ses pages, et quatre capitaines, qu'il 
aurait pu garder près de lui, comme Framezelles : le capitaine 
Lalande, un futur héros des guerres d'Italie, Gahrie) de la 
Ch&lre, MM. d'Eslanson et Jacques d'Ësguille % 

1) Il reçut comme honoraires 200 écus d'or (fr, 26104, 1074). 

2) Tit. Orléans, 958. D'après le Catalogue Joursanvault, n» 445, Louis en- 
voya ausii près du roi à Florence le sire de Cbalangon (Pierre dePolignao, 
V. Procédures politiques du règne de Louis XII, p. 1009). 

3) Il leur donna une sur-paye mensuelle de 4 livres 10 sous par homme, soit 
1,296 livres {TU. Orléans, 940). 

4)TO, Orléans, XIV, 939,959, 



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^' 



r 



LOUIS d'orléans a asti 

récupération de la Terre-sainte », il pensait que tous les 
ecclésiastiques devaient s'ouvrir et se vider : il taxi 
évêques *. Pierre de Bourbon déploya beaucoup de san{ 
et de prudence; il veillait avec anxiété sur la frontière, s 
du côté de TEspagne. Parfois, le roi, trouvant Targent 
venir, s'emporlait; ainsi, le 9 novembre, il écrit au rége 
lettre pleine de fureur : dans un autre accès de colè 
juillet 1495), il envoie Tordre d'arrêter sur-le-champ le 
rier des guerres, Guillaume de la Croix, et Pierre de Bc 
dut lui expliquer doucement Tinanité d'un pareil mo} 
nous reste de nombreux actes de la régence; tous 
montrent Pierre battant monnaie de son mieux, exp 
sans cesse argent et renforfs en Italie^ garantissant solid 
les frontières de Champagne et d'Espagne, soutenant le 
du royaume, sans toutefois dissimuler sa constante ai 
Le jour où ils surent Charles YIII sur la route de Plaisa 
duc et la duchesse commencèrent à trembler" ; le 28 oc 
la duchesse ordonna des prières et des processions'. 

Le mécontentement du royaume se trahissait par l'o 
tion très digne et très respectueuse du parlement aus 
du roi. Le parlement refusa, à plusieurs reprises, d'en 
trer Fordonnance de Plaisance pour l'aliénation du dor 
comme contraire aux règles séculaires de l'adminisl 



1) Pr. 23286, P>253, lettre à Tévôque de Troyes, pour réclamer 1,5 
d'or (Pontremoli, 29 octobre). 

2) L'évêque d'AIbi, Louis d*Amboise, écrit que la régence le i 
Moulins pour collaborer au labeur et à la responsabilité des affair 
dantla guerre (fr. 2919, f*» 10). 

3) On trouve beaucoup de pièces de la régence, notamment à la Bil 
de Saint-Pétersbourg, et dans les mss. X** 9323, 9320, 9321, 932^ 
neuf lettres de Charles VIII); Parlement 474 ; fr. 20437, [• 65; fr. 
f» 173 ; fr. 26104 ; fr. 20590, f"» 20, 53 ; fr. 15537, fo 226 ; fr. 10237, f 
Mure» Histoire des ducs de Bourbon, II, 441; Bibl. de l'Institut, mss 
froy254,r»« 249-250, etc. 

i:i 8 



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114 HISTOIRE DE LOUIS Xlt 

française, et adressa à M. deGanay, sur cette grosse question, 
ses remontrances* : il refusa aussi d'enregistrer la concession 
faite au sire d'Albret, à titre d'indemnité de ses droits pré- 
tendus sur la Bretagne ; il fit des représentations sur la sus- 
pension, ordonnée par le roi, d'un procès entamé contre 
Engilbert de Clèves par le sire d'Orval. La régence suspendit 
les traitements, par suite de la pénurie financière : le parle- 
ment écrivit à M"" de Bourbon pour les réclamer, la plupart 
de ses membres, disait-il, « n'ayant que leurs gages pour 
vivre ». Il protestait ne s'inspirer dans ses actes que de sa 
loyauté et de son dévouement envers la Couronne. Sur tous 
ces points, et sur bien d'autres, le régent dut ménager de 
justes susceptibilités et travailler à imposer la volonté royale. 
Il transmettait avec empressement chaque bonne nouvelle, 
sans retrancher même l'expression enthousiaste ou optimiste 
donnée par le roi ; l'arrivée du roi à Florence, son départ, etc. '. 
Quant au duc d*Orléans, après le départ du roi et la mort de 
Galéas, il subit une éclipse presque complète jusqu'à la fin de 
Tannée. Nous connaissons, par ses comptes, quelques aumônes : 
60 sous à un pauvre prêtre breton, Alain de Villeneuve, qui 
traversait Asti pour se rendre à Rome; 12 sous à six pauvres 
Suisses, rejoignant l'armée du roi; 6 écus d'or à six autres 
Suisses dans le même cas...; un joueur de souplesses jone de- 
vant le duc à Asti, le jour de la Sainte-Catherine (25 novembre). 
Louis paraît occupé de ses affaires personnelles ; il expédie à 
Bloisun paquet de lettres. Son trésorier n'avait point quitté 

1) Une ordonnance du !•' décembre 1495, plus logique et plus conforme 
aux saines traditions, prononça la révocation de tous dons consentis sur le 
domaine {Ordonnances, t. XX, 490). 

2) Il existe deux plaquettes imprimées contemporaines, rarissimes, conte- 
nant l'une le récit de l'entrée de Charles VIII à Florence, le 17 novembre 1494, 
l'autre la proclamation du roi sur ses projets de guerre contre les Turcs, datée 
de Florence , le 22 novembre 1494. 



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LOUIS D^ORLÉANS A ASTt 



Blois OU Orléans, et son chancelier y était retourné ai 
de Lyon : cette sorte de régence travaillait à Tamélion 
duché. Une commission, composée du trésorier Vigne 
Raoulet du Refuge, Guillaume Doulcet et Jean Serme, 
présidence du chancelier, se transporta à Lorris e 
d'autres lieux, pour poser les bases d'une réformatic 
forêt d'Orléans, avec le concours des lieutenant et 
d'Orléans'... 

On sait comment Charles YIII finit par entrer à FI 
où sa présence amena le renversement de Pierre de 1 

11 avait reçu de France quelque argent \ Il arriva 
devant Rome, où il fit son entrée le soir du 31 décc 
Partout, il se posa en successeur de Charlemagne, en 
Dieu, en rédempteur, en vengeur de FÉglise univers 
futur empereur de FOrient. Dans une proclamation, J 
Florence, le 22 novembre 1494, il annonçait son inter 
réformer FÉglise en passant, et, après avoir pris Napl 
lement au passage, de marcher contre les Infidèles. L 
tin officiel de son entrée à Rome, imprimé en Fi 

12 janvier, porte : « On dit communément en Lombi 
c'est la voix du commun peuple, que nostredit seignei 
sera de brief seigneur des Ytalies et empereur de Co 
nople. Et dit on es parties de Napples et es environ qu* 
guera tout le monde, s'il vit encore dix ans. Dieu l 
bonne prospérité, santé, joye et paradis*. » Leduc de] 
dut notifier ces nouvelles. 

Nous laisserons Charles YIII s'avancer ainsi sur 



TO, Orléans, 937, 938, 939. 

2) Lettre de Pontremoli, 30 octobre (Ârob, de Milan, Corrisp,), 
8) Rosmini, Vie de J,-J. Trivuke, p. 206. 
4) La Pilorgerie, p. 101*149. Cf. Patentes du 22 noTeobre (Ar 
Ualiano), 



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116 HISTOIRE DE LOUIS XII 

sans nous occuper de détails étrangers à notre sujet. Mais, tout 
autour de Louis d'Orléans, se déroulaient en Lombardie de 
très graves événements, qui trouvaient à Gènes leur point de 
départ. Louis les suivait avec une attention * facile à com- 
prendre, et nous ne pouvons no us-même nous dispenser d*y 
revenir, par un coup d'œil rétrospectif. 

Nous avons ditque le roi avait désigné D'Urfé pour reprendre 
la direction des opérations de Gènes, lors de la maladie du 
duc d'Orléans. A mesure que, grâce à Ludovic, s'accentuait 
sa brouille avec Florence, il faisait la cour aux Génois et 
affeclait de s'appuyer sur leur vieille animosîté contre Flo- 
rence, poussée au paroxysme depuis l'occupation de Sarzana 
et de Pietrasanta par les Florentins*. Ludovic, qui ne permet- 
tait pas au roi d'occuper le châtelet de Gènes, manœuvrait 
pour lui faire conquérir Sarzana et Pietrasanta, au profit de 
Gênes, c'est-à-dire du Milanais. 

Dès le 3 octobre, le roi, en renvoyant à Gènes D'Urfé et 
François de Luxembourg, son nouveau lieutenant pour la 
flotte, les chargea d'une lettre affectueuse pour les Génois : 
ceux-ci répondirent, le 6, par deux adresses pleines du plus 
chaleureux dévouement, où ils offraient leurs personnes et 
leurs biens. Vers le 20, le roi ordonna à une partie de la flotte 
d'appareiller sur Ostie, d'y débarquer et d'opérer sa jonction 
avec Fabrice Colonna, En même temps, le prince de Saleme 

1) Il écrit à Gênes au contrôleur Fr. Doulcet, au général de Languedoc, 
deux fois à M. de la Primauldaye i il reçoit une lettre de Milan, une lettre 
de Florence (Orléans, 938, 939). 

2) Selon Flori, il résolut d*abord pourtant de consigner la flotte à Gènes, 
de peur qu'elle ne fût requise et utilisée par Tennemi. Malgré les prières ins- 
tantes des patrons qui demandaient à reprendre leur commerce, il leur fit 
payer d'avance la solde de deux mois et leur donna ordre d*hiverner à Gènes. 
Un seul bateau, récemment arrivé de Sicile, obtint de s'en aller. Charles VIII 
craignait d'ailleurs que TEspagne ne s'ébranlât pour soutenir Alphonse et il 
redoutait des intrigues d'Alexandre VI dans ce sens (Flori). 



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LOUIS D*ORLÉANS A AST| 

venait à Gênes prêcher la guerre contre Florence, av< 
mots magiques de Pietrasanta et de Sarzana. L'évêqi 
Paris, arrivant peu après, appuya son langage*, et le roi, 
mieux marquer sa sympathie, chargea D'Urfé et le généi 
Languedoc d'offrir à la ville, en son nom, une paire de s 
dides vases d'argent. Le général s'acquitta seul de cette mi 
le 21 octobre, carie grand écuyer souffrait sérieusemer 
fièvres, et, d'ailleurs, il commençait à lire, quoique ur 
tard, dans le jeu de Ludovic. Le jour même, le Cons 
Gênes adressa au roi ses remerciements délayés en une g: 
page de vague et sonore rhétorique. Le lendemain, il i 
dita près de Charles VIII le chancelier Barthélémy de ! 
rega, et avis en fut donné à Ludovic. Senarega reçut ï 
de partir dans les vingt-quatre heures. Avant de quitter G 
il se rendit près du grand écuyer, auquel il remit une ad 
de dévouement du Conseil, et une lettre qui exprimai! 
les vœux des Génois en sa faveur : il l'entretint des < 
lions pendantes et lui renouvela mille regrets de le voir r 
par sa santé'. 

Le reste de l'armée française allait partir : la second 
cadre, sous la conduite du prince de Salerne, mettait à la 
droit sur Naples, avec environ trois mille hommes, p( 
essayer un soulèvement; quant à l'infanterie, avec la g 
artillerie, elle se rendait à la Spezzia, afin d'attaquer Sa 
et de rejoindre l'armée royale *. 

Longtemps hésitants, les Génois prirent enfin leur pari 
guerre se trouvant inévitable, ils voulurent en profiter, 
l'avis de Ludovic. Le 22 octobre, le Conseil se décida à r 
dre au roi que, conformément à ses instructions, on 

1) Giustiniani. 

2) Arch. de Gênes. 

3) Delaborde, 



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e que prescriraient ses trois commis^ 
auldaye^ Etienne de Veso et Renaud * : 
ion au podestat et aux officiers de mer^ 
)ouvoirs pour armements et embarque- 
en leur recommandant une grande pru- 
t prendre la mer, pour porter Tarmée 
aissant à Gènes un navire, la « Goana », 
is autres : au premier avis d'un danger, 
lènos la mouche « Camilla )i. La flotte 
nontcr la garde à Porto Pisano avec 
variait de quatre nouvelles galères en 
mais on savait de bonne source qu*elles 
dre la mer avant Thiver^ et on ne voyait 
roi de Naples. Le conseil ne craignait 
^rÂce à ses ressources financières, le roi 
iprovisle quelques corsaires pour faire 
ièiiois et à leur commerce \ 
des intelligences à Sarzana : après avoir 
ontremoli, sous la conduite de Ludovic, 
par venir on personne mettre le siège 
ilace, dominée par une bonne citadelle, 
r une diversion de la flotte napolitaine, 
;lemps, et déjà Ludovic voyait le terme 
le dans la prise de Sarzana, de Pietra- 
ourne même, au bénéfice du gouverne- 
rouvait, en effet, dans un pays maréca- 
fioindre résistance, c< une charrette », 
it un obstacle pour une armée, et, cer- 
3 pouvaient passer tout Thiver dans des 

ramadacos, Et. deNiève, RenalduS. » Ce dernier 
arles VIII. 



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LOUIS d'orléans a asti 1 

sièges difficiles et se voir obligés de renoncer à la suite de 
campagne. 

Tout d'un coup, Pierre de Médicis, apeuré, harcelé par s< 
opposition intérieure» arriva le 30 octobre àPietrasanla, afin i 
se rendre, prêt à racheter à tout prix le souvenir de sa rési 
tance. Il obtint un sauf-conduit pour voir le roi, et accepta tout 
qu'on lui demanda; il livra aux Français les villes et le territoi 
convoités par Gènes, à titre de gage d'un prêt de 200,000 écu 

Aussitôt, les Génois de chanter victoire. Le 1" novembi 
lendemain de ce pacte, le Conseil adressa à Pierre d'Urf 
toute sorte de gratulations : il se félicitait des succès du i 
et en souhaitait beaucoup d'autres. Mais il arrivait un p 
tard : le roi, choqué de la froideur, pour ne pas dire pk 
témoignée par Gènes jusque dans ces derniers jours, se so 
ciaitpeu de lui remettre sa conquête, et lorsque Ludovic, n' 
sant pas la réclamer pour lui-même^ insinua de la rendre a 
Génois, le roi comprit enfin le rôle qu'on entendait lui fai 
jouer : il nomma Gilbert des Serpens, seigneur de Gilain, ca] 
taine de Sarzana, et le sire de Beaumont capitaine de Livourn 
Ludovic fit le renchéri ; au lieu de vivre dans l'intimité du n 
comme jusqu'alors^ il s'installa à quelque distance et affec 
de ne plus lui faire que des visites. Cette démonstration 
froideur ne suffisant pas, il repartit pour Milan le 6 novembi 
Ce même jour, le Conseil de Gènes tenta une nouvelle demi 
che. Il écrivit de fort humbles excuses : dès l'arrivée du r< 
il avait voulu, disait-il, lui envoyer quatre délégués; ces ai 
bassadeurs parlaient, lorsque la nouvelle de la maladie du r 
vint couvrir Gènes d'un deuil indicible : les Génois s'étaie 
sentis le cœur plein de joie lors de la convalescence du m 

1) Le cardinal de Saint-Pierre aux liens, retenu aussi à Gênes par 
accès de gouUe, se Ût porter par quatre hommes jusqu'à la mer, le !«' r 
vembre, pour aller rejoindre le roi (Sanudo). 



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LOUIS d'orléans a asti f2 

Ces dernières démarches avaient été suggérées par Ludc 
vie lui-même, qui les fit appuyer près du roi par son représeï 
tant, San Severino*. 

A peine maître de Milan, Ludovic ne pensait qu'à se rendr 
maître de lltalie, et à se dégager de Texpédition français< 
La perspective du siège de Sarzana lui avait fait prendr 
patience : mais, chaque jour, des indices nouveaux, et cei 
taines particularités même de son attitude avaient trahi troj 
clairement ses véritables dispositions. N'ayant pu obtenir d 
roi qu'une promesse d'investiture future de Gênes moyennar 
finance, et trompé dans ses calculs sur Sarzana, il revenait fi 
rieux à Milan, prêt à lever le voile. Malheureusement, des dil 
ficultés multiples Tobligeaient encore à bien des précautions 
difficultés prévues du côté de. lltalie, imprévues du côté d 
l'Allemagne. 

Il avait trouvé Maximilien jusque-là si prêt à donner e 
secret tous les diplômes possibles contre argent comptant 
qu'il croyait accomplir une simple formalité en lui notifian 
son avènement*. Le 22 octobre, il avait écrit à Tenvoyé milanai 
près la cour impériale, MafiFeo Pirovano, de se rendre san 
délai près de Maximilien et d'annoncer à l'Empereur soi 
intention de publier à la Saint-Martin (le 30 novembre) 1 
diplôme impérial : Pirovano, bien entendu^ devait accom 
plir cette démarche avec solennité et faire bien haut sonner 1 

1) Gîustiniani. 

2) Ludovic ne savait pas toute la vérité, ou, du moins, feignait de ne pa 
la savoir. La vérité était que Maximilien le trompait aussi et que, le 8 oc 
tobre, il venait d'émettre un nouveau diplôme secret accordant Tinvestitur 
du duché de Milan à Jean Galéas, « sur la demande, ajoutait la pièce ofô 
cielle, de son oncle Ludovic ». Les Empereurs, ajoutait Maximilien, avaien 
jusqu'à présent refusé cette investiture; mais il croyait le moment venu d 
raccorder, en raison de la gloire de François Sforza et de la sagesse d 
Ludovic (diplôme publié par Ghmel, Notizenblatt, 1856, p. 443). La mor 
de Galéas suivit de près le diplôme du 8 octobre. 



^ V ^ ■ 



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123 B1ST0IRE DE LOUIS XII 

souvenir des ateux matornels de Ludovic^ les Visconti, feuda* 
laires iInpé^iaux^ Un mois plus tard, Ludovic reçut avec grand 
étonnement la réponse de son ambassadeur datée d'Anvers, 
le 33 novembre. En dépit de toutes ses instances, et de celles 
du ministre résident, Érasme Brascha, Maximilien déclarait, 
sèchement^ Ludovic libre de faire la publication projetée^ 
mais alors lai-mème cesserait de s'occuper de lltalie; et aban* 
donnerait les plans connus de Ludovic. Quant à Blanche-* 
Marie Sforza^ en recevant les ambassadeurs de son oncle^ elle 
n'avait pu réprimer ses larmes, tout en cherchant à faire bon 
visage et en donnant vaguement quelques banales assurances. 
Fort jaloux de Charles YIII, Maximilien commençait à 
trouver que Ludovic ne le consultait pas assez, et qu*il aurait 
dû lui en référer notamment avant de prendre le titre de duc 
de Milan. Sans argent, en prôio à des difficultés intérieurei^i 
il venait de convoquer à Worms, pour le 2 février, la diète de 
l'Empire* En attendant, il tenait à peser sur les événements 
d'Italie, au moins par des menaces. C'est pourquoi il répan* 
dait avec insistance le bruit de sa prochaine descente^ de son 
pr(»chain couronnement à Rome, ne fût-ce que pour contreba- 
lancer TefTet produit par le langage un peu trop impérial de 
Charles YIII. Cette convocation de la diète lui servit do pré- 
texte pour refuser à Ludovic une investiture immédiate : il 
allégua la nécessité de consulter l'assemblée et même^ pour 
ne point la froisser, de post-dater le diplôme précédemment 
accordé. Du reste, il envoya à Milan une ambassade de condo- 
léance j avec ordre de ne formuler aucun compliment à Ludovic, 
et de lui réclamer simplement un versement de 100,000 ducalô, 
en compte sur la dot de Blanche-Marie. Ses ambassadeurs 

1) Felice Calri, Bianca-Maria Sforza Visconti (Milan, 1888), p. 72 et 
suiv. Nous empruntons aux pièces de ce curieux ouvragée les détails qui sui- 
vent, sauf indication contraire* 



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LODIS D^ORLÉANS A ASTI 123 

réolatnërent aussi le libre passage et les subsistances néces« 
saires pour laprochaine descente de l'Empereur en Lombardie ! 
de Milan, ils allèrent à Florence, faire la même demande, et 
annoncer l'arrivée de Maximilien avec trente mille hommes, 
divisés en deux corps d'armée, qui passeraient par le Saint- 
Golhard et le Spliigen, qui se concentreraient à Bologne, etc. \ 
En môme temps, il entrait en relations avec Venise. 

Plus tard, Ludovic a poussé la jactance jusqu'à revendiquer 
rinspiration de toute cette politique'; prétention singulièrei 
car Maximilien, au contraire» se défiait fort de lui. Bien plus, 
TEmpereur se tenait en correspondance secrète avec Bonne 
de Savoie et Isabelle d'Aragon ; les deux malheureuses femmes 
lui écrivaient des lettres éplorées, elles dénonçaient l'usurpa* 
tion de Ludovic, elles sollicitaient du secours avec instance* 
Ludovic n'apprit que plus tard, au mois de janvier 1495, 
cette circonstance « 11 fit alors enfermer brutalement les deux 
duchesses dans un cachot obscur^ où il les laissa au. secret 
absolu^ en proie au plus sombre désespoir, et dans un tel 
dénuement que la veuve de Jean Galéas était obligée de 
manger par terre *. 

Moins rassuré que Ludovic, Maximilien tremblait de voir 
Charles YIII s'implanter en Italie et recevoir même à Rome la 
couronne impériale. Aussi voulait-il tenir Ludovic à sa dis- 
crétion, comme un instrument passif. Il lui prescrivait de 
laisser le roi s'engager plus avant, mais d'élever autour de 
lui des barrières infranchissables. Recommandation bien 
superflue ! « Le duc de Milan a, parait-il, grande influence en 
Italie et sur le roi de France ; mais il a vu et connaît le roi de 

1) Sanudo, p. 175-176, 182. 

2) Romanîn, Storia documentata, V, 54, eité par Delaborde. 

3} Sanudo, p. 201. Isabelle, la veuve de Galéas, d^abord fort malade de 
(îhagrin, n'arriva à Milan que le 6 décembre, dans un deuil et un isolement 
profonds (C« Magenta, ouvr. cité, II, 465-467). 



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H1ST0IBB DE LOUIS XII 

ose croire, sage comme il est, qu'il fera entre le roi 
et moi quelque différence. » 
es, il informa Ludovic que, bien certainement, le 
gne ne tiendrait pas ses promesses de neutralité, 
restitution de Perpignan*. 

int, Ludovic continuait à se vanter près de 
[JI de pouvoir lui obtenir le concours de Maximilien 
rojets, sous couleur d'une réformalion de l'Église; 
[II prêtait encore l'oreille à ces propositions, qui se 
Ht au projet d'ambassade de Du Bouchage à la cour 
Avant de se décider, le roi voulut encore envoyer 
Gi Jacques Bohier en éclaireur, « pour savoir ce que 
ige aura à faire la part où savez » *. Ludovic donna au 
es satisfactions possibles : le 13 novembre^ il expédie 
:^sme Brascha des instructions qui peuvent demeurer 
1 mémorable monument de mystification diploma- 
roi de France, lui dit-il en substance, a fait choix 
Bouchage pour l'envoyer au Sérénissime Roi des 
afin de conclure « la pratique que vous savez ». 
ui faire honneur, et le bien recevoir. « Quant à la cou- 
la /^ra/iyne (ce sont les termes mêmes de la dépêche), 
lanquerez pas de sollicitude et de diligence, pour la 
ivec le plus de satisfaction et le plus d'honneur du 

)itiT. ciU : dépêches d'Er. Bnscha, ras. ilal. 1592, à la Biblio- 
snale de Paris. En effel, le 11 octobre 1494, Ferdinand et Isabelle 
»s pouvoirs d*ambas:sadeurs en la forme solennelle, à Alphonse 
chargé darréter Charles VIII et de négocier la paix, entre 
'I, A envers qui nous sommes tenus au dévouement », Alphonse 
i notre neveu », et Charles YIII, « notre frère et confédéré » 
L»ss. 2). 

[!e Charles VIH à Ludovic, Sarxana, 5 octobre (Arch. de Milan), 
it se rendre de là à Moulins, où Charles VIH Tannonee au régent 
gê d^afTaires extrêmement urgentes, à expédier sans délai {Auto- 
^ÙHt-Fetersl^'urxf, I, 1, 37 : même dale\ 



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LOUIS d'orléans a asti 125 

roi très chrétien qu'il soit possible auInoQde^ » Le même jour, 
il donnait Tordre de recevoir Du Bouchage dans ses É 
d'extrêmes honneurs. Que devint cette mission de 
chage ? On le devine. Les gens graves haussèrent lei 
et s'étonnèrent même de voir un homme aussi pe 
que Du Bouchage, l'accepter : « Ce fut la plus verte 
sion que je vey jamais prendre à jeune homme*, » écri 
tard le sire de Graville au courtisan trop dévoué. 
Maximilien, il traita Du Bouchage avec le plusparfai 
il refusa de le recevoir et lui envoya son congé*. 

Ludovic ne se montra pas plus loyal dans ses j 
rapports avec les États italiens. Dès son retour à 
se vit entouré d'ambassades. Les félicitations du pi 
vèrent les premières, suivies de celles d'un grand ne 
cardinaux, même de celles du roi Alphonse de Naplei 
nonçait l'envoi d'une délégation spéciale *. Ludovic a^ 
représentant à Rome son frère, le cardinal Ascagne 
auteur véritable de l'élection d'Alexandre VI, et j 
cardinal trèsinfluent, investi de nombreux bénéfices et( 
mi ère charge de la cour, celle de vice-chancelier de TÉ 
maine. Le 2 novembre, Ascagne Sforza se rendit che2 
qui le retint jusqu'au lendemain, et qui le nomma, dai 
sistoire du 3, son légat pour aller à Florence trouver 
France. Ascagne parut satisfait de l'entrevue. 11 quitt 
par la porte d'Ostie, du côté le plus directement m( 
qui conduisait le moins à Florence. A peine eut-il dispe 
lexandre VI déclara ouvertement sa volonté de demeu 
à la cause napolitaine et d'envoyer à Florence le can 



i) Fr. 2928, fo 3 : Calvi. 

2) M. de Mandrot, Ymbert de Batarnay, p. 195. 

3) Dépêche de Foscari, Archwio storico italiano, t. VII, p. 74! 

4) Sanudo. 



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[26 HISTOIRE DE LOUtS Xll 

iûrck. L'opiaion publique ne voulut voir dans celte volte-face 
pparente que le résultat d'une sorte de comédie concertée 
vec Ascagne'.On se trompait. Alexandre VI et Ascagne nV 
aient pu arriver à un accord, et s*étaient quittés en mauvaise 
ntelligence *. 

Ludovic se trouvait ainsi condamné, de tous les côtés, à une 
Utitude modeste et prudente. Néanmoins, avec sa hardiesse 
labituelle, il prit le titre à'Anglus et de comte ctAngleria, 
)our mieux se rattacher au souvenir fabuleux des premiers 
naîtres de la Lombardie. Successivement^ il reçut le trésorier 
le Bretagne, envoyé par Charles YIII comme ambassadeur 
Lvec une escorte de quatorze chevaux, sans doute afin de ré- 
Jamer l'argent promis; l'ambassadeur florentin Bem. Rucel- 
aï; trois ambassadeurs de Montferrat conduits par Constantin 
^rnili, le régent, en personne; un secrétaire florentin; un des 
ils de Jean Bentivoglio, seigneur de Bologne ; enfin Claire de 
jonzague, comtesse de Montpensier ', qui venait avec une suite 
le cinquante chevaux, s'installer à Mantoue chez son frère 
e généralissime vénitien*. Le duc de Ferrare avaitquitté Milan 
e 17 novembre : Ludovic lui fit un présent belliqueux; il lui 
envoya, pour faire couler trois types nouveaux de canons, le 
bronze préparé pour une statue équestre de François Sforza. 
^iéonard de Vinci venait d'achever la maquette de cette statue: 

1) Delaborde, p. 477. 

2) Cependant, ie 9 novembre, Alexandre VI adressa à Ludovic un long 
»r6f pour le féliciter, de la manière la plus ardente, de son arrivée au pou- 
voir, qu'il considérait comme une œuvre de la Providence. Il suppliait Ludovic 
e s'interposer contre Charles VIII (publié par Ghmel, Notizenblatt de 1856, 
^444). 

3) Détail caractéristique : la comtesse de Montpensier passa par Milan, 
lie n'osa pas passer par Asti. Le duc d'Orléans l'envoya saluer sur la route 
Tit. Orléans, 938). Cependant, elle alla^ ie !•' décembre, voir à Pavie 
sabelle d'Aragon, la veuve de Galéas (G» Magenta, II, 468). 

4) Sanudo. 



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Loufs dWléans a asti 

OQ remit son exécution à d'autres tempS| qu 
pas. 

Ludovic voulut profiter de l'agitation créée 
nements de Florence : il rêva tout simplement d 
république, et suivant sonliabitude, il entama de 
de tous les c6tés. Charles YIII se trouvait assez < 
la situation de Florence, qui venait de chasser ] 
dicis : les uns l'accusaient de convoiter la ville po 
la plupart lui attribuaient la pensée intime de res 
M. de Bresse se faisait le champion de cette rests 
rée aussi par les amis du duc d'Orléans. Ludoi 
rintrigue en sens contraire. Galéas de San Sève 
vertement patronné l'insurrection de Pise contr< 
ment florentin. Finalement, Ludovic fit deman 
lui remettre l'administration de Pise et de Fie 
proposition, d'une outrecuidance presque naïve, 
cun succès'. D'autre part, il encourageait secrète 
rentins à la résistance, par l'intermédiaire de I 
alla jusqu'à leur offrir de mettre à leur dispositioi 
le contingent milanais soi-disant auxiliaire de 
çaise en Romagne '. De ce côté, il fut plus heui 
se retrouve au fond de l'échauffourée qui éclata 
24 novembre. C'est ainsi que, tout en réclamai 
France des faveurs qu'il savait bien ne pouvoir 1 
dées, il commençait à prendre rang taciteme 
adversaires. 

Le pape, aux abois, comptait sur Maximilii 
audience à laquelle assistaient les ambassadeu 
le 24 novembre, il fit à Rodolphe d'Anhalt des o 

1) Guichardin. 

2) Flori. 

3) Delaborde, p. 449,453, 471, 



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t HISTOIRE DE LOUIS XII 

fnelles. A soq dire, Charles YIII voulait conquérir non 
lement des cités d'Italie, mais peut-être le nom, le titre 
mpereur : « Pour moi^ ajoutait-il à la manière des martyrs 
premiers siècles, je n'y consentirai jamais. » Rodolphe 
nhalt se chargea d'appeler Maximilien au secours de 
jlise, de TEmpire et de lltalie*. 

l'était bien parler ; mais, peu après, quand il vit Charles VIII 
rcher sur Rome, Alexandre perdit son sang-froid : sur le 
iseil du cardinal de San Severino, il se décida à un rappro- 
ment avec Ascagne Sforza, qu'il pria de revenir à Rome, 
^agne fit sa rentrée le 2 décembre ; des négociations entre 
ape et lui s'ouvrirent par l'intermédiaire d'amis obligeants, 
es offres d^Ascagne témoignèrent assez éloquemment des 
ns de Ludovic. Ascagne acceptait de se rendre, au nom du 
e, près de Charles VIII; il se faisait fort de décider le roi à 
rien demander que le libre passage, même à ne pas entrer 
is Rome : il offrait au pape le concours des troupes mila* 
ses soi-disant attachées à l'expédition française, et celui 
troupes vénitiennes, pour le garder contre les exigences 
^Iharles VIII. En revanche, on laisserait le roi de France, 
m le plan de Ludovic, s'engager sans obstacle dans la con- 
te de Naples : le pape, sous couleur d'alliance, entrerait 
s la dépendance de Ludovic, romprait avec les Orsini, 
ituerait aux Colonna leurs places, remettrait la ville d'Ostie 
;inq forteresses aux mains de Ludovic, confondrait ses 
ipes dans l'armée milanaise qui tiendrait à Milan son quar- 
général sous le commalndement du duc de Gandie; enfin, 
3 nommerait pas un seul cardinal sans l'approbation préa- 
B de Ludovic et d'Ascagne. Bref, pour tout résumer en un 
, Ludovic entendait se servir de l'armée française pour 

Diarium de Burchard. 



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n^^ 



LOUIS d'orléans a asti 

abattre tour à lour les diverses puissances italien 
à son profit Tunité italienne, et ensuite tendre la n 
magne, afin de faire disparaître son créancier de 1 
la terre, s'il se pouvait. Au reste, il n'aimait pas 
magne que la France, et se tenait prêt à la trahir i 
occasion ; il se disait, par politique, son vass 
humble serviteur, mais sans désirer le retour de 
l'antique hégémonie des Césars d'outre-monts. 

Alexandre VI pouvait lutter de finesse avec L 
le surpassait par l'ensemble des vraies qualités < 
d'État : ampleur des vues, énergie de Texécutio 
coup d'œil. Ludovic ne possédait que le génie de 
de la tromperie, don redoutable qu'il ne faut pj 
Alexandre VI avait le génie, proprement dit, 
nement, qui consiste à ne pas abuser les hom 
du nécessaire, à leur ouvrir les voies où ils s'enga 
tanément... : le premier, toujours ondoyant au j 
rets immédiats*, et trop empressé à se dire Tan 
monde, ne pouvait inspirer confiance à personne 
savait voir de loin son but et y marcher plus nett 
suscitant des auxiliaires sur la route. Au point d 
tous deux se ressemblaient. 

Alexandre VI parut accepter les proposition! 
qu'il se réserva sejulement d'adoucir dans leur foi 
risa les Sforza à désigner eux-mêmes un nouveai 
s'engagea à ne donner le chapeau à aucun de 
saires: il promit une solde pour les Colonna, il ac 
pation d'Ostie et de quelques autres places, et 
intime avec Ludovic, sauf contre le roi d'Espagn» 

1) u Con questo suo ingegno fu ripulato pusillanimo..., f 
deir accortezza sua, cadde in tanta villa... ;>, dit Prato. 

ni 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

nent pour se réserver la possibilité de secourir le roi de 
s contre les Français; sur ce dernier point on pouvait 
ndre^ Les pourparlers en étaient là, quand arriva une 
)sade française : aussitôt, Ton décida qu'Ascagne parti- 
! 10 décembre, avec Prosper Colonna, remplir sa mission 
lu roi, à Viterbe. Le 9, sur une convocation du pape, As- 
se rendit au Vatican avec Prosper Colonna, les cardinaux 
m Severino et d'Estouteville, et deux prélats. Ils furent 
s tous les six. Le lendemain, 10 décembre, avait lieu un 
$toire : le pape autorisa les cardinaux prisonniers à s'y 
B et les traita avec la grâce la plus exquise; il les cou- 
le compliments ; il voulait simplement, disait-il, dans 
irconstances bien difficiles, s'assurer de leurs précieux 
ils : Ascagne, pris au piège, répondit sur le même ton. 
me du consistoire, il les fit ramener sous bonne garde 
eur appartement, il ordonna de conduire à la frontière 
assade française, et, le soir même, entrait à Rome une 
t napolitaine '. 

endant, la politique nouvelle de Ludovic commençait à 
ses fruits : une sorte de ligue contre la France s'ébau- 
lans le nord de lltalie. Bien qu'une ambassade vénitienne 
partout Charles VIII, en lui prodiguant des marques de 
ement, et qu'à Venise même Philippe de Commines, 
yé français, continuât à trouver près du Sénat bon ac- 
le gouvernement vénitien devenait un foyer d'intrigues 
es cours de Naples et d'Espagne. Naturellement, il ne 
ait pas sur Ludovic, directeur apparent du parti con- 

I 4 décembre 1494, il adressa à Ludovic un nouveau bref des plus 

ly des plus pathétiques. Rome court les plus grands périls, dit-il. On 

Ludovic d*agir, au nom de l'Italie sa patrie, du Christ, etc. In tuis ma- 

une salus Italiae consistiL (publié par Chmel, NoHienhlatt de 1856» 

I. 

dlaborde : Sanudo : Burchard» 



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LOUIS O'ORLÉÀNS À À8T1 131 

traire : le jour où Tambassadeur vénitien à Milan ( 
Ludovic prêt à marcher avec les Vénitiens, on crut r 
Ton conçut une haute idée de l'habileté de l'ambassade 

La décision hardie du pape pouvait jeter le désarn 
ces pourparlers, encore bien fragiles. Alexandre VI s' 
fort adroitement : il entendait faire sentir à Ludovic le né 
ses projets de patronage, il n'allait pas plus loin. P< 
lettre du ÏO décembre, il voulut annoncer lui-même 
de Milan l'arrestation d'Ascagne et de Colonna; il 1 
Colonna de traître; quant à Ascagne, il déclarait « le re 
près de lui « à bonne fin )>, comme le plus chaleurei 
amis, et il donnait clairement à entendre que, dans sa p 
cet éclat ne devait pas empêcher un rapprochement. Re 
à Florence, repoussé à Rome, Ludovic, dès la premiëi 
velle, avait dépêché de vives protestations. Malgré la 
du pape, il ne goûta point le sans-gêne d'Alexandre enve 
<( lignée si haute », que les Sforza. Charles VIII, qui mi 
toujours, comme un paladin, sans paraître se souci 
agitations semées derrière lui, saisit Toccasion de se r 
cher de Ludovic ; il écrivit, de Viterbe, le 13 décembre 
réclamer l'envoi de la compagnie Caïazzo, envoi to 
promis et toujours retardé : quant à l'alfaire d'Ascagne 
s'en préoccupait pas : « J'attends, disait- il, Tambassc 
pape; nous y pourvoierons*. » Le 18, il écrivit encore 
dovic pour le prier de proroger l'échéance de l'emprunt 
à Milan à si gros intérêts*. 

Dans ces conjonctures, Alexandre VI n'osa pas ic 
Le 21 décembre, Ludovic, qui semblait prendre son par 
rapprochement, au moins momentané, avec la France, a 
à Rome une sorte d'ultimatum altier et menaçant, pour 

1) Arch. de Milan. 

2) Id. 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

iance avec Charles VIII et réclamer la libération de 
Sans attendre l'arrivée de celte note, le pape, pour 
la France, venait de rendre la liberté aux prisonniers, 
a l'un d'eux, le cardinal de San Severino, à Brazano, 
i Charles VIII raccommodement autrefois repoussé, 
e un tribut annuel du roi de Naples, et une ligue 
e toutes les puissances chrétiennes, Papauté, France, 
Venise, Milan, Florence, Allemagne, etc., contre le 
irles VIII ne s'arrêta pas un instant à ces proposi- 
.vait son plan arrêté, et ce plan consistait à entrer 
e, à prendre Naples, à chasser la dynastie bâtarde 
y à réintégrer dans leurs domaines et au delà les 
mpromis pour lui*. 

c, satisfait de ce cùté^ entrait en relations de plus en 
ies avec Venise ; depuis le commencement de 
, il affectait même un parler très libre, traitant 
m d'ambitieux sans valeur, les conseillers actuels 
réunion d'imbéciles, qui, à eux tous, ne valaient 
itié d'un homme sagc\ l'armée française de troupes 
s, sans force, bonnes tout au plus à prendre d'assaut 
5S. Eu face de ces gens là, disait-il, il faudrait bien 
roupes milanaises! Malheureusement pour Texpé- 
idovic ne jugea pas encore l'heure venue, car, pour 

, p. 123, 150-152. 
, p. 155. 

ipeint aussi Ludovic comme nouant dès lors des intrigues dans 
ïontre Charles VllI, venu, disait-il, pour la subjuguer tout entière 
ributaire, ou pour la ravager et la détruire. «Il avait appris à ses 
naître l'avidité et l'absence de scrupule des Français : lui et 
raient toutdonnéen abondance, ouvert la terre et la mer, retenu 
dommage toute une tlolLe jusqu'à ce jour dans le port, et 
avait violé sa parce, détruit des châteaux et des villes, renié 
nsidéré les Italiens non comme des amis et des alliés, mais 
iclaves, comme une conquête. Charles VIII, ne pouvant triompher 



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LOUIS D ORLÉANS A ASTI ^ 

expliquer ses relations avec Venise, il adressa à Commii 
des lettres fort empressées , oii il invoquait toutes sortes 
prétextes. Commines, laissé par le roi sans aucunes nouve 
et sans instructions, entouré de faux amis, circonvenu 
fausses confidences, sentait vaguement la situation branh 
mais sans se rendre compte en quoi que ce soit de la réalité 
choses. D'autre part, le Sénat de Venise déployait toutes 
habitudes de prudence, de circonspection , de temporisali 
Régulièrement informé des moindres bruits deTentourage 
Charles VIII, il voyait Tinfluence de Ludovic diminuer p 
du roi, Vesc et Saint-Malo moins écoutés, et, au contra 
Philippe de Bresse, le maréchal de Gié chaque jour plus 
évidence... Il hésitait; il ne se décida que le 27 décembr 
expédier des lettres délibérées le 17; il invitait son ambass 
à ne pas perdre de vue le roi un instant ^ 

Ludovic ordonna de grandes réjouissances , des feux 
joie, des processions, pour célébrer la nouvelle de l'entrée 
Charles VIII à Rome. 

On touchait à l'instant décisif, indiqué par Maximilien 
Ludovic désirait voir Charles VIII pénétrer jusqu'à Nap 
Maximilien se montrait moins ambitieux : suivant lui, Ts 
tude froissée du pape, qui faisait tête comme un advers; 
acculé, le langage du roi, aggravé des prédications de Sa 
narole sur le « balayage » des scories de TÉglise , ses prêt 
tions impériales et réformatrices, tout devait rendre imj 

en bloc, les attaquait les uns après les autres et cherchait à les broui 
Le joug était prêt pour Tltalie^ si elle ne s'entendait pour le repou: 
Charles avait voulu entraîner Ludovic avec ses forces à Naples, pour 
Louis d'Orléans, laissé en arrière, pût envahir Milan sans défense. 
Ludovic l'avait compris et était revenu à Milan avec son armée». Brof, il 
jurait tous les Italiens de détourner la ruine qui, après la conquête de Ni 
et la prise de Milan, pèserait sur eux tous. 

1) Delaborde: Kervyn de Lettenhove, INVyocm/iuns, II, liS. 

2) Arch. de Venise, Secreto, 35, p. 5i v». 



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34 HISTOIRE DE LOUIS XII 

ibie un accord avec Alexandre VI. La papauté, appuyée par 
"Japles, et certainement aussi par Milan et Venise, deviendrait 
a barrière infranchissable de l'expédition : si, par impossible, 
^ette barrière s'abaissait, il y aurait alors lieu de prendre un 
)arti décisif*. 

Bien entendu, Maximilien ne se flattait pas de mettre rapi- 
lement en branle la lourde machine germanique, sa diète, 
ics Electeurs ; du moins, il payait de paroles. Pour entraîner 
es Vénitiens, il envoya, le 17 janvier, une ambassade an- 
loncer sa prochaine arrivée en Italie, son couronnement à 
Rome, son intention de chasser, au besoin, les Français, et 
jemander d'ores et déjà le passage pour ses troupes. La 
prudente Venise no goûta que médiocrement ces ouver- 
tures ; si elle redoutait la France indirectement, elle redoutait 
îiicore plus TEmpire allemand, ce voisin immédiat, toujours 
porté à étendre la main vers l'Adriatique. Sans doute, Maxi- 
milien promettait de ne jamais s'unir à Charles VIII pour 
l'attaquer * : mais qui croire, en ce monde ? De Worms, où il 
attendait sa diète, Maximilien écrivit aussi, le 18, au roi de 
Naples pour lui promettre le concours le plus absolu : il allait 
mettre en demeure les Français de se retirer, sinon il envahi- 
rait la Bourgogne •. 

M.'iximilien n'était pas seul à s'agiter ainsi : le gouverne- 
ment espagnol semblait fort ému, et son représentant à Ve- 
nise prophétisait pour le printemps « de graves événements ». 
A. Naples, le roi Alphonse abdiqua brusquement le 14 janvier 
gn faveur de son fils Ferdinand II, qui allait donner à la dé- 
fense du pays une allure martiale et bien plus vigoureuse. 

Heureusement pour lui , Charles VIII, depuis la mort de 

1) Inslructions, publiées par Verri. 

2) Ulmann, cité par Delaborde. 

3) Sanudo, 199. 



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LOUIS D*OBLÉANS A AHTI 

Galéas et surtout depuis les récentes incartades 
prétait davantage l'oreille aux conseils de quelqi 
expérimentés et fidèles, qui, malgré bien des dég 
tenu à raccompagner dans Texpédition. Pier 
maréchal de Gié, que nous avons constammei 
avec beaucoup de souplesse (l&ns les situatio 
mais qui était, en définitive, un politique de la 
un soldat éprouvé, un esprit prudent, tenait de 
ie premier rang près du roi : il venait de négoc 
ment l'entrée à Rome, et son influence grandisi 
vait pas être favorable à Ludovic. Ces nouvoai 
négocièrent, à la stupéfaction générale, un a( 
pape : le traité, signé le 15 janvier, reproduisait 
projet débattu entre le pape et Ascagne. L'évè( 
Malo y gagna l'objet de tous ses labeurs, le ch 
et se tint dès lors pour satisfait. Des lettres du i 
aussitôt la bonne nouvelle dans toutes les direc 
dans cette circulaire, se vantait même du « gran 
pape *. 

Ascagne Sforza, libéré sur l'invitation du r 
d'abord au camp français et il accompagna Char] 
entrée à Rome. Mais rien de sérieux ne liait ] 
Ludovic ; leurs relations continuaient à se refrc 
venait de rappeler ses troupes. 

Il recommençait à se mêler des affaires de 
d'Orléans lui ayant annoncé l'envoi d'un de s 
Milan pour ces affaires, Ludovic répondit, le 3 
un ton très altier^ presque impertinent. Il conse 
voir l'envoyé : « Mais nous devons vous averti 
que, comme vous ne voulez condescendre à a 

1) Lettres, au parlement de Pari?, X** 9320, 88 et s., 90 ; j 
boD, Autog. de Saint-Pétersbourg (I), I, 30; Archives de M 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

s^emenls, il nous parait difGcile de rien faire sans préju- 
à notre État et à V obéissance que nous devons à tEmpe- 
*. Le grand mot était lâché ! 

nement Charles VIII envoyait le maître d*hôtel Georges 
selin, avec Galéas de San Severino, prier Ludovic de 
ir à l'armée : vainement dans une lettre du 17 janvier, 
lonce au duc de Milan le traité avec le pape, et insiste 
B : « Je passe outre, dit-il, et poursuis ma fortune... » 
savez mon désir « que soyez icy avecques moy ». Venez 
6t que possible, m'aider à conduire « et guyder le de- 
mt de mes afferes... Vous et mon cousin le vischance- 
ostre frère, en serez participans » *. 
jour même, le vischancelier (iniUail Rome y avec dépit, 
jlextant une maladie de son frère, l'insécurité de Rome 
e gouvernement du pape actuel... On devine les innora- 
is commentaires suscités par une retraite si brusque. Le 
lal de la Rovëre s'exprima aussi en mauvais termes*, 
mt à Ludovic, au reçu de la lettre du roi, il fit une fois 
is sonner les cloches et allumer des feux de joie. En 
î temps, il écrivait aux Vénitiens une lettre catégorique : 
il remède à l'expédition de Charles VIII lui semblait 
mais une action rapide de l'Empire et de l'Espagne contre 
entières de France, à laquelle on pourrait offrir de col- 
srpar de larges subventions : cela vaudrait mieux, ajou- 
, que d'attirer en Italie la peste, la rogna *. Cette rogna^ 
t son ami, son protecteur Maximilien. 
ximilien, en effet, continuait à traiter Ludovic de haut, 
concéder diplômes sur diplômes, sans rien de bien précis. 

rcli. de Milan. 

7 janvier (Arch. de Milan). 

anudo : Kervyn de Lellenliove, p. 154. 

omanin, V, 62. 






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LOUIS D*ORLÉANS A ASTI . 137 

Un diplôme impérial du 3 novembre avait ÎDlerdit à Ludovi 
de laisser proclamer qui que ce fût duc de Milan avant Tarri 
vée des commissaires impériaux et lui accordait seulemen 
Fadministration provisoire du duché; des patentes impériale 
du 6 novembre enregistrèrent le serment de fidélité prêt 
par lui; des patentes du 8 déclaraient Ludovic en posses 
sien de fait du duché; d'autres patentes du 4 décembre lu 
promirent à bref délai une investiture régulière, devant le 
Électeurs impériaux. Le 5 janvier 1495, deux notaires impé 
riaux apostoliques dressèrent un grand procès-verbal authen 
tique de la mise en possession de Ludovic. Le même joui 
Ludovic avait dû signer rengagement de ne publier le diplôm 
impérial d'investiture que quand TEmpereur le jugerait bon^ 
On comprend pourquoi Ludovic se permettait de qualifie 
avec tant de désinvolture un maitre si encombrant ^ 

A Venise, au contraire, tout marchait selon son gré. L 
ligue était prête à éclore au moindre incident qui eût arrêi 
le roi'. On se moquait indignement de Philippe de Com 
mines; d'un air amical et pathétique, on lui suggérait toi 
doucement de partir, sous prétexte d'aller demander au r< 
des instructions et de lui porter des conseils ^ Ludovic h 
réclamait la part d'emprunt cautionnée par lui, et menaça 
de le poursuivre, ce qui mettait Commines au désespoir. Bre 
à Venise comme près de l'Empereur, Commines, comme D 
Bouchage, jouaient le rôle le plus ridicule. Et cependant toutt 
ces trames s'ourdissaient avec une adresse si raffinée, qu 
Commines pria Ludovic, qu'il croyait toujours Tinspiratei 

1) Fr. 16074, u- 27. 

2) Ce qui ne l'empêchait pas d'ailleurs d'écrire, le iO janvier, à l'Emperei 
pour déplorer en termes amers les succès des Français et les attribuer à i*inh( 
bileté du pape (Calvi, p. 117). 

3) Commines. 

Kervyn de Letlenhove, p. 152. 



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138 HISTOIRE DE LOUIS XII 

(lu roi, d'engager Charles VIII à ménager les Vénitiens (car 
les lettres de Tambassade demeuraient sans réponse), et que 
Ludovic fit la démarche! 

La ville de Gènes, après quelque difficulté, se soumit à 
Ludovic sans l'investiture de Charles VIII, et lui fit solen* 
nellement prêter serment le 7 janvier 1495*. Par un hasard 
facile à prévoir, les Génois envoyèrent, en même temps, quatre 
cents hommes d^armes tenter un coup de main sur les terri* 
toires gardés par Charles VIII. Il en résulta à Florence une 
révolution véritable : les Florentins voulaient à Tinstant mar- 
cher sur Pise. Las de tant d'oscillations et de perfidies, 
Charles VIII adressa, le 22 janvier, aux Anciens de Gènes une 
énergique invitation de laisser en paix Florence, à laquelle 
il entendait, en temps et lieu, remettre les territoires de 
Sarzana et Pietrasanta*. Ludovic triomphait, car Gènes de- 
vint ainsi pour la France une irréconciliable ennemie. Dès 
lors, il commença, dans un profond silence, des préparatifs 
militaires. Le 23 janvier, il charge Scaramuche Visconli de 
rinspection générale de l'armée. Le 28, il adresse à son frère 
Ascagne, resté à Sienne, un homme de confiance, Landriano, 
général de l'ordre des Humiliés à Milan \ 

Le roi ne pouvait connaître que très imparfaitement ces 
menées. Vers le moment de son départ de Rome, Louis 
d'Orléans envoya, en hâte, le secrétaire Jean Hervoet le pré- 
venir; Hervoet fut arrêté et détroussé dans son périlleux 
voyage*. Le 27 janvier, pour parer à l'orage qu'il sentait se 
former du côté de Milan, le roi ne trouva rien de mieux que 

1) Diaire manuscrit de Philippe de Lischate (Bibliothèque de M. le prince 

Trivulce.) 

2] Arch. de Florence, Cartap,^ t. VI, XXII (Communication de M. Gor* 
rini). 

3) Arch. de Milan. 

4) Fr. 26104, 1082 : Joursanv,, 445. 



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LOUIS d'orléans a asti 139 

d'expédier à Pierre de Bourbon un homme de confiance, 
Henri Bohi«r, chargé de « passer par mon cousin le duc de 
Milan, et par Ast pour parler à mon frère d'Orléans, et sur ce 
vous dire aucunes choses pour y pourveoir » *. 

Le 8 février, Charles VIII renouvela en termes impérieux 
aux Anciens et à la Commune de Gênes la défense de troubler 
en quoi que ce soit Florence, son alliée *. Par une coïncidence 
singulière, l'autre peste^ Haximilien, par une lettre datée de 
Worms le 6 février, invitait Ludovic à respecter Pise conime 
cité impériale '. Ludovic se le tint pour dit. 

Pendant ce mois de février, où l'Europe entière, de Cons- 
tantinople à Gibraltar, retentissait de cris de guerre, un 
brusque apaisement se produit en Lombardie. Louis d'Orléans 
demeura tranquille à Asti, sans paraître soucieux que de se 
faire oublier. Vers la fin de janvier, la Seigneurie de Venise 
ayant reçu de l'Archipel un lot de merveilleux faucons, d'une 
valeur de plus de dix ducats piëce, les distribua aux divers 
ambassadeurs pour les offrir à leurs maîtres. L'ambassadeur 
de Naples refusa son lot, par le motif fort plausible que son 
maître, pour le moment, ne pensait pas à chasser. Gommines, 
toujours courtisan, demanda ce lot de faucons pour le duc 
d'Orléans, à qui il Tenvoya ^ 

Le 4 février, la duchesse Béatrix accoucha d'un fils. Un 
mois entier se passa en fêtes, pour célébrer cet heureux évé- 
nement ". Le 6 Louis adressa des félicitations courtoises à 
« son cousin » Ludovic; il se disait v heureux de voir sa pa- 
renté s'accroître » *. 

1) Autogr. de Saint-Pétersbourg. 

2) Communication de M. Gorrini (Arch. de. Florence, XXIir, XXVI). 

3) Caivi, p. 116. 

4) Sanudo, 183. 

5) Diaire manuscrit de Philippe de LischaU. 

6) Arch. de Milan. 



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140 HISTOIRE DE LOUIS Xïï 

A plus forte raison, Louis entretenait-il de bons rapports 
avec ses excellents voisins et amis de Touest. Nous le voyons, 
le 17 février, recevoir de la marquise de Monlferrat un envoi 
de malvoisie, quatre grands fromages, et d*autres menus 
dons, présentés avec accompagnement de ménestrels et ta- 
bourins*. ... Le 24 février, il récompense les services d*uu de ses 
hommes d'armes, Raymonnet Pons, écuyer, par le don d'une 
petite terre nommée le Vergy*. Bienlôl, ses relations avec 
Milan semblent redevenir bonnes. 

On sait que, le 20 février, quand les Français parurent 
devant Naples, les Napolitains ouvrirent leur porte avec em- 
pressement : le seul retard vint de la perte des clefs, égarées 
dans le trouble, et de la nécessité d'aller en ville chercher un 
serrurier*. Charles VIII entre, et, avec son optimisme habituel, 
il écrit à Pierre de Bourbon, le 22 : « Vous ne pourriez croyre 
lagrant affection et voulenté que les gentilzhommes et peuples 
demonstrent avoir a moy, car de chascune ville du Royaume 
m'a esté apporté les clefz des portes » *... 

A cette occasion, Ludovic ordonna, le 27 février, de grandes 
processions de réjouissances dans la ville de Milan '. Louis 
d'Orléans lui faisait passer les nouvelles, et tous deux se con- 
gratulaient mutuellement ; le 25, Ludovic remercie Louis et 
se félicite avec lui ; le 27, à 4 heures du soir, Louis adresse à 
son bon cousin copie des lettres du roi sur la prise de Naples, 
« sachant qu'elles vous feront plaisir ». Le 28, Ludovic répond 
par des compliments et des vœux '. 

1) Revue des autographes, n® 99, p. 263. 

2) Tit. Pons, 35 ; pat. datées d'Asti. 

3) Chronica di Notar Giacomo, publiée par P. Garzilli. 

4) X'a9321, H3. 

5) Morbio, Francia ed Italia. 

6) Arch. de Milan. Ludovic pousse laprévenancejusqu'à adresser le 16 fé- 
vrier des lettres de politesse au duc et à la duchesse de Bourbon : le 23, il 



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LOUIS d'orléans a asti 141 

En France même, le sage Pien-e de Bourbon, gagné parles 
lointaines apparences *, transmettait les nouvelles du roi 
comme se présentant « tousjours de bien en mieulx » *, sans 
négliger pourtant les ordres dénature à garantir strictement 
Tapprovisionnement et la défense des frontières de Bourgogne 
et de Champagne 3. 

Le duc d'Orléans passa encore le mois de mars dans une 
attitude expectante et attentive. Il ne quitta point Asti *. 

Emu du succès de Charles VIII à Naples, Ludovic se rap- 
prochait de plus en plus de la France, et, comme toujours, il 
envoya solliciter le roi; il demandait, cette fois, le duché de 
^ari et le comté de Rossano, dont il avait longtemps porté le 
titre et qui devaient lui appartenir. Charles VIII ne donna pas 
le duché (qu'il n'avait pas), mais il accorda sans difficulté un 
diplôme. Pourtant, il courait des rumeurs singulières : on prê- 
tait à Charles VIII, vainqueur, l'intention de restaurer le fils de 

leur envoie son chancelier Cornei. Nibia, qu*il accrédite également près de la 
reine (môme archives). 

1) Le'rapide succès du roi à Naples excitait une confiance immodérée: 
déjà, on voyait Charles conquérir la Terre sainte. Une chanson publiée par 
M. de la Pilorgerie (4 bis), la Louenge de la victoire du 1res crestien roy de 
France (sur rentrée à Naples), commence ainsi : 

Tremblez, tremblez, Memmeius^ Sarrazins, 
Juifs, mescréans, marrains, payans, Turquins, 

Et redoublez le très crestien roy 

On lit plus loin : 

Le gouverneur de la papalité 
Qui a sur tous humains auctorité 
L'a appelle noble filz de TÉglise. 

2) Stein {Ann,'BuUetin de la Société de t Histoire de France) y p. 211. 

3) X'» 9321, 94. 

4) Dreux du Radier, auteur du reste fort suspect, rapporte qu*il s'éprit 
de la fille de son hôtesse, qui n'était pas fort belle, mais qui jouait merveil- 
leusement du luth; «déjà incommodé de la goutte, il eut avec elle les der- 
nière liaisons.» {Mémoires sw les reines,,.). 



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142 HISTOIRE DE LOUIS ZII 

Jean Galéas sur le trône de Milaa , peut-être d'y élever le duc 
d'Orléans. Louis d'Orléans ne cessait point de s'intituler duc 
de Milan, et même, à tout événement, il ramassait autour de 
lui, à Asti, quelques hommes d'armes. Il n'en fallait pas plus 
pour faire trembler Ludovic, fort peu sûr de TafTection de son 
pays. Bientôt, ses renseignements particuliers lui permirent 
d'assurer que le duc d'Orléans allait se trouver à la tète de 
troupes importantes, car Pierre de Bourbon ordonnait en 
France de nouvelles levées. D'autre part, Maximilien tardait 
toujours à envoyer l'investiture *... 

Les Vénitiens, plus len ts à s'émouvoir, considéraient les choses 
plus froidement, et, tout en accablant Charles YIII des com- 
pliments les plus chaleureux, continuaient à travailler à sa 
ruine «avec une ardeur opiniâtre. Le succès leur semblait fa- 
cile; ils voyaient toute l'Europe prête à se liguer contre un 
seul homme, et ils ne prévoyaient guère que des profits dans la 
lutte. Officiellement, la Sérénissime République affectait la 
neutralité la plus rigide ; et quand, le 10 février, Commines 
lui demanda officiellement l'autorisation d'embarquer «à Ra- 
venne, faute d'autre port, quelques pièces d'artillerie, le Sé- 
nat, après de longs débats, consentit seulement à fermer les 
yeux, à condition que ces pièces passassent sous pavillon vé- 
nitien ». Le 25 février, le Sénat fit adresser àTévêque de Saint- 
Malo toutes ses félicitations pour la conquête de Naples et 
pour les arrangements avec le pape. Le même jour, dans la 
même séance, il fit appeler l'ambassadeur d'Espagne, pour lui 
déclarer sa ferme résolution de travailler à Texpulsion des 
Français, et lui annonça l'arrivée des envoyés de l'Empereur, 
qui, lui aussi, voulait entrer dans la ligue >. 

1) Sanudo, 249, 250. 

2) Arch. de Venise, Secreto, 35, p. 63 v". 

3) Arch. de Venise, Secrelo, 35, 68. 



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LOUIS d'orléans a asti 143 

Le 4 mars, deux ambassadeurs do Ludovic vinrent à Venise 
prendre leur part de ces intrigues compliquées : Antoine Tri- 
vulce, évèque de Corne, et François-Bernardin Visconti, tous 
deux hommes de poids et de grand nom. Le même jour, le 
Sénat adressait des instructions précises à André Grilti, 
marchand vénitien de Péra, son agent officieux près la Su- 
blime Porte. Gritti devait présenter au sultan et aux pachas 
un agent officiel de la République, chargé pour le Comman- 
deur des Croyants des assurances les plus amicales. Venise 
demandait l'autorisation d'établir à Gonstantinople une léga- 
tion vénitienne : en tout cas, elle prescrivait à son agent d'y 
rester le plus longtemps possible/. A Tappui de sadémarche, 
le Sénat fit arrêter Tarchevêque de Duras, venu à Venise ache- 
ter des armes, et coupable de préparer, sous Tinspiration et 
avec l'argent de Charles VIII*, une insurrection formidable 
de l'Albanie, qui devait dégager la route de l'Orient et ouvrir 
au roi de France l'accès au titre à' Empereur des Grecs, L'ar- 
restation de l'archevêque fit échouer le projet. Un autre projet 
de soulèvement en Macédoine^ tramé avec un Comnène et la 
cour de Montferrat, n'aboutit pas davantage '. Seul, le grand 
maître de Rhodes arma une barque et trois caravelles sous pa- 
villon français, et tenta vainement^ avec des ressources si 
faibles, de courir rArchipel*. 

C'est dans une visite à Florence que le cardinal de Saint* 
Malo apprit les projets de ligue, ce qui ne l'empêcha pas d'en- 
voyer en France des nouvelles « on ne peut meilleures » *. Il 

1) Arcb. de Venise, lâUto^ 26, p. 144, 145. Le Conseil des Dix annonçait au 
Grand Turc la mort du sultan Djem, « mort naturellement, d'un catarrhe^ en 
arrivant à Naples »• 

2) Malipiero, Anndi Veneii : Sanudo, p* 255* 

3) Kervyn de Lettenhove* p. 174. 

4) Sanudo :X«» 321, 114. 

5) <c Ceulx d' Albanye, incontinent qu'ilz ont sceu la victoire du roy, ont tuô 
les Turcqs qui les tenoient en serrage. » Ils ont envoyé à M. de Guise, à 



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141 HISTOIRE DE LOUIS XII 

se hâta de revenir à Naples, où il arriva le 14 mars, et d'infor- 
mer le roi qui, au même moment, recevait de Commines des 
nouvelles analogues ^ Le lendemain, quand les ambassadeurs 
de Venise se présentèrent à Taudience de Saint-Malo, le car- 
dinal tint un langage menaçant et catégorique : «Il avait, 
disait-il, engagé le pape à rester tranquille, car, d'un mot, le 
roi pouvait faire de Maximilien tout ce qu'il voudrait. Quant 
à Ludovic, il ferait sagement aussi de s'abstenir : sinon, il 
serait le premier battu; il doit savoir que le duc d'Orléans se 
trouve près de lui. » Cette double menace de guerre visait 
loin : au détrônement d'Alexandre VI et de Ludovic. Les 
Vénitiens en comprenaient d'autant mieux la portée que, 
lorsque Alexandre VI avait, à plusieurs reprises, manifesté l'in- 
tention de quitter le Vatican avant l'arrivée des Français, ils 
s'étaient trouvés d'accord avec ses amis pour Ten dissuader et 
pour lui conseiller, par dessus tout, de ne pas abandonner 
Rome. Discrédité par son élection, par sa conduite privée, par 
ses rapports avec les Turcs, Alexandre était trop fin pour ne 
pas comprendre que Maximilien, désireux sans doute d'arrêter 
Charles VIII à Rome, n'avait rien fait pour Tempêcher d y par- 
venir. Or Charles VIII arrivait sur le mot d'ordre de Réforme^ 
sur la sommation de Savonarole. Tout le monde désignait le 
candidat prêt à recevoir la tiare des mains de la France, le 
cardinal de la Rovère; et Ton interprétait dans ce sens le dépit 
de ce prince de l'Eglise lors du traité de Charles VIII. On remar- 
quait aussi l'extrême activité déployée par le cardinal de 

Olranle, demander une armée pour délivrer la Grèce : « le grantTurcq est bien 
esbahy et a granl peur» (Bulletin, publié par M. de la Pilorgerie, p. 217). 
1) Fr. 15538, n*» 249. Commines prévenait le roi d*armements suspects des 
Vénitiens à Venise et à Corfou, de la nouvelle que Ludovic voulait envoyer 
des Iroupes à Rome. Maximilien lui-même passait pour avoir de rargent;un 
médecin flamand arrivé à Venise déclarait toutefois que, si Charles Vllï ne 
louchait pas à rËglise, l'Empereur ne lui dirait rien. 



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LOUIS D*OnLÉÂNS À ASTI 145 

Gurck, Français d'origine, fort bien vu à la cour impériale, et 
on soupçonnait dans son ardeur quelque mobile intéressé ^ 

A ce moment-là, Charles VIII se trouvait assez éprouvé 
par le climat de Naples et les fatigues de sa vie. L'air du pays 
semblait aux Français « mauvais et chaud, difficile à endu- 
rer » '. Bientôt, ils subirent l'attraction et l'influence de ce beau 
ciel, de cet air si doux, de ces plages enchanteresses, où tout 
convie à la volupté. La correspondance du roi déborde d'en- 
thousiasme : c'est un enchantement^ une séduction sans fin. 
Il fait à Naples une entrée solennelle, en vêtements impériaux, 
au milieu d'applaudissements '. S'il donne un banquet, on ne 
voit sur la table que coupes d'or enrichies de pierreries, ai- 
guières ou bassins d'or; les grils, les broches, les soufflets, les 
lanternes même sont d'or ou d*argent, et, sur cette étincclante 
vaisselle, s'étale une foule de fruits, de produits, jusque là 
inconnus. Au dehors, on dirait une fête continuelle, tant 
le peuple parait démonstratif. Le jour de l'entrée du roi « on 
marchoit, parmy la rue, par dessus les souliers dans le vin ». 
De ses fenêtres, les courtisans napolitains montrent à Charles 
une foule de bourgeois et quantité de nobles qui battent des 
mains : « Voilà notre population »^ disent-ils, et le roi s'étonne 
d'un pays où toute la population est noble \ Dans la campagne il 
admire les hautes vignes, d'où déjà pendent des grappes vertes. 

1) Sanudo, 252, 256, 277, etc. 

2) Lettre de Charles VIII, renvoyant « le petit De l'isle », !•' mars 
(fr. 3924, ^ 3, n. 2). 

3) Nous publions, en appendice de ce volume, un monument des plus 
curieux de i'état d*esprit où se trouvait Charles VIII à Naples. C'est une 
ordonnance sur les cessions d'offices en France, dont le préambule étrange 
et solennel est un exposé des sentiments du roi envers la Providence. Cette 
ordonnance se rapporte à Tune des plus importantes questions de Tadminis- 
tratioa française en ce moment : elle supprime les partages et surséauces d'of- 
fices. 

4) P. Ganilii, Chronka di Napoli, di Nolar Qiacomo, 16 mai 1495. 

m 10 



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146 HlbTOiKE DE LOUIS Xll 

Le 20 mars, dans une letlre à la reine, on lit : « A ceste heure 
icy^ il (le roi) n'estime Amboyse ni lieu qu'il ait par delà... 
C'est ung Paradis terrestre. » Le roi ne connaît rien de plus 
beau, « plus plaisant ne meilleur, beaulx lieux de plaisances, 
jardins, fontaines, où il y a citrons, oranges, et toutes autres 
choses qui sont par delà, et qu'il est possible de veoir et dési- 
rer, roses, et autres fleurs de toutes sortes; oyseaux chantans 
plus plaisamment que rossignolz » *. Les vivres sont abori- 
dants et à bon marché, les vins excellents, « le peuple assez 
bon; et nous ayment, au moins nous montrent signe d'amour. 
Mais se fault garder de faire la<5our a leurs femmes, car aucuns 
en sont fort jaloux : touteffois on leur apprendra le train de 
France, qu'ilz commencent ja à congnoistre >* *, 

Les Français n'eurent pas la peine de chercher beaucoup 
pour combler la lacune indiquée par cette lettre officielle. Les 
occasions s'offrirent d'elles-mème, sans aucune espèce de vio- 
lence. La favorite du roi était une jeune fille, Léonora de Mar- 
zano, fort belle, distinguée par ses talents, et du plus haut 
parage, que sa propre mère, la duchesse de Melfi, amena en 
personne au roi. 

Pourtant, il fallait partir: la ligue tramée dans le nord de 
ritalie, un débarquement des Espagnols oublieux de leur 
parole, une lettre d'Anne de Bretagne qui pressait le roi de 
revenir et lui annonçait(parunpieux mensonge de femme et de 
reine) l'impossibilité de continuer les envois d'argent, tout obli- 
geait à laisser ces délices, à regagner la France '. Chaires VIII 
venait encore d'être malade; il n'en informa Pierre de Bour- 



\) Ce jardin était célèbre dans toute l'Italie. Il renfermait aussi des volières, 
où^l'on voyait des lapins blancs et une foule d'oiseaux variés, notamment 
des perroquets, un corbeau blanc qui parlait, etc. (Sanudo, p. 288). 

2) La Pilorgerie, p. 204, 205 el s. 

3) Sanudo, 266. 



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LOUIS D^ORtÉÂNS ▲ âSTI 147 

bon qu'après sa guérison, en lui écrivant, le 28 mars, avec beau- 
coup de bonne humeur : « Mon frère, je vous advertis que, pour 
habiller mon visage, il ne suffisoit pas que j'eusse eu la petite 
vérole à Asti, mais j'ai eu la rougeole, de laquelle, Dieu mercy, 
suis guéry. »I1 ajoutait: «Vous ne pourriez croire les beaulx 
jardins que j*ay en ceste ville (à Capoue). Car, sur ma foy, il 
semble qu'il ny faille que Adam et Eve pour en faire un 
paradis terrestre, tant ils sont beaulx et pleins de toutes 
bonnes et singulières choses. » Le roi disait aussi avoir trouvé 
en ce pays « des meilleurs peintres; je vous en enverray pour 
faire d'aussi beaulx plahchers qu'il est possible ». Les 
planchers de Beauce et de Lyon ne sont rien à côté de ceux-ci ; 
le roi emportera des échantillons. En attendant, il expédiait de 
Naples à Moulins un de ses fauconniers, porter au duc « les 
deux plus beaulx sacres de ce pays, que j*ay peu choisir sur 
les caiges » *. Comme dit Commines, « le roy ne pensoit qu'à 
passer temps, et d'aultres àprendre etàprouffiter «). 

Pendant ces heureuses journées, les négociations de Venise 
marchaient rapidement' : on n'attendait plus que les pouvoirs 
réguliers de Maximilien et de l'Espagne pour signer un pacte 
d'alliance, sur le principe duquel on se trouvait d'accord. Le 
comte de Caïazzo, après avoir obtenu de Charles VIII la resti- 
tution de ses terres, quittait Naples et la cause française. Le 
pape sollicitait avec instance Ludovic de devancer les événe- 
ments et de lui envoyer des troupes, au moins cinq cents che- 
vaux et mille hommes '. Bref, le 31 mars, on échangea à Veilise 

1) 29 mars (,Aut. de Saint-Pétersbourg, I, 23). 

2) Les Archives de Milan renferment {Militarey Guerre ^ 1495) des liasses 
de correspondances sur les rapports de Ludovic et de Charles VIII au com- 
mencement de 1495. Nous ne pouvons qu'y renvoyer ; on y voit la lutte qui 
s'établit entre Charles V(H et Ludovic laisser des traces profondes, Ludo* 
vie devenir le mortel ennemi du roi. 

3) Sanudo, 269, 277. 



'M 



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148 HISTOIRE DE LOUIS XII 

les signatures définitives d*iine quadruple alliance entre TEm- 
pire, TËspagne, Venise et Ludovic : alliance toute défensive 
en apparence, mais dont les articles secrets cachaient le 
plan de campagne que nous allons voir se développer, pour 
prendre au piège Charles VIII *. Naturellement, tous les petits 
États, sauf la Savoie, Montferrat, Saluées et Florence, y accé- 
dèrent plus ou moins expressément. Malgré la présence à Man- 
toue de la comtesse de Montpensier, le marquis de Hantoue, 
beau-frère du général en chef de l'armée française, était entré 
depuis le 22 février au service du roi de Naples moyennant 
44,000 ducats *. 

Charles VIII, tout à la jouissance de sa victoire, ne s'atten- 
dait pas à des coups si soudains ni si rudes; il pensait même 
à envoyer Louis de la Trémoïlle à Milan, et Miolans à Venise. Il 
enlra dans une violente colère. Quant à Commines, il faillit 
se trouver mal : en descendant l'escalier du Sénat, il demanda 
qu'on lui répétât ce qu'il venait d'apprendre; la communica- 
tion l'avait tellement abasourdi qu'il ne se rappelait plus rien ; 
en rentrant chez lui, il se mit au lit. Cependant il conserva 
assez de présence d'esprit pour dépêcher des courriers dans 
toutes les directions, spécialement au duc d'Orléans, sur qui 
allaient tomber les premiers coups. 

Ludovic reçut la nouvelle du traité à Vigevano ; ilput à peine 
achever la lecture du texte, tant il éprouva une joie délirante 
à s'y voir admis par les parties contractantes comme «duc de 
Milan ». Il ordonna de grandes fêtes ; il fit distribuer de l'argent 
à ses troupes, il écrivit à Venise pour proposer d'attaquer Asti 
sur l'heure et de donner le signal des hostilités ; il écrivit à 
Maximilien pour le prier de venir se faire couronner à Rome 

1) Delaborde : Bergenroth, Calendar of.., State papers, Henri Vlh p. 55 
(Arch. de Simancas) : Sanudo, etc. 

2) Rosmini, Vie de J.-J. Tnmlce, II, p. 212. 



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LOUIS d'orléans a asti 149 

dans le plus bref délai ; il lui offrait non seulemenl le passage, 
mais quatre cents lances d'escorte. Venise fit les même offres. 
L'armée vénitienne recevait officiellement les ordres de mise 
sur le pied de guerre. A Rome, la joie était plus discrète, et 
pour cause *. 

Les Vénitiens, pourtant, conservaient avec soin les formes 
méticuleuses de leur prudence accoutumée. Commines n'avait 
pas encore quitté les lagunes ; l'ambassade vénitienne à Na- 
pies protestait encore des intentions pacifiques de la répu- 
blique. Seul, Ludovic paraissait possédé d'une ardeur impos- 
sible à réfréner. Il convoitait Asti, il voulait faire disparaître 
le duc d'Orléans; le poste français demeuré à Asti le gê- 
nait; c'était le point avancé, le seul, par lequel l'armée de 
Charles VIII pût se retrouver en contact avec la France : il 
fallait détruire cet asile. Ludovic ressentait d'autant plus d'ar- 
deur qu'il ne prévoyait pas de difficultés : Louis d'Orléans 
n'avait pas de forces sérieuses, et Ludovic comptait entrer à 
Asti, comme Charles VIII à Naples, en frappant à la porte. Il 
prit même la peine d'en avertir le roi : il lui présenta l'occupa- 
tion d'Asti comme n'étant point un acte de guerre, mais 
comme ime simple mesure de précaution, « une sûreté » *. 

Il s'était entendu avec quelques gens d'Asti, qui pro- 
mettaient de lui ouvrir les portes sans résistance. Le 6 avril, 
il remit solennellement un grand étendard et le bâton de com- 
pagnon à Galéas de San Severino, ce même Galéas que nous 
avons vu à Lyon diriger les affaires du roi, que Ton retrouvait 
à Florence, dans l'escorte de Charles VIII, sollicitant en fa- 
veur de son maître, et qui avait ensuite bénéficié du séjour, de 
Charles VIII à Naples. San Severino reçut une carte blanche, 
signée de Ludovic, et une forte armée, composée de trois 

i) Sanudo. 
2) Sanudo. 



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LOUIS d'orléans a asti J5^ 

(24 juin) *» . Le 26 avril, il annonçait à Pierre de Bourbon un( 
entrevue prochaîne avec Maximilien, à Genève». En revanche 
il se tenait fort au courant de la querelle entre les abbayes d 
Roye et de Saiot-Florcnt à propos du corps de saint Florent 
et il libellait une nouvelle lettre à ce sujet, le 29 avril '. 

Charles VIII réussit à se réconcilier avec les adversaires d 
Ludovic à Gênos^ Hiblet de Fiesque et le cardinal de Gênes 
particulièrenDcnl, qu'il retrouva a Napics; il adopta leur pari 
et les envoya à G^nos essayer de ramener la ville à sa cause 
Ludovic donna Tordre à Gênes de saisir douze galères du rc 
restées en armement tardif, et défendit de rien fournir désor 
mais à la France *. 

1) Ms. Parlement 474, f«36. 

2) Fr. 3924, f» 3, n. 4. 

3) Xl« 9321, 120. 

4) Varese, Storia delta repp, di Genova. Il ne s'en trouvait, en réalité, qw 
dix, comme on l'établira plus tard, lors du traité de Verceil. 



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CHAPITRE XVIII 

DÉFENSE d'asti ( AVRIL-MAI 1495) 

Sur le pied de guerre, Tannée des Sforza comportait habi- 
tuellement une force de quarante-trois mille hommes environ 
et de neuf mille trois cents hommes d'armes, sans compter la 
maison du duc, Tartillerie et le train*. De plus, le duc de 
Milan s'appuyait sur TAUemagne; il comptait trouver dans 
cette alliance le prestige qui lui faisait si cruellement défaut. 
En effet, l'Empereur ne pouvait plus refuser l'investiture. Le 
5 avril, les ambassadeurs milanais la reçurent solennellement 
à Worms; le 6, ils prêtèrent serment pour leur maître V II en 
résulta naturellement à Milan une nouvelle série de fêtes et 
de réjouissances, auxquelles prit part le corps diplomatique. 
Ludovic crut devoir inviter personnellement Charles VIII, 
mais l'ambassadeur de France s'abstint d'y paraître >. Venise 
rivalisa avec Milan : elle célébrait la conclusion de la ligue 
par des illuminations, par des processions, où figuraient les 
divers ambassadeurs, tenant à la main des palmes vertes \ 
Quelques jours plus tard, le pape envoya aux Vénitiens la 
rose d'or, 

Maximilien approuva énergiquement la clause secrète qui 
adjugeait Asti à Ludovic : il voyait à cet endroit le nœud 

1) Ordine deW esercito ducale Sforzesco (4473), d'après un ms. de laTri- 
vulziana, publié par M. Visconti {Arch, st. Lombardo, 1876, p. 455-478). 

2) Fr. 16074, o» 27. 

3) L'investiture fut libellée définitivement par Maximilien le 23 avril. Le 
24, le pape envoyait à Ludovic de chaleureuses félicitations. Il avait, disait- 
il, appris la grande nouvelle par Ascagne (Pièces publiée par Chmei, Ifoii- 
zenblalt, 1856, p. 446, 447). 

4) Sanudo. 



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DÉFElfSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 45^ 

gordien de la situation; aux yeux de tous les stratégistes \ 
la prise d'Asti coupait la retraite de Tarmée française. Il 
écrivit à Ludovic d'agir sans délai, de ne pas perdre une mi- 
nute : c'était l'occasion de « saper par la base l'entreprise des 
ennemis, de s'assurer d'eux, de venger l'Italie ». A vrai dire, 
Maximilien n'envoyait que des conseils ou des ordres : faute 
de mieux, il ne ménageait pas sa plume : il expédia, par exprès, 
deux lettres, dans sa pensée fort importantes; l'une, destinée 
à légitimer l'occupation d'Asti, portait interdiction formelle 
à Louis d'Orléans, sous peine de déchéance du fief impérial 
d'Asti, de conserver le titre de « duc de Milan »; l'autre invi- 
tait la duchesse de Savoie à bien garder les Alpes et à ne pas 
laisser passer de Français. La clef de Tllalie ainsi prise, 
Maximilien s'occupa avec zèle de recruter des adhérents à la 
ligue. Il écrivit au duc de Ferrare, aux Siennois, pour sti- 
muler leur patriotisme hésitant. U manda le duc de Lorraine 
pour ressusciter ses prétentions à l'héritage de la maison 
d'Anjou •. 

Le duc de Lorraine semblait fort bien disposé ; il envoyait 
à la même heure une ambassade à Ludovic. Tout allait dé- 
pendre de la contenance du duc d'Orléans. 

Galéas de San Severino établit son camp tout près d'Asti : 
il comptait s'approcher encore et élever des batteries contre 
la ville : pour s'épargner cette peine, il offrit au duc de se 
retirer la vie sauve. Il envoya un trompette. Le duc d'Or- 
léans dit simplement au parlementaire : « Est-ce que vous 
êtes à ce traître de Ludovic? » — « Monseigneur, répondit 
l'autre, il sera bientôt ici '. » 

1) Guichardin. 

2) Caivi, op, cit., p. 112-H3. 

3) Sanudo. Nous empruntons à son récil très bien renseigné les détails 
qui suivent, à moins d'indication contraire. 



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45i HisToreE DE toms xn 

G aléas marcha de surprise en surprise lorsqu*il apprit^ non 
seulement cette réception, mais Tactivité de Louis et les pre- 
miers résultats, notés par des espions. Certes, Louis d'Or- 
léans, démuni de tout, devait regretter amèrement sa belle 
compagnie, son fidèle, son hardi lieutenant Robert de Fra- 
mezelles, sur qui il aurait pu compter : des cent hommes de 
la compagnie d'Orléans, le roi, dans son dévouement pour 
Ludovic, en avait emmené quatre-vingts avec le lieutenant *, 
Mais déjà, en quelques jours, Louis avait groupé autour de 
lui deux mille hommes; on annonçait des renforts de France. 
La nouvelle des desseins de Ludovic était parvenue, rapide 
comme Téclair, à Pierre de Bourbon ; des gens d'armes com- 
mençaient à arriver du Dauphiné. Un espion de Ludovic, 
nommé J.-J. Cotta, en passant à Asti le 13 avril, vit entrer 
soixante lances et des archers en bon ordre, et entendit dire 
qu'on attendait cinq cents autres lances *. 

Depuis le commencement de la campagne, le duc d'Orléans 
croyait Asti appelée à devenir la clef de la situation. Si les 
événements se déroulaient avec une soudaineté et une vio- 
lence qui dépassaient sans doute ses prévisions les plus pes* 
simistes, du moins ne le prenaient-ils pas moralement au 
dépourvu. Il se préparait donc, avec une extrême vigueur, à 
tenir résolument tête à la tourmenle prévue, à s'ensevelir, 
s'il le fallait, sous les ruines d'Asti; il garnit de quelques 
soldats, en toute hâte, les villages voisins et donna Tordre 
absolu de ne laisser circuler que des Français. 

Ses lettres, ses billets font revivre son énergie ardente, sa 
vaillance, ses angoisses; nous nous reprocherions de ne pas 
lui laisser la parole. 



1) Saint-Gelais : U Pilorgerie, p. 274. 

2) Arch. de Milan, Afi/i/are, Guerre, 1495. 



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DÉFENSE d'asti, AVRTt-MAI 1495 153 

Le 14 avril, en transmettant au duc de Bourbon un paquet 
de lettres de Commînes, il lui écrit : 

a Monsieur mon cousin, présentement et depuis au matin 
que vous ay escripl et dépesché la poste, ay eu ung pacquet 
de lectres de mons»" d'Argenton estant a Venize, lesquelles 
il m'a fait savoir que les ouvre et voye et incontinant les vons 
envoyer à dillîgence, ce que je foys par ceste poste; et par 
icelles pourrez amplement veoir et savoir du fait du Roy et 
dltalye, ou, pour Dieu, mons' mon cousin, pourvoyez en 
toute extresme dilligence, et principallement a m'envoyer 
gens a ce que je puisse garder les passaiges des montaignes 
pour avoir secours de France, affin d'éviter à ces inconvé- 
niens et sauver la personne du Roy. Car je suis délibéré 
y employer ma personne et mes biens, sans riens y espargner* 
Cest d'Ast, très hasté, ce xiiii* jour d'avril, àcinq heures du soir. 

« Vostre bon cousin^ 

« LOYS*. » 

Ludovic ne pouvait pas croire à tant d'audace : la démarche 
vainement tentée par Galéas, il résolut de la renouveler lui- 
même, avec plus de poids et d'apparat. De Vigevano, où il 
s'était retiré, peu soucieux de risquer sa personne dans des 

1) Au dos : « A Mons^ mon cousin ^ mons^ de Bourbon. » Cette lettre, 
ainsi que celles qui suivent, existe en original dans la collection d'auto- 
graphes de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, section I, série I. 
La lettre du 14, celles du 15, du 19, du 20 et du 22, ont été publiées par 
Godefroy, dans «on Histoire de Charles Vill, p. 700-702, avec quelques 
variantes, d'après la copie de Godefroy qui se trouve dans ses papiers (Biblio- 
thèque de rinstitut). A cause de leur importance, nous en donnons le texte 
d'après la transcription récemment faite par M. Bertrand à la Bibliothèque 
impériale de Saint-Pétersbourg. Elles portent toutes, au dos l'Envoi. Plu- 
sieurs de ces lettres avaient été signalées aussi, mais avec quelques inexacti- 
tudes, par M. le comte de la Perrière, Deux années de mission à Saint-Péters- 
bourg ^ p. 11 et suiv. Mlle Dupont a donné, d'après Godefroy, celles du 14 
et du 22, dans son édition de Gommines (III, 418, 419). 



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156 HISTOIRE DE LOUIS XII 

périls militaires qui répagnaienlà son tempérament, il envoya 
à Âsti, le 14 avril, son écuyer François de Casale^ Casale 
devait se plaindre que, depuis longtemps, la rumeur publique 
attribuait au duc d'Orléans l'intention d'attaquer Ludovic et 
de conquérir Milan; intention vraiment surprenante et dont 
on ne voyait pas bien les motifs. La concentration à Âsti de 
grandes forces militaires, Tembaucbage même de sujets mi- 
lanais^ sans aucun agrément du gouvernement, obligeaient 
Ludovic à prendre, sans tarder davantage, des précautions : 
il se résolvait donc à occuper Asti, non pas pour se l'appro- 
prier, mais pour garantir sa tranquillité. Casale ajouterait 
que les lettres impériales d'investiture pour Ludovic venaient 
d'arriver le matin même, el^ par suite, il devait inviter le duc 
d'Orléans à ne plus se parer du titre de duc de Milan et à 
donner ce titre à Ludovic*. 

Trois jours plus tard, le matin du vendredis aint, 17 avril, 
Louis d'Orléans reçut communication de l'ultimatum si préci- 
pitamment envoyé, selon les recommandations de Maximilien. 
A l'appui de cette démarche, les avant-postes milanais occu- 
pèrent en force les deux points extrêmes de la frontière, An- 
none et la Rocca d'Arazzo, ce dernier assez bien fortifié. Le 
bruit d'une arrivée imminente de Maximilien reprenait aussi 
faveur, et rendait la situation encore plus aiguë. 

Selon Saint-Gelais, Louis « qui, de son naturel, ne se lais- 
sait pas aisément épouvanter par menaces », répondit qu'on 
n'entrerait à Asti que sur son corps. Les Archives de Milan' 
possèdent encore sa réponse à Ludovic : elle est extrêmement 

1) HosmiDi a lu « François Gasati ». Dans la réponse de Louis d^Orléans, 
nous trouvons le nom de « Técuyer François de Casale »9 personnage que 
nous rencontrerons plus tard, dans des circonstances bien différentes. 

2) Rosmini, Vie de J.-/. Trivukef II, p. 213. 

3) P( t. Estere, Francia. 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 157 

brève, en effet : Louis s'en réfère seulement à la réponse ver- 
bale qu'il a faite, dit-il, à Casale. Aussitôt, il rend compte de 
l'entrevue à Pierre de Bourbon dans les termes suivants : 

« Mons'mon cousin, ce jour d'uy et depuis que j'ay dépesché 
le doien de Lisieulx pour aller devers vous, le s8«^ Ludovic a 
envoyé devers moy ung de ses gens, nommé messire Françoys 
de Casai, par lequel il m'a fait dire que, pour ce que le Roy 
est son ennemy, il* voulloit il ce asseurer de son fail, et à ceste 
cause que je meisse entre les mains de messire Galéas de Saint 
Severin, qui dit estre mon serviteur et amy, ceste ville et 
autres mes places, et que je me retire oultre les mons. Et il 
me baillera seurecté, telle que je vouidray, de me rendre et 
faire rendre tout, inconlinant que le Roy sera de retour delà 
les mons en France, et que je n'y perderay rien. Et ce je ne 
le veulx faire, il mectera peine de la prandre par force et m'en 
gecter hors, a mon grant dommaige et de tous mes gens et 
subgectz. Sur quoy, je lui ay, promptement et sur le champ, 
fait responce que la ville et places estoient miennes et de mon 
patrimoigne et héritaige; par quoy de les mectre en autres 
mains ne m'en aller hors de mes pays, je n'en estoye point 
délibéré, et tousjours me trouvera icy ou au devant de lui, 
prest et appareillé de me deffendre et actendre le Roy, ainsi 
que lui a pieu me mander et escripre puis peu de temps en 
ça. Et, à ceste cause, ay renvoyé incontinant le s' de Casai 
pour dire a son maistre ceste responce; dont vous ay bien 
vouUu advertir, a ce que, en toute extresme dilligence, me 
vueillez secourir et aider à sauver et garder les passaiges pour 
le retour du Roy, ainsi que par tant de foiz vous ay escript : 
ou autrement vous entendez assez l'inconvénient qui en peut 
advenir et le dangier ou est la personne du Roy, s'il n'est 

1) Il faut probablement lire Su 



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158 aiSToiRB DE Lotns XII 

secouru. Car j'ay nouvelles seures que le Roy des Rommains 
est a Trente» près du marquisat de Matitoe, avecques xxx. m. 
hommes, que les Ytaliens lui ont payez, et doit estre dedans 
lu jours vers BouUoigne ou Fleurance. Et pour ce, pour 
Dieu, pourvoyez a tout de vostre costé, car je suis délibéré de 
vivre et mourir pour sauver le Roy et lui fere service. Lundi ou 
mardi, sans point de faulte> doy avoir le siège icy, et est desja 
leur avant garde a Novi et a la Rocque, qui n'est que à Iroys 
mille d*icy. 

« Mons' mon cousin, je vous mercye, tant comme je puis, 
des bonnes offres et paroUes que m'avez fait dire par Le 
Couldroy'. Et vous prie que vueillez continuer et tousjours 
me trouverez vostre bon et loyal parent etamy, aidant Nostre 
Seigneur, qui vous doint ce que desirez. Escripta Ast, ce jour 
de grant vendredi, à midi. 

« Il me semble que en dilligence me devez envoyer mons' 

de Saint André ou quelque autre homme de bien, car je suis 

mal pourveu de lelz gens, 

« Vostre bon cousin, 

« LOYS. » 

D'Asti, Casale s'en alla porter à la duchesse de Savoie 
pareille sommation. En même temps, Ludovic s'empressait de 
communiquer à Maximilien le texte de ses instructions écrites 
à Casale. Maximilien les loua fort; il encouragea vivement 
Ludovic et Venise à persévérer : il confiait à ces deux puis- 
sances le soin de garder les passages du nord de l'Italie, 
jusqu'à la Toscane et la Romagne : quant à Rome, il ne 
jugeait pas à propos de s'en préoccuper, et il préférait offrir 
au pape un abri dans le nord de l'Italie. Maximilien témoignait 
aussi à Ludovic la plus vive affection. Il parlait ironiquement 

1) Probablement le sire du Couldroy, écuyer du duc d'Orléans. 



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DÉPENSE D*ASTI, AVRIL*MÀI 149S 189 

de Tambassade française dirigée par Du Bouchage, en route 
depuis le 13 novembre, et il déclarait ne l'avoir pas encore vue *. 

Louis d'Orléans, en proie à une sorte de fièvre, renouvelait 
cbaque jour ses vives instances de secours : le jour de Pâques 
(19 avril), il écrit « très à la hâte » à M. de Bourbon, par un 
serviteur qu'il envoyait à Georges d'Amboise, et qui devait 
renseigner le régent au passage. Louis conjurait encore Pierre 
de faire « extrême diligence, en Taffaire du Roy », autrement 
tout irait mal; le régent connaissait maintenant la situation^ 
et savait « que, en cecy, n'est question que du fait du Roy, 
pour quoy il me semble que Ton y doit avoir autre regard. » 

<( J'actens à mardi le siège, et y vient le s' Ludovic en per- 
sonne... » 

Le lundi de Pâques, Louis, qui compte sur Tattaque pour lé 
lendemain, devient plus pressant encore. Il réclame, à grands 
crisy de l'argent, des troupes; il prie qu'on vende tous ses 
biens, et se tient prêt à donner sa vie. Il se recommande à 
rinfluence de M°* de Bourbon. 

a Madame, humblement à vostre bonne grâce me recom^ 

mande. Je rescriptz à Mons' mon cousin, comme pourrez veoir, 

vous suppliant. Madame, que y vueillez avoir regart et faire 

en manière que le Roy soit secouru. Car icy gist tout sonaffere. 

Madame, pardonnez moy, si vous plaist, de ce que plus souvant 

ne vous ay escrit, car j'ay esté si enbesoigné et suis encores 

que je ne scay auquel entendre. En priant N'* Seigneur qui 

vous doint bonne vie et longue. Escrit en Ast, le xx* jour 

d'avril. 

« Vostre très humble et obaysarU frère ', 

« LOYS. » 

4) Calvi. p. 113, 114. 

2) On remarquera que, pour toucher la sœur de Jeanne de France, Louis 
s'appelle son frére^ tandis que, vis-à-vis du duc de Bourbon, il reste cousin. 



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*60 HISTOIRK DE LOtJIS XII 

Voici sa lettre à M. de Bourbon : 

« Monsieur mon cousin, vous avez bien peu savoir, par tant 

de lettres que vous ay escriptes, l'affaire qui est par deçà et la 

neccessité où je suis : et d'eure à autre se remforce Tarmée 

des ennemys de plus en plus. Et demain ou mercredy doivent 

venir meclre siège icy devant, sans point de faulte; par quoy, 

ce n'avez fait par tout dilligence, je vous prie que la faciez et 

espécialment fault que en toute dilligence envolez en Suysse 

pour avoir deulx ou troys mille Suysses, car j'ay esté adverty 

que le s^' Ludovic y a envoyé en quérir. Et, ce n'avez 

l'argent de leur payement, faictes vendre ou engaiger mes 

terres et les vostres, avecques toutes noz veselles et bagues; 

car, ce nous ne faisons dilligence de secourir le Roy par ce 

bout icy, il sera en ung très grant dangier, comme povez assez 

entendre, vous priant de rechief que n'y ait aucune faulte. Et 

de moy vous povez tenir seur que je y emploieray la personne 

jusques au mourir. S'il vous plaist, me ferez plus souvent 

savoir de voz nouvelles que n'avez fait par cy devant. Priant 

Dieu, Mons"" mon cousin, qui vous doint ce que desirez. Escript 

a Ast, le XX* jour d avril au malin. 

« Le Roy, de son mouvement, sans estre adverty de ces 
choses, m'a escript du vn» jour de ce moys que ce qui me feroit 
besoing par deçà, tant de gens que d'argent, le vous feisse 
savoir et que le m'envoieriez. 

« Il fault que envoiez a dilligence quelque clerc avecques ar- 
gent pour fournir aux choses neccessaires, et de moy je bailleray 
tout ce que je pourray fournir, tant de mes amys que de moy, 
« Tout a ceste heure et depuis mes lettres escriptes, les 
ennemis ont envoyé sommer une de mes places qui est a 
demye lieue d'icy, nommée Jan (?). 

« Vostre bon cousin^ 

« LOYS. » 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 161 

En effet, si le mardi de Pâques, 21 avril, Ludovic avait eu 
l'énergie de se mettre lui-même à la tête des troupes et de 
marcher droit à Asti, comme il l'annonçait et comme on s'y 
attendait, il ne laissait à Louis que la perspective de défendre 
plus ou moins chèrement sa vie. Mais, à quoi bon le dissimuler? 
Ludovic n'était pas brave ; voyant Louis armé et résolu à se 
défendre, il avait peur. Il voulait bien faire le tour d'Asti, 
terroriser Saluées et la Savoie avec le nom de Maximilien, 
occuper même les passes des Alpes loin de Tennemi; mais il 
ne se trouvait décidément pas assez fort pour attaquer le duc 
d'Orléans. Il dépensait beaucoup d'énergie dans son langage, 
dans ses préparatifs^ dans de nouveaux armements ; il préparait 
des fêtes extraordinaires pour célébrer dignement son investi- 
ture, il vantait la puissance de la ligue, il laissait toujours 
annoncer sa venue prochaine à l'armée, et c'était tout. Un 
espion du podestat de Crema, arrêté à Asti, puis relâché, sur 
son serment qu'il allait en pèlerinage à Saint- An toi ne de 
Viennois, avait pu pénétrer jusqu'en Dauphiné. Il rapportait 
que les lettres du duc d'Orléans aux parlements de Paris, de 
Grenoble et autres, ainsi qu'au duc de Bourbon, agitaient le 
royaume entier. De grands préparatifs se faisaient pour empê- 
cher Ludovic de couper la retraite du roi, par un coup de main 
sur Asti. A celte nouvelle, Ludovic adressa lui-même aux 
parlements de France et aux principaux personnages de la 
régence de vives protestations, qu'il expédia par des exprès 
séparés : « Rien de plus éloigné de sa pensée que l'idée de 
s'emparer d'Asti, ou de couper la retraite du roi; voyant le 
duc d'Orléans grossir ses forces à Asti, menacer son État, il 
prenait simplement des précautions contre une agression ; il 
se défendait, il n'attaquait pas ». Il se prévalut aussi de ses bons 
rapports avec la marquise de Montferrat, pour lui écrire, et 
la prier de bien recevoir ses gens, de conserver, au moins, la 
m 11 



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FilSTOIRË DE LOUIS XII 

alilé. La marquise répondit qu'elle entendait resler du 
le la France. 

mnioins, des postes milanais s'installèrent, sans coup 
sur la frontière du Monlferrat, pour envelopper Asli. 
peu rassuré par la vérité qu'il commençait à entrevoir, 
; d'Orléans ne put croire pourtant à la pusillanimité de 
idversaire; le retard de Tattaque lui semblait dû. aux 
[nents très considérables qui se faisaient à Milan, pour 
.bler plus sûrement sans aucun doute. Le 21 avril, il écrit 
cent : 

Ions' mon cousin, à ceste heure sont venues des lettres 
mien amy qui me advertist que la cause pour quoy le 
dovic a dissimullé jusques icy à me assiéger a esté et est 
ce qu'il a congneu que je suis délibéré de me deffendre 
partir d'icy, et que, pour ce faire, j'ay assemblé le plus 
ns que j'ay peu ; et à ceste cause, il y veult venir avecques 
rosse puissance, laquelle il fait toute exlresme dilligence 
mbler, ût amène mille hommes d'armes et xv. m. 
les de pié, lesquelz il doit avoir demain ou jeudy tous 
ible, et incontinant me doit venir poser siège de tous 
:. A quoy, au Taide de Dieu, je pense résister, mais que 
mon secours, ainsi que par tant de foiz vousay rescript; 
ère y faire ung tel service au Roy qu'il en sera à jamais 

e vous prie, Mons'^mon cousin, que faciez dilligence 

lut à m'envoyer gens, et ce n'avez envoiez en Suysse, ne 

: à y envoyer, comme vous ay dernièrement escript, et 

î en heure me faictes savoir de voz nouvelles. Escript à 

e XXI jour d'avril. 

« Vostre bon cousin^ 

« Lots ». 



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DÉFENSE DASTI, AYRIL^-MAI 1495 

Lo lendemain, en insistant avec angoisse sur les ei 
doivent sauver la situation, il annonce un petit suce 
une sortie nocturne, ses hommes d'armes ont surpris 
un poste milanais de yingt-cinq hommes, sur le teri 
Montferrat. 

« Mons' mon cousin, je suis très fort esbay, vei 
tant de foiz vous ay escript et que en cecy gîst tout 
salvacion du Roy, que autrement n'ay de voz nouvellei 
mesmement que la chose requiert grande et exlre 
gence, comme pourrez veoir par les lettres de mons' 
ton à vous adressans, lesquelles par cesle poste voi 
et aussi le siège que de heure en autre j'actens, oi 
impossible de résister, et seray contraint de despai 
bandonner les passaiges, ce autrement ne suis secc 
envoie par plusieurs et diverses foiz haster les i 
Daulphiné, et vous avoye escript que, de vostre pai 
sissiez envoîer, dont n'ay eu aucune responce. Tout 
lettres qui m'ont ce jour d uy escriptes, ilz font h 
dilligence que possible leur est, et ce monstrent er 
bons et loyaulx subgeclz et serviteurs du Roy. 

« Mes gens qui ceste nuyt estoient allez dehors ( 

près d'icy xxv hommes d'armes du s' Ludovic, lesqu 

ruez jus et amenez tous prisonniers en ceste ville, 

eschappé que ung tout seul ; dont vous ay bien voi 

tir, parce que je scay que en serez très joyeulx. Pr 

mons' mon cousin, qui vous doint ce que desirez. ] 

Ast, le xxn« jour d avril. 

« Vostre bon o 

« LoYS y 

La lettre du 23 avril respire plus de tranquillité : 
« Mons"^ mon cousin, j'ay présentement reçeu 



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164 HISTOIRE DE LOUIS XCI 

que m'avez escriptes, et vous mercye de la bonne dilligence 

' que avez faicte et faictes chascun jour pour envoier gens de 

par deçà, pour le service du Roy, ou il est requis plus que 

jamais» pour plusieurs raisons, fere eslresme dilligence et fere 

marcher les gens d'armes jour et nuyt, sans actendre leurs 

bagaiges ne autres choses. Et ceulx qui sont les premiers, 

l( comme la compaignie de mons' le mareschal de Rieux, les 

y fault fere venir en dilligence devant, sans les autres actendre. 

%* Vous prient, mons' mon cousin, que ainsi le vueillez fere, 

^ V car, se j'ay quelque prompt secours comme vous ay escripl, je 

^ pense fere icy ung tel service au Roy que a long temps en sera 

[,: parole. 

ç : « Je vous ay escript deux ou troys foiz touchant le fait des 

i^ Suysses, à ce que envolez devers eulx pour en avoir deux ou 

trois mille, qui est la chose du monde qui plus peut servir au 
fait du Roy, pour plusieurs raisons que pouvez assez entendre. 
Si vous prye de rechef, mons' mon cousin, tant comme je puis, 
; que, ce fait ne Tavez, y vueillez en toute dilligence pourveoîr 

et me fere savoir ce que en aurez fait, ensemble de toutes autres 
choses; et depeschez tous les jours la poste pour me faire 
savoir de voz nouvelles, et je vous feray savoir des myennes. 
En priant Nostre Seigneur qui, Mons*" mon cousin, vous 
doint ce que desirez. Escript en Ast, le xxiii« jour d'avril. 

« Vostre bon cousin, 

« LoYS » . 

Les troupes arrivaient : on vit entrer à Asti les belles 
compagnies du maréchal de Gié ^ et du bâtard Charles de 
Bourbon ^ Ludovic, de plus en plus ému^ proposa à Galéas 

1) C'est-à-dire les quarante lances de celle compagnie restées en France 
Commines, édilion Dupont, II, 442). 

2) Sainl-Gelais» 



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DÉFENSE d'astt, avrtl-mai 1495 165 

de San Séverine une nouvelle démarche près de Louis d'Or- 
léans, pour l'engager à s'en aller spontanément : il offrait de 
retirer lui-même ses troupes. Galéas rougit d'une pareille 
communication : le 24 avril, il répond, du camp d'Annone, 
qu'il ne saurait comment faire de telles ouvertures; il prie 
Ludovic de les lui adresser toutes libellées^ mais il ne croit 
guère à leur succès : le prince est trop gaillard^. 

Gaillard, Louis d'Orléans Tétait, et bien résolue se défendre^ 
et même à attaquer. L'argent manquait : il en empruntait. 
Dès les premières menaces de Ludovic, il avait prescrit d'en- 
gager ses domaines, d'envoyer tous les fonds possibles, et il 
avait donné ses instructions dans ce but à Georges d'Amboise, 
qui remplit avec tout le zèle possible sa mission *. 

Au commencement d'avril, le contrôleur François Doulcet, 
revenu à Blois en toute hâte, y prenait le trésorier Hurault et 
se rendit avec lui près de Georges; pendant ce temps, Georges 
parlait, au contraire, pour Orléans, rejoindre le conseil ducal. 
On se pressait tellement, de part et d'autre, que Georges reçut, 
à son passage à Chartres, un secrétaire ducal qui venait au 
devant de lui. Georges travailla huit jours à Orléans, avec 
Hurault, Doulcet, le chancelier Denis Le Mercier. On manquait 
d'artillerie à Asti. Georges et le conseil traitèrent avec Hervé 
de la Coste, canonnier ordinaire du roi, pour l'envoi immédiat 
de quarante-huit coulevrines, avec affûts, poudre et canonniers ; 
et, afin de hâter l'expédition, ils soldèrent d'avance les frais 
d'envoi (140 livres). Les émissaires du duc d'Orléans sillon- 
naient les routes avec une rapidité extraordinaire. Le secré- 
taire Seran, parti en poste d'Asti, alla voir à Moulins le duc 
de Bourbon ; c'est lui qui se trouvait à Chartres, d'où il revint 

1) Arch. de Milan, MUitare, Guerre, 1495. 

2) V. pour les détails qui suivent, Titres Orléans, XIV, 957-962 ; K K 902, 

f» XXVII. 



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166 HISTOIRE DE LOUIS XTI 

à Orléans avec Georges d'Amboîse : le tout, chose incroyable, 
à cheval, en sîx jours. De là, Seran partit en Normandie voir 
le sire de SainUÉvroult, et revint à Asli un mois après. Le 
Mercier, lui, s'aboucha à Paris avec M. de Graville et Geoffroy 
Ilabert, évèque de Coutances ' (les petites jalousies, les inimi- 
tiés disparaissaient devant Furgcnce du péril), et leur emprunta 
18,000 livres, qu'il expédia aussitôt au duc. Le général des 
finances, Gaillard, souscrivit à l'emprunt ducal pour 12,000 
livres, que Raoulet du Refuge porta aussitôt à Lyon en pas- 
sant par Moulins : Gaillard reçut en échange une obligation 
de rente de 800 livres, soit 6,66 pour 100. 

Bientôt un envoi d'argent de Blois parvint à Asti •. 

Georges d'Amboise négocia aussi avec le comte d'Angouléme 
un emprunt de 40,000 livres, moyennant une délégation de 
2,500 livres d'intérêt annuel sur les revenus de Blois. Louis 
approuva cet emprunt, parade signé àNovarele 15 juin*. 

Le trésorier était reparti pour Lyon, sur l'ordre du duc; il 
y resta du 1*' mai au 21 septembre, pour veiller aux expédi- 
tions d'argent, aux négociations d'emprunts, et traiter avec la 
régence, près de laquelle il fît, à Moulins, de nombreux 
voyages. L'organisation des envois d'espèces ne se pouvait 
qu'à Lyon; un premier envoi parti de Blois, en hâte, sous la 
conduite de quatre officiers ducaux, avait dû s'arrêter neuf 
jours à Lyon, tous les officiers étant arrivés malades; ces 
officiers confièrent leur dépôt à des tiers; mais le cheval qui 
portait Targent se blessa avant d'arriver à Asti, resta en 



1) Cf. ci-après. 

2) Sur des mulels équipés en housses aux couleurs jaune et rouge; en 
revanche, Louis fait remettre des robes de drap fln, d'or gris, aux quatre 
pages restés près de sa femme. 

3) Mention, Clairambault 969, !^ 54 v<>. Nous retrouverons, plus tard, sous 
le règne de Louis XII, des pièces relatives au remboursement de cet emprunt. 



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J 



DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 167 

roule. H fallait la présence du trésorier à Lyon pour parer h 
tous ces inconvénients. 

Du mois d'avrilan mois de juin, empruntsetexpéditionsd'ar- 
gent se succèdent. Le trésorier envoya Jean Caille à Avignon 
emprunter dans les banques 10,000 écus, sur une partie des 
joyaux du duc. Il contracta chez deux banquiers italiens de 
Lyon, Antoine Pin et Georges Auloin, un emprunt de 5,000 
livres, remboursable au 1" novembre, sur d'autres bagues. 
Ces marchands exigèrent un acte notarié, et un intérêt de H 
pour iOO payable d'avance, pour les six mois environ du prêt *; 
Il fallut, en outre, payer un courtage de 31 livres au courratier, 
Damas Chabriant, et transformer les livres françaises en écus 
d'or, au cours de Tllalie^ opération qui coûta 40 sous par 
100 écus. Nous verrons que, pour échapper au change, le duc 
essaya de battre monnaie lui-même. 

Tout le monde croyait la guerre ouverte : les ambassadeurs 
de la ligue à Milan attendaient d'un instant à l'autre la nou- 
velle, si importante, de la prise d'Asti. Galéas envoya même 
à Ludovic dix-sept prisonniers, faits, selon lui, dans une 
escarmouche heureuse, où il avait repoussé les Français. Le 
bruit se répandit d'autre part que les Français avaient, au 
contraire, battu les Milanais dans deux rencontres sans impor- 
tance *. Quant à Ludovic, avec une sérénité parfaite, il orga- 
nisait les fêles de son investiture. Il préparait aussi Tenvoi 
d'une ambassade en Espagne '. Bientôt, la bruyante attaque 
d'Asti dégénéra en une simple conversation diplomatique. 

Ludovic reçut la visite officieuse de deux Français, Antoine 

1) Le Catalogua Joursanvauît (no 787) mentionne un emprunt du duc, à 
Lyon, « de 5,550 écus d'or ». C'est l'emprunt dont nous parlons, à son taux 
de remboursement. D'après une autre mention du même Catalojue (n« 921), 
les marchands prêteurs (Pin et Auloin) étaient siennois. 

2) Diario Ferrarese^ dans Muralori, XXIV, c. 299. 

3) Sanudo, p. 321. 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

)nseiller au parlement de Dauphiné, et Gobert des 
gentilhomme du roi : il leur confia ses plaintes qu'il 

transmettre au duc d'Orléans ; plaintes toujours les 
r Faugmentation des troupes d'Asti, sur les visées 
Milanais... Cette fois, Louis répondit, le l^^'mai, par 
signée de sa main, très énergique, très nette. Il 
m. Les troupes d'Âsti sont des troupes royales^ 
à sur Tordre du roi et qui n'en sortiront que sur son 
proposait d*en référer au roi, et, en attendant^ de 
les hostilités, moyennant un échange d'otages *. 
s jours après, Gommines, selon les ordres de 
[II, réclama des explications, à Venise. Il déclarait 
damnation sur l'investiture impériale^ il ne parais- 
B douter même des droits du duc d'Orléans sur 
ais il demandait le motif des démonstrations de 
ilanaise devant Asti. Le Sénat prit la défense de 
c'est le duc d'Orléans qui avait réuni des troupes 
it hostile, le duc de Milan ne faisait que se défendre, 
rappelait les diverses déclarations de Ludovic; il 

le retrait des troupes milanaises, si Louis d'Or- 
lit d'abord évacuer le comté d'Asti", 
vait chargé aussi le comte de Caïazzo de représen- 
hs de Ludovic, à propos de sa participation à la 
lovic répondit, le 2 mai, par une lettre évasive, où 
vouait rien : la ligue avait simplement pour but, 
la conservation réciproque des États, le repos de 
Lvantage de la chrétienté. Il venait d'interdire aux 
recevoir l'armée française : cette interdiction n*avait 
[ue d'éviter au roi des complications *, 

Irch. de Milan, P. E. Prancia. 

le Venise, Secreto, 35. 

ii, Vie de J. J, Trivulce, II, 213. 



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BÉFEN8K D^ASTl, AVRIL-MAI 1495 169 

Charles VIII ne pouvait plus hésiter : le 8 mai, il avi 
hâte le duc de Bourbon des menaces du « duc de Milan » c 
le duc d'Orléans : « Faites y diligence, car, pour rien, 
voudrois qu*il fut outragé du duc de Milan, et n'eusse 
qu'il l'en voulu faire, car Toutrage je le repute à moy fai 
Pour l'amour de mondit frère d^Orléans, ne pouvés fa 
luy envoyer gens et secours le plus que vouspourrés... 

Heureusement, cette missive se croisa avec l'avis de 
sures arrêtées d'urgence par le régent avant les ordres d 
de Naples. Charles VIII reprend aussitôt la plume (le 9 
pour remercier Pierre et le prier de continuer, de hâter 
voi de francs-archers, si ce n'est déjà fait, enfin de mel 
duc d'Orléans en élat de garder, « ainsi qu'il m'a escrij 
passaiges à ceulx qui les vouldront empescher à mon veU 
Le roi tient extrêmement à ce qu'aucun inconvénient n'i 
à son frère ^ faute de secours. 

Les forces d'Asti commençaient à former un noyau no 
Grâce au prêt du comte d'Angoulême, Louis pouvait 
des enrôlements dans le pays, former une troupe milai 
Le duc de Bourbon, depuis le commencement d'avril, \ 
d'envoyer successivement six compagnies régulières 
compagnies Bâtard Charles de Bourbon, Gié, celles de B 
Bailli de Chartres* Charles de Bourbon commandait en 
sonne la sienne. Un maître d'hôtel du roi, Jean de Gama 
sieur de Sury-es-bois en Berry , avait été aussi ex 
dès le début, pour servir, en quelque sorte, de chef d 
major*. Deux mille cinq cents archers arrivèrent encore 
fin. Ces forces semblaient suffisantes au duc d'Orlé) 
Charles VIII, décidément ému, ne les jugea pas telU 

i) Fr. 3924, f»» 3 v, 4. 

2} II reçut une allocation spéciale de 120 livres en avril, et auti 
Juin {Tit, Gamaches, 42). 



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~r.-«^w 



170 HISTOIRE DE LOUIS Xît 

ordonna à ]à régence d'envoyer, sans aucun délai, deux ou 
trois mille Suisses de plus à Asti, deux ou trois cents lances 
dans les Alpes pour garder les passages et, au besoin, épauleriez 
duc d'Orléans, et enfin de lever le ban et arrière-ban du Lan- 
guedoc. Le régent, mieux placé pour juger de l'ensemble des 
choses, ne se préoccupait pas moins des frontières de France, 
où il expédia des ordres de surveillance rigoureuse*. Il lui 
parut nécessaire de conserver les forces du Languedoc en 
vue de l'Espagne. II se borna à l'envoi du ban et arrière- 
ban du Dauphiné, qui arriva à Asti dans le courant de mai. 
Quant aux deux cents lances des Alpes, elles ne s'y trouvaient 
pas encore le 22 mai *, 

Ces mesures suffirent à refroidir l'enthousiasme de la ligue. 
Ludovic envoya Caïazzo à Venise, arrêter mûrement le plan 
de campagne. Suivant lui, Charles VIII ne pouvait revenir de 
Naples que par la route de Pise : il fallait veiller de ce côté. 
Toutefois, Ludovic insistait maintenant avec vivacité pour 
faciliter autant que possible à Charles VIII un retour paci- 
fique. Le 4 mai, le Sénat de Venise, sans repousser formel- 
lement ces propositions si nouvelles, décida, sans débats et 
presque à l'unanimité ', des mesures belliqueuses. Mille 
hommes, de vieilles troupes, mis sur le pied de guerre, n'at^ 
tendaient que le signal du départ. Le marquis de Mantoue 
reçut Tordre de lever quatre mille hommes de pied, moitié 
Suisses, et de former une bonne cavalerie légère, avec les ter» 
ribles stratiotes d'Albanie, qu'on réputait irrésistibles *. Le 

1) Stein, lettres citées, n« 27 : cf. fr. 25717, 173. 
; 2) La Pilorgerie, p. 260-263 : lettre de P. de Bourbon, ms. Parlement, 
474,fo34. 

3) 180 voix, contre 4 (Arch. de Venise, Secre^o 35, 96 v"). 

4) Pour le dire en passant, c'efli un phénomène assez singulier de voir 
Charles VIII qui se proposait de délivrer Constantinople, qui comptait sur 
Tappui des Albanais et Macédoniens, qui s'intitulait Empereur des Qrecs, 
combattu, au contraire, par les Albanais, avec Tappui du sultan. 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 171 

même jour, le Sénat répondaît d'une manière non moins en 
gique à Tenvoyé de Jean Bentîvoglio*. 

Charles VIII, aussi, se préparait à la lutte. La réso 
tîon des Vénitiens ne trouvait dans le centre de l'Italie qu' 
écho assez affaibli : Sienne restait hésitante. Le duc de F 
rare, lui-même^ le beau-père de Ludovic, entraîné par 
courant d'opinion locale hostile aux Vénitiens etextrêmemi 
favorable aux Français, demeurait indécis et penchait plu 
en leur faveur. Le pape, abandonné, peu soucieux de se liv 
aux Lombardo-Vénîtiens, comme le lui conseillait Maximili( 
passait par mille angoisses. Charles VIII envoya, le 12 ma 
une ambassade le rassurer'. Il n'y réussit pas. Malgré 
conseils de ses amis, Alexandre ne put surmonter ses i 
préhensions * et finit par quitter Rome. 

Le roi venait aussi de faire une importante recrue, en 
personne du capitaine Jean-Jacques Trivulce, un des plus i 
doulables adversaires de Ludovic. Chef d'une des deux plus i 
portantes familles de Milan, Trivulce avait en Milanais bej 
coup d'influence et d'amis, et il connaissait le pays à merveil 

C'était un homme extrêmement énergique, très rude a 
autres et à lui-même, fait pour la guerre, pour le mouveme 
pour les combats : inflexible dans ses idées et dans ses act 
infatigable, aimant le coucher sur la terre dure, chevaucha 
en armes et nu-tête sous le plus brûlant soleil aussi bien qu 
milieu des glaces, possédé d'un besoin physique d'activ 
sans égal, au point que, la paix lui imposant, par aventu 
des loisirs, on le vit, jusque dans sa vieillesse, les passe 
cheval, sur la route de Paris à Milan, faute d'un meiîh 

i) Arch. de Venise, SecretOt 35, p. 97. 

2) Lettre de Charles VIII (Arch. de Milan, P. E., Francia). 

3) Lirnansky, Secrets d'État de Venise^ p. 291. 

4) V. sa lettre à Ferdinand et Isabelle, K. 1710. 



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172 HISTOIRE DÉ LOUIS Xn 

emploi. Cet homme de bronze, très droit, très brave, mais peu 
diplomate, avait toujours vécu dans les camps : à la suite de 
ses premiers exploits, le pape tenta de se l'attacher, en lui 
offrant le chapeau de cardinal. Trivulce refusa et resta fidèle 
au casque de fer. Venu en France avec Galéas Sforza pour la 
campagne du Bien Public, au compte de Louis XI, il y 
laissa une grande réputation. Les actes, le caractère de 
Ludovic le More lui inspiraient un mépris profond, une sorte 
d'horreur : Trivulce se fit son adversaire passionné, irrécon- 
ciliable, et jura sa destruction. Un homme de cette trempe 
devenait vite un chef de parti redoutable. Ludovic l'exila, con- 
fisqua ses biens : Trivulce porta son épée aux advei^aices du 
gouvernement milanais. Il reçut le commandement d*une com- 
pagnie dans l'armée napolitaine, où, tout en combattant sous 
pavillon milanais, il ne tarda pas à tenir en réalité le premier 
rang. Il était Français de cœur; il trouvait dans les hommes 
d'armes français les compagnons de son choix, bien plus que 
parmi les mercenaires enrôlés au service de Naples. Son ma- 
riage avec Béatrix d'Avalos lui assurait une grande situation 
dans le royaume de Naples. Ludovic essaya vainement de le dé- 
sarmer, de le ramener, par des mises en demeure successives. 
Trivulce déclina tout; lorsqu'il vit Charles VIII se brouiller 
avec Ludovic, il se hâta de se rapprocher du roi, et, dès le 
7 avril, il reçut officiellement le commandement de sa com- 
pagnie pour le compte de la France, dont il allait désormais 
devenir un des plus fidèles et des plus illustres défenseurs V 
Ces diverses considérations causaient à Ludovic le plus pé- 
nible malaise : la présence de Trivulce dans l'armée française, 
de sujets milanais dans les troupes du duc d'Orléans, lui 
pesait, car, en dépit des illuminations, des fêtes et des în- 

i) Vie de /.-/. Trivuke, par Rosmini, not. t. II, p. 210. Cf. notre édi- 
tion de Jean d'Anton, I, 10: Gommines. édition Dupont, II, 333, 448. 



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DÉFENSE D^ASTT, AVRIL-MAI 1495 173 

vestitures, il se seatait, dans son duchés Tobjet d'uae rép^n. 
balion presque générale. Il redoutait maintenant d'enga 
une partie, qu'il jugeait trop grave, et son représentai 
Venise, Gaïazzo, cherchait à calmer plutôt qu'à soutenir 1 
deur de ses alliés. Le 2 mai, il se résigna décidément à éc 
à Charles VIII une lettre d'excuses*. Il passa ainsi toul 
mois de mai, en proie à des anxiétés cruelles, et dans i 
complète incertitude. Maximilien et l'Espagne ne semblai 
disposés à envoyer en Italie ni un homme ni un écu : 1 
annonçait seulement l'arrivée d'un ambassadeur espagr 
qui, en effet, commença par s'arrêter à Cuneo, près de la 
chesse de Savoie, dans les premiers jours de mai, et que 1 
do vie attendait avec une impatience extrême*. 

Il fallut, pour battre monnaie ', recourir à de nouvel 
impôts, qui n'accrurent pas la popularité du gouverneme 
Le commerce souffrait; plus de sécurité sur la frontiè 
Ludovic travaillait d'ailleurs à affamer la garnison d'Aï 
c'est à peine si la foire de Yerceil, alors fameuse, put se tei 
Le capitan Fracassa s'en alla fourrager sur le territoire 
Montferrat et enlever des bestiaux ; la marquise se h&tade 
clamer et obtînt leur restitution*. Le 7 mai, Galéas fit un m( 
vement et les Français sortirent d'Asti pour le repousser; 
eut collision, suivie 'de quelques morts de part et d'autre, 
mois se passa en alertes et en menues escarmouches, plus 
moins volontaires. Vers le 15 mai, sur l'annonce d'une réc 
naissance projetée par les Français, que le bruit public Ira 
formait en un projet d'attaque, Ludovic fit enlever le pont 
bateaux qui reliait Annone à Arazzo ". 

1) Arch. de Milan, P. E, Frauda. 

2) 8 mai. Arch. de Milan, Militare, Guerre, 1495. 

3) Biario Ferrarese, c. 306. 

4) Sanudo. 

5) 17 mai. Arch. de Milan, Guerre. 



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174 m 

Milan et Asti ofTraiei 
ment disparate. A Asti 
car la production indi 
chiffre anormal de la p 
vie de soldat, assujetti 
garde-robe tenait dans 
cées, seize mouchoirs^ 
liers à triple semelle 
équipage ; il fait soign 
mure, sa gorgette de m 
casque surmonté de c 
monture ouvragée, ses 
achète une bonne coi 
L'écurie seule est bien 
cheval de M. de Narboi 
courteaux, un cheval l 
l'autre blanc, un che^ 
« coureur », une gros 
mules ordinaires. Les 
quent un reste de luxe; 
reste est de cuir ordina 
les rênes rouges ou bla 
monie, ils tiennent pe 

drap d'or, à porter à cheval, avec un manteau de drap écar- 
late : un sayon de drap d'or, doublé de drap jaune et rouge, 
un manteau et un pourpoint de velours noir, pour figurer à 
pied ou sous la tente. Quinze de ses pages et sept enfants 
d'honneur (parmi lesquels le sire de Ronsart) reçoivent des 
vêtements de drap gris, des chapeaux à ruban de soie, des ai- 
guillettes, des ceintures, 

1) Détail typique :1e duc se fait ressemeler une paire de bottes. Il distribue 
autour de lui quelques paires de souliers, dout plusieurs dans le môme cas. 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 178 

Mais, même dans ces moments d'économie forcée, on re- 
trouve la générosité naturelle du prince; il distribue des che- 
vaux, des selles, des harnais; un de ses archers, un moment 
prisonnier, reçoit un chapeau. Il se plaît à commander de menus 
spécimens de Tart astesan : quelques pièces d'orfèvrerie, un 
couvercle de vermeil pour son verre. Un modeste rival de 
Léonard de Vinci, un certain Sévelac (ou Sénelac) exécute en 
or une Sainte-Barbe el un porc-épîc, pour son guidon armorié, 
et peint en jaune et rouge ses chariots. Les bonnes sœurs du 
couvent de Sainte-Agnès, d'Asti, offrent au duc deux calottes 
sorties de leurs mains. Tune en soie soutachée d'or, l'autre en 
satin cramoisi. Elles en préparent une autre pour le roi, dans 
le retour duquel elles ont foi *. 

Le duc fait aussi fabriquer par un orfèvre d'Asti deux coins 
à ses armes, pour frapper des ducats '. 

A Milan, au contraire, on ne parlait que de fêtes, d'ambas- 
sades, de joie, de gloire, de somptuosités. L'arrivée de chaque 
ambassade amenait un redoublement de pompe. Ludovic 
multipliait les cadeaux magnifiques. Le 16 mai, le marquis 
de Mantoue arrive à Milan ; le 1 7, les ambassadeurs de Ve- 
nise et de Maximilien *, ceux-ci précédant, disait-on , leur 
maître en personne. Tout convergeait autour de la cérémonie 
d'investiture, préparée avec le plus grand soin par Ludovic 
lui-même, et qui eut lieu le 26 mai, avec un apparat sans 
égal. Toutes les cloches de Lombardie sonnèrent; partout 
des feux, des danses et des banquets. Ludovic lança une 
proclamation très solennelle. Cela ne suffisait pas : un dé- 
cret spécial inscrivit dans le calendrier l'anniversaire de ce 
jour mémorable, comme le jour de la fête nationale, que 

1) m. Orléans, XIV, 959-962: Joursanvault, 921. 

2) TU. Orléans, 962* 

3) Diaire manuscrit de Phil. de Lischate. 



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matlre d'hôtel, qui se rendait en France avec un sauf-conduit '. 

1) Formentini, Il ducato di Milano, p. 102, 103. Cf. O Magenla, I Vis 
conti e gli Sforza nel castello di Pavia, II, 470. 

2) Le 10 mai, Pierre de Bourbon envoie 10,000 livres au duc d*Orléans, 
pour soudoyer ses gens, afin d'assurer le retour du roi (Histoire de La Mure, 
II, 444, M.) Cf. fr. 20690, n' 20: Mandats de payement, par Pierre de Bour- 
bon, régent, de 100 livres pour deux voyages deHichart le Moine, l'un près 
du roi, l'autre près du duc d'Orléans, 6 novembre 1495: K 76, 2, payement 
d'un autre courrier. 

3) Arch. de Milan, Frdncia. 



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DÉFENSE d'asti, AVRlL-MÂI 1495 

Le gouvernement milanais saisit deux courriers de 
de Bourbon au roi, le premier en clair, le second en cl 
et n'y trouva pas matière à se rassurer; le régent, dï 
lettres non chiffrées, parlait de si grands armement 
c'était à se demander s'il n'avait pas fait d'avance le se 
de son courrier. 

Tout semblait concourir à accroître les tortures de Li 

Charles VIII n'admettait pas ses excuses et annonçai 
tement l'intention de se venger. Le 21 mai, le roi éci 
la duchesse de Savoie une lettre 1res énergique, po 
noncer V entreprise de Ludovic sur Asti, contraire à 
bonne foi, à tous les traités, serments et promesses. , 
résolu, disait Charles VIII, à résister de telle manié 
l'honneur et le profit m'en demeurent. Je fais envoyer 
d'ores et déjà des Suisses, des arbalétriers, toute se 
troupes, en attendant une bonne grosse armée qui se 1 
France. Il réclamait l'aide de la duchesse, et la priai! 
voyer à Asti des vivres, comme en général tout ce d 
aurait besoin. Cette lettre tomba dans les mains de Luc 

Danslesderniersjoursdemai, quatre cents lances frar 
sortirent d'Asti et s'avancèrent très nettement sur la frc 
milanaise, où elles occupèrent une bourgade, pour se < 
de l'air* . 

Les alliés de Ludovic, les Vénitiens, le pape, commei 
à se fâcher de l'inaction de leur ami. Ils lui jetaient à 
le reproche d'avarice. Aucune puissance italienne ne po: 
le magnifique budget du duc de Milan, 160,000 duci 

1) Elle se trouve aux Archives de MilaD. 

2) A ce moment, Louis expédia dans la Rivière de Gênes un n< 
troupes assez important. Le bruit courut môme qu'il allait arriver ( 
en personne. Le 5 juin, le Conseil de Gênes décida une levée de mille I 
de pied (Arc!i. du Ministère des Aiïaires étrangères de France, G 
f« 230 vo). 

m 12 



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178 HISTOIRE DE LOUIS XU 

an, — sans compter le budget du duché porté à ce même chiffre 
opime\ — et on le voyait si prodigue pour les fêtes, pour les 
cadeaux! Son simple budget ordinaire de dépenses personnelles 
s'élevait à 18,000 ducats; il dépensait la même somme pour 
l'entretien ordinaire de sa cour. On ne se rendait pas compte 
de rembarras réel des finances ducales, sous des dehors si 
brillants. Jusque-là^ les alliances avaient coûté cher à Ludovic^ 
car il fallait les payer comptant. Il avait dû en passer par 
les exigences de Maximilien et, avant tout, lui solder intégra- 
lement la dot de sa femme, soit 400^000 ducats; Tinvestiture, 
longuement marchandée, coûtait 120,000 ducats. La France 
coûtait moins cher; cependant^ elle avait obtenu un prêt de 
200,000 ducats, à gros intérêts, il est vrai. Et que d'autres 
dépenses depuis quelques mois! Bref, ce riche potentat, tout 
en écrasant ses peuples, se voyait réduit à envoyer à Gênes 
une partie de ses bijoux, pour payer les armements, et à la 
monnaie les belles médailles d'or de ses prédéeesseurs. 
Pendant ce temps^ Alexandre YI, « faisant, disait-il, sur Tavis 
de Ludovic, un effort douloureux pour son cœur, quittant 
Rome la veille d'un jour où le peuple vient en foule baiser les 
mains de son pontife »*, conjurait, au moins, Ludovic, de se 
montrer généreux, de ne pas imiter les empereurs de Byzance 
dans leurs sottes économies; ce serait une avarice véritable, 
mal entendue, néfaste, inopportune'. Ludovic, gêné par l'état 
de son trésor, ne pouvait que presser l'arrivée des troupes 
vénitiennes. Les Vénitiens lui renvoyaient ses instances; ils 
se plaignaient aussi de ne pas trouver de bon capitaine géné- 
ral... Ludovic s'offrit pour cet emploi... 

1) Cf. Archivio Stw. Lombardo, 1879, p. 230, un article de M. César Cantù, 
évaluant le budget total du Milanais en 1497 à 700.000 ducats. 

2) Lettre du 1" juin, à Ludovic: Chmel, NoHzenblaH,.. der K, Akademie 
der Wissenschaflen, zu Wien, année 1856, p. 448. 

3) Chmel, Notizenblatt, p. 466. 



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DÉFENSE d'asti, AVRII.-MAI 149S ^ 

Poar se garer du côté de Gênes qui lui tenait fort à cœ 
il envoya Tordre d'armer à son compte dix galères et qua 
navires construits pour la France et non utilisés, et d'ajou 
deux autres navires; pour plaire aux Génois, on n'éconon 
pas. Venise concourut à la dépense. . . * On pria le roi d'Espag 
très influent à cause de nombreux liens d'affaires et 
comptoirs importants des Génois dans son royaume, d'envo 
à Gênes un ambassadeur coopérer à Tœuvrc de la ligue. En 
à tout événement , Ludovic mit au châtelet de Gênes une bo 
garnison, sur laquelle Ténergie bien connue du gouvern 
Adorno pouvait s'appuyer. 

On annonçait l'envoi de cinq cents Suisses de l'armée fi 
çaîse à Sarzana. Trois fils d'Hiblet de Fiesque, réfugiés à P 
se vantaient hautement d'aller à Gênes avec cinq mille Fi 
çais. On pensait que Charles VIII établirait à Pise son quar 
général, pour faire marcher de là son armée à Sarzana et }^ 
tendre le dénouement des événements préparés à Gênes*. 1 
petite flotte française de sept galères, trois fastes, deux 
vires, deux galions, et une brigantine, bien équipée et 1 
montée, vint jeter l'ancre dans le port de Livourne, le 24 m 

Charles VIII s'avançait dans la direction de Sienne, 
Rome. Ludovic, qui excellait dans les précautions, rece\ 
jour par jour, presque heure par heure, le compte rendu 

1) Le 24 mai, Commines se présenta encore devant le Sénat de Ve 
par ordre du roi; il protesta contre la conclusion d'une ligue, et chei 
dans une harangue médiocrement digne, à séparer Venise de Ludovic Sf 
11 dit que Charles VII I n'avait fait de mal nulle part, qu'il avait été 
reçu partout, notamment à Pavie, qu'il voulait rendre aux Florentins 1 
forteresses, qu'il désirait seulement rentrer en France sans rien demai 
Il ajouta, du reste» que personne ne saurait arrêter le roi, « le du 
Milan pas plus qu'un autre. » Il Qnit en annonçant sérieusement une 
chaine entrevue du roi avec TEmpereur « pour la croisade » (Arcl 
(Venise, Secreto 35, p. i07 v»). 

2) Lettre de B*» Malaspina (Arch. de Milan, Guerre, 1495, AUssand 

3) Sanudo. 



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<rT^^ 



180 HlSTOinE DE LOUIS XII 

sa marche '. On intercepta aussi un courrier parti de Ceprano, 
avec un paquet de lettres du 25 et du 27 mai. 

Il y avait là des lettres de Sainl-Malo et de divers officiers : 
presque tous les officiers disaient : m Nous arrivons à Asti. » 
Les lettres les plus intéressantes étaient celles du cardinal de 
Saînl-Malo à la reine, au duc de Bourbon, au duc d'Orléans : 
elles variaient un peu de style, selon le destinataire. De Pon- 
tecorvo, le 25 mai, Saint-Malo représentait à la reine le 
roi comme fort désireux de la revoir, et de revoir le duc 
d'Orléans, qui venait de retomber malade. Saint-Malo se dé- 
clarait prêt à faire personnellement son devoir en ce sens, 
« ne désirant rien plus au monde que voir le roi en France » ; il 
calmait les transes de sa souveraine. Depuis sa variole' de 
Naples, le roi va bien, il a une bonne armée; le duc d'Orléans 
est bien entouré à Asti ; tout marche pour le mieux. Au duc de 
Bourbon, il parlait un langage analogue : « Les Romains, 
ajoutait-il, refusent hautement d*embrasser le parti de Milan 
et de Venise, et se déclarent bons amis du roi : » le cardinal 
doutait de leur sincérité, mais il affirmait la volonté du roi de 
n'attaquer personne. Avec le duc d'Orléans, son style devenait 
plus martial. « Le roi compte vous voir bientôt : il arrivera à 
Rome dans quatre ou cinq jours ; il a bonne compagnie ; je vous 
garantis que personne ne Tarrètera : on n'a point peur ici de 
toutes les ligues italiennes. » Les autres lettres respiraient 
la confiance et Taudace. On traverserait Rome de gré ou 
de force : le pape promettait bon accueil, mais peu importe; 
les forces qui entourent le duc d'Orléans assurent le retour. 
En juin, on sera à Asti, en juillet à Lyon. « Nous n'avons 
nul souci, disait encore Saint-Malo à l'archevêque de Reims; 



1) Liasse de ces renseignements aux Arch. de Milan, Guerre, 1495. 

2) « Le veroU », dit la traduction italienne. 



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DÉFENSE 1>'aSTI, AVRIL MAI 1495 181 

les forces d'Asti nous seront d'un grand appui. » Une des 
lettres dut appeler plus particulièrement l'allention de Lu- 
dovic et lui inspirer du souci. C'était une lettre de Saint- 
Malo à Tévêque de Novare, d*où résultait la preuve certaine 
de rapports très particuliers entre Tévêque et la cour de 
France, car cette lettre était une réponse, et une réponse 
pleine de jactance. Naples est bien fourni, y lisait-on, nos 
gens ne rêvent que bataille. Le roi est gaillard, et bien résolu 
à aller voir « Monseigneur » à Asti. Ainsi, entre Saint-Malo 
et révoque de Novare, on ne parlait pas de Louis d'Orléans 
comme d'un étranger, on l'appelait Monseigneur, ainsi qu'un 
prince dans ses domaines ^ 

Une autre lettre, écrite par Saint-Malo à Louis d'Orléans, le 
30 mai à Valmontone, également interceptée, put apporter à 
Ludovic de nouvelles inquiétudes. En voici le résumé : Le 
Saint-Père s'est réfugié à Orvieto : le roi entrera lundi à Rome, 
M. de la Trémoïlle et le sénéchal de Lyon sont allés préparer 
ses logements. Le roi n'amènera pas les Suisses à Rome, il 
n'y restera qu'un jour pour faire ses dévotions à Saint-Pierre, 
et sera le 15 juin à Florence. L*armée ne demande qu'à faire 
et à prouver sa bravoure. Le roi, outre sa maison, mène douze 
cents lances françaises, quatre mille Suisses, deux mille 
arbalétriers gascons : Trivulce commande une compagnie de 
cent lances, et deux ou trois cents lances italiennes. Asti va 
recevoir de France de nouveaux renforts. Le roi ne demande 
que la paix; puisse-t-on Toblenir pour ne plus guerroyer que 
contre les Infidèles! Les gens d'armes du marquis de Mantoue, 
à la solde de Venise, font dire qu'ils se battent à regret contre 

1) Extraits traduits de ces lettres : Arch. de Milan, Duca d'Orléans, L*évôque 
de Novare, Jérôme Pallavicini, était un lettré fort distingué. Préconisé par 
Innocent VIII, en 1484, il avait dû partager les revenus de révéché avec 
Ascagne Sforza, qui prit le titre d'administrateur du diocèse (Basilica, Novaria, 
Novare, 1612, 4% p. 524 et s.). 



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182 HISTOIRE DE LOUIS XII 

les Français, dont ils touchaient jadis la paye. Jamais nos 
troupes n'ont eu plus d'entrain. Toute l'armée de Milan et de 
Venise peut venir : la roule que nous désirons est celle qui 
passera au milieu d'elle. Les vivres sont abondants, le voyage 
fort beau, le temps frais et excellent. Sans vous, le roi ne se 
hâterait pas, et peut-être d'Asti reviendra-t-il à Naples, quoi- 
qu'il n'en ait nul besoin. On l'adore, à Naples; on a été déses- 
péré de le voir partir, on est prêt à tout pour son service. Ces 
Napolitains sont braves gens et de bon vouloir. « Le roi vous 
montrera de belles choses qu'il avait à Naples, les plus belles 
que vous ayez jamais vues *. » 

Ces lettres se passent de commentaires : elles montrent la 
souplesse du talent de Saint-Malo. 

On voit aussi que la cour accueillait des ouvertures faites 
par les adversaires de Ludovic, dans son duché même, à No- 
vare. Ulcéré contre Ludovic, et désormais en guerre ouverte 
avec lui, d'ailleurs ne redoutant rien, le roi embrassait donc le 
parti du duc d'Orléans et voyait avec plaisir parler des droits 
de son cousin sur le Milanais'. Il invita Louis à s'en préva- 
loir pour troubler le duché '. 

Le 7 juin, Ludovic reçoit de ses agents Tavis confidentiel 
que Louis d'Orléans se prépare à quitter Asti le 9 avec son 
armée; il prescrit aussitôt à Galéas une active surveillance *. 
Le 8, il donne ordre de jeter des ponts sur le Pô, pour le pas- 

1) Traduction italienne. Arch. de Milan, Francia. 

2) Un ami du duc d'Orléans, Méry de Rochechouart, reçut en gratifica- 
tion du roi une.part de la contribution de 4.000 ducats due par la ville de 
Manfredonia (Boislisle, Etienne de VesCf p. 109). 

3) Aiessandro Benedetti, Il fatto d^arme del Taro (éd. de Novare, 1865), 
p. 42 : Ant. Rusconi, Assedio di iVorara (No vara, 1884), p. 4 ; Gbilini, Annali 
di Alessandritty p. 115. 

4) Arch. de Milan, Militarey Guerre, 1495. Tous les détails qui suivent sont, 
sauf avis contraire, extraits de pièces du même fonds, et spécialement de la 
liasse Congiura di Novara, à la date indiquée pour chaque fait. 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 

sage de l'armée vénitienne prêle à déboucher en Lombai 
et qui parut à Crémone le 21, 

Ce même jour, on passait à Asti la revue des troupes 
moins de celles qui s y trouvaient, car les nécessités d 
garde et surtout l'extrême difficulté des logements et 
subsistances les éparpillaient au point que neuf lances 
lement de la compagnie de Ligny sur cent parurent 
monstre^. 

Le 9 juin, un certain André Crivelli, préposé au post 

Vignale *, adresse à Ludovic une lettre éperdue. De nouvi 

troupes françaises sont arrivées à Asti. La nuit dernière^ 

cents chevaux ont traversé Stroppiana. On a cru voir avec ( 

tant on redoutait la trahison, le frère de M. Galéas de San 

verino (il se trouvait loin de là), avec des archers, et mes 

Constantin Arniti. « Tout fuit, tout se réfugie dans les fo 

resses. Vignale, mal fortifié, ne peut tenir. Je me recomma 

à Dieu et à sa Mère! » Vingt-quatre heures plus tard, Lud( 

reçoit coup sur coup de bien autres nouvelles : à dix hei 

du jour, le 10 juin, le commissaire de Nôvare envoie 

toute hâte demander des ordres : un hérault du duc d'Orléi 

babillé à ses armes, venait de se présenter et de sommer la \ 

de se rendre sur le champ, sinon le duc, qui arrivait avec vi 

mille hommes, la mettrait à sac le lendemain *. Une he 

plus tard, quelques mots, crayonnés sur une feuille de pap 

annoncent Toccupation de la ville, mais la forteresse lient 

core. Bientôt, une adresse au duc, où Ton mît les signatc 

de tous les chefs de Tarmée milanaise, même du cardinal d 

Rovère, du marquis de Mantoue, de Galiot de la Mirand< 

1) Fr. 25782, f. 149. 

2) Le texte porte « Vinzalii ». 

3) Cette lettre, des Archives de Milan, a éié publiée par M. Rosraini, 
de J.'J. THvulc€y II, 216. 



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184 HISTOIRE DE LOUIS XII 

du seigneur de Carpi^ dénonce Tincivisme de Novare qui 
vient de se vendre aux Français, et félicite la citadelle. Voici 
ce qui s'était passé. 

La ville de Novare, riche, importante, située près de la 
frontière du Piémont, était une ville guelfe et aristocratique : 
au premier rang des citoyens importants de cette ville se 
trouvaient les membres de deux familles, distinguées par leur 
fortune, par leur influence comme par leur illustration et 
leurs alliances : les Caccia, les Tornielii. Or, depuis long- 
temps, Tavidité de Ludovic suscitait à Novare de violentes 
inimitiés. Sous prétexte d'acheverun grand canal, très ancien- 
nement en projet, qui devait joindre le Tésin à sa célèbre pro- 
priété de Vigevano, la Sforzesca^ Ludovic commença par s'em- 
parer, violemment, de diverses propriétés particulières, qu'il 
joignit sans scrupule à ses propres domaines ^ Puis, le canal se 
trouvant insuffisant, Ludovic, dans un but de pure spéculation 
privée, se concéda, dès le 14 novembre 1481, un décret qui au- 
torisait l'expropriation , sans indemnité, pour cause de l'utilité 
publique, de tous les cours d'eau susceptibles d'alimenter un 
canal dérivatif de la Sesia. Ce décret visait une vieille ordon- 
nance de Philippe-Maria Visconti, depuis longtemps tombée 
en désuétude. Pour ne p6is blesser les Novarais, Ludovic usa 
d'abord de diplomatie, et, par acte notarié, son compère Ro- 
bert de San Severino, le père des San Severino actuels, con- 
vint, au nom de Ludovic, de ne détourner de la Sesia qu'une 
quantité d'eau limitée. Ces questions d'eau présentaient à 
Novare un intérêt capital, non seulement pour les industries 
suburbaines, mais pour l'agriculture du territoire, basée sur 
un système d'irrigation dont les premiers travaux remon- 
taient à une haute antiquité. Après la Sesia, Ludovic s'at- 

1) RuscoDÎ, Lodovico il Moro, p. 25. 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 185 

taqua à un vieux canal, qu'il prétendit accaparer, et pour 
lequel il arriva encore à une transaction avec la ville de 
Novare» en 1487-1488. Dans les actes de cette transaction, 
figure un ManfredTornielli*, fils de feu Grégoire, comme con- 
seiller de la commune. Ces actes donnèrent naissance à la 
construction d*un nouveau tronçon de canal (appelé la Mora)j 
laquelle s'efTectua grâce à des spoliations criantes'. On s'em- 
para, notamment, de cours d'eau appartennant au comte Jean- 
Baptiste Caccia et au comte Manfred Tornielli ^ Pour faci- 
liter les choses, Ludovic recourut à un expédient vraiment 
atroce. Il fit accuser d'un crime imaginaire, un certain Inno- 
cent Caccia, mort depuis quelques années, et, sans se soucier 
de l'honneur de la famille, il fit rétroactivement condamner le 
défunt par des juges prévaricateurs à une peine infamante, 
c'est-à-dire entraînant la confiscation. Armé du jugement, 
il s'adjugea les biens du mort, au détriment des héritiers 
naturels, et put ainsi achever son canal. Depuis lors, la ville 
de Novare devint un foyer de haines mortelles contre lui*. 
Son frère Ascagne aggrava encore la situation, en s'adju- 
geant sans aucune espèce de droit l'évéché, grâce à sa situa- 
tion en cour de Rome, et en forçant Tévéque titulaire à lui 
abandonner la plupart des revenus \ 

C'est à la cour de Savoie que vint Tidée de mettre à profit 
la situation bien connue des esprits à Novare. Le sire de Yal- 
perga et le comte de Bresse entrèrent en rapports avec les 

1) 11 est appelé, dans les actes français, Mainfroy Tornielly ou Mainfroy 
TournieL II avait un frère, Dominique, entré d^s son enfance au service 
intime de Ludovic et qui y resta Jusqu'en 1500(J J. 233, 39 : J J. 234, 60.) 

2) Rusconi, p. 25-39 : Paul Jove. 

3) Id., p. 51-52 : C« Morbio, Storia di Novara, d'après le récit contem- 
porain du chanoine Goriccio, dit Barba. 

4) Paul Jove. 

5) Note ci-dessus, p. 181. 



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186 HISTOIRE DE LOUIS XII 

mécontents, et, vers le commencement de mars, le comte de 
Bresse, devenu très influent près de Charles YIII, tenait, de 
Naples, les fils d'un véritable complot. Il avait dressé une liste 
de vingt à vingt-deux Novarais, sur qui Ton pouvait compter; il 
eut l'imprudence de la lire et de la commenter dans une nom- 
breuse réunion de plus de cinquante personnes, à laquelle assis- 
tait un messager, du nom de Perho, envoyé par les Novarais, 
et qu'il crut être un affidé. Or, Perho ne savait rien; àcette révé- 
lation, il éprouva une telle frayeur qu'il repartit à bride abattue 
pour Novare, où il avait femme et enfants, afin de les en faire 
sortir. On le chargea d'une lettre pour Baptiste Valente, Tun 
des conjurés. Perho arriva, tout effaré, à la porte de Novare, 
le 2 mai ; faute de passeport, le capitaine qui commandait la 
garde du pont du Tésin, lui refusa le passage. Pour l'obtenir, 
Perho raconta loul; le capitaine haussa les épaules, crut avoir 
affaire à un fou et le laissa aller, en l'avertissant seulement 
que, s'il continuait à débiter de pareilles histoires, on le ferait 
arrêter et remettre au duc. 

Sauf cet incident sans conséquence, Yalperga mena le com* 
plot avec tant d'adresse et de précautions qu'il ne s'en trouve 
pas d'autres traces ; l'enquête approfondie à laquelle Ludovic 
fil plus tard procéder, ne révéla elle-même rien. Nous savons 
seulement qu'une correspondance s'établit entre Saint-Malo 
et l'évêque de Novare, puisque nous avons vu une de ces 
lettres tomber dans les mains de Ludovic, à qui elle n'ouvrit 
pas les yeux. On connaît aussi les chefs de l'entreprise : deux 
parents d'Innocent Caccia, Opicin Caccia, dit Tiberino, de la 
branche Caccia de Callignaga, plus connu sous le sobriquet 
d'Opicin le Blanc; Opicin Caccia, son homonyme, dit Opicin le 
Noir, de la branche Caccia de Mandello ; autour de ces deux 
Opicin, fauteurs du complot, bon nombre d'autres Caccia, An- 
toine Caccia de Galeto et ses frères Georges et Pierre, Jean- 



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DÉFENSE D*ASTI, AVRIL-MAI 1495 187 

Antoine Cacciade Poltrego, Jacques Caccia, le chanoine Jeai 
Philippe Caccia, et divers citoyens, Etienne Avogadro et autre 
L'âme du complot était le comte Manfred Tornielli, personnaj 
important, fort connu et entouré de la plus haute considératio 
Manfred Tornielli avait pour fils Philippe Tornielli, le famei 
capitaine, plus tard effroi des Turcs, qui épousa Antoinet 
Gonzague, veuve d'Alphonse Visconti de Milan*, et pour fil 
la non moins illustre Livia Tornielli, dont le nom brille d\ 
ui gracieux éclat parmi les poètes italiens de la Renai 
Ban ce*. 

Ainsi appelé à Novare, contre l'ennemi du roi, par ui 
entente directement négociée avec les ministres du roi, Lou 
d'Orléans, dès qu'il se crut en état de le faire % c'est-à-dire dai 
la soirée du 9 juin, dépêcha sur Novare un corps de troupe 
Grâce à l'amitié du Montferrat et de la Savoie, il déroba cet 
marche à la surveillance de Ludovic, en Tcxécutant très rap 
dément par Moncalvo et par Pontestura, où la nécessité c 
jeter un pont sur le Pô retint pourtant le petit corps une part 
de la nuit*. Le 10 juin, dès Taube, les Français parurei 
devant la porte San Stefano de Novare, et firent une couri 
halte dans le faubourg, pour envoyer une sommation. A Tin 
tant, pendant que le commissaire ducal, Jean de Casliglioni 
seigneur de Marano, mandait en toute hâte le Conseil de 
notables, la ville se trouva sur pied. La foule, émue, frémiî 
santé, se pressait autour du hérault d'armes du duc d'Orléans 
comme pour lui faire une escorte d'honneur. Castigliom 

1) Lilta, Pamiglie.i. HI. 

2) Enquête et pièce, publiées par M. Rusconi, dans son opuscule, Assed 
di Novara, p. 14 et s. : cf. Cavitelli, cité par I. Fuchs, Die mailandische 
Feldzùge der Schweizer, I, 197. 

3) Legendre (Histoire du cardinal d'Amboisej p. 49), assure que le cai 
dinal d'Amboisey engagea aussi le duc. 

4) Chronica diMonferrato {Mon» Hist, Palrise, Script,, III, c, 1245). 



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488 HISTOIRE DK LOUIS XII 

eiïaré, ne sachant quel parti prendre, courte à peine habillé, 
vers la porte Sainte- Agathe, où « Ton attendait, dil-il, l*en- 
nemi », avec le commandant de la citadelle, Philippin de 
Fiesque. Il croise Opicin le Blanc tout armé; il va à lui, 
rassure de Tamitié de Ludovic, Tentiaine vers la porte. 
Ils y arrivaient à peine qu'une clameur formidable part de la 
foule : « Les Français à la porte de Milan ! » Auraient-ils donc 
fait le tour de la ville? <c Soyez tranquille, messer Jean, ils 
nen resteront pas là! », dit Opicin, qui salue poliment et 
disparaît, en jurant (prétend le commissaire) de les empêcher 
d'entrer. Castiglione ne court pas, comme on pourrait le 
croire, à la porte de Milan ^ ni à la caserne : il va sur les 
remparts, voir ce qui s'y passe. Son valet de chambre lui 
apporte sa salade; il la revêt et envoie le valet surveiller 
Opicin. Le valet s'éloignait à peine qu^il rebrousse chemin à 
toutes jambes en criant : « Les ennemis sont entrés! les voilà! 
les voyez-vous? » Castiglione voit, en effet, passer deux gardes 
des portes qui fuyaieut éperdument, comme son valet, et unç 
foule de gens de la ville qui hurlaient : Franza! Franza! Le 
bon Castiglione, en paix avec sa conscience^ puisqu'il avait 
convoqué le conseil municipal et envoyé demander des instruc- 
tions à Ludovic, suit alors son valet. Tous deux montent à 
cheval, partent au galop, poursuivis jusqu'au bout du pont par 
une populace hostile, « cum periculo mio », dit-il, et ne s'ar- 
rêtèrent qu'à Boffalora, sur la route de Milan. Le cheval du 
valet avait fini par rester aux mains de la foule; le coursier du 
gouverneur n'avait que des égratignures. Castiglione fit aus- 
sitôt couper les ponts derrière lui, et adressa à son maître un 
rapport tout chaud sur l'événement. 11 retrouva, sur les routes, 
trois ou quatre de ses serviteurs, en fuite comme lui. 

C'est ainsi qu'en moins d'une heure les troupes françaises 
entrèrent dans Novare. Deux cent cinquante lances pénétrè- 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAT 1495 

rent d'abord ^ , sans aucune effraction, car on offrit les ciel 
premier capitaine. Le reste suivit ». Les troupes ne campé 
pas toutes dans la ville; la plupart revinrent prendre qua 
dans les faubourgs, ou sous les murs. 

Nous ne saurions exprimer la stupeur de Milan à ces i 
velles. On crut les Français aux portes de la capitale, et 
ne voyait rien qui pût les arrêter. L'adresse votée par les c 
et capitaines ne suffisait pas à rassurer : pourquoi écrire au 
de se battre? La panique, la colère, les haines accumul 
les mépris, tout se mêlait, se déchaînait. La foule, hostile, 
tendait qu'un signal pour se soulever et changer de ma 
Les magasins se ferment en un clin d'œil, la ville prend ui 
d'émeute. Les amis de Ludovic, dans leur trouble, paris 
d'arborer, pour leur défense, les panneaux de l'Empire 
toutes les forteresses. Ludovic s'enfuit du château et se i 
gie en grand secret chez l'ambassadeur de Venise '^ ave< 
petit groupe de serviteurs. Il suppliait son hôte d'implor< 
Sénat de Venise. En quelques heures, il parut vieilli Ai 
ans : le lendemain, ses valets de chambre prétendirent s 
retrouvé dans son lit ses bagues, tombées de ses doigts s 
tement maigris \ 

De sa cachette, Ludovic put envoyer une proclamation 
surante*^ et quelques ordres : on prit les mesures les plus 

1) Nous prenons, ici, le chiffre donné par toutes les correspondanc 
par les récits d'Italie. D'après la relation officielle, publiée par M. 
Pilorgerie (p. 309), les forces françaises se réduisaient à vingt lances, 
mandées par Jean de Louan. 11 faut remarquer toutefois que la relation offi( 
imprimée en France, à la bâte, contient de nombreuses fautes d*imprei 

2) Récit d'un témoin oculaire, publi é par M. Rusconi, p. 7. Le récit d 
nudo, sommaire et plein d'une évidente mauvaise humeur, contient que 
inexactitudes. 

3) A. Benedetli. 

4) Bugato, dans Rusconi, p. 9. 

5) Minute, du 11 juin aux Arch. de Milan, Mililare, Guerre^ 149S 



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190 HISTOIRE DE LOUIS XII 

menlaires de défense et d'approvisionnement. Philippin de 
Fiesque, accouru à Milan^ retourna vers Novare avec une com- 
pagnie de quarante hommes '. 

Ludovic se posait une seule question : pourrait-it défendre 
Milan? San Severino reçut Tordre de se replier en toute hâte 
sur Vigevano et de s y retrancher, comme au point le plus sûr 
du duché, afin de couvrir le pays*. Mais Ludovic ne comptait 
qu'à demi sur cette armée, son unique espoir : un des chefs lui 
écrivait, à Theure même de la perte de Novare : « Mes gens 
sont forts mécontents, car les Français s'avancent chaque 
jour; ils ont pris VillanoVa(?); chaque jour ils courent le pays, 
jusqu'à nos portes, sans qu'on y pourvoie : à ce compte, ils 
iront bientôt à Sainte-Marie-des-Grâces '. Pour les réconforter, 
je leur promets l'arrivée des Vénitiens et des Allemands. Ils 
répondent qu'il leur faut de l'argent, non de bonnes paroles : 
%inon, ils se feront Français *. » 

Le 10 juin, Louis d*Orléans quitta lui-même cette ville 
d'Asti, où il étouffait, et partit par le Montferrat, avec presque 
toutes ses troupes •. MM. de Champdeniers et Jacques de Tin- 
teville, avec quinze archers et dix hommes d'armes faisaient 
office d'éclaireurs. La compagnie du bâtard de Bourbon, celle 
dumaréchal de Gié commandée parle lieutenant JeandePloret, 
toutes deux bandes d'élite, ouvraient la marche; ensuite 

dovic n'annonce pas la prise de Novare ; il dit : « Hier, le duc d'Orléans a 
quitté Asti pour venir à Novare. » Il annonce Texpédition de grandes forces 
militaires. 

1) Calvi, op,, cit., 120 : Sanudo. 

2) Lettre de Ludovic au protonotaire Gonradolo, de Gènes, 14 juin (Arch. 
de Milan, Guerre), 

3) A Milan. 

4) Arch. de Milan, Guerre, 

5) Nous résumons le bulletin officiel de cette marche, expédié de Novare 
le 15 (J. de la Pilorgerie, p. 309-313 : Les nouvelles de M, (TOrléans, im- 
primé gothique, à la Bibl tlièque de Nantes]. 



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DÉFENSE d'âSTI, AVRIL-MAI 1495 

venaient dix^huit hacqiiebutes envoyées d'Orléans, et dix 
pièces composant Tarlillerie, puis les vivandiers, le b 
puis le duc d'Orléans, suivi de deux cents lances, les j 
archers de Bourbonnais et d'Auvergne^ très belle troupe f 
par le régent^ les gentilshommes formant le ban et V\ 
ban du Dauphiné, la compagnie Champéroux, les j 
archers de Dauphiné, et, enfin, un assez grand n 
de gens d'armes en bonne tenue. Depuis quelque (en 
duc d'Orléans était repris de la fièvre, et sa maladie i 
tribuait pas peu sans doute à entretenir la fausse sécu 
Ludovic. On ne l'aurait pas cru en état de participer à u 
de main. Il marcha pourtant. 

L'armée, empêtrée de bagage et d'artillerie, gênée 
chaleur, mit huit ou dix heures à parcourir trois lieue 
passa la nuit à Moncalvo, et, le lendemain, elle alla <i 
Pontestura, dernière ville du Montferral, où Ton const 
sur le P6 un beau et grand pont, encore inachevé malh 
sèment. Vers quatre heures, elle passa le fleuve et couc 
peu plus loin. Le vendredi 12, au lever du soleil, elle tr 
Verceil, « belle ville à M""® de Savoie ». Les gens di 
raccueillirent avec force démonstrations de joie et de s 
ihie ; ils criaient : Orléans^ France, ils priaient Dieu et sa 
Mère d'aider le duc, de le conduire heureusement. L' 
traversa le Tésin à gué, dîna et campa jusqu'à une hei 
matin dans le premier village milanais, sur la rive gi 
Les habitants reçurent Louis d'Orléans comme leur 
sollicitèrent la conservation de leurs franchises local 
marquis de Saluées, venu se mettre aux côtés du duc 
léans avec le dévouement le plus chevaleresque, ré[ 
en son nom, que le prince venait précisément apporte 
berté : il invita les habitants à envoyer leur charte, qu'c 
armerait. Grande joie dans le pays. .. Le samedi 13, à une 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 193 

fils du vicomte de Rohan, et des capitaines, accepta son 
offre de se rendre s'il n'était secouru dans les vingt-quatre 
heures. 

Aussitôt avisé, Ludovic « cheust a la renverse, tout pasmé », 
d'autant plus que le messager, dans son effroi, n'attribuait pas 
moins de quarante mille hommes au duc d'Orléausi. 

Le matin du 14 juin, le bruit se répandit dans Novare qu'il 
arrivait un secours à la citadelle; on disait l'avoir vu sur la 
route de Milan. Parmi les gens d'armes français, ce fut une 
grande joie. Ils allaient donc enfin rencontrer les troupes de 
Ludovic, se donner le régal d'une bataille ! Rien n'arriva et^ 
à la vingt-deuxiëme heure du jour, la forteresse ouvrit ses 
portes. Jean de Louan • et Gilbert Bertrand y entrèrent avec 
les archers de la garde personnelle du duc. La garnison, qui 
semblait « la plus aise du monde », les fêta aux cris à* Orléans^ 
France, alluma des feux de joie, jeta ses armes avec ardeur. 
On lui fit décharger ses canons. 

Philippin de Fiesque tira parti habilement de la situation; 
dans sa capitulation, il stipula pour la ville de Novare un cer- 
tain nombre de privilèges, règlements d'octroi et autres, que 
Louis d'Orléans s'engagea à respecter. Un avocat qui se trouva 
là, Simon de Griti, dressa l'acte séance tenante, « sui gièr d*A- 
gogna », selon l'expression locale, autrement dit sur la place 
du marché. Philippin repartit ensuite pour Milan où Ludovic 
^accueillitbien^ Quant à Louis d'Orléans, il ne voulut pas, 
on le comprend, demeurer en reste de générosité et s'en- 
tendit avec le conseil de Novare pour accroître spontané- 
ment le bénéfice de la capitulation *. 

1) Chiffre excessivement exagéré, comme on le verra par la suite. 

2) Ou Louvain. 

3) P. Jove : Corio : Rusconi, Assedio di Novara, p. 8. 

4) Rusconi, Assedio y p. 9. 

m 13 



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194 

L 

gar( 
sois 
d'ar 
dem 
beai 
larg 
def] 
Iroit 
A 
Suis 
leur 
ordi 
viro 
Les 
gnei 
déjà 
puU 

Q 

dam 
réfu 
C 
duc 
d'ell 
à la 
Le I 
d'Oi 
lait 
silé 
qui 

1) 
2) 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL-MAI 1495 19 

bardie pour le duc d'Orléans. La vieille politique de jalousi 
et de méfiance de la couronne envers les princes d'Orléans, le 
idées traditionnelles de Charles VI, de Charles VII, de Louis X] 
les idées de Charles VIII surtout, subsistaient tout entière: 
et il s'y ajoutait une pensée de prudence : il s'agissait, ave 
les troupes royales d'Asli, de garantir la pleine sauvegarde d 
la personne du roi, ni plus ni moins, par le procédé le pk 
sûr et avec le moins de risques possibles. On pouvait admetti 
et trouver bon. que les troupes royales allassent, avec le di 
d'Orléans et le commissaire royal Gamaches \ exécuter, sai 
aucun risque, un coup de main longuement mûri et prépan 
qui . ébranlait profondément Ludovic, couvrait la ligne d( 
Alpes^ défendait les pays subalpins contre toute intrigue, i 
opérait une diversion redoutable au revers de Tennem 
Presque tous les historiens, même ceux qui reprochent à Lou 
d'Orléans sa marche sur Novare, lui reprochent aussi son arrê 
Comme dit Guichardin, ce sont des reproches faciles à formi 
1er de loin... En réalite, une marche en avant, selon le vœu c 
Louis, paraissait naturelle et séduisante : mais elle présenta 
des aléas sérieux. A quelques heures de Tarmée vénitienne 
peut-être de Tarmée allemande, s'engager à fond dans la cor 
quête d'un pays hérissé de forteresses, déchaîner contre 9< 
l'Italie entière, sans profit direct pour le royaume, aubénéfic 
du duc d*Orléans, était-ce prudent, dans la situation où se troi 
vait le roi? La nouvelle de la prise de Novare éclata sur l'Itali 
comme un coup de foudre : fort exagérée naturellement 
car on parlait de grandes batailles, de pertes importantes 

i) Toujours présent à Novare {Vit. Gamacbes, 43). V. p. 169. Jean d 
Gamaches, s' de Quinquempoix, était un homme mùr, et une ancienne créa 
ture de Louis XI, qui l'avait marié, le 19 juin 1470, à une riche héritière 
Marguerite, dame de Sury es Bois et de Saint-Quinlin du Blet. C'était ui 
tuteur donné à Louis d'Orléans, près duquel il ne se trouva guère en faveu 
après 1498. 



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196 

d'une armée mi 
sions fort diver 
l'urgence d'un< 
Milan avec un( 
mise de Ferran 
le besoin de bi< 
core au roi des 
frontières, arm 
d'Espagne, qui 
Perpignan et si 
Quant à Chai 
savoir. L*inséc 
impossibles. Li 
moïlle avait en 
gouverneur de] 
lettres que m'a^ 
que m'avez m( 
mandez du Roj 
no;:s aurons p 
viengne en ce f 
corde pas avec 
lah[arpe],jene 
que nous trouv( 
en a[llons] nost 
deroit. Touchar 
dovic, [on] pou 
encores [rien c 
escrîpt de ces [c 

1) Diario Ferrar 
'^) 11 juin. Ms. 1 

3) Fr. 20437, f^ i 

4) Les Alpes de 



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DÉFENSE d'asti, AVRIL- MAI 149! 

veau en ces lettres, car elles [sont lues] d'am] 
et mes que nous ayons une foiz [passé] le RuI 
ferez des comptes de ce que avez [eu] en f 
vous en ferons des estranges choses veues 

Les nouvelles du roi arrivaient si irrégul 
6 juin, Tévêque d'Albi écrivait de Moulins 
chage : « Nous sommes esbays, de par deçà, <] 
eu de ses nouvelles ung moys a passé, mi 
que c'est à cause des passaiges que le S*" 
rumpre, en manière que il n'y a poste qui pui 
est que M''**' d'Orléans a escript pardeçà qui 
esloitparly de Naplcs et que le derrenier joi 
entrer dans Rome, où il devoit eslre receu et l 
par le pape ; mais ce qu'il en escript, c'est ; 
qu'il en ait eu seures nouvelles en plus que n 

Le lendemain de son entrée à Novare, Loui 
un courrier du roi; ce courrier avait été 
lettres en route; il déclara seulement que le n 
et qu'il avait mis à feu et à sang Viterbe, à 
de vivres '. 

Charles VIII, à celte heure, entrait à Sienne 
des fêtes pompeuses. Il y resta plusieurs joufs 
adressée, le 20 juin, à Pierre de Bourbon, il n 
expressément les événements de Novare ; il 
ment de savoir le duc d'Orléans en sûreté co 
prises » de Ludovic, il annonce sa prochaine 
Ainsi le duc d'Orléans devait conserver purem» 

1) Ârch. de M. le duc de la Trëmoîlle. Les bouts < 
entre crochets, sont lacérés dans Toriginal. 

2) Fr. 2919, f» 10. 

3) La Pilorgerie, Docum . cité. 

4) La Pilorgerie, p. 301. 



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198 

On 
ments 
48 juii 
car les 
immir 
lien pi 
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sages 
chose ; 
rich, à 
homm 
lesque 
où Lu 
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pentes 
le 19, 
frontii 
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Le: 
Ilden 
d'argc 
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Le 21 
impér 
bon*. 
Milan 
dénor 
impéi 
enten 

1)C 



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DÉPENSE d'asti, avuil-mai 1495 199 

punir les coupables, n'en pas laisser trace sur cette terre ; i 
réunirait les forces du Saint-Empire, etc. K 

Le 23 juin, il lança une proclamation plus solennelle en 
core, où renoncé seul de ses titres prenait une grande place 
Il parlait en maître de Tltalie. Dans d'immenses phrases^ S 
Majesté exposait la nécessité de s'entendre contre un très inso 
lent vainqueur, et dénonçait Charles VIII, comme visant à 1 
conquête de Tllalie entière, violant Rome, « domicile impé 
rial, » voulant s'emparer de Milan et de Venise, ces très noble 

villes, insolent, ambitieux, traître Après une page de c 

beau latin, il s'excusait de renfermer sa colère et de ne pa 
s'étendre davantage *. 

A ces fulminantes invectives, Louis d*0rléan8 riposta pa 
une proclamation, dont le texte nous a été conservé, sans qu 
nous puissions dire si réellement elle fut lancée. Dans ce 
acte, en langue latine comme les actes impériaux^ Louis d'Oi 
léans, qui, certainement, entretenait des intelligences à Mila 
et espérait aussi une révolution, parlait au nom du roi d 
France . « Sur le bruit du meurtre et de la mort du comte Galéa! 
usurpateur de notre duché, j'ai, disait-il, envoyé" demande 
au roi, mon seigneur et père, la confirmation de mes droits 
il me l'a accordée avec clémence. J'ai droit au duché de Milai 
du chef de mon aïeule Valentine, je le réclame hautement. J 
chasserai l'usurpateur; car Dieu, qui nous juge, ne laisser 

1) Arch. de Milan, Guerre : Vente d'autographes, 26 janvier 1885, Bugèi 
Cbaravay, n** 146; Revue des Autographes, mai 1885, n* 59. — Môme pn 
ciamation fut adressée aux autres villes, du moins à Alexandrie, où el 
produisit grand effet (Qbilini, p. 115). 

2) Orig. K. 1482. 

3) II est probable que l'envoyé du due était le sire de Champdenier 
chargé, d'abord, on s'en souvient, de sonder le terrain à Venise, et qui suii 
le roi à Naples. Champdeniers venait de rejoindre à Asti I.ouis d'Orléai 
peu de jours avant l'expédition de Novare, et il avait dû lui rapporter à 
sujet l'autorisation du roi (Reçu du sire de Champdeniers, Tit Rocbeehouarl 



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200 HISTOIRE DE LOUIS XII 

pas impunis tant de crimes abominables, de violences, d'in- 
gratitudes, de cruautés, de tyrannies ! Les événements actuels 
montrent la justice divine. Quiconque résistera subira la 
peine des traîtres; les autres seront mes amis. Je respecterai 
les franchises. Le roi m'a ordonné de diminuer vos insuppor- 
tables tailles. Je ferai tout pour vous soulager. Vous serez 
satisfaits. Je favoriserai les nobles et les peuples *. » 

Ludovic ne manqua pas de prendre la parole dans ce concert 
de proclamations. Le 14 juin, il signa une ordonnance qui di- 
minuait les impôts et reconnaissait à tous les citoyens le droit 
de chasse *. II lan^a des lettres plus ou moins enflammées à 
diverses personnalités, aux villes du duché. Il pria les nobles 
et les habitants de Pavie de persévérer dans leurs bonnes io- 
tentions : « la force ne nous manquera pas pour réprimer 
les insolences des barbares » *. Le 14 juin, jour même de la 
reddition de Novare, il annonçait l'événement aux Parmesans, 
en flétrissant la lâcheté des gens « inexperts et d'âme vile », 
qui ont forcé la main à leur chef. Philippin de Fiesque ; il 
ajoutaitson grand regretde ne pouvoir secourir Novare dans la 
journée. Un peu plus tard, il annoncera la même perte aux 
Génois sur un autre ton. <c Nous allons reprendre Novare, dit-il, 

1) Copie du temps, sans formule, date, ni signature : Portef. Fontanieu, 
149-150. Hennin indique même, d*après Muratori et Argelali, des monnaies 
ducales de Milan frappées au coin de Louis d'Orléans; mais MM. F. et E. 
Gnecchi, dans leur bel ouvrage Monete di Milano, n'en citent aucune. Hennin, 
du reste, renvoie, par méprise, à une suite de monnaies de Jean Galéas, qui 
portent la mention de Ludovic : « Ludovico patruo gubematore », ou « guber 
fiante », ou encore « Ludovicus patruus gubeimans ». Argelati indique une 
monnaie frappée à la légende habituelle : Ludovics âurelianësis Mediolani 
AC AsT. DN. [De monetis llalix, I, 27). 

2) Diaire manuscrit de Ph. de Lischate. 

3) Minute, aux Archives deMilan, Guerre. Barbares était l'expression consa- 
crée. Le cardinal San Severino, accusant réception de la lettre de Ludovic, 
à Pérouse, le 15 juin, fait des vœux pour la reprise de Novare à bref délai 
sur questi barbarie comme Ludovic en manifeste la pleine con6ance. 



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DÉFENSE D*ASTI, AVRIL-MAI 1495 2 

et. avec Faide de Dieu, chasser les Français au delà de la Ses 
(la frontière du Milanais). Notre armée s'organise sur i 
grand pied; Venise nous envoie un corps auxiliaire de s 
cents chevau-légers, vieux soldats façonnés à la guerre coni 
les Turcs. De jour en jour, nous attendons quatre ml 
hommes depiedet deux millechevaux; avec ces troupes, onpe 
chasser les Français et aller même porter la guerre en Franc 
En Parmesan, Venise oppose au roi huit mille gens de pi 
et trois mille lances, sans compter toutes nos troupes i 
Bolonais, chevau-légers ou grosse cavalerie. Ainsi, tout s'a 
nonce sous de merveilleux auspices. Néanmoins, ajoutait L 
dovic, nous nous confions surtout en votre fidélité, en vol 
aideur pour le repos du pays, en votre volonté de montrer 
valeurdes Génois. Voici l'occasion d'acquérir de la gloire. Vo 
êtes mes fils; je suis votre père. Soyez mes fils chéris, etc. *. 

Ludovic venait de recevoir une lettre de Charles de Fie 
que, du 19 juin, qui lui donnait des nouvelles de Charles Vi 
et qui lui annonçait décidément Tintention du roi de march 
sui 4fènes*. 

Louis, en quittant Asti, avait laissé la direction de la ville 
sou maître d'hôtel, Georges, bâtard d'Auxy % capitaine 

1) Guistiniani, CCLl. 

2) Arch. de Milan, Militarey Guerre^ 1495. 

3) D'Auxy était toujours resté son homme de confiance. Voici un te: 
qui en témoigne : 

M Nous Georges d'Auxy, conseiller et maistre d'ostel de Mons^ le duc d*( 
leans, de Millan etc., cerliffions a tous a qui il appartient que Jaques Hurai 
conseiller, trésorier, argentier et receveur gênerai des finances duditseigne 
a payé et baillé content la somme de dix livres dix sept solz six denii 
tournois par le commandement dudit seigneur a une demoiselle de Normand 
a laquelle ledit seigneur a fait don pour luy aider a nourrir ung petit enfa 
de laquelle somme.. .(etc.)..., le xv« jour d'avril, l'an mil lui • nu " 
quinze. 

George B. d'Aoxy. » 

{Tit. Auxy, n« 27). 



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202 HISTOIRE DE LOUIS Xn 

Blois, devenu, pour la circonstance, podestat d'Asti. D'Anxy 
dut céder, sans doute à contre-cœur, la capitainerie de Blois 
au sire de Sandricourt ' ; il reçut plus tard en dédommagement 
la capitainerie de Coucy ^ Un capitaine de gens do pied, Lau- 
rent Prévost, flanqué, pour toute compagnie, de quatre 
hommes d'armes, reçut la garde de la citadelle d'Asti'. 

En voyant s'aggraverles événements, Louis d'Orléans avait 
mandé son fidèle conseiller Georges d'Amboise. Georges se 
trouvait déjà à Asti lors de l'affaire de Novare, car nous voyons 
un marchand de Lyon, Georges Tourneron, chargé de porter 
à Moulins des lettres pressantes « de Monseigneur et de M. de 
Rouen » à Tévêque d'Albi*. 

1) Sandricourt fut nommé gouverneur de Blois en remplacement de Ghiyot 
Pot, par patentes ducales signées à Asti le pénultième avril 1495, contre- 
signées Cotereau (Vayssière, Le pas d'armes de Sandricourtyp . xxx). Ce- 
pendant Georges d'Auxy prend encore le double titre de podestat d'Asti 
et capitaine de Blois dans une procuration pour ses affaires, passée à Asti 
le 9 juin 1495 {TU, Auxy, 28). Il y a même de lui des reçus de gages comme 
capitaine de Blois, du 25'février 1495-1496, et du 28 juillet 1496 (td., 29,30). 

2) Reçus de gages comme capitaine de Coucy en 1496, 1497, 1500, fit. 
Auxy, no- 31, 32, 33,34, 35. 

3) nt. Orléans, XIV, 963. 

4) m. Orléans, XIV, 957. 



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CHAPITRE XIX 

SIÈGE DE NOVARE 

Tout le monde croyait Louis d'Orléans en voie de ( 
le duché; son succès fit, sur-le-champ, des prosélytes 

En voyant les coureurs français se répandre sur div( 
de la Rivière de Gênes, entre Savone, Ceva, Sestri Le 
delà de Rapallo*, les Génois paraissaient perplex 
rienlés, incertains *. Une poignée de Français fail 
s'emparer d'Alexandrie, la place forte et la ville gib 
excellence. Ces gens avaient profité de la présence de 
prisonniers français, pour nouer des intelligences dan 
sitôt la retraite de Tarmée milanaise : ils se préseni 
milieu de la nuit, sous les remparts, et ils allaient s" 
dansle château, quanddes religieux voisins, debout àc 
pour leurs offices, les entendirent par hasard et i 
l'alarme. Les Français prirent la fuite, non sans lai 
ques-uns d'entre eux aux mains de l'ennemi '. 

Les défections se multipliaient. A Milan, on faisai 
son deuil de Vigevano. Crémone et les villes du sud-e 
blaient pas beaucoup plus sûres; on s'attendait à ui 
ment de ce côté, dès que paraîtrait Charles VIII*. I 

1) Lettre du prolonolaire Stanga, 23 juin (Arch. de Milan, 6fi 
Louis avait envoyé d*Asti quelques troupes de ce côté. 

2) Giustiniani. 

3) Sanudo. Peut-être les Français venaient-ils d& Castellaz< 
envoie dans cette ville L. de Saint-Sernin chercher des noi 
Orléans, XIV, 956). 

4) D'Adria, Croniche delmarchese di Mantova (Archivio storii 
1879), p. 45. 



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204 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Antoine-Marie de SanSeverino prévient Ludovic qu'un de ses 
châteaux va être livré par un fils d^Alexandre Malvezzi, qui veut 
embrasser le parti des Français *. 

En même temps, Tun des conjurés de Novare, Jacques 
Caccia de Varallo, allait, de la part du duc d'Orléans et du mar- 
quis de Saluées, trouver Philippe Borromeo. Philippe appar- 
tenait à celte grande et riche famille des Borromeo * ,si intime- 
ment mêlée aux événements de l'histoire de Milan, surtout lors 
de la république ambrosienne. Jaloux de la puissance des 
Borromeo, Ludovic leur avait enlevé sans scrupule le comté 
d'Anglera et, pour mieux les brouiller, il avait jadis persuadé 
à Tun d'eux , Vitalien Borromeo, d'adopter le fils aîné de sa sœur 
Justine, Louis Borromeo, qui devint ainsi la souche de la 
famille Visconli Borromeo. Les Borromeo passaient, avec 
les Pallavicini (desquels était Tévêque de Novare), pour les 
plus grands feudataires du Milanais*. Philippe Borromeo 
tenait, en outre, aux Caccia de Novare par sa femme Fran- 
çoise Visconti; il possédait le château d'Arona, sur le lac 
Majeur. 

Jacques Caccia lui proposa d'introduire les Français à Arona; 
il n'eut pas fort à faire pour le persuader. Borromeo mit, sur le 
champ, à la disposition des princes français son château et 
tous ses biens. Caccia crut devoir le séduire par des promesses *: 
il lui offrit le titre de grand maître à la cour de France % ou tel 
autie qui lui plairait. Borromeo répliqua qu'il ne sollicitait 
aucune récompense; servir les princes lui suffisait. Ils pou- 
vaient occuper son château^ en faire leur place d'armes pour 

1) Arch. de Milan. 

2) V. Lilta, t. IV. 

3) Le P. Gius. de Guastalla, HistoiHa délia famiy lia Borromeay manuscrite, 
ital. 814, f. 44. 

4) Un Borromeo était capitaine dans l'armée milanaise opposée aux Français. 

5) Nouvelle preuve que Texpédition de Novare était autorisée par le roi. 



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SIÈGE DE NOVARE 

conquérir tout le pays*. Maximilien était bien rense 
quand il appelait avec instance Tattention de Ludovic si 
qui se tramait au nord. 

1) Voici le curieux texte, dont nous tirons ces renseignements. M. 

coni l'a déjà publié (p. 19), mais avec des incorrections, et en omett 

phrase relative à la conquête du duch6, phrase très importante, puis» 

constitue, jusqu'à présent, le seul témoignage authentique des projets ( 

d'Orléans (Arch. de Milan, Militarey Guerre, ii95: orig., pap. autogn 

« E vero, III™» S'* mio, che essendo el duca de Orliens et lo Marchi 

Saluza dentro da Novara, vene da me a Arona m. Jacomo Cacia da Vi 

a parlarme da parte de li pr^ Duca et Marchese, pregandome gli voless 

a Rocha, promettendomi se li daseva la dicta Rocha de farme gran m 

apresso il Re de Franza et darme tutto quelle sapesse domandare. 

respose che non mi volessino venire a dare altro impazo, che era tuti 

et che non era li per oflenderli ne farli despiacere, et che tutto quello 

aveva era al comando et piacer suo, et omne volte che vedesse potere s 

a robba et le persone, disponeria de la Rocha a petitione sua. Dopp 

tramare de la pace a Vercelli, li mandai uno messo a proferirli se pei 

poteva farli havere Victoria che tutto quello che posseva era al pia 

comando suo. E anchora vero, III»» S. mio, che, essendo capitato a 

uno messo del Thessaurero de Savoya, quale portava lettere alla Ex^ 

le tolse et mandai le lettere overo la copia per uno mio messo 

Duca de Orliens. Et e vero che la dispositîone mia ora che quando la 

de Arona potesse essere causa de fare havere el resto de questo Don 

Duca de Orliens, de darli liberamenle dicta Rocha in le mane. Quesl 

desmo li mandai a dire per Franc<=<» da Nibia et anche per Bap*» da Si 

era alias cancellero del conte Vitaliano et similmente per Aluysio, fac 

M* Fioramonte Vesconte, chel opérasse che la pace che se tractava 

Re de Franza et la Ex'>* Vra non se facesse che da canto mio non li man 

de darli tutto quello aiuto et favore che potesse, insieme cum la Rocl 

arli havere Victoria. Mandai poi ad epso Duca Petro Georgio da Nib 

ntendere in che modo se era conclusa la pace et como staseveno li ( 

et quando la pace non fosse conclusa, chel volesse operare che la nor 

cesse, che la Rocha de Arona et quanto poteva era al comando suo. I 

anchora a fare questa imbassata al p^^ Duca per Anseimo de Agaticl 

fu el messo che porto le lettere al p*<» Duca del Thesaurero de Savoi 

non restasse per mi de fare el ponte sopra Ticino et che, se lo volev 

gli insignarebe che haveva de le asse, et che io faria venire qualche 

el poi luy facesse li facti soi ; che so monstrarebe de non vedere, pur c 

Duca monstrasse che luy non ne sapesse niente. Dicto Petro Geor^ 

disse che, venendo el p'« Duca a Milano, Zoanne da Briosco, che sta ii 

Ticinese, haveva unito insieme una grande brlgata de génie, per ar 



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206 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

Les motifs que nous avons indiqués lièrent le duc d'Orléans; 
il dut refuser les portes qui s'ouvraient toutes seules devant 
lui. Philippe Borromeo demeura pourtant le champion ardent 
et audacieux des Français. Quelque temps après, on le voit 
arrêtera Arona un courrier du trésorier de Savoie à Ludovic, 
et envoyer au duc d'Orléans copie de la dépêche. 

Ludovic, accablé, n'espérait plus rien de ses sujets. San 
Severino lui-même refusa d'obtempérer à Tordre d'attaquer 
Novare, préférant, disait-il, « perdre Novare qu'une armée «; 
il ramena entre Vigevano et Milan ses sept cents lances, et ses 
seize mille hommes de pied*. Ludovic comptait enrôler des 
Suisses; à son grand étonnement, il trouva encore de ce côté 
de graves embarras. Berne et Zurich penchaient pour l'Empire 
et pour lui, mais le chancelier Louis Feer de Lucerne, ancien 
élève de l'Université de Paris, lui montrait peu de sympathie; 
Tévêque de Sion était son adversaire déclaré ; Lucerne, Uri, 
Schwitz, Zug, Underwald en désiraient un partage du Milanais. 
La nouvelle des événements de Novare révéla tout à coup uu 
travail souterrain de la diplomatie de Louis d'Orléans. Dès le 
13 juin, il fut question, à la diète de Lucerne, du partage des 
dépouilles de Ludovic* ; les Suisses demandaient, pour leur 
part, Bellineona, Lugano, Locarno, et même Arona. Le duo 



meltere a soccomano de le case et a guadagnare, et obe erano tanli bomlDi 
che li bastaria lanimo de prendere dicla porta et darla via. 

u E. Ill°^« D. Servitor, Pbilippus Borromeus, propria maau feci, et doman- 
do perdonanza per mille volte. » 

1) Sanudo. 

2) Abschiede, III, 484, 13 juin. Cf. aussi, pour ce fait et les événements 
de juillet, les procès-verbaux du 1" juin, des 9, 18, 28 juillet, td., p. 472, 
473, 479, 480, 485, 490 : W. F. von Mulinen, Geschichte lier Schweizer 
SôldneVi p. t45; Tr. Probsl, Die Beziehungen dvr Schweizerischen Eid- 
genossensckaftf édins VArchiv fur Schweizerische Geschichte ^ funfzenht. band, 
p. 119 et suiv. ; Ild. Fucbs, Die maildndischen Feldzùge der Schweiierf I, 
p. 201-226. 



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SIÈGE DE NOVARE 207 

d'Orléans en convenait et promettait, en outre, l'appui du roi 
de France. Ludovic gagna Feer, offrit à Lucerne une annu 
de 1,000 ducats, et, grâce à la pression impériale^ il arracl 
le 23 juin, la promesse d'un envoi de mille hommes ^ 

Il insista aussi^de toutes ses forces, près des Vénitiens, g 
nudo raconte que, dans une seule nuit» trois courriers milans 
arrîvèrentà Venise. Là, on était un peu tenté de tenir rigue 
à Ludovic: Tindignation patriotique, avec laquelle Guichard 
flagelle si éloquemment « cet homme né pour la jouissance 
la richesse^ si adroit banquier, soldat si misérable et si lâcfa 
menteur, traître et assassin », qui, à l'heure du péril, savait se 
lement se cacher et pleurer, auquel il fallait que sa femi 
Béatrix vint faire honte de sa lâcheté', trafiquant incapable 
se mettre entête d'un bataillon, cette indignation, ce mépr 
on réprouvait partout, et à Venise. On trouvait étrange q 
Ludovic, informé, surTheure, de la marche du duc d'Orléar 
eût laissé San Severino se replier, qu'il se fut borné à des pr 
clamations, à des agitations, à des dépenses, à des paroles < 
matamore. Il avait parlé de lever vingt mille hommes, d'ei 
voyer San Severino à Novare, d'y aller en personne, de rec 
voir comme il faut « les barbares ». Puis, rien! il se cachai 

Néanmoins, les Pregadi résolurent d'envoyer devant Novai 
trois cents stratiotes pour entraîner Ludoyic; ils firent passe 
le 13 juin, à Bernard Conlarini , qui commandait cir 
cents stratiotes campés à Asola, près de Crémone, l'ordi 
de se mettre à Tinstant aux ordres de Ludovic; ils envoyèrei 
même à ces stratiotes une paye d'avance '. Le Sénat vénitie 

1) t. di Liebenau, Archivio storico lombardo, 1889, p. 515. 

2) Alex. Sauvage, Cronaca, éd. par Desimoni, p. 71, et autres. 

3) Voici le texte de cet ordre : 

« Ser Bernardo Contareno, Ductori Strathiotarum nostiorum. Essendo s 
guita noyamente como non dubitamo haverete inlexo la défection et proditit 
inopinata di Novara dal illustrissimo signor Duca de Milano, babiamo del 



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208 HISTOIRE DE LOUIS XII 

se montra très ferme. Il rappela de Pérouse le capitaine Jaco- 
mazo da Venezia, pour lui donner le commandement général 
de rinfanterie. Le IS juin, il écrivit à son ambassadeur en 
Allemagne de dénoncer la trahison de Novare, de presser fort 
l'arrivée de Maximilienen Italie, ou, au moins, Tenvoî immé- 
diat de troupes, de hâter l'envahissement de la France par 
la Bourgogne. Il transmit en même temps copie d'un rapport 

berato cum el oostro Conseglio di Pregadi, ad instantia et requisitîone de 
Sua Excellentia, quale molta se conflda in la virlù, magnanimita et fede de 
quelli strenui et fîdeîissimi Slralioti, cum el soccorso de i quali sperade brevi 
soccorrer quella Rocba, et ultimar le cosse da quel canto cum prosperita : 
Che tutti li Strathioti predicii, quali havete guidati et condueti verso Bre- 
sana, ve dobiate conferir verso Milan, et quelli lochi dove sera il bisogno 
per far lo effecto predicto, et tuto quello che in quelle parte occorrera : pero 
cum el prefato Conseglio nostro di Pregadi ve comraandemo che subito rece- 
vute le présente dobiate dechiarir a Domino Petro Busichio et tuti li allri 
strenui capi de li Strathioti suprascripti, iidelissimi nostri, taie nostra deli- 
beralione : et cusi, senza indusia, ve levarette,et, volanlissime, ve conferirette 
verso Milano : et poi piu ultra proseguirelte juxta quello che per el prefato 
illuslrissiœo Signor Ducha ne sera rechiesto : al quai babiamo scripto faci 
opportuna provisione de arzi et biave per i loro cavalli : et perche non dubi- 
lamo, che a qualche uno de loro mancha le panciere, sapiate che habiamo 
scripto al nostro Orator a Milano, che de li, li debia proveder de esse pan- 
ciere, pero farette legnir conto del numéro, et a chi serano dalte per poter 
metter a conto loro corne è honesto. Sollicitate adonque el camin vostro, 
perche la cessa sopra tuto rechiede celerita, et in ogni luogo non solum 
cercherete de far cumli prefati fidelissimiCapi et Strathioti animosa et viril- 
mente come non dubilaino siaLe per far cum honor et laude, et de réputation 
délia Signoria nostra : ma ve forzarete si come fin qui avete facto in le terre 
nostre contenirli da ogni violentia et damno verso qualunque suddito et loco 
del prefato illustrissimo Signor Duca, et a questo ponerete ogni vostro spi- 
rito, come non dubitamo farette. 

«Circa veramente la paga de i Strathioti predicti, la quai babiamo facto 
conseguar al nobel homo Daniel Vendramin, pagador nostro, babiamo ordi- 
nato che, sil sara zonto in campo avanti le présente, ga siano subito numerati : 
se veramente anchora el non fusse zonto, babiamo ordinato al nostro prove- 
dador gênerai che subito ve mandi dicti danari drieto : et per non restate 
per questo de levarne subito et far quanto de sopra ve dicamo. 
« Lecte Collegio. Die xiii Junij 1495. » 

(Arch. de Venise, Secreto 35, 121 v*). 



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SIÈGE DE NOVARE 209 

de l'ambassadeur à Rome, relatif à « la cruauté, aux atrocités, 
aux massacres » de Charles VIII dans les États pootiflcaux..,; 
« c'était vraiment ne plus connaître de bornes! Envahir non 
seulement le bien d'autrui, mais celui de TEglise! Le Sénat 
faisait acte de chrétien (volontiers, il aurait dit croisade) en 
envoyant une flotte dans la Fouille contre les positions fran- 
çaises. Il réservait sa cavalerie, de jour en jour plus forte, 
pour aider le duc de Milan à recouvrer Novare, question très 
urgente et très importante : la plupart des stratioles d'Orient 
se trouvaient en route ». Bref, le Sénat pressait extrêmement 
Maximilien de s'exécuter'. 

L'envoyé vénitien à Milan, Sébastien Badoer, l'ami et le 
conseil de Ludovic dans son labeur des huit derniers mois, était 
revenu à Venise, depuis deux jours, présenter au Sénat le bi- 
lan delà situation de Ludovic : seize cents hommes d'armes, 
y compris Alphonse et Ânnibal Bentivoglio; 320,000 ducats de 
revenu (disait-il), sur lesquels il fallait prélever les dépenses 
du duc, de la cour et delà duchesse douairière; le marquis 
Hermès Sforza, frère de feu Galéas, toujours au château, avec 
la fièvre; la veuve de Galéas et son fils, un charmant enfant^ 
au château aussi, sous bonne garde*; le peuple, hostile à cause 
de mille exactions et d'impôts arbitraires; le trésor vide, avec 
une dette de 800,000 ducats, gagée sur les revenus des deux 
années à venir. Ludovic ne faisait rien sans l'avis de son as- 
trologue Ambroise ; il dormait peu, et commençait sa journée 
par une prière, après laquelle il expédiait lui-même le courrier. 
Il attendait tout de Saînte-Marie-des-Grâces, la fameuse Vierge 
de Milan ; il aimait sa femme et leurs deux fils. Il avait une 

1) 15 juin (Arcti. de Venise, Secreto, 35, 122 vo). 

2) Ludovic, non seulement la tenait prisonnière, mais, dès 1492, il avait 
cherché à la déshonorer en Taccusant d^empoisonnement (Trinchera, Codice 
Aragonese, II, p. II, 229). 

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210 HISTOIRE DB LOUIS XII 

peur extrême de la France, mais beaucoup de confiance en 
Venise, qu'il vantait à tout propos et dont il traitait Tenvoyé 
avec toute Tamitié possible *. 

Le 17 juin, le Sénat, officiellement informé de Tattaque 
du roi d'Espagne contre la France, écrivit enfin à Ludovic et 
à Maximilien que l'heure sonnait do marcher en avant. D 
touchait au terme de ses vœux*. 

Ludovic s'était rassuré en voyant son adversaire manquer 
l'heure favorable, se cantonner à Novare, et, au lieu de tra- 
verser le Tésin, comme le bruit en courait ', jeter un pont sur 
le Pô pour se rattacher solidement à Asii \ Il n'osait pas se 
risquer encore dans les rues de Milan, où se proféraient des me- 
naces publiques contre lui ; mais Tenvoi de toutes les médailles 
ducales à la monnaie lui valut cent cinquante mille pièces d'or 
à son effigie et cinquante mille pièces de billon pour la solde 
des troupes. La suppression du çuiniello, impôt additionnel du 
cinquième, établi par François Sforza^ et d*une surtaxe qui frap* 
pait le sel depuis 1490, l'amnistie à tous les condamnés et exilés 
du Crémonais sous condition de fidélité, calmèrent moins le 
pays que la nouvelle de l'arrivée des stratiotes. Par malheur, 
ces stratiotes, entraînés avec peine jusqu'à Crema, refusèrent 
nettement d'aller plus loin sans recevoir de paye ; puis ils 
exigèrent un supplément d'un ducat par mois. Gomme on per- 
dait beaucoup de temps en allées et venues à Venise, Ludovic 
promit ce ducal *. Le sénat vénitien voulait envoyer à Ludovic 
deux ambassadeurs extraordinaires, pour l'assister. Les per- 
sonnages désignés refusèrent. Il fallut en élire deux autres, le 

1) Sanudo. 

2) Sanudo. 

3) Ordre de Ludovic d'enlever les bateaux, 14iuin (Arch. de Milan, Gti^irc, 
1495). 

4) Sanudo, 383, 396. 

5) Sanudo. 



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SIÈGE DE NOVARË 211 

17 juin, lesquels invoquèrent divers prétextes pour ne paj 
partir davantage... Quant à Maxîmilien, loin de combler lei 
vœux des Italiens, il témoignait une certaine mauvaise hu- 
meur. Le 16 juin, il répondit simplement à Tambassadcu 
vénitien qu'il n'avait pas d'argent; Ludovic lui devait encon 
80,000 ducats sur la dot de sa femme et 100,000 dernièremen 
promis pour la descente en Italie; outre ces sommes, Maximi 
lien réclamait encore 100,000 autres ducats, pour complète 
ses armements de cinq mille chevaux et dix mille gens di 
pied. Lorsque l'ambassadeur demanda, au moins, des patente 
impériales pour lever des Suisses, Maximilien répondit rn 
core plus brusquement qu'on n'en trouverait plus : la France 
en avait enrôlé beaucoup, et Ludovic venait de prendre 1 
reste*. 

Le 18, Ludovic avait fait promulguer Tordre absolu à lou 
habitant quelconque de la juridiction de Novare, de prôlei 
serment, sous peine de confiscation, et la défense d'obéir au: 
ordres venus de Novare, surtout de la part d'un autre sei 
gneur •. 

Le 16 juin, cent cinquante cavaliers français de Novan 
poussèrent une reconnaissance vers Vîgovano : abordés pai 
Nicolas daCorezo, ils se débandèrent, non sans quelques perles 
San Severino, enflammé de ce mince succès, envoya défici 
Louis d'Orléans de sortir en pleine campagne : bravade i 
laquelle Louis ne répondit rien. 

Le 17, rentré enfin au château, dont il n'osait encore sortir; 
Ludovic reçut un groupe de grands propriétaires du duché, qui 
rassurèrent de leur dévouement; il se montra fort sensible à 
cette démarche, et manifesta l'intention de se mettre lui-même 
à la tète des stratiotes. 

1) Sanudo. 

2) Arch. de Milan, Guerre, 1495. 



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212 

L'horizon 

frontière du E 

toujours hési 

de plus en pi 

longtemps r 

réunissaient i 

Ludovic exih 

Doria, qui se 

négociations 

armée selon i 

troupe francs 

crues, et, dès 

que les effect 

cinq cent soii 

L'armée vé 

aussi chaque j 

chevaux, Rod 

paravant, entJ 

s y joignirent, 

paye, et le 19, 

elle passa V0{ 

Bergame, et l 

la continuité ( 

mier noyau de 

millehommes 

d'heure en hei 

voulait arrête 

1) G. Saige, £ 

p. XXII. 

2) Sanudo. 

3) Arcli. de Mi 

4) Sanudo : Bei 
i88i. 



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SIÈGE DE NOVABE 213 

çaise8,les autres italiennes, à deux mille francs-archers, et cinq 
mille Gascons et Suisses ' . D'ores et déjà, la lutte se trouvait en- 
gagée à partie égale, et cependant personne ne la trouvait telh 
toutes les lettres de Ludovic, les soins avec lesquels, d'heure e 
heure, il suit les mouvements de Charles YIII^ trahissen 
peignent son anxiété; et pendant que les gouvernements s 
liguaient, les peuples criaient: France/ France!, surtout àFei 
rare, chez son beau-père*. C'est que l'armée française comprc 
nait des Français qui se battaient pour leur pays sous les yeu: 
de leur roi, des Français pauvres et braves, tandis que les bar 
quiers italiens ne pouvaient mettre en campagne que des mer 
cenaires. Du général en chef au dernier des laquais^ tout éta 
affaire d'argent dans l'armée italienne, tout était tarifé'. San 
doute, elle débordait de ces rudes stratiotes albanais, célèbre 
par leur impétuosité et leur sauvagerie, toujours prêts à fon 
dre^ comme le gerfaut, de l'extrémité de l'horizon, sur un solda 
attardé pour lui couper la tète (car ils ne s'entendaient pas i 
faire des prisonniers) ; au retour de leurs expéditions terrifian 
tes, ces rudes batteurs d'estrade passaient à la caisse des com 
missaires de l'armée, où on leur payait un ducat pour chaque 
tête française qu'ils présentaient ^. Mais ce n'est pas par c< 
genre d'exploits qu'on gagne des batailles. 

Quant au corps d'armée retenu pour opérer contre Novare 
il se composait de sept cents lances auxiliaires et de dix mill< 
hommes de pied, formant l'armée de Ludovic, sans compte] 
une compagnie de quatre-vingts lances affectée à la garde d'A 



{) Rosminî, Hist. de J.-J. Trivulce, II, 216. 

2) Diario Ferrarese, c. 309. 

3) y. les considératioDS énergiques de Machiavel dans le Prince ^ chap. xii 
ziii, sur la nécessité d*ayoir des troupes nationales et non mercenaires, 
Cf. Guichardin : Alex. Sauvage, ouvr, cité, p. 73. 

4) Ludovic s'en vante dans une lettre à la marquise de Monlferral, Rosmini 
out;r. cUé, 218. Cf. Sanudo, p. 400, et autres. 



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âl4 HISTOIRE DE LOUIS XII 

lexandrie. Ludovic pressait instamment Tarrivéedes stratioles 
vénitiens, restés en grève, à Crema, dans Tattente d'un ducat de 
solde supplémentaire. Ludovic ne comptait pas attaquer No- 
vare; il voulait seulement bloquer le duc d'Orléans, empêcher 
sa jonction avec Charles VIII, Taffamer. Il obtint de la mar- 
quisedeMontferratlarupturedupont sur la Sesia, essentiel aux 
communications d'Asti avec Novare. Novare ne renfermait 
pas de provisions, et déjà Ton disait le duc d'Orléans dans la 
nécessité de faire des sorties pour s'en procurer. Ludovic at* 
tendait les stratioles pour ravager le pays et détruire impi* 
toyablement toutes les moissons. 

Enfîn^ Gontarini les enleva, ces stratiotes, non sans peine : 
ils se moquaient des promesses, ilsvoulaient de l'argent; Gon- 
tarini en envoya du sien. Le 21, il partit de Grema, avec les 
commissaires ducaux, venus pour le hâter. Gouchée à Lodi, la 
troupe entra le lendemain à Milan. Deux patriciens notables et 
quaire personnages de la cour la reçurent aux portes; les fau- 
bourgs regorgeaient d'une foule énorme de curieux, venue con- 
templer ses libérateurs. Ludovic Sforza, hardiment à cheval sur 
la place du Dôme, à côté de sa femme et de sa cour, attendait 
Gontarini, qui se vit comblé d'attentions. Les Albanais, avec 
leur3 grandes lances, leurs masses de fer et leur accoutrement 
bizarre, parurent si plaisants, que Ludovic demanda de les 
faire courir un peu devant le peuple, ce qui eut lieu, au grand 
plaisir de la foule. Un vaste banquet les attendait. La nuit 
suivante, sous une pluie torrentielle, deux patriciens milanais 
les menèrent à Vigevano. Là encore, Galéas, Antoine-Marie, 
et Fracassa de San Severino, Nicolas da Gorezo, Hugues de San 
Séverine, Scaramouche Visconti,bref, tous les seigneurs de 
l'armée les reçurent avec force démonstrations d'allégresse. Le 
camp allié comprenait maintenant, outre les stratiotes, huit 
cents lances, trois mille hommes de pied, cent chevau^légers. 



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SifeGB DE NOVABE 2lS 

t)n y attendait encoro trois mille Suisses ou Allemands, dont 
quatre cents arrivèrent en bel ordre le lendemain 23. 

A trois lieues de là se trouvait le campement français, dont 
les coureurs battaient le pays; on estimait sa force à huit cent 
cinquante lances, mille archers à cheval^ autant do chevau^ 
légers, huit mille hommes de pied. L'état-major se trouvait 
avec le duo en personne à Trocate, dont le château avait été 
livré par le commandant milanais Los Français occupèrent 
encore deux villages sans importance, pour prendre leurs 
aises derrière la ligne du Tésin *. Ludovic^ à tout événement, 
publia, par voie de grida^ une complète exemption d'impôts 
pour les vins, froments ou victuailles qui seraient amenés à 
Milan dans les trois jours. Son astrologue' lui annonça pour 
le 29 juin le désastre des Français. 

Louis d'Orléans commençait à se trouver fort embarrassé du 
manque de provisions et d'argent : il songea à créer uno taxe 
sur le sel, maisOpicinlc Blanc l'en dissuada chaudement. 

Georges d'Amboise tenait le premier rang dans le conseil : 
il était venu â Novare, et ne retourna que plus tard à Asti, 
pour recevoir le roi qu'il accompagna ensuite à Turin ', 

Gr&ce à d'assez gros envois d'argent, Louis put au moins se 
préoccuper d'assurer son ravitaillement en dehors de la Lom- 
bàrdie. Il préposa à ce soin Philippe Caccia, institué lieutenant 
du gouverneur du comté^, et chargea Secondino Malabaila de 
la surveillance de Tapprovisionnement quotidien de l'armée 

1) Sanudo. 

2} Ludovic et ga oour étaient extrômement superstitieux. Eu 1499, Michel 
de Busselo lui écrit, le 24 juillet, que Louis XII doit être mort ou mourant, 
dar deux mille personnes ont vu c( une étoile filante, à queue de feu » 
tomber vers la France (A. de Milan, Documenli Diplomatici, D»»»© Sforzesco). 

3) Tit. Orléans, XIV, 937. 

4) Caccia reçut 48 écus pour ga peine : il n'acheta du blé que pour 52 écus 
id., 956). 



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[6 HISTOIRE DE LOUIS 

1 Montferrat. Depuis quelque temps ai 
1 France des fournitures de blé ; n'os^ 
s bateaux dans la Rivière de Gènes, 
3 Final et au gouverneur de Nice pour 
e contrôleur Guillaume Doulcet^ réce 
emplit le rôle de commissaire des sub 

A Novare, à Trecale *, Louis se remi 
irer ses communications et l'arrivée 
ait de constants rapports avec la mai 
onstantin Arniti, devenus un peu pk 
>n chevaucheur Louis de Saint-Sernin 
Li le Petit*Loys, porter de bonnes m 
Iresse un Albanais prisonnier, il leur 
ent en contact permanent avec Alex 
ird de Bourbon, Jean de Louan, et a^ 

II accepte la soumission du comte S 
ni vient lui oiïrir sa place et ses gen 
)lde. Il commande en Montferrat des 
) gouverneur de Blois Mathelin Viart î 
uis en Suisse et en Allemagne, faire de 
lème temps, il expédiait en Suisse, à 1 
stesan, nommé Ferrari, auquel il doni 
omme duc d*Orléans, mais comme lie 
t, pour mieux accentuer encore le car 
t contresigner les pouvoirs par son ( 
îeorges d*Amboise, le marquis de Salu 
lourbon, François de Maillé^ Jean de . 
n numéraire envoyés à Altdorf perm 
edeux mille hommes; malheureusem< 

i) Quoique sa correspondance soit datée de 1 
côté de Trecale, vers Cerano (Sanudo, 441). 
2) TU. Orléans, XIV, 955, 956, 9Ô3, 96V. Vi 



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SIÈGE DE NOVARE 

au cours de ropéralion et Ton eut beaucoup de pe 
des soldats dans les cantons d'Uri et de Schwytz. 1 
chement s'ébranla seulement le 18 juillet, au mi 
contradictions ^ 

Le trésorier du duc venait de recevoir à Lyon ( 
d'argent, notamment 7,000 livres adressées de 
heureusement parvenir à Novare un convoi de 2 
sous la conduite d'un marchand lyonnais, Antoin 
de six hommes d'armes. Deux clercs de Lyon^ Je; 
et Martin, exécutèrent un autre apport; ils voulu 
mencer; mais, quand ils revinrent, ils Irouvëren 
vesii, et durent s'arrêter à Verceil'. Le trésor 
avait encore, à ce moment, plus do 20,000 livres 
duc •. 

Une sorte de fatalité pesa, en effet, sur les pr 
d'Orléans. Dès le premier moment, la discorde éch 
capitaines*. Opicin le Blanc et les conjurés de No' 
par leurs amis de Milan d'un succès éclatant, vouL 
ment pousser le duc en avant *. D'après eux, il i 
hésiter à poursuivre nettement l'aventure; un pa 
Milan, comme Nôvare, se donnait ; tout le monc 
peuple, souhaitait la destruction des Sforza : L 
même pas trouvé assez de gens de bonne volonté 
de défenseurs le château. Une députation de Mil 
dérables vint trouver à Trecate le duc d'Orléans 
ces instances ; ils allèrent jusqu'à offrir leurs enfâr 

Certes, Louis d'Orléans ne demandait qu'à se 

1) Liebenau, Arch,st, Lomb.y 1889, p. 611, et doc. n» IV. 

2) Tit. Orléans, 957. 

3) id., 964. 

4) Commioes. 

5) Sanudo. 

6) Commiiies. 



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218 HISTOIRE DE LOUIS XII 

suader \ II n'agissait point en conquérant» mais en souverain. 
On venait de faire prisonniers deux Milanais; il les fit babiller 
par son tailleur en bon drap gris de Rouen, leur donna des 
chausses, des bonnetSi des gants,... et les renvoya en cet équi« 
page...* . Il manda même à Trecate le maître de la monnaie 
d'Asti, avec une équipe d'ouvriers, pour y établir une mon* 
naie « pour fere et forger des gros de Millan » ^ Hais les ca« 
pitaines royaux ne partagaient point les vues des Novarais; 
ils ne connaissaient pas bien la situation ni le pays, ils ne 
pouvaient croire à la faiblesse de Ludovic, ils manquaient de 
confiance dans les promesses *. Bref, on perdit, en hésita- 
tions, en inertie, des journées d'une importance décisive. 
L'atelier monétaire ne s'installa ni à Trecate, ni h Novare, et 
Louis d'Orléans dut le renvoyer à Asti « pour besoigner esdits 
gros et autres choses, avecques M*" de Rouen ^.» Et, cependant, 
Tarmée vénitienne arrivait, prenait position, couvrait Milan. 

A Gènes, dont le roi revendiquait la propriété, comme le duc 
d'Orléans celle de Milan, mais où Ton se heuftait à une situa- 
tion toute différente, le roi tenta ce qu'il n'autorisait pas à 
Milan, et il échoua. Un parti français, fort de cinq cents che- 
vaux et de deux cents hommes de pied, sous la conduite 
d'Alexandre de Campofregoso % le propre frère de Fregosino, 
le prisonnier de Louis d^Orléans, vint de Pictrasanta et Sar- 

1) Il « brûlait », dit très justement rhistorien Qohori, de reprendre le 
Milanais (Histoire manusmte de Charles VIU^ lat. 5971, fol. 6)* 

2) Tit, Orléans, XIV, 959. 
3)W.,957. 

4) Commines. 

5) fit, Orléans, 957. 

6) Charles VIII détacha aussi dans la Rivière une « belle et solide bande » 
de seize cents à dix-huit cents « g«ntilz compagnons, » sous la direction du 
comte de Bresse. Cette tactique fut considérée comme fort imprudente, et très 
critiquée ; elle affaiblit l'armée française à la veille de la rencontre de Fornoue, 
pour laquelle il aurait fallu concentrer toutes ses forces (p. 167 de l'Histoire de 
Charles VI Hy par Godefroy). 



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SIÈGE DE NOVARE 219 

zana, sur la foi de pourparlers avec les amis de Gènes, tenter 
le 19 juin un coup de main sur la Spezia. Us furent reçus à coups 
de canon, repoussés, et perdirent quarante des leurs. Ce léger 
succès exalta les Génois. Jean Louis de Fiesque, qui, quelques 
mois auparavant, soutenait si vivement les Français contre 
son frère Hiblet, écrivit au duc do Milan une lettre de dévoue* 
ment à rencontre de ces mêmes Français, amis maintenant 
d'Hiblet. Ludovic prit les mesures dont nous avons parlé ^ 

Ces fâcheux incidents' rendaient la situation plus délicate à 
Novare ; le roi, ne pouvant plus songer à repasser par Gènes, se 
voyait obligé à un détour par Pontremoli et Fornoue, afin de 
forcer le passage des Apennins et de gagner, malgré larmée 
vénitienne, Asti par Plaisance, sur une route hérissée d'obs- 
tacles. 

Leduc d'Orléans se borna donc h battre le pays jusqu'aux 
portes de Vigevano, qu'il espérait sans doute surprendre. L'ar- 
rivée de six cents Allemands donna de nouvelles forces, et sur- 
tout du courage aux défenseurs de Yigcvano. 

Le 25 juin, une troupe de cinquante lances italiennes et de 
cinquante stratiotes, courant la plaine, parvint à joindre une 
petite reconnaissance de dix-sept Français : les stratiotes les 
attaquèrent hardiment, en tuèrent deux, en prirent deux; les 
treize autres s^écbappèrent. Galéas de SanSeverino et Conta- 
rini voulurent voir eux-mêmes les prisonniers et en tirèrent 
quelques renseignements sur les forces et la disposition des 
Français. Le lendemain, Ludovic, venu au camp, et Galéas 
montèrent à cheval avec presque toutes les troupes, pour 

1) Sanudo. 

2) Rappelons aussi qu'& Plse l'armée française, émue par les supplica- 
tions de la ville» 8*insurgea contre Tordre royal d'abandonner Pise. Briçonnet, 
Gié, Ganay faillirent être massacrés par les Suisses et les Français, en es- 
sayant d'intervenir. Arnold Ferron se demande s'ils agissaient « prece, 
precio, an reipublic» utililate » (éd. de 1569, p. 23). 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

• voir le pays : Tannée rencontra encore un peloton fran- 
de trente-neuf hommes, qu'elle captura aprës en avoir tué 
l Elle perdit un stratiole dont le cheval s'emporta et donna 
i le camp français. Ce faible exploit remplit d'aise Lu- 
c. Il fit distribuer des gratifications aux Albanais; mais, 
me l'observe le Vénitien Sanudo, qui rapporte cet inci- 
;, il s'empressa de regagner Milan, où il continua à redou- 
de protestations envers Venise et à trembler, 
uant à Maximilien, il s'ébranlait encore moins. Un am- 
ladeur du duc de Bourbon se trouvait officiellement à 
rms. Maximilien ne proposait plus aux Italiens que l'envoi 
lue de Saxe. Le duc de Saxe consentait à marcher, mais 
ennant 70,000 ducats d'honoraires personnels et la ga- 
ie d'un rachat immédiat, s'il était fait prisonnier ^ 
es Français paraissaient à Pontremoli : en même temps, 
ntrèrent àlaSpezzia sans coup férir, grâce aux Fregoso, 
e là^ ils occupèrent nombre de châteaux et de bourgades, 
la Rivière du Levant. La nouvelle en parvint à Venise 
ti. Le 27, un envoyé du roi s'était présenté à Bologne pour 
)ser à Jean Bentivoglio la nécessité de se frayer un pas- 
I : Bentivoglio répondit que, si le roi demandait amiable- 
t à Ludovic le passage en Lombardie pour rentrer en 
ice, Ludovic, sans doute, y acquiescerait volontiers; 
5 que vouloir passer de vive force entraînerait tant de 
Is qu'à ce compte la route par Gènes semblait préférable, 
endantque Bentivoglio donnait au roi ces perfides conseils, 
uc d'Orléans gardait ses positions, l'arme au bras, dans 
situation chaque jour plus difficile. Opicin le Blanc, Opicin 
loir et une cinquantaine de leurs amis de Taristocratie no- 
lise, le voyant systématiquement sourd aux démarches 

Sanudo, p. 424. 



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SIÈGE DB NOVARE 221 

des Milanais, émigrèrentà Verceil avec leurs objets les plus 
précieux. La garnison de Novare, fort éprouvée par la diffi- 
culté de ravitaillement Jeta un pont de bateaux du côté du 
Milanais; un capitaine d'infanterie milanaise^ aidé de pay- 
sans, parvint à enlever le pont et à emmener les bateaux, de 
sorte qu'il fallait tirer toutes les provisions de Yerceil. Bien 
plus, Béatrix d*£ste, honteuse de la conduite de son mari, qui 
ne voulait pas quitter le château de Milan, et ne songeait qu^à 
y faire des provisions, à y maintenir bonne garde et à im- 
plorer humblement Venise, Béatrix, cette noble femme, tout 
animée du souffle viril qui, dans Tltalie de cette époque, sem- 
blait passer de Thomme à la femme, sortit elle-même de 
Milan avec un grand nombre de dames et se rendit en pompe 
à Vigevano. Elle y reçut médiocre accueil ; sa fermeté même 
faisait plus cruellement ressortir les défauts de Ludovic. Elle 
se rendit au camp, avec les commissaires ducaux, et chercha 
à encourager tous ces hommes : elle pressa le capitaine d'agir 
et d'essayer quelque chose. Elle réussit ; le 27 juin, Tannée 
se décida à faire un mouvement. Gontarini et Galéas montèrent 
à cheval le 28 au matin, et sortirent de Vigevano à la tête de 
toutes leurs troupes, en ordre de bataille, très lentement, très 
prudemment. Le corps principal, composé des Allemands, 
était appuyé par les Italiens et les arbalétriers, et flanqué, à 
droite et à gauche, par deux ailes de cavalerie légère (stra- 
tiotes, chevau-légers italiens). La duchesse passa en revue les 
troupes dans la campagne, et rentra à Vigevano, laissant Tar- 
mée s'avancer sans coup férir sur la rive droite du Tésin, par 
la route de Trecate. Au bout d'environ trois milles, l'armée, 
comme fatiguée de cet efl'ort, s'arrêta au village de « Caxuol » 
(Casolnovo), l'ancienne grand'garde des Français. Gontarini 
établit ses hommes dans le village, et envoya aussitôt les 
stratiotes, avec des Allemands, reconnaître les ennemis dans 



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222 HlSTOttlK DE IaJUIS XII 

un rayon de trois milles: ses gens ne ronconlrërent que quel- 
ques traînards ou quelques maraudeurs, dont ils tuèrent trois 
et prirent une dizaine, parmi lesquels un homme d'armes '. 

Les mêmes capitaines qui avaient empêché le ducd*Orléans 
de marcher en avant s'opposèrent nettement à ce qu'il risquât 
la bataille, malgré la supériorité de leurs troupes. Ils esti- 
maient toujours que, dans la situation critique où se trouvait 
le roi, il ne fallait courir aucune chance, si faible fût-elle, que 
leur devoir consistait à se renfermer simplement dans No- 
vare, pour distraire, jusqu'au passage de Charles VIII, une 
partie notable des forces ennemies. Louis d'Orléans s'inclina 
de nouveau... Il ramassa ses troupes, et rentra dans la ville'. 

Le 28 juin, nous le trouvons encore à Trecate» où il signe 
des lettres patentes <. Le lendemain 29, sur la nouvelle de 
sa retraite, l'armée italienne s'avance et occupe, en avant 
de Novare, les deux positions abandonnées peu d'instants au- 
paravant, Cerano et Trecate, sans autre incident que l'enlève- 
ment d'une grand'garde]de douze hommes de pied, oubliée par 
les Français ou demeurée en arrière. Plus hardis, ou surtout 
mieux informés Jes capitaines français n^auraient pas laissé à 
l'ennemi l'avantage de l'offensive. La lâcheté de leur adversaire 
le mettait à leur discrétion et, quant à eux, leurs forces lesga- 
rantissaîent bien suffisamment contre toute surprise*. Voyant 
les Français battre en retraite, les Vénitiens crièrent par- 
toutàlafuitc, à l'épouvante. Un courrier de Louis, qui tomba 
entre leurs mains, leur inspira encore plus de hardiesse. Louis 
annonçait au roi sa décision de se renfermer à Novare ; il 
ajoutait qu'il ignorait la force exacte de l'armée do Vigevano, 

1) Sanudo. 

2) Commines* 

3) Fr. 26104, 1082. 
4)Gua22o, c. 171. 



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SIÂGE D£ NOVARB 223 

qu*on y voyait seulement des gens bizarres^ armés de lances 
et d*épées, avec une longue barbe et un chapeau sur la tète : 
en un mot, les stratiotes ^ C'était une grande faute des capi- 
taines français, de ne pas savoir mieux se renseigner, dans 
un pays où ils comptaient tant d'amis dévoués : c'en fut une 
autre, plus grande encore, de s'enfermer dans Novare, sans 
garder suffisamment les approches, et avec la quasi-certitude 
de ne pouvoir longtemps y tenir, faute de ressources. Louis 
d'Orléans n'y était pour rien; personnellement, de tous les 
partis possibles, il jugeait celui-là le pire. Du moment où l'on 
ne continuait pas sur Milan le mouvement offensif, il voulait 
absolument s'en aller, revenir à Asti, dans la direction du roi. 
Mais sa situation à la cour lui interdisait de prendre sur lui 
aucune décision. Il consulta son conseil^ qui crut devoir faire 
appel aux principaux capitaines. Les capitaines, uniquement 
préoccupés du salut du roi, décidèrent de rentrer à Novare, 
sans rien faire ', parti maladroit, mal conçu^ mal exécuté, que 
Louis d'Orléans paya cher. 

Cependant, l'approche de Charles VIII semait la terreur 
dans le nord de lltalie, bien qu'on lui opposât une force à peu 
près triple des siennes. Le Conseil des Dix de Venise, suivant 
son usage, délibéra à l'unanimité de faire empoisonner le roi. 
Un individu, un italien aux gages du roi , se chargea de ce 
soin, moyennant une grosse rélribulion. II comptait y réussir 
en donnant, d abord, des breuvages aux personnes de l'en- 
tourage'. La Rivière de Gênes se souleva tout entière en 
faveur de la France. Seule, la ville de Gênes résistait encore, 



1) Sanudo : Arch. de Milan, Lettre de Ludovic au protonotaire Stanga 
(3 juillet). 

2) Sanudo : confession de Saixonnage, à la date du 7 juillet. 

3) Arch. de Venise, Mislo, 26, 166. Cette délibération a été publiée par 
M. de Cherrier {Histoire de Charles VIII, II, 492). 



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224 niSTOiRii: de louis xit 

>u du moins le parti au pouvoir (nous avons dit qu*on avait 
Bxilé ses adversaires) refusait de recevoir comme âmbassa- 
leurs de France les cardinaux de Gênes et de La Rovëre et 
Hiblet de Fiesque. 

Gontarini vit de suite le parti à tirer de Tinexpéricnce des 
Français. Le !•' juillet, il se rapprocha de Novare, de manière 
ï serrer la place, et envoya des stratiotes vérifier quelles forces 
5e trouvaient par derrière, pour garder la route de Verceîl. 
Les stratiotes réussirent, en même temps, à couper plusieurs 
tètes, que la duchesse Béatrix d'Esté eut le dégoût de recevoir 
îtde payer au prix convenu; ils ramenèrent quelques prison- 
aiers^ de simples paysans, qu'il fallut renvoyer. L'aisance avec 
aquelle on laissait cerner Novare remplit de joie Tarmée ita- 
ienne, qui s'attendait à une résistance invincible; elle en 
profita pour se fortifier à loisir et se bien organiser ; elle respira 
ît entrevit la possibilité de vaincre. Les Français montrèrent 
AXïi de longanimité, de faiblesse, que, le 30 juin, trois archers 
taliens purent s'avancer jusqu'à la porte de la ville et y faire 
prisonnier un certain Bassan da Nicelli, bien connu comme 
idversaire personnel de Ludovic : Philippin de Fiesque l'avait 
adis fait arrêter et mettre aux cachots dans la citadelle, lui et 
m autre citoyen, et on les y avait laissés lors de la reddition *. 

Ludovic s'empressa de publier, à grand bruit, « ses succès » 
îontre le duc d'Orléans *. L'habileté sembla assez à propos ; car, 
le divers côtés il arrivait des nouvelles fâcheuses pour la cause 
milanaise '. Détail vraiment curieux ! le Sénat de Venise, mieux 
informé que les capitaines français, et eiïrayé de Timpopularilé 
le Ludovic, défendait formellement à ses capitaines de risquer 

1) Rapport d'Ant. Ma de San Severino, 1" juillet (Arcb. de Milan). 

2) Ârch. de Milan, Lettre de J. François de San Severino, « Giareolas, » 
^juillet. 

3) Ludovic en recevait à chaque instant (Arcli. de Milan). 



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SIÈGE DE NOYARE 225 

aucun combat, parce qu'à ses yeux le moindre échec de Tannée 
italienne ouvrait aux Français les portes de Milan. De plus, 
toutes ses forces se trouvaient en ligne; il n'avait conservé 
aucune réserve. Diverses circonstances donnaient encore au 
Sénat des inquiétudes. Il se voyait, à vrai dire, seul contre la 
France. Le rapport de son ambassadeur à Worms représentait 
Maximilien comme en proie à des tiraillements multiples, et 
encore bien éloigné d'une décision. Certes Maximilien con- 
tinuait à lancer des anatbëmes ; au nom de la France il semblait 
rugir, on eût dit qu'il allait lancer la foudre; sur toutes les 
limites de TEmpire, il voulait attaquer sa puissance, la saper. 
Le 29 juin, il adressait à Ferdinand et Isabelle d'Espagne une 
lettre extrêmement pompeuse, pour les remercier de leur envoi 
d'ambassadeurs ; il y parlait de ses grands apprêts, de sa grande 
armée à la veille de se mettre en marche. Mais il priait les sou- 
verains espagnols de marcher les premiers sur Naples, où lui- 
même, ensuite, marcherait....*. L'ambassadeur vénitien décla- 
rait franchement qu'il ne fallait plus y compter. 

A Ferrare, même irrésolution. Le duc Hercule partit, 
le i^"" juillet, dans la direction de Sarzana avec des chariots 
entiers de meubles et d'argent. Qu'allait-il faire? Où allait-il *? 
Il déclarait vouloir arrêter l'armée française, l'empêcher de 
nuire à son gendre : le Sénat de Venise se méfiait de sa 
manière de comprendre les choses. 

La première armée italienne, campée derrière Fornoue, à 
l'entrée des Apennins, dans une position magnifique, était bien 
reposée, solide, magnifique, étrangère aux agitations inté- 
rieures de la Lombardie ; l'approche de l'ennemi y soulevait un 
souffle belliqueux. Ses chefs ne goûtèrent pas les conseils de 

1)K. 1482. 

2) Ennemi juré des Vénitiens, le duc de Ferrare ne cberchait«ii pas sim- 
plement à mettre quelques objets précieux à couvert, à tout événement? 

ni 15 



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226 

prudence du Se 
réduit à un chei 

là qu'on l'attendait, on voulait le combattre, et la victoire ne 
semblait pas douteuse... Le Sénat décréta des prières et au- 
torisa la bataille S tout en s'inquiétant de poser les bases d'une 
armée de réserve. 

Galéas de San Severino, au contraire, digne émule de Ludo- 
vic, était un capitaine porté par tempérament aux mesure^ 
pacifiques. Il se flattait, en arrivant aux portes de Novare le 
1«* juillet, de trouver des intelligences dans la ville*; quelques 
heures d'attente vaine le détrompèrent, et il lui fallut écrire à 
Ludovic que la ville demeurait absolument hostile. Il recourut 
aux grands moyens du gouvernement pour frapper les esprits*, 
il fit sonner les cloches des villages, allumer trois feux de 
joie, tirer des salves de canon et d'arquebuse, pour célébrer 
des « bonnes nouvelles » imaginaires. Personne ne réponditV 

Il avait pourtant grand besoin de remonter le moral de son 
armée. Depuis l'arrivée à Vigevano, ses troupes ne cessaient 
de récriminer. C'était Tinconvénient des mercenaires, de man- 
quer d^enthousiasme et de mettre sans cesse le marché à la 
main à leurâ chefs. Ceux de Ludovic se plaignaient de man- 
quer d'argent, de ne pouvoir nourrir leurs chevaux avec 
Tavoine qu'on leur donnait; et les plaintes allaient toujours 
grossissant*. Les Suisses et Allemands, surtout, se montraient 

l)Sanudo. 

S) Un certain Franzosino, de Novare, avait déserté et s*était venu rendre 
aYànt la levée du camp d'Annone. Galéas lui fit grâce et accepta ses ofTred 
de service (Lettre de Galéas à Ludovic, Pernate, 8 juillet. Arch. de Milan). 
D'autre part, le 3 juillet^ un Albanais de Tarmée de Galéas vînt se rendre au 
duc d'Orléans, qui lui fit donner 3 écus d'or [Joursanvault^ 200). 

3) 1er juillet (Arch. de Milan, Guerre, 1495). Cette lettre officielle con- 
tredit le récit de Sanudo et de Gontarini lui-même (p. 468, de Sanudo). 

4) Lettres deGaléas,dePernate,4juillet,du 20 juillet, etc. (Arcb. de Milan). 
Ce fait ressort de toute la volumineuse correspondance de Galéas, et noua 
le signalons une fois pour toutes. 



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SIÈGE DE NOVARE 227 

insupportables. Antoine-Marie de SanSeverino, chargé de leur 
conduite, passait son temps à les tenir bien pourvus de tout, 
pour répondre à leurs exigences*. Cependant, les plaintes ne 
cessèrent pas un instant pendant la durée de la campagne, la 
correspondance de Galéas en témoigne. 

Voyant les portes de Novare fermées, Gontarini occupa ses 
stratiotes à faire le tour de la ville^ dans un périmètre assez 
étendu. Ces gens semèrent la terreur et la ruine dans la cam- 
pagne, ils ramenèrent des files de bestiaux^ et, chose in- 
croyable, sans le moindre incident ! Nalurellemenl enhardi, 
Gontarini établit son camp à un mille et demi des faubourgs, 
autour d'une villa nommée Pernate, d'où il pouvait surveiller 
les arrivées de convois par la route de Verceil, et où il s'esti- 
mait bien placé pour tenter un coup de main sur les conduites 
d'eau qui alimentaient Novare. 

Le même jour, on captura un arbalétrier, nommé Michel, 
porteur de lettres du duc d'Orléans ; Galéas envoyâtes lettres 
à Ludovic, qui répondit rudement de donner à Thomme des 
traits de corde. La femme de Michel vint se jeter aux pieds de 
Galéas et trouva moyen de le toucher; Galéas oublia le mari, 
et, un mois après, il écrivit à Ludovic, qu'il jugeait certaine- 
ment ce malheureux digne de la mort^ mais qu'il lui semblait 
plus convenable de pardonner*. 

Le soir, au moment où Ton se mettait tranquillement à table 
dans le camp italien, tout à coup retentit le cri « Aux armes ! » 
En une demi-heure, Tarmée se mit en ordre et sortit. Il ne 
s'agissait que d'une reconnaissance de sept cents archers à 
cheval ; Gontarini leur opposa un rideau de trois cents stra- 
tiotes et de deux cents chevau-légers italiens. On vit alors 

1) « Bene hedificali et con bono ordine, corne mi pare che simiie nalione 
ricerchi » (Lettre du 4 juillet, Arch* de Milan). 

2) Lettres des 2 et 7 juillet et 12 août 1495 (Arch. de Milan). 



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"■■-'? 



■ 






228 HISTOIRE DE LOUIS XII 

déboucher des faubourgs uue compagaie de cent lances et 
environ douze cents hommes de pied, qui venaient appuyer 
les archers. Contarini dépêcha de ce côté douze cents che- 
vau-légers. La ville de Novare, comme on sait, domine lé- 
gèrement une immense plaine, entrecoupée de fossés, de 
canaux et de rizières. Ce vaste champ-clos, témoin de tant 
de combats fameux dans l'histoire, se prête mal à Faction 
1^ de la cavalerie, de sorte que les deux adversaires se regar- 

f- dërent, sans beaucoup se nuire. Le chroniqueur vénitien 

Sanudo, dont nous devons, faute de mieux, suivre le récit un 
peu partial, raconte que les straliotes rapportèrent fièrement 
trois tètes piquées au bout de leurs lances; le sentiment général 
d*horreur n'empêcha pas le provéditeur de les payer. Sanudo 
parle aussi de douze morts parmi les Français, sans donner le 
chiffre des pertes italiennes. Le bruit s'accrédita que cette 
démonstration avait eu pour but de masquer la sortie d'un 
convoi d'artillerie, renvoyé par Louis d'Orléans à Asti; sans 
doute quelque artillerie légère inutile, à moins qu'il ne s'agît, 
au contraire, d'artillerie amenée à Novare; car, en matière 
de guerre, les nouvelles sont sujettes à se transfigurer. C'est 
ainsi que Ludovic, au reçu du rapport deGaléasqui constatait 
l'inanité de ses avances et l'hostilité absolue de la population, 
écrivait, le 2 juillet, à Jean-François Pallavicini : « L'ennemi 
est serré de près à Novare, et ne songe qu'à fuir; il est tout à 
fait apeuré, in grandissimo timoré. Nos troupes campent sous 
les portes de la ville. A l'intérieur, les habitants font grand 
tapage, ce qui nous remplit d'espoir*. » 

Les jours suivants se passèrent en escarmouches, où le 
chroniqueur Sanudo attribue sans cesse le beau rôle à son 
armée. Le 3 juillet, les stratiotes, informés d'une sortie des as- 

l) Rosmiiii, Vie de /.-/. Tnmke, II, 219. 



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SIÈGE D£ NOVARE 

sièges, enlèvent, sans tirer l'épée, une embuscade 
hommes de pied. Comme nous l'avons dit, un poi 
à Irente-six milles d'Asti, établi par le duc d'Orléa 
les communications avec Asti : Galéas envoya so 
tiotes et quarante arbalétriers y metire le feu ; 
vinrent en disant ne plus l'avoir trouvé. 

Le matin du 3, Galéas, sur Tordre de Ludovi 
cher de son armée soixante-dix lances et cent ch 
pour les envoyer à Gênes, où la situation se tenda 
génoise, forte de neuf galères et de quatorze gi 
sous le commandement de Brice Giustiniani, venait 
contact près de Sestri Calende avec la flotte fran 
seulement de sept galères, deux fustesy deux ga 
brigantin. Les Français débarquaient et se fortifia 
tofino, sur la pointe du golfe de Rapallo... 

Le même jour, on arrêta encore un porteur de 1 
frées du duc d'Orléans. Le roi avait invité le duc 
36 diriger sur Plaisance, où lui-même, disait-il, s( 
le 13 *. Le duc, à la date du 30 juin et du 1" juillet 
au roi la marche d'une armée milanaise sur Novan 
tait qu'il reslaità son poste pour y faire face. On d 
lettres et, pour montrer au duc d'Orléans qu'il les 
Galéas en remit copie le lendemain à un trompette 
tait une ambassade envoyée à Novare par la duchi 
voie. L'on en répandit aussi une copie plus ou me 

1) On pourrait voir dans cette communication un ordre in 
d'évacuer Novare; mais il est beaucoup plus probable que le 
situation exacte de son cousin , el ne savait notamment si 1 
Novare avait entraîné un déplacement des forces de Ludovic 
à Novare, Louis d'Orléans avait dépêché au roi, à Naples, 
aslesan, qui avait été fait prisonnier {Tit, Orléans, XIV, 9' 
d'évacuation pure et simple, aurait été purement et siu 
cuté 



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230. HISTOIRE DC LOUIS XII 

d*aprës laquelle la marche des Milanais semblait inspirer au 
duc d'Orléans les craintes les plus vives *. 

Le 4 juillet, les Italiens prirent quatre mulets chargés de 
pain, destinés à Novare. 

Galéas se livra, encore une fois, à une démonstration « de 
bonnes nouvelles ». Il en fit lire publiquement, pour qu'elles 
parvinssent aux oreilles de Tennemi, et il ordonna aux Grec$ 
(stratiotes), aux Allemands et aux Italiens de se livrer à de 
grandes réjouissances publiques'. Novare demeura sceptique : 
mais quantité de villageois ou châtelains voisins, qui avaient 
couru au devant des Français, vinrent se rendre avec empresse- 
ment* Pour faciliter ce bon mouvement^ Galéas fit restituer une 
grande partie du butin des stratiotes, animaux, argent, effets 
de toute sorte... plus de sept cents têtes de gros bétail*. Lu- 
dovic se hâtait de publier aussi ces nouvelles. Malgré sa joie 
officielle, Galéas apprit avec satisfaction, le 5 juillet, l'arrivée 
d'un nouveau renfort d'Allemands ; il résolut d'aller au devant 
d'eux jusqu'à douze milles de Novare, afin de « les soigner »*. 
Ce renfort arrivait sous la conduite de Sigismond Belsperger, 
un des capitaines de confiance de Maximilien ; huit cents autres 
lances allemandes se préparaient à Trente, pour partir au 
premier jour* Ludovic enfin battait monnaie, et empruntait 
50,000 ducats au gouvernement vénitien. 

Pendantl'absencede Galéas, Contarini, précédé de cinquante 
éclaireurs, s'en alla, à la tête de deux cent cinquante stratiotes, 
se promener près de Novare. Il essuya seulement quelques dé- 
charges de bombardes, de spingardes et d'arbalètes^. D'un autre 

1) Sanudo, qui la donne, ajoute : « con allre parole, ma questa è lacon- 
cluzione » (p. 460). 

2) Lettre de Pernate, 4 juillet (Arch. de Milan, Guerre^ 1495). 

3) Sanudo. 

4) Lettre du 5 (Arcb. de Milan, GuerrCy 1495). 

5) Sanudo. 



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SIÈGE DE NOVARB 23i 

côté, Gaspard de SanSeverino cherchait un endroit propice poui 
l'installation du camp milanais, sur le revers de la ville ; tout à 
coup, il voit un convoi, avec une escorte, poindre sur la roule de 
Verceil. C'était des chars de grain, tirés par des bœufs. Gaspard 
(à en croire son rapport) fond aussitôt sur le convoi^ avec 
soixante-quinze hommes seulement, met en déroute Tescorte, 
qui perd deux hommes, et s'empare de six chars, chargés de 
grain et de farine. L'éloignement du camp (huit milles) ne 
lui permit pas de profiler des dépouilles : un de ses arbalétriers 
emporta seulement la tète d'un des deux hommes tués. Gas" 
pard raconta avoir laissé la route si couverte de fuyards que 
a jamais il n'avait eu pareil spectacle ». Un autre rapport de 
Galéas confirma l'exploit de son frère \ Mais les Milanais et les 
Vénitiens campaient séparément et ne voyaient pas toujours 
les choses du môme œil : il arrive rarement que les rensei- 
gnements transmis à Milan par Galéas de San Severino et è 
Venise par le provéditeur vénitien se trouvent complètement 
d'accord. Ce jour-là, le provéditeur assista à une scène asses 
différente ; il vit des stratiotes en grand nombre attaquer le 
convoi, enlever d'abord les six paires de bœufs et donnej 
quelques coups d'épée dans les sacs de froment. Mais il vil 
Tescorte les repousser et introduire tranquillement le convo 
.dans la ville. 11 vil que le convoi comprenait de Tartillerie, sii 
passevolantSy expédiés d'Asti'. 

La tactique des stratiotes, sur lesquels reposait tout Tespoi] 
de l'armée italienne, consistait à harceler sans cesse leur ad- 
versaire. Le 7 juillet, leur escarmouche eut des conséquences 
plus sérieuses. Le temps était détestable et personne au camj 
ne se remuait. Douze d'entre eux tendirent une embuscade i 
quelques archers qui sortaient des faubourgs de Novare ; ili 

1) 5 juillet, devant Novare (Arch. de Milan ). 

2) Sanudo. 



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232 HISTOIRE DK LOIIS XII 

en vinrent aux mains, presque dans le faubourg^. L'éveil donné, 
deux cent cinquante slratiotes accourent, sous les ordres de 
Contarini, aider leurs camarades. Un escadron de cavalerie (de 
deux cents chevaux) et quelques gens de pied sortent de 
Novare. Les gens de pied ne purent résister ; les Novarais re- 
culèrent peu à peu jusqu'au faubourg, laissant quinze d'entre 
eux et trente-deux chevaux sur le champ du combat, et quatre 
hommes d'armes prisonniers, parmi lesquels M. de Saixon- 
nage, gentilhomme dauphinois, dont la perte fut fort sensible 
à l'armée. Le camp milanais, qui s'ébranlait, n'eut pas besoin 
d'agir. Nous ignorons le chiffre des morts de Tarmée italienne. 
Sanudo ne mentionne que sept blessés et un cheval mort. Des 
quinze victimes françaises, moitié gens d'armes, moitié ar- 
chers, les Français purent en ensevelir sept*. 

Ce petit succès exalta Ludovic qui, le jour même, adressa à 
Venise une dépêche de reconnaissance lyrique envers les 
Albanais. Il produisit, pour les Français, de fâcheux effets; il 
encouragea les assiégeants à persévérer dans leur tactique de 
guérillas, et à serrer de plus en plus Novare, en sorte que la 
situation du duc d'Orléans devenait inquiétante à cause du 
défaut de vivres. Informé de ce point essentiel par un espion, 
Gontarini donna, sur l'heure, l'ordre de lever le camp dès le 
lendemain matin pour occuper, à deux milles au delà de No- 
vare, un point appelé Minone*, afin de couper les communi- 
cations avec Asti. Ainsi, en quelques jours, les Italiens, si 
péniblement partis de Vigevano, avaient reconquis le territoire 
de Novare. D'un autre côté, Galéas envoya un trompette à 
Romagnano sommer les paysans de couper l'eau qui desservait 
la ville : les gens protestèrent de bonne volonté et de dévoue- 

1) Sanudo: rapport (beaucoup moins lyrique) d'Âat.-Marie de S. SeverinOy 
Pernate, 7 juillet (Arch. de Milan). 

2) Ou Minona (Lumellogno). 



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SIÈGE DE NOVARE 

ment, mais ils s'empressèrent d'avertir les Fra 
vinrent occuper leur hameau et celui de Gheme. P 
Fiesque se trouvait à Fontaneto; Galéas lui en> 
compagnies de chevau-Iégers commandées par I 
gamino et Jean de Castrono, avec quelques strati 
reprendre les deux bourgades. Philippin occupa G 
difficulté, et reçut Tordre de s'assurer également 
gnano, d'y laisser même un détachement — d'au me 
cents hommes de pied, — pour tenir événtuellem 
une sortie*. Vers la lonibée de la nuit, Galéas 
capitaine Michelange Visb, avec des fantassins^ occ 
gnago, pour couper aussi le canal par ce côté, ce qi 
Visb reçut la mission de rester près de là, pour su 
conquête *. 

C'est le soir de ce même jour qu'éclata une gr 
velle*. La bataille venait de se livrer à Fornoue enl 
de Charles VIII et les forces italiennes confédérées 
italienne comptait trente mille hommes, Tarmée 
neuf à dix mille, fatigués^. L'anxiété fut extrême, 
mières lettres du comte de Caïazzo et de Ferrare ai 
une défaite des Italiens. Bientôt, cependant, les Ita 
brèrent, au contraire, une victoire*. On parlait 
butin, on annonçait même la capture de Charles 

1) Dans un compte de cette époque, Louis d'Orléans donne i 
tion à un homme de Novare, pour avoir été plusieurs fois à chev 
gnan », pour faire venir de l'eau aux moulins de Novare (Tit, G 

2) Rusconi, Assedio di Novara, p. 23-iî4. 

3) Sanudo afdrme que Ludovic ne la reçut pas plus tôt (pei 
bâta-t-il pas d'en parler). 

4) Pour Fornoue, on ne peut que s'en référer à Texcellent i 
donné M. Delaborde. 

5) Décret du doge de Venise, du 13 juillet 1495, ordonnant 
branle tous les carilions, à cause de la con6rn^ation de la nouvelle 
minio » et « ruina » de toute l'armée française (lat. 10142, f° 3 



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'^ A umpi -' 



231 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Vénitiens éprouvèrent le besoin de fêtes extraordinaires. Le 
Sénat proclama François de Gonzague « foudre de guerre »• 
Sans doute , il perdait, disait -on, huit mille hommes, et il 
nestimait la perte desFrançais qu'à quatre-vingts « barons »: 
de plus, Tarmée française avait obtenu le résultat cherché ; elle 
passait ; néanmoins, le 8 juillet, le Sénat vota une adresse de 
félicitations chaleureuses à Gonzague, ce chef incomparable 
qui venait de se couvrir de gloires immortelles. .. Mêmes félici- 
tations au provéditéur des straliotes, avec le regret seulement 
que rien n'eût empêché ses hommes de se ruer sur les ba- 
gages*. Plein de reconnaissance per la detta vittoria/û dé- 
cerna à Gonzague un triomphe à la Romaine^ il lui donna 
10,000 ducats, une rente de 2^000 ducats pour lui, et de 1,000 
pour sa femme, le titre de capitaine général*. Gonzague se 
laissa faire et, pour perpétuer le souvenir de sa victoire, il com- 
manda à André Mantegna cette belle Madone de la Victoire^ 
que la France possède au Musée du Louvre '. De Venise, on 
écrivit en hâte la bonne nouvelle à Worms, à Rome, en Es- 
pagne, partout*. Venise rééditait les procédés de Gai éas de 
San Severino, la politique de « bonnes nouvelles*. » Le plai- 
sant est qu'elle parvint à se convaincre elle-même et à en 
imposer à la postérité; la légende fit souche. Ainsi, en jan- 
vier 1509, un orateur, Jean-Baptiste Egnacio, prononçant à 
Venise Foraison funèbre d'un des capitaines de Fornoue, Ni- 



1) Arcb. de Venise, Secre^o 35, p. 134 v*, 135. 

2) Gionla, Il fioretto délie croniche di Mantwa^ p. 74. 

3) V. Archivio st. Lombardo, 1883, p. 455. 

4) Sanudo. 

5) Le 5 juillet, la Teille de la bataille, Caïazzo écrit à Ludoyic qu'un dé- 
serteur franc-comtois derarmée royale annonce que le roi est battu, que ses 
gens fuient, à demi-morts de faim, dans tous les sens. Ludovic fait répandre 
des copies de cette lettre, à l'heure même où Tarmée royale battait ses 
troupes! (Arch. de Milan). 



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mm 



SIÈGE DE NOVARE 235 

colas Orsîni, coitile de Peligliano, dépeignait encore solennel- 
lement le triomphe deFornoiie, « malgré, disait-il, la frayeur 
du soldat italien, sa fuite lâche, l'absence et la perfidie de plu- 
sieurs alliés (Ludovic Sforza), qui ne voulaient point prendre 
paH au danger » ^ Aujourd'hui, ces dures restrictions ont 
disparu, et il se trouve des historiens pour parler de la fuite 
des Français. Pourtant, cette dépense de joie exubérante, les 
fêtes, sonneries de cloches, illuminations, processions, n'en 
imposèrent pas à tout le monde. A Ferrare, où Ton savait le 
fond des choses, on prétendait que la défaite avait dû être 
rude pour motiver tant de fracas *. 

La vérité est que la victoire éclatante de Charles VIII à 
Fornoue, le 6 juillet 1495, tinta un fil, et qu'il en ressortit 
pour le jeune prince une grande leçon. Vainement, les hommes 
expérimentés éprouvaient une cruelle sollicitude et jugeaient 
nécessaire de concentrer toute Tarmée pour cette action déci- 
sive ; Charles VIII et son entourage, surtout et y compris 
Trivulce, qui connaissait le terrain, ne doutaient pas un ins- 
tant du succès*. Trivulce voulut prendre le commandement de 
Favant-garde avec le maréchal de Gié, et se chargea de frayer 
le passage à travers les trente mille ennemis (ce qui eut lieu, 
en effet). Les lettres qui précèdent la bataille, même aux 
heures les plus critiques de la traversée des Apennins, respi- 

1) J. B. Egnalii, Veneli, Oratio habita in funere darimmi imp, Nie. 
Vrsini, Noix Petilianique principis, opusc. de 23 feuillets in-8® s. 1. n. d. 
Le chroniqueur milanais Da PauUo, parfois fantaisiste, va jusqu*à dire que 
Le More ne se trouva pas à Fornoue, « étant prisonnier des Vénitiens, » 
mais qu'à Tortooa il Ht ravitailler Tarmée frauçaise. Da Paulio oublie aussi 
de parler du siège de Novare. 

2) Diario Perrarese. 

3) Cet avis de Trivulce a été traduit et aonpliBé dans un opuscule intitulé : 
Oratio Jacohi TrivuUii ad Carolum octavum regem GalliWy de educendo exer- 
citu ex Italia per adverses hostes Italiœ conjuratos. In-4«, Paris, Prevosteau, 
MDCI. 



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"^^ 



236 HISTOIRE DE LOUIS XII 

rent toutes une incroyable forfanterie, et, au moment d'en 
venir aux mains, on n'engagea des négociations que pour la 
forme. Le 23 juin, le roi annonçait de Pise qu'il « faisait bonne 
chère », qu'il allait se rendre à Asti, « quoi qu'on dise » *. Le 
4 juillet, Engilbert de Qèves écrivait à Louis d'Orléans son 
arrivée, avec Gié et les Suisses, à cinq milles de Fornoue, 
« tous très délibérés, craignant seulement qu'on ne nous at- 
tende pas '. »Mais, en descendant de la montagne, on constata 
la présence de forces énormes, qu'on évaluait même à cin- 
quante mille hommes*. Charles YIII n'hésita pas: « Allons! 
dit-il, ce ne sont pas les gros bataillons qui font les victoires^ » 
et il se battit personnellement avec une extrême bravoure. 
Pourtant, si les slraliotes italiens ne s'étaient pas mis à piller 
les bagages au lieu de se battre, l'issue était bien douteuse ^ 
Quand ils purent se rendre compte du péril auquel ils échap- 
paient, les Français triomphèrent modestement, et rien n'est 
plus curieux que le parallèle de la modestie des vainqueurs 
avec l'exultation des vaincus. Nous avons le récit officiel de la 
bataille*, et une lettre écrite, le lendemain, 7 juillet, par 1^ 
sire deThevray ' à Louis d'Orléans, pour lui en rendre compte. 
Thevray, témoin impartial, raconte les incidents de la bataille 
en termes énergiques et simples. Il n'estime même qu'à trois 

1) Lettre de Graville, 3 juiIIet(Portef. FoDtanieu). 

2) La Pilorgerie, p. 321. 

3) Commines dit 40,000 : le roi muintiot dans les actes officiels le chiffre 
de 50,000 (Patentes du 5 février 1495-96, Conaraines, éd. Dupont, III, 425). 

4) Nicolas Barthélémy, de Loches (ms. no 868, fonds de la reine de Suède, 
Bibl. du Vatican). 

5) Il est à noter que le pillage attira, à la fois, les mercenaires des deux 
armées. Plus tard, Charles VIII ûi arrêter des aventuriers de sa propre 
armée qui y avaient pris part (Archives de Lyon, BB. 22). 

6) Publié par nous, Procédures politiques du régne de Louis XU, p. 665. 

7) Représentant de Louis d'Orléans au camp, el chargé de le renseigner, 
comme nous Tavons dit. 



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SIÈGE DE NOVARE 237 

OU quatre cents hommes d'armes et à mille hommes de pied la 
perle des Ilaliens, généralement évaluée à un chiflfre bien su- 
périeur. Les pertes françaises sont de trente ou quarante 
hommes. ThewtSiy agonie, en post-scriptiim, que Tennemi vient 
de faire des ouvertures de paix et que le roi envoie pour y 
aviser MM. de Saint-Malo, de Gié, de Piennes et d'Argenton 
(Commines)*. Quelques jours après, le 12, Charles VIII an- 
nonçait, en termes encore plus simples, son succès à sa sœur, 
M"* de Bourbon. Anne, on le sait, n'aimait point ces aven- 
tures ; elle avait prévu le péril et ne réclamait que le retour du 
roi. Charles VIII qui, jusque-là, ne parlait guère que de re- 
venir à Asti, lui dit avoir trouvé à Fornoue une grande armée 
réunie pour l'empêcher de passer. « A quoy, à l'aide de Dieu 
et Nostre Dame, a esté tellement résisté que suis venu jusques 
icy sans riens avoir perdu *. Au surplus, je foiz la plus grant 
dilligence que faire ce peut de passer oultre, et espère de brief 
vousveoir, ce que je désire...* » En France, quand on connut 
les détails, quand on sut comment le roi avait « passé, à peu 
de compaignye, sur le ventre de toute leur mesnye* », on 
traita de miracle la victoire : on Tattribua aux prières de saint 
François de Paule', et le bruit courut même que la Sainte 
Vierge, protectrice de la France, avait apparu aux Français 
durant l'action *. 

Louis d'Orléans conçut alors pour l'armée vénitienne un 
mépris qu'il ne dissimula jamais, et qui eut de graves consé- 

1) La Pilorgerie, p. 349. 

2) Sauf tous ses bagages. 

3) Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, Autographes, (I), 1, no 41. 

4) Epitaphe de Charles VIII (par Octovien de Saint- Gelai s), publiée par 
MM. de Montaiglon et Rothschild, Anciennes poésies, VIÏI, 96 : fr. 1721, 
fol.34:fr. 10420. 

5) Libellus, dans le Procès de canonisation de saint François de Paule. 

6) Bellumgesfumapud Fomovium, poème latin; lat. 14154, fol. 13 v«. 



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i HISTOIRE DE LOUIS XU 

îuces. Un jour, en 1499, ayant appris une défaite de Tannée 
litienne en Frioul, il disait à roraleur vénitien, alors pour- 
t son ami : « Vous autres, Vénitiens, vous êtes sages en 
cours, vous êtes pleins de richesses; mais vous êtes 
ivres d'âme et de courage sur le champ de bataille. Vous 
)2 si peur de la mort! Nous, quand nous nous battons, c'est 



ir vaincre ou mourir 



« î 



Charles VIII passa toute la journée du 7 à une lieue du champ 
bataille, pour enterrer les morts. Grâce à la chaleur et à la 
ie, la plaine présenta bientôt un aspect épouvantable ; une 
Bction atroce se répandait au loin ; Galeoto de laMirandole, 

y passa quelquesjours après, demeura terrifié de ce spectacle 
are dans les guerres dltalie, et écrivit à Ludovic pour pro- 
;er l'érection d'une chapelle expiatoire en cet endroit*. 
Charles VIII s'éloigna ensuite à marches forcées par Parme, 

Plaisance, dont on enfonça à coups de canon les portes et 
it on massacra les gardes, puis, pour éviter Alexandrie, 

Capriata et Nizza ; après sept jours de cette course sans 
ve, l'armée arriva enfin, harassée, à Asti. Quelles épreuves 
LS ces sept jours, dans celle/z/?7e de septjours, comme disaient 
Italiens, qui n'osaient plus attaquer'! Commines, qui en fit 
lie, Benedelti, qui suivait, nous en ont laissé une description 
ante, et surtout vécue. L'armée s'en allait à la grâce de 
u, brisée de fatigue, sans pain, sans sommeil^ les habits en 
ibeaux, sous une chaleur affreuse, à travers l'interminable 
ne de Lombardie, trouvant partout les ponts enlevés, enler- 
t sur le bord du chemin les soldats qui expiraient I Heureux 
possesseurs d'un peu de mauvais pain ! On buvait, dans les 



Diarii di Marino Sanuto^ III, c. 11. 

Parme, 14 juillet (Arch. de Milan). 

Le 9 juillet, Jean Visconti écrit à Ludovic la « bonne nouvelle de la 

du roi de France » (Arch. de Milan). 



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SJÈGE DE NOVÂRE 239 

fossés du long de la route, une eau saumfttre et jaune; les gens 
d'armes s'y précipitaient jusqu'à la ceinture pour se rafraîchir 
un peu, en se désaltérant. Aucun ordre, en rien, non pas, dit 
Commines, « par faute qu'il y eut des gens bien expérimentez 
en l'ost, mais le sort voulut que ceux-là avoient le moins de 
crédit. Le roy estoit jeune et voluntaire. . . » — « Les Français, 
dit Bembo, l'historien de Venise, sont sans rivaux à la bataille, 
mais ils ne savent pas supporter les privations et la misère. » 
Cette fois-là, comme dans d'autres circonstances analogues, 
ils s'en tirèrent, en ne cessant pas de rire et de s'amuser ' : 
des troupes de personnes, médiocrement recommandables, 
escortaient encore Tarmée.... Chose remarquable, il ne se 
perdit pas, dans la route, une livre de poudre *. Charles VIII 
fuyait y dit Bembo, dit Schiavina, disent tous les historiens ; 
néanmoins, le Sénat de Venise s'irritait de voirTarmée italienne 
rester à distance : il lui envoya, le 9 juillet, un ordre formel 
d'attaque*. Le même jour, 9 juillet, Baptiste Visconti écrivait 
à Ludovic : « Tout le monde est épouvanté des progrès du roi. 
Quant à moi, je suis plus rassuré, sachant les Français fatigués 
et affamés. C'est la faim qui les fait marcher *. » 

Ludovic, malade, confiné dans sa chambre, ne décolérait pas 
lui-même contre la faiblesse de ses troupes et de ses amis. Un 
brave homme, Bertr. Marie Rossi, qui s'était fait fort d'arrêter 
l'armée française à Berceto, en plein Apennin, adresse, le 
13 juillet, ses excuses de l'avoir au contraire reçue, hébergée 
et nourrie *. Fracassa de San Severino, envoyé à la tête de 
troupes importantes garder Plaisance, fit à Charles VIII les 



«)Canlù, Histoire des Italiens (trad. Lacombe), Vif, 243. 

2) Commines. 

3) Arch. de Venise, Secreto, 35, p. 136. 

4) Arcb. de Milan. 

5) Arcb. de Milan. 



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240 HISTOIRE DE LOUIS XII 

hoaneurs de la ville avec beaucoup de courtoisie, Charles VIII 
respira en arrivant le 12 à Capriata, terre de Trivulce* : il 
entra le 15 à Asti, où l'attendaient en abondance des vivres, 
préparés par Georges d'Amboise, et où Tannée resta jusqu'au 
27 juillet pour se refaire*. Mais, en arrivant à Asti, le roi y 
trouva une très mauvaise nouvelle, que Ton connaissait à Milan 
depuis le 13 : Naples venait de se révolter. 

A Novare, la situation du duc d*Orléans devenait tout à fait 
malheureuse. Par un scrupule politique, Louis n'avait autorisé 
aucune réquisition; il faisait venir les vivres et les payait*. 
Au milieu d'un pays plein de blé et de bestiaux, son armée, 
depuis le siège, commençait à souffrir fortement. Le duc 
devait déplorer son inexpérience. Bien muni de vivres, il aurait 
pu tenir : les assiégeants s'appliquaient seulement à Taffamer. 
Depuis fort longtemps, l'armée royale, à son très grand éton- 
nement, ne recevait plus de nouvelles du duc d*Orléans, on 
sait pourquoi. C'est à Capriata que Charles VIII connut la situa- 
tion de son cousin. Le bruit courut alors, à l'indignation géné- 
rale, que Ludovic cherchait à faire assassiner son adversaire; 
il aurait même donné dans ce but 10,000 ducats à un capi- 
taine, mais l'assassin échoua et fut arrêté 4. 

Louis d'Orléans maintenait pourtant des communications 
avec le dehors. Il venait encore, le 5 juillet, de recevoir de l'ar- 
gent, 17,884 livres 1 1 bOus, « pour convertir au fait des guerres, 
pour le recouvrement du duché de Milan • ». Cet argent pro- 

1) Lettre à M"« de Bourbon (Bibliothèque de Saint-Pétersbourg, Auto- 
graphes^ (I), 1, 41). 

2) N. Gilles. 

3) De ses deniers, bien entendu, même le blé destiné à la ville (Joursan- 
vaultf 201) ; il faisait faire aussi des arcs et des trousses d'arc'par un cer- 
tain Hugues Hocquin, faiseur d*arcs {id,, 200). 

4) La Pilorgerie, p. 359. 

5) Nouvelle affirmation de l'avis personnel du duc d'Orléans sur l'oppor- 
tunité de Tnnrcher en nvant de Novarp. 



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SIÈGE DE NOYARB 

venait, pour 10^000 livres, d'un engagement à L 
^ ville, de la seigneurie de La Ferté-Milon, pour 

i de Temprunt à Tévêque d^Avranches \ 

Mais les escarmouches des jours précéden 
l'avantage à ses adversaires*. 11 voyait la place s 
près par un ennemi deux fois plus fort, ses g 
Fépée dans les reins jusque dans les portes de 
sieurs de ses meilleurs soldats, MM. de Saixonna 
Le Roy Pépin, le bâtard Charles, blessés et 
Comme l'écrivait Graville à Du Bouchage, c 
« sont ennuyeuses : el n'en faictes pas grant bn 
je ne veux pas estre porteur de telles nouvelles» * 
bon, de plus en plus inquiet, convoquait d'urgen 
délégués des villes pour leur communiquer la V( 
pelait toutes les garnisons d'Artois et de Picardi 
\ forcer les compagnies d'outre-monts, non pas ei 

quérir Milan, mais « pour le recueil et seureté de 1 



1) K K. 902, fol. xxvii. L'évoque Geoffroy Habert avait 
d'argent empruntés par lui à Jean Masselin, sur le pied de 11 1 
pour 1,100 liv. (mais cet argent n'avait produit que 10 liv. 1' 
1,085 livr.), et 346 marcs 3 onces 2 gros de vaisselle de bu 
eu argent blanc, pour 3,749 liv. 

2) Bembo. 

3) Procédures politiques du règne de Louis XII, p. 666. 5 
probablement Jean de Sassenage, gentilhomme dauphinoii 
trouver compris dans la levée du ban et arrière-ban du Dau[ 
de Sassenage était connue depuis le règne de Louis XI p 
BeaumoQt », Marie de Sassenage, veuve d'Âmblard de Bea 
de Montfort, qui passait pour avoir été la maîtresse de Le 
Brizard, Histoire générale de la maison de Beaumont, 1, 517 
A. de Gallier, La baronne de Clérieux, p. 107). 

4) L. de Lincy, Vie d'Anne de Bretagne, IH, 154. 

5) Stein, ouvr, cUé, n« xxix. Il avait pensé d'abord à ui 
vocation d'États généraux à Moulins (Archives de Lyon, AA 
des seigneurs, du clergé, des échevins du royaume à Mou 
aux moyens de secourir le roi). 

111 



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242 HISTOIRE DB LOUIS XU 

mondît si^' le Roy à son retour de sa conqueste de son royaume 
deNaples*». 

Galéas menaça son prisonnier Saixonnage de lui faire cou- 
per la tète par des stratiotes, qu'on introduisit même dans la 
chambre, s'il ne répondait à ses questions sur la situation du 
duc d'Orléans. Saixonnage, épouvanté, se jeta à genoux et crut 
sa dernière heure venue; il déclara que le duc d'Orléans était 
extrêmement populaire à Novare : le prince quittait peu sa 
chambre % mais il donnait audience deux fois par semaine; 
Georges d'Amboise, le sire de Louan, gouverneur d'Orléans 
et de Novare, M. de Maillé formaient son conseil et le véritable 
gouvernement; il aurait, dès le second jour du siège, évacué 
Novare, sans l'avis contraire des capitaines. Quant aux pro- 
visions, il en avait à peine pour un mois. Les forces ducales 
montaient àcinqcentslances(représentantgénéralement quatre 
hommes à cheval par lance) , deux mille archers, cinq mille Alle- 
mands à pied, presque tous arbalétriers. La paye se faisait ré- « 
gulièrement par trimestre, à raison de dO écus par mois pour 
les gens d'armes, de 6 pour les archers, de 3 pour les gens 
de pied*. Le duc a dans ses caisses la paye de tout un semestre*. 
Il a demandé à Asti un secours de deux cents lances. Pour 
contrôler le dire de Saixonnage, Galéas fit cruellement torturer 
un archer, sans lui arracher rien de plus, sinon que cet 
archer, qui arrivait de Gascogne, avait vu, sur la route, la 
France entière s'ébranler, pour venir au secours de son roi*. 



1) Ordre de monstre, pour les compagnies Grand sénéchal de Brézé, 
D'AIbret, Graville, De la Forest, Philippe du Moulin, Gomie de Ligny et 
autres, « qui ja sont oullre le Rosne et es montaignes, sur le chemin de 
ladite villed^Ast », 13 juillet (K. 76, 4. Cf. TU. Orléans XIV, 957 : fr. 20590,20). 

2) Il était encore malade, mais Saixonnage ne le dit pas. 

3) Une paye eut lieu le 20 juillet (Sanudo). 

4) Sanudo. 

5) Sanudo. 



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I^IÈGE DE NOVARK 2i{ 

Le 8 juillet, sur les nouvelles de Fornoue, Galéas contre 
manda tout ordre de déplacemenl^ D'ailleurs la pluie tombait i 
torrents et les rivières débordaient. Des espions assurèrent que 
très ému des événements, mis au courant par Commines de 
négociations pendantes avec Ludovic, le duc d'Orléans voulai 
encore, suivant Tavis de Commines, se rendre à Asli près di 
roi; mais, de rechef, son conseil le retenait. Galéaâ ordonn 
de redoubler de vigilance. Le 10, voyant les eaux baisser, i 
décida de traverser le lendemain TAgogna et d'occuper Mi 
nona^ de manière à couper la route de Yerceil, c'est-à-dire h 
source des secours et des approvisionnements*, ce qui eut liei 
le soir du H, non sans difficulté, à cause de l'état des routes 
impraticables pour la cavalerie. 

La fertile et magnifique campagne de Novare est traversé 
par quatre grandes routes, venant de Yerceil, de Trecate c 
Vigevano, de Galliate et Milan, et enfin du nord dans la direc 
tion d'Arona : il s'agissait d'occuper solidement ces quatr 
artères, en dehors desquelles les canaux et la nature du sol n 
permettaient pas de circuler. Dans la nuit du 12 au IB.Tarmé 
italienne occupa la roule de Yerceil et quelques chemins ru 
raux moins défoncés que la grande route. Elle fit sauter tou 
les ponts, et n'épargna que les simples passages des champ 
à la route. 

Le 13 juillet, dans une reconnaissance de soixante-dix stra 
tiotes^ Gontarini captura six chevaux, harnachés si misérable 
ment^ qu'ils ne valaient pas en tout vingt-quatre ducats. Ces 
le soir de ce jour qu'arriva une estafette annonçant la rentré 
de Ferdinand à Naples. On juge si Galéas se priva du plaisi 
de donner la « bonne nouvelle » et de multiplier les signe 
d'allégresse, lien avisa aussitôt la duchesse de Savoie. Intri 

i) LeUrc à Ludovic (Arch. de Milan). 
2) Lellre du 10 juillet (Arch. de Milan). 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

1 bruit du camp, Louis d'Orléans envoya jusqu'aux ve- 
ennemies deux parlementaires, demander ce qui se 
t. Galéas se trouvait là, il leur donna généreusement 
le la dépêche ; « mais auparavant, dit-il, je fis annoncer 
veile a mio modo^ ». 

5, trois cents stratioles s'avancèrent dans les faubourgs, 
^rent plusieurs maisons, sans que les assiégés parussent 
mouvoir*. 

dant ce temps, Tarmée du marquis de Mantoue, renon- 
la poursuite du roi, traversait en hâte le P6 et marchait 
ment sur Novare. Le 16, Contarini et le comte de Peli- 
apprètaient son campement. Tout d'un coup, les 
es signalent une sortie des assiégés^ une sortie sérieuse, 
inces, six cents archers achevai, deux cents Allemands, 
i mit aussitôt ses troupes sur pied; Contarini forme de 
is escadrons d'Albanais une aile détachée et leur fait ju- 
ous de mourir^ s'il le faut. Sans tarder, il esquisse avec 
i mouvement tournant. A cette vue, les assiégés reculent 
rent, laissant dix morts et quatre mortellement blessés, 
atiotes revinrent, aux acclamations de l'armée italienne. 
rs, on porta aux nues Contarini comme un grand capi- 
: le provéditeur Pierre Duodo, qui arrivait avec les 
tes de Fornoue, lui offrit le commandement général, 
u'il ne fût pas provéditeur, mais simplement « direc- 
. Le Sénat lui adressa de chaleureux compliments et 
de mettre personnellement à sa disposition une bande 
le de stratiotes : on lui envoya aussi de l'argent '. 
; reçut le 15 un nouveau renfort d'Allemands; mais ses 



tredu 13 juillet (Arch. de Milao, Guerre, 1495). 

iiudo. 

Qudo. 



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SIÈGE DE NOVA RE 245 

hommes se plaignaient toujours de manquer de pain et de 
vin, et, disait-il, « ils ne sont pas gens à en manquer » ^ 

Il semblait donc que tout se réunit pour accabler les Fran- 
çais. Le 16 juillet, Ludovic reçut encore la nouvelle d'un 
grand succès^ dans la Rivière de Gènes dont le sort restait jus- 
qu'à présent indécis. Baptiste Fregoso y tenait la campagne 
pour la France, avec ses gens et quelques troupes jadis déta- 
chées d'Asti par le duc d'Orléans ; il paraissait compter à bref 
délai sur Tappui de l'armée royale, mais, une nuit, Jean-Louis 
de Fiesque et Jean Adorno, débarquant silencieusement avec 
six cents hommes, surprirent Rapallo, s'emparèrent sans coup 
férir du petit détachement français qui l'occupait, et de toute 
la flotte française mouillée dans le golfe, c'est-à-dire de dix ga* 
1ères et de deux gros galions. Le sire de Miolans, qui comman- 
dait un de ces galions appartenant à Baptiste Fregoso, fut taxé 
à une rançon de 10,000 ducats; il fit remettre à Hiblet de 
Fiesque toute son argenterie, avec prière de l'envoyer en Pro- 
vence, pour acheter de suite sa libération*. Ce nouveau succès 
servit extrêmement Ludovic. La marquise de Montferrat sem- 
blait (ajuste titre) dévouée à la France, et Galéas l'accusait de 
faire construire des ponts pour le service de Tarmée française'. 
Ludovic s'empressa, le 16 juillet, de lui transmettre les nou- 
velles de Gênes, sans les atténuer en rien*. Quelques jours 
après, Ludovic faisait démentir le bruit que la marquise livrât 
son pays aux Français : bien au contraire, elle concentrait de 
l'artillerie à Pontestura et au château de Casale, et « dit 
qu^elle ne veut pas de Français chez elle » ^ 



1) Lettre du 15 (Arch.de Milan). 

2) Ag. GiustÎDiani, Annali di Genova, 

3) Lettre du 15 juillet (Arch. de Milan). 
4)Rosminî, Histoire de J.-J. Trivulce, 11,217. 
5) Lettre de Galéas, 21 juillet (Arch. de Milan). 



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246 HISTOÎHK DE LOUIS XU 

11 fallait arriver à une lutte suprême; des deux côtés, on 
fourbissait ses armes. Charles VIII réclame de nouveaux 
secours de France, des enrôlements en Suisse. Le docteur de 
Ferrari, au nom du duc d'Orléans, avait, le 24 juin, renouvelé 
à la Diète helvétique ses précédentes offres, et garanti, en cas 
de conquête du Milanais, le maintien des anciens privilèges, si 
ce n'est plus : il avait fait ressortir l'utilité d'un souverain ami 
à la place d'un ennemi tel que Ludovic. La petite bande qu'il 
avait réussi à enrôler dans les cantons d'Uri et de Schwytz 
avait reçu son chef et son drapeau le 18 juillet, et malgré la 
Diète, elle insistait encore près des confédérés pour être suivie*. 

Ludovic continuait aussi ses instances de ce côté. En 
Italie, son seul appui restait Venise *. Florence traitait avec 
CharlesVliP: tous les petits princes et seigneurs tenaient, plus 
ou moins, le langage de Gilbert Pio da Carpi, qui écrivait, 
le 13 juillet, à Ludovic une lettre désolée : a J'ai dépensé 
^,000 ducats pour former une compagnie : tout est mort ou 
en déroute. Quelle maie chance! Je n'ai plus un sou. Votre 
très humble serviteur*. » ... Le pape n'envoyait que des bé- 
nédictions; Ludovic insistait pour un concours plus matériel, 
au moins pour une excommunication des Français : « J'ai agi 
comme un père, répond Alexandre VI; j'ai risqué ma vie et 
l'incendie de Rome. Mettez-vous à ma place. Puis-je, sans 
aucun motif, malgré l'avis unanime de mes conseils, fulminer 
contre la France? Le roi de France est en fuite (c'était con- 

1) T. de Liebenau, Il duca d'Orléans et gli Svizzeri {Archivio st. Lom- 
bardo, sept. 1889, p. 611). 

2) Le duc de Ferrare, père de Béatrix d'Esté, défendait à ses sujets, très 
gallophiles, de mal parler des Vénitiens; son fils aîné Alphonse se trouvait 
à Milan, près de Béatrix, son fils cadet Fernand près du roi de France : le 
cardinal Hippolyte d'Esté, archevêque de Milan, en Hongrie à son archevêché 
de Gran {Diario Feirarese), 

3) Desjardins, I, 630. 

4) Arch. de Milan. 



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SIÈGE DB NOVÀRE 247 

venu), il perd Naples. Tout ce que je puis faire est de le me- 
nacer, en lui représentant Tinconvenance d*une lutte entre 
chrétiens, à la face des Turcs. » Le pape ajoutait : « L'impor- 
tant est de débarrasser le royaume de Naples des derniers 
Français, et j'y mets tous mes soîns\ » Aussi, comme Ludovic 
entoure les stratiotes de tendres soins! Demetrius Greco, qui 
vient d'être prisonnier deux mois à Asti, reçoit un chaleureux 
accueil : à deux stratiotes démontés, on offre deux chevaux \ 
Mais la Suisse est, avant tout, le réservoir des batailles. Galéas 
de San Severino finit par se rendre en personne à Domo d*Os- 
sola et àBellinzona, pour hâter l'arrivée de nouvelles recrues. 
En Suisse, la lutte sur le terrain diplomatique était devenue 
aiguë : les envoyés du roi des Romains à la Diète de Lucerne 
réclamaient le rappel des Suisses engagés à la solde du duc 
d'Orléans, et une fourniture d'hommes pour une descente à 
Rome, conformément aux décisions de la [Diète deWorms; 
il cherchait à réconcilier Ludovic avec le canton de Lucerne, 
à lui assurer encore une réserve d'un millier d'hommes. Lu- 
dovic, de son côté, promettait à Lucerne toutes les satisfac- 
tions possibles; il gagnait discrètement quelques personnages 
et faisait miroiter aux yeux des cantons l'appât d'un tribut an* 
nuel. Mais les cantons restaient fort divisés. En face de Berne 
et de Zurich, acquis à l'Allemagne, les petits cantons, Lucerne, 
Zug, Underwalden, surtout Uri et Schwyz, fort intéressés à l'ac- 
quisition de Bellinzona, de Locarnoet de Lugano, tenaient bon 
pour la France. Les séances de la Diète de Lucerne devinrent 
si agitées , que l'avocat de Ludovic, le bourgmestre de Zurich 
Schwend, crut devoir s'enfuir. En vain, la Diète réclama son 
retour, ou l'envoi d'un autre député : Zurich refusa, sous 
prétexte de menaces adressées à Schwend. Bref, la Diète déli- 

1) Bref du 24 juillet (Chmel, Notizenblatt, 1856, p. 467-468). 

2) Lettres de Nie. de Correge, 20 et 21 juillet (Arcb. de Milan). 



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248 HISTOIRE DE LOUIS XU 

béra le 18 juillet de conserver la neutralité ; mais elle ne prit 
aucune mesure pour l'imposer, et il en résulta que la Suisse 
continua à fournir des combattants aux deux partis. Le 20, les 
Lucernois résolurent, pour leur compte, d'embrasser, comme 
Uri, le parti du duc d'Orléans; mais il paraît que quelques 
jours après, l'arrivée d'un âne milanais chargé d'or, et l'io- 
telligente distribution qui s'ensuivit, les lit changer d'avis*. 
Les commissaires de Ludovic, J. Porro et Bern. Impériale, 
faisaient d'activés démarches *, et lorsque enfin Galéas reçut, 
non sans peine, à Domo d'Ossola, à la fin de juillet, son nouveau 
contingent de mille fantassins et cent cinquante hommes 
d'armes, il n'eut qu'à l'envoyer à Trecate, où on l'attendait 
avec impatience '. Dans ces troupes figurent des gens qui se 
sont battus pour le duc d'Orléans en Bretagne ^. 

Le 18 juillet, l'armée vénitienne de Fornoue, campée depuis 
la veille à Vespello (Vespolate), reçut une large paye» à la 
grande jalousie des soldats milanais. Le même jour, le mar- 
quis de Mantoue^ Galéas de San Severino, le comte Caîazzo, 
Petigliano, le provéditeur vénitien, et le héros du jour, Con- 
tarini, tinrent un grand conseil de guerre. Galéas, au nom 
du duc de Milan, proposa d'établir des batteries de siège, 
pour entamer, sans autre délai, le bombardement de Novare : 
un des provéditeurs vénitiens l'appuya*. Tout le reste du 
conseil partagea un avis contraire. En vain Galéas soutint 
qu'en poussant le siège activement, on pouvait emporter la 
place avant l'arrivée du roi ; le roi ne pouvait agir en ce mo- 
ment ; Louis manquait de tout, et était entouré de gens mé- 

i) Mémoire cité, de M. de Liebenau. 

2) Lettre du 28 juillet, Bellinzona (Arch. de Milan). 

3) Lettre de J. François de San Severino, 26 juillet (Aroh. de Milan). 

4) Lettre du 29 juillet (Arch. de Milan). 

5) Lettre publiée par Kervyn de Lettenhove, Lettres et négociations... $ 
in, 96. 



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SIÈGE DE NOVÂRE 249 

contents, auxquels il avait promis les dépouilles de Vigevano 
et beaucoup d'autres choses qu*il ne pouvait leur donner; les 
'insuccès des armes françaises faciliteraient la capitulation : en 
tout cas, si le roi arrivait et qu'il fallût enlever les batteries 
pour marcher contre lui, ce ne serait pas une honte. François 
de Gonzague répliqua que l'arrivée du roi obligerait sûrement 
à lever le siège, sous peine de se trouver enveloppés, et qu'à 
la guerre, on ne devait pas s'exposer à des reculades; mieux 
valait agir avecprudence.il fallait se bornera affamer No vare, 
surveiller la marquise de Montferrat et les mouvements du 
roi, tenir Tartillerie prête, bien fortifier le camp, et attendre 
les événements. Il s'agissait non seulement d'une armée, 
mais du sort de l'Italie. Derrière soi, on avait Verceil et les 
États de la duchesse de Savoie, amie de la France; pouvait-on 
se mettre à bombarder aussi Verceil ? Ludovic écrivit^ le len- 
demain 19^ du fond de sa chambre, une lettre de protestation 
contre l'attitude expectante : néanmoins, il dut s'incliner*. 

Les pluies étaient si abondantes, que, pour avoir de l'eau, 
les soldats de Louis d'Orléans creusèrent simplement une 
sorte de citerne dans la citadelle. Mais la forte chaleur déga- 
geait, dans le pays, des miasmes délétères. La fièvre dévo* 
rait le duc d^Orléans, qu'elle retenait à la chambre.. Sur la 
nouvelle de l'approche du roi, puisqu'on ne jugeait pas conve- 
nable qu'il allât lui-même à Asti^ il y avait envoyé Georges 
d'Amboise. Ne recevant aucune nouvelle du roi ni de Georges, 
il s'inquiéta et réussit, le 17 juillet, à faire passer un billet 
pour demander à Georges de lui envoyer plusieurs messa- 

1) Beoedetti, Ilfatto alarme del Taro, et Asiedix) di Nùvara(èd. de Novare, 
1863. Nous empruntons à cet auteur, médecin dans Tarmée vénitienne, et très 
bien renseigné, tous les renseignements qui suivent, sauf avis contraire) : 
Rusconi, Assedio di Novara^ p. 24 et 26 (rapport de Galéas) : Chronique de 
Giac. d'Adria, secrétaire du marquis de Mantoue, dans VArchivio st. Lom- 
6arrfo,1879, p. 55: Sanudo. 



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250 HISTOIRE DE tOUTS XH 

gers afin qu un d'eux au moins put arriver. La fièvre ne 
l'avait pas repris ce jour-là, et déjà il se flattait de s'en voir 
débarrassé*. Une lettre apportée par un homme d'amies, 
nommé Philippe de la Coudre, de la part de Commines, dès le 
lendemain de Fomoue, avait informé Louis des négociations 
entre le roi et Ludovic; Commines engageait extrêmement 
Louis à venir les suivre à Asti*. Une autre circonstance mili- 
tait en faveur de la présence du duc : Trivulce insis 
que le roi proclamât duc de Milan le fils du feu duc G 
il se faisait fort d'un facile succès. On comprend du 
patience de Louis d'Orléans, loin des nouvelles; de 
voyait les vivres baisser. Presque chaque jour il écriv 
pour demander des secours ', supposant le roi récoi 
sa victoire. Charles VIII finît par lui répondre qu'il l 
rait sous peu. Ce message, quoique bien vague, suffit 
l'enthousiasme des Novarais. Ils jurèrent de tout 
plutôt qu'un retour à la domination de Ludovic. La 
tion se porta aux remparts, barricada les portes, crc 
tout des fossés, des bastions^ avec une ardeur fébril 

Le 19, l'armée de Mantoue déploya ses escadrons 
yeux des Novarais. La ville perdait ainsi tout espoir de 
lement; le spectre de la faim se dressait. Le château ] 
bien des provisions pour trois mois, mais dans la 
n'avait pu rentrer qu'un peu de blé, à peine mûr. 

Galéas s'approcha pour occuper un groupe de r 
presque attenant aux faubourgs de Novare.Ces maîsoi 

1) Autographe appartenant à M. le chev. avocat Gaud. Caire, 
(reproduit en tête de la brochure de M. Busconi, et transcrit 
quelques inexactitudes). 

' 2) Commines. A Ferrare, on ne faisait pas de doute que Louis 
le roi à Asti {Diario Ferrdresej c. 311). 

3) Commines. 

4) Nommé Tiglia, par Benedetti, Castel Chiasuol, par Sanudo. 



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SIÈGE DE NOVâRE 251 

garnies de blé : le poste de trente Français, chargé de les 
garder, mit le feu aux grange^ à l'approche de Tennemi, et 
se réfugia dans Ja maison principale, où une balterie de quatre 
passevolanls les obligea à capituler. Il y avait, là encore, du 
fromcnl et un peu de vin : les Allemands et les Italiens de 
Galéas se précipitèrent ensemble sur ce profit et en vinrent aux 
mains pour le partager. La rixe s'engagea au point que le corps 
d'armée du marquis de Mantoue dut intervenir pour rétablir le 
calme. Quelques-uns des Milanais et des Allemands restèrent 
sur le carreau ^ Mantoue établit ses soldats autour des ma- 
sures incendiées et fit de la maison son (juartier général. 

1) Sanudo. Les amis des Français en Italie ne pouvaient croire à l'abné- 
gation des Novarais. Le bruit courait qu'on faisait à Novare des préparatifs 
propres à (kire trembler toute Tllalie {Diario Ferrarese, c. 311). 



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CHAPITRE XX 

Blocus de Novare 
(20 juillet — !•' septembre 1495) 

Au milieu d'épreuves de toute sorte, Louis d'Orléans con- 
servait imperturbable une verve gauloise, qui faisait la force 
des assiégés. Le 20 juillet, il écrit à la marquise de Saluces 
que la situation n^est pas brillante : il ne lui envoie pas de nou- 
velles, dit-il plaisamment, car elle a « plus comodité de che- 
myn » pour s'en procurer : « Le camp de noz annemys est 
tous] ours ou il estoyt, auprès de ceste ville. Hz courent et 
nous courons. Et jeudy se fist une petite saglie, en laquelle 
noz gens se meslèrent avec eulx, et en y eut de mors d*un 
cousté et aultre. Nous faysons bonne chère, Diu mercy (sic), 
en atandant nostre Messies, qu'est le roy, et nous samble non 
povoyr avoir mal, puis qu'il aprouche de nous. Je vous reco- 
mande ce qu'est vostre, et me recomande tout avons. Escript en 
Novare, ce xx* de juillet, de la mayn du 

vostre LoYS*. » 

Sa constance, sa bonté ne se démentirent point dans les 
angoisses dusiège. Nouslevoyonsfairedesdonsassez fréquents 
à des gens de Novare^ à des religieux et religieuses de la ville, 
à des hommes qui lui apportent des nouvelles*. En plein siège, 

\) Ce billet autographe ne parvint pas à son adresse. Il se trouve dans les 
papiers de Ludovic (Arch. de Milan, MilUare^ Guerre, 1495). 

2) Tit, Orléans, XIV, 955. Il donne 12 liv. aux nonnaîns de l'Observance, 
6 liv. aux Jacobins, 2 liv. à une pauvre religieuse recluse; 2 écus à un 
homme qui a fait le guet dans un arbre pour surprendre les mouvements 



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MW P J m H HPIHy*" :»tl ''^^ ' 



BLOCUS DE NOVÂRK 283 

il confère à un homme d'armes, Raymonnet Pons, un fief à 
Sezanne ^ . Tout le poids du siège portait sur lui : aussi 
prétend-on que Ludovic, après avoir vainement soudoyé un 
complot, chercha directement à Tempoisonner par un envoi 
d'aliments de choix '. 

A partir du 20 juillet, le siège de Novare consiste dans une 
suite ininterrompue d'escarmouches, assez monotones, que 
nous enregistrerons jour par jour, d'après les renseignements 
fournis par l'armée assiégeante. 

On institua aux camps des assiégeants deux marchés, où se 
vendirent à prix modéré bien des denrées, spécialement le 
vin dont on se plaignait de manquer. Les Italiens occupaient 
toutes les routes, sauf la route du nord, par laquelle ils ne 
redoutaient point de surprise'; s'étantmème aperçus de déser- 
tions à Novare, ils jugeaient politique de laisser libre le 
chemin de la Suisse. 

Le 20 juillet^ les Vénitiens détournèrent par un barrage le 
cours de l'Âgogna; ils détruisirent et brûlèrent, à une dis- 
tance d'un mille de la ville^ tous les moulins à eau. 

A Novare même, on possédait seulement quelques moulins 
à bras, aucun à manège; on ne pouvait donc fabriquer qu'une 
farine grossière, sans crible. De Verceil on recevait difficile- 
ment quelques rares provisions, la nuit. Les murs de Novare, 
entourés d*un double fossé, étaient sans bastions, et à peu 

des ennemis; il remplace à un courrier son cheval saisi par les Milanais, 
lorsqu'il allait porter une dépêche au roi, près de Rome; à Hubert, capitaine 
des Allemands, son cheval perdu à la bataille. Il donne un écu à un archer 
pris et détroussé par l'ennemi ; il achète à un franc-archer dauphinois un 
cheval pris par lui sur un stratiote ennemi. Cf. JoursanvauU^ 352. 

1) K K. 897, 231 v«. Il donne à son paneiierÂnt. de Barbançois une paire 
de bardes, k divers officiers des brigandines et hamois de guerre (Tit Orléans, 
955). 

2) Recueil d'anecdotes, fr. 19602. 

3) Sanudo. 



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254 HISTOIRE DE LOUIS XII 

près sans artillerie : les habitaols avaient improvisé des ré- 
duits^; où ils tenaient bon. Le duc d'Orléans fit. placer ses 
armoiries sur les portes, au lieu de celles des Sfoi*za; il réunit 
un conseil de guerre, à l'issue duquel on expédia un courrier 
au roi, pour le prier de hâter les secours. Le roi répondit 
brièvement qu'il lui fallait reposer son armée : ilattendait de 
nouveaux soldats; bientôt Trivulce se rendrait à Vercéil avec 
la majeure partie des troupes. A son retour, le courrier 
donna dans le camp vénitien : on le prit, la lettre du roi fut 
lue publiquement. 

Ce même jour, une rixe sanglante éclata de nouveau sur 
la route de Yerceil, er\tre les Allemands et les Italiens de 
Galéas, à propos d*une fille publique. Surexcités par la 
chaleur accablante du jour, les soldats en vinrent aux mains, 
et Contarini, avec tous ses Albanais, eut beaucoup de peine à 
les séparer. Les Allemands, furieux, parlaient de déserter\ A 
la suite de cette rixe, qui coûta la vie à quarante Allemands 
et à quatre Italiens, qu'on enterra à la dérobée, Tagitation se 
propagea dans le camp vénitien, où les provéditeurs précisé- 
ment publiaient une adresse de félicitations du Sénat à Tarmée. 
L'indiscipline, déjà, régnait en maîtresse : la rapine semblait 
Tunique but des exploits. Tout était bon à ces mercenaires : 
gn les accusait d'avoir fui à Fornoue parce qu'ils avaient tou- 
ché leur paye; les jours de paye, certains soldats passaient à 
la caisse, puis envoyaient un individu toucher une seconde 
fois sous leur nom. 

Le 21, dans une sortie, les Français tuèrent aux Italiens 
huit hommes, et en blessèrent douze. Ils laissèrent deux pri- 
sonniers qu'on s'empressa d'interroger. Ces gt*ns rapportèrent 
que le duc d'Orléans, quoique repris des fièvres, parcourait 

1) Mallpiero, Annali Venetif p. 371. 



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BLOCUS DE NOVARE 255 

toute la ville à cheval, réconfortaat ses amis, vérifiant lui- 
même les gardes de nuit; il se plaignait souvent d'être alourdi 
par son mal. Quant aux Novarais^ peuple ou aristocratie, 
tous se déclaraient prêts à tout souffrir, le sac de leurs mai- 
sons, le viol de leurs femmes et de leurs filles, la ruiae de la 
ville, la faim, n'importe quoi, plutôt que le joug de Ludovic. 
Au besoin, ils préféreraient se confier à la foi du gouverne- 
ment vénitien. 

Le 22 juillet, nouvelle sortie des assiégés, oii Robert de San 
Séverine perdit un homme'. On arrêta plusieurs courriers du 
roi de France, notamment un prêtre français qui se disait 
appelé à Novare près d'un malade; on le fit prisonnier^ et, 
quelques jours après, on le laissa aller, sans même lui infliger 
de bastonnade, au grand scandale des Vénitiens qui déclaraient 
impossible dans ces conditions de faire la guerre. 

Cependant, Charles VIII commençait à donner signe de 
vie. Le 22 juillet, ses Suisses et quelques paysans tentèrent uu 
coup de main sur un village de la frontière ; les paysans du 
lieu les repoussèrent. Ludovic dut prendre de ce côté quelques 
précautions : il envoya des espions à Asti *. François Sforza, 
chargé de surveiller les événements, arrêtait, d'Alexandrie, 
tous les courriers pour Rome ou pour la France, lisait les 
lettres, et les adressait à Ludovic, s'il les jugeait de quelque 
importance. Il lui envoya ainsi une lettre du pape au roi'. 
Presque chaque jour, il transmettait à Ludovic les nouvelles 
recueillies par ses espions. Ludovic attachait une extrême 
importance à la garde d'Alexandrie : François Sforza, aidé de 
Galéas et d'Antoine-Marie Pallavicini, disposait de forces 

1) LeUre du 22 juillet (Arch. de Milan, M«, Querrey Conclura di Novara), 

2) Lettre de François Sforza, des 23, 24, 25 juillet (Arch. de Milan, 
Guerre^ 1495 : Alessmdria). 

3) Id. ^ 



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BLOCUS DE NOVARE 

Paul Manfrone. François Sforza aviso Ludovic, le 2 
Charles VIII fait établir un pont sur le Pô. Le cardi 
Gênes, Hiblei de Fiesque, et leurs amis, sont à Asli, c 
de préparer contre Gênes un retour offensif*. 

Les assiégeants réclamaient toujours des renforts^ Ei 
dant, pour donner un peu d'aplomb aux nouveaux 
et effrayer les assiégés, Tarmée entière, en ordre de b 
marcha, le 26 juillet, jusqu'à Novare, puis se retira, 
une démonstration sur Briona', sans succès. 

La discorde commençait à éclater parmi les alliés. I 
lanais voulaient absolument distraire quelques troup< 
la défense de divers points du duché. On laissa don( 
des gens de pied pour Alexandrie, pour Tortone, i 
encore, malgré les représentations du provéditeur v 
Trevisani, qui soutenait la nécessité d'en finir et de 
Tassaul à Novare ; mais les Milanais refusèrent de s'y as 

Le 27, pour effrayer les Français, on éleva au milieu d 
une haute potence, visible de Novare, et Ton y pendil 
nellement un nommé Bonino, comme coupable d'espic 

Quarante nouvelles pièces d'artillerie venues de 
avec des boulets de cinquante livres, cinq cents hom 
pied et cent lances marchèrent sur Briona, qui tenait 
pour le duc d'Orléans. Briona se rendit le lendemaii 
premières décharges d'artillerie. 

Enfin, Charles VIII quitta définitivement Asti le 27 
pour aller à Turin prendre le commandement de son 
reformée. Ludovic en reçut la nouvelle sur l'heure*. 



1) Lettre du 25 (Arch. de Milan, 1495, Alessandria). 

2) Lettre de Jean-François de San Séverine, 26 juillet (Arch. d 

3) Château de Phil. Caccia. 

4) Sanudo : Benedetti : D'Adria parle du 29 juillet. 

5) Lettre de J.-Marc Lemingo, 27 juillet (Arch. de Milan). 

m n 



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HISTOIRK DE LOUIS XU 

tien égalemeol. Il en résulla un grand trouble. Le conseil 
^erre, réuni d'urgence, estima la situation fort critique; 
louvait se trouver enveloppé par un mouvement combiné 
Lroupes de Novare, d'Asli et de Turin : mais il fut impos- 
I de $e mettre d'accord sur un parti à prendre. Les 
itiens voulaient se replier sur Vigevano, les Milanais 
juaient une bonne position, à trois milles seulement de 
mce. Les discussions s'aigrirent. La nouvelle que Ludovic 
it d'expédier à Gènes les troupes prêtées pour Toflone, 
tait encore aux discordes. 

îs Novarais, cependant, commençaient à endurer de 
lies souffrances* : quelques soldats, malades ou autres, 
nt s'échapper dans la direction du nord, et on les voyait 
ainer sur les routes de Bellinzona, hâves, exténués'... 
1 camp vénitien, toute la journée du 28 se passa en 
onstrations et en (êtes. Lecture solennelle fut donnée, sur 
ont de l'armée, des lettres du Sénat de Venise qui accor- 
tit des récompenses aux combattants de Fornoue : célé- 
t leur vaillance en termes lyriques et les comparant aux 
ans Romains, le Sénat prédisait aux Français, à en juger 
les trophées déjà remportés, le sort des vieux Gaulois 
laircs de lltalie. Manloue avait abattu la superbe des 
içais... Pendant la lecture qui se continuait ainsi, Manloue, 
issant succomber à l'émotion, se jeta dans les bras des 
éditeurs. Le Sénat couvrait d'or toute son armée. Aussi 
lée acclama, sauf les Albanais de Contarini qui se irou- 
it bien plus glorieux que les autres et ne recevaient rien'. 

jsl lem|>érature vint ajouter ses épreuves à celles de la faim. Dans la 
lu 27 au 28 juillet, les chaleurs torrides des jours précédents fif^'^^ 
uemenl place à une bise glaciale ; le 28 juillet sembla une journée 
r (Malipiero). 

.etlre des commissaires ducaux, 28 juillet (Arch. de Milan), 
^euetlelli : D'A^lria. 



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BLOCUS DE NOVAKB 

Le 29, le conseil de guerre se réunit encore, sans a 
une conclusion. Presque tous les capitaines se ralliaienl 
vénitien, mais les San Severino et leurs amis maii 
opiniâtrement Tayis contraire et déclarèrent que rien 
ferait quitter les opérations de rase campagne. La ( 
s'envenima. Mantoue, partisan de l'assaut, s'emporta: / 
lui répondit en termes peu respectueux... Heureusem 
deux camps se trouvaient à un mille Tun de l'autre * 
ramener la paix, Ludovic annonça sa visite. 

Cependant, les Italiens, si émus du départ de Charl 
se rassurèrent, lorsqu'ils virent le roi, au lieu d 
comme un tourbillon, suivant son habitude, s'élabli 
ment à Chieri, puis, dans les premiers jours d'août, è 
Charles oubliait, — en apparence, — la situation teri 
duc d'Orléans. Bien traité, agréablement reçu, il r< 
son existence normale et ses anciennes mœurs*. Sa 
même de régenter reparaissait. Nous le voyons é< 
France lettres sur lettres pour les affaires d'Engil 
Clèves : pressé au Parlement par un procès du sire < 
Engilbert, commandant des Suisses, demandait depu 
temps à s'en aller, et, malgré deux ordres du roi, le Pa 
refusait d'arrêter l'affaire. Le roi réitère ses ordr 
colère '. Il exige aussi que le sire d'Orval abandonne 
de Chaumont (d'Amboise) le gouvernement de Chamj 
prenne celui de l'Ile-de-France*. Il y avait plus d'un 

1) Malipiero. 

2) Son amour pour une jeune femme, à Chieri, contesté par M. I 
n'est pourtant mis en doute par aucun écrivain de cette époque. V 
p. 65 : Sanudo (citant des récits de prisonniers français). Seulemen 
eux, il ne s'agit pas, comme on l*a dit, de la jeune enfant de l'hô 
mais d'une très belle femme, nommée Anne, originaire de Solero, C 

3) 29 juillet (Parlement, 474, 48). 

4) Aulogr, de Saint-Pétersbourg (ï), I, 32 (29 juillet). 



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260 HISTOIRE DE LOUIS XII 

le roi donnait des ordres à ce sujet, et cependant Taffaire ne se 
régla que plus tard. Il prescrit encore de faire enregistrer des 
lettres qui accordaient à Engilbert la gabelle du Rethelois, en 
récompense de ses services *. Il envoie son maréchal des logis 
Marrafin forcer la main au Parlement de Paris, sur son refus 
d'enregistrer l'échange du comté de Comminges avec le comté 
d'Étampes, ce dernier comté appartenant au comte de Foix, 
qui désirait vivement l'échange. Charles VIII s*impatiente 
que toutes les considérations politiques ne cèdent pas devant 
le souvenir de services rendus à Fornoue par M. de Foix*. 
Il donne à M. d'Aubijoux (d'Amboise) la seigneurie de Roque- 
serière, pour ses services*. L'opposition, de plus en plus 
énergique, que tous les faits relatifs à l'expédition de Naples 
trouvent en France, l'irrite profondément*. « Il veut être 
obéi, » dit-il. Les Parlements de Paris et de Toulouse lui 
déniaient le droit de main-mise sur le comté d'Armagnac : il 
évoque cette importante affaire au grand Conseil*. 

Les noms que nous venons de citer : Clèves, Foix, d'Am- 
boise, montrent^ du moins, la place que tenaient maintenant 
les amis et parents du duc d'Orléans dans la faveur royale *. 
Ainsi se justifiait le calcul de Louis d'Orléans, que l'insuccès 

1) Autographes de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg (I), I, 
24 (30 juillet). Le 3 août, nouveau don à Engilbert de Clèves; le môme jour, 
le roi recommande le sire de la Salle pour un mariage, en récompense de ses 
bons services (fr. 3924, f» 4, n*» 7, 8). 

2) Parlement, 474, 51 {29juillel) : Arch. nat. X*a, 3921. 

3) Fr. 19237, 160. 

4) Le roi, dit La Mer des Histoires (Paris, 1536), fit à tout le monde des 
promesseis de récompenses plantureuses. 

5) 6 août (Aut. de Saint-Pétersbourg (I), I, 25). Il ordonne de restituer à 
Stuart d'Aubigny le comté de Beaumont-le-Roger, en récompense de ses 
services (Turin, 4 août; X'» 3921, 138). 

6) Cependant, il j ^^^^^ slu camp, dit Saint-Gelais, des gens qui seraient 
bien revenus en France sans le duc d'Orléans (p. 93). Le mot de Saint-Gelais est 
excessif: le plan dont il parle finit par l'emporter, comme on verra plus loin. 



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BLOCUS DE MOVARE 26\ 

prévu de l'expédition ferait pâlir Fastredes Briçonnetet amè- 
nerait le roi à reconnaître la loyauté de ses services. Le non 
d'Orléans semblait partout en faveur. A Moulins, en ce momen 
méme^ la reine recommandait tout spécialement au Parlemen 
Févêquc de Saintes» , en considération des services rendus pari 
sire de Rochechouart , l'agent de Louis d'Orléans. Georges d' Am 
boise, revenu près du roi, entretenait naturellement ces bonne 
dispositions, et veillait activement aux intérêts de son maître ■ 
Toutefois, si la discorde régnait entre les coalisés, l'entouragi 
du roi de France ne donnait pas non plus l'exemple de la con 
corde. Naples, Milan, Novare, Gênes, la France, autant d 
sujets d'appréciations diverses, aggravées par mille rivalités 
on ne s'entendait que sur la nécessité principale de résoudre 
bref délai la situation. 

En partant d'Asti, Charles VIII, désolé des nouvelles d 
Naples, avait chargé son maître d'hôtel, Perron de Basche, d 
lever une nouvelle armée pour Naples; à vrai dire, là sembla! 
être sa principale préoccupation ; le reste paraissait accessoire 
Peu de personnes partageaient cette pensée. Les amis d 
Louis d'Orléans s'agitaient, non sans raison; d'un autre côté 
on négociait. Commines, encore tout meurtri de ses déboire 
diplomatiques, voulait s'imposer comme négociateur avec Ve 

i) Le texte porte Albiy par erreur: X*a 3921, 134. 

2) Tit. Orléans, XV, 997 ; mention de voyages de Jean d'Orléans, huissif 
de salle du duc, accomplis « par l'ordonnance de mons' de Rouen. Lequ( 
mond. s' envoyoit, partant de Novare ou il estoit, a Thurin devers le R03 
pour luy faire la remonstrance de la neccessité et affere qu'il avoit, pendai 
lequel temps ledit Jehan d'Orléans fut par plusieurs foiz devers mond. s'auc 
Novare et retourner audit Thurin, et par plusieurs foiz en Ast devers le coi 
seil, a Versel devers mons' de Foix qui estoit lieutenant du Roy, et autre 
lieux ou il estoit neccessaire et que mond. s' de Rouen Tenvoyoit pour le 
besongnes et affaires de mondit seigneur. Lesdits voyages faisans, il a va( 
que, tant a aller, séjourné que retourner aud. Novare, par l'espace de lxiiii jou: 
nées... » 



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BLOCUS DE NOVABE 

constatait pourtant que le roî ne paraissait pas disposé 
prendre, cette fois, le commandement personnel de Tar 
condition indispensable d'une action décisive. Leducd'Or] 
ne parlait plus de détrôner Ludovic; il insistait seulemen 
plutôt Georges d'Amboise insistait en son nom) pour gi 
Novare. Il est vrai, comme dit Commines, Novare se in 
si près de Milan, que la possession de Tun ne se comp 
guère sans l'autre; et cependant Ludovic, au dire du n 
Commines, se montrait disposé à faire la part du feu et à a 
donner Novare, pourvu que la couronne de France renc 
à Gênes *. Offrir au roi de se dépouiller d'un droit, même e 
mement hypothétique, pour enrichir réellement le duc ( 
léans, c'était, on en conviendra, un acte de véritable d 
matie '. 

D'après les espions vénitiens, étrangers à ces intri 
secrètes, Tinaction du roi tenait, selon le langage offici 
Saint-Malo, à l'attente des renforts. Les espions rapport! 
le bruit général que la France se trouvait à bout desacril 
que la reine même insistait pour la rentrée du roî et s'opp 
à des conquêtes, que le roi comptait seulement surlesSu 
et venait de s'entendre avec le canton d'Uri. De là, l'envc 
fameux « baudet chargé d'or » de Ludovic. 

Le 30 juillet, les ambassadeurs de la Ligue annonçaien 
camp, une concentration de l'armée française à Turin, et l'o 
du roi de hâter les levées. Ludovic ne jugeait donc pi 
guerre arrivée à son terme. Pour s'assurer de la fidélité 

1) Commines. 

2) Cependant le chroniqueur vénitien Malipiero prend ces offres au se 
et les attribue à l'influence du duc de Ferrare, qui, dit-il, « gouverne I 
à Milan. Suivant lui, Hercule d'Esté, ennemi né des Vénitiens, ne tenai 
beaucoup à la reprise de Novare; il aurait désiré voir Ludovic faire la 
isolément et Charles VIII, resté en face des seuls Vénitiens, les mettn 
raison (p. 377). 



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i" 



264 HISTOIKE DE LOUIS XII 

habitants d'Alexandrie, « massime nelli presenti tempi »,il 
supprima, sur leur demande, un impôt additionnel de 900 livres 
impériales *. 

Malheureusement la maladie, la misère, une misère atroce^ 
décimaient les rangs des défenseurs de Novare. Louis d'Or- 
léans ne cherchait pas à retenir les découragés ou les inutiles: 
nous trouvons, dans ses comptes, la trace de gratifications, 
d'aumônes à des Suisses malades qui retournent chez eux. 
Un déserteur, un ce Allemand du roi des Romains, à la solde 
du duc », venu au camp de la Ligue le 30 juillet, traça de la 
situation de Novare un tableau très sombre. « On y manque 
de tout. Un morceau de pain, gros comme le poing, coûte 
un quart de livre, un flacon de vin acide et détestable quatre 
quarts y et encore il ne s'en trouve pas. Il a fallu faire des per- 
quisitions dans les maisons pour rationner les vivres, et même 
enfoncer les portes, quand les habitants refusaient d'ouvrir. 
On a fabriqué quelques moulins à bras, tout à fait insuffisants. 
La désertion se met, par masse, dans les troupes; il ne reste 
plus de francs-archers. Le duc d'Orléans n'a tout au plus que 
huit cents Suisses ou Allemands en état de marcher, trois cents 
Italiens et deux cents lances : il couche au château, au milieu 
d'une compagnie française. Il a cherché à soutenir le courage 
des Allemands, en leur distribuant quatre écus par homme, 
sous prétexte de la cherté des vivres. Tout va mal : Novare ne 
peut plus tenir. Quant à moi, ajoutait l'Allemand en termes 
énergiques, je m'en vais* ». Il avait touché ses quatre écus.... 

Du reste, les soldats de la Ligue, même italiens, ne mon- 
traient pas plus de scrupules que celui-là. Le 30 juillet préci- 
sément, on arrêta à Milan des gens de pied qui, grâce à un 

1) Ghilini, Annali di Alessandria, p. i 16. 

2) Lettre deGaléas, 30 juillet (Arch. de Milan). Cf. I. Fuchs, Diê Mailan- 
dischen Feldzûge der Schweizer, I, 211 : D'Adria. 



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BLOCUS DE NOVARE 265 

faux congé, s'étaient sauvés du camp, avec de l'argent. Les 
provéditeurs leur firent couper le nez. 

Le camp italien reçut encore de Forli quelques compagn 
de chevau-légers. Sa situation n'en restait pas moins m^ 
vaise. Une série continue de pluies diluviennes faisait 
la plaine un immense marécage et défendait les assiégés p 
efficacement que n'importe quelles murailles. La discoi 
s'implantait dans l'état-major comme dans la troupe. Lesp 
tisans de l'assaut ou du blocus s'accusaient réciproquement 
vues plus personnelles que stratégiques; pour les gens ha 
tués à vivre de la guerre, la guerre ne faisait à peine que ce 
mencer, tandis que le Sénat de Venise, qui versait cha( 
mois 100,000 ducats, la trouvait déjà longue. 

Pour donner satisfaction à tout le monde, le capitaine géni 
Mantoue explora, le 30, les abords de la ville. Le lendemair 
résuma, en grand conseil de guerre, les résultats, peu fa 
râbles, de son examen : la situation de la campagne, le dou 
fossé d'enceinte et les palissades delà ville, l'état de la citadi 
rendaient, pour le moment, Novare inexpugnable; d'un au 
côté, selon lui, il fallait s'attendre à l'attaque prochaine 
l'armée royale. A ces fâcheuses nouvelles s'ajoutèrent la tJ 
tesse d'une journée entière de pluie torrentielle et, par sui 
un défaut de ravitaillement. 

Le l'"^ août, on reçut d'un espion l'avis que le roi voul 
faire passer à Novare un convoi d'argent ; aussitôt Galéas 
battre la campagne avec tous ses chevaux, sans rien trouvi 
la nuit suivante, le convoi entra paisiblement dans la vil 
Un autre espion signalait de Verceil les arrivées incessan 
de troupes. En revanche, on célébrait à Milan, en grand 
page, avec force feux de joie et démonstrations, la nouvc 
que l'alliance suisse était acquise à Ludovic, moyenni 
30,000 écus, ou même 40,000 en temps de guerre; que 



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HTSTOIBB DE LOUIS XH 

\ d'Orléans et do France allaient recevoir Tordre de 

chez eux *. 

aoùl, Ludovic, avecBéatrix d'Esté cl les ambassadeurs 
les et d'Espagne, se rendit à cheval à Vigevano, pour 
e là au camp, selon sa promesse, pacifier les esprits, 
îfs vénitiens se rendirent jusqu'à Vigevano. La gracieuse 
:, à cheval, suivie de deux beaux carrosses de drap d'or 
elours rouge, les remercia chaudement et voulut che- 
r au milieu d'eux. Oncouchaà Vespolate. Le lendemain 

au dépari, Ludovic, cavalier assez inexpérimenté, se 
lésarçonner et tomba dansla boue, devant tout son état- 

il lui fallut changer de vêtements à la hâte. A un mille 
ip, il trouva le marquis de Mantoue, en tête de tous ses 
s. Il entra en grand appareil au camp^ suivi des ambas- 
5 d'Espagne, de Naples, de Venise, de Ferrare, et d'un 
l^ent très considérable de nouvelles troupes, cinq cents 
inds, deux mille hommes de pied, des chevau -légers, 
ivait dit vrai : Charles YIII paraissait s'ébranler : le 
rrat mobilisait son artillerie et ses faibles forces; Cons- 
\miti prenait lui-même le commandement de cinquante 
et de quatre-v-ingts chevau-légers*. Il fallait agir. Lu- 
int, sur-le-champ, dans la tente du capitaine général, 
rid conseil de guerre, auquel assistèrent, avec le marquis 
itoue, les deux provéditeurs vénitiens Luca Pisani et 
3r Trovisanî, le comte Peligliano, les principaux ca- 
s. Le duc de Milan prit la parole, résuma la situation, 
i la marche imminente du roi. On put alors constater 

{^io!o de c^lte noureîle H «< a fona de danari », Zuan Dolce et Fr. 
s\^, au iK^m du cvmvernement rénîlien, dét)auchèrent une compa- 
i^rx» do$ Suisst^s du roi, dont le chef til même passer aux Suisses de 
ordn* de quitter la vi..e ^Ma.ipiero). 
lr(» de Fr. Sfona, 3 août (Arch. de Milan, G., 1495, Alessandria), 



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BLOCUS DE NOVARE 

l'extrême diversité des opinions. Ceux-ci voulaient se 
Vespolate, ceux-là jusqu'à Vigevano ; d'autres jugeai 
leux et dangereux de se donner les apparences d'ui 
ne pouvait-on fortifier solidement le camp, l'enU 
fossés? La discussion fut longue et pénible. Les part 
départ faisaient valoir la difficulté éventuelle de n 
ment, et montraient, sur une carte d'état-major trè 
ouverte devant eux, tous les marais, les fossés, les 
les bois du pays. Leur avis ne prévalut pas. On se ra 
programme de transaction préconisé par Ludovic, e 
résolvait rien : réunion des deux camps en un seul, c 
dès le lendemain par une revue générale, et établi 
solide du camp à Tabri de la rivière, avec emploi c 
et de remparts de terre. 

Le 4 août, la duchesse Béatrix, qui ne perdait pai 
son mari, voulut passer avec lui la grande revue. Ce 
ment une magnifique fête martiale, que ce défilé d' 
en bel ordre de bataille. Le capitaine général de 
François de Gonzague, marquis de Mantoue, passa le 
suivi par une escorte de fins coureurs, aux hamac 
bizarres en brocart d'or et d'argent, puis par des jeunei 
élégants, pompeux, empanachés, sur de hauts chevai 
taille, entourés d'une foule de trompettes. Mantoue 
gliano vinrent se ranger aux côtés de Ludovic, en 
comme lui, comme lui, étincelants de dorures. On vil 
défiler en rangs pressés sept escadrons, formant quî 
vingt hommes d'armes, luxueusement armés, tenant en 
longues lances peintes, à pointes de fer; puis trois m; 
de pied. Une rumeur immense, colossale, formée de si 
de clairons et de tambours, de cliquetis, de henniss 
du grondement des bombardes, de cris humains, 
au ciel, animant cette scène guerrière du souffle le pli 



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HISTOIRE DE LOUIS Xn 

S escadrons de chevau- légers italiens (treize cents 
mes), à lances fines et légères, un régiment de douze 
s slratiotes, avec leurs vestes brodées de soie et d'or, sur 
chevaux rapides et ombrageux, Contarini en tête; un 
dron de trois cents arbalétriers italiens montés, Tépée au 
p Tarmure légère ; puis deux cents chevau-légers, sous le 
taineAlesso... A l'arrivée de chaque corps, Ludovic prenait 
te avec le capitaine jusqu'en face de la duchesse, à laquelle 
*ésentait galamment les nouveaux arrivants. Dans cette 
narrure générale, si brillante, Galéas parut, avec une 
rte de jeunes pages à cheval; il portait un beau vêtement 
3ie et d'or, à la mode française, qu'il affectait de conserver 
lis son séjour à Lyon. Ludovic blâma vivement cette 
ice, qui rappelait un passé singulier, et invita Galéas, 
mt la duchesse, à changer de mode. L'étendard donna 
à.une nouvelle critique : c'était un étendard de fantaisie, 
ésentant un Maure noir, qui de la main droite tenait un 
î par les ailes, et de l'autre main étranglait un dragon : 
e allusion au surnom de Ludovic-le-Morc, à ses relations 
; TEmpire et au dragon légendaire des Visconti. Deux 
drons, de trois cents chevaux chacun, avec Fracassa et 
[>ine-Marie de San Severino, un escadron de cinq cents 
^aux bourguignons solidement armés, mais sans bardes^ 
compagnie de six mille Allemands, qui manœuvrait en 
é avec une régularité mathématique et avec un fracas de 
bours à rendre sourd, sous les ordres de Georges Pietra- 
a, attirèrent successivementrattention. Devant la duchesse, 
allemands, sur un signe de leur chef, se formèrent, tout 
le pièce, en forme de coin : en partant, ils déployèrent des 
î, puis ils formèrent le moulinet, c'est-à-dire qu'un côté 
chant lentement, l'autre courait avec une vitesse décrois- 
l de rang en rang, de manière à s'avancer dans un mou- 



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BLOCUS DE NOVARE 

vement giratoire. On eût dit une pièce articulée. En 
sept chars de grosse artillerie, suivis de Tarlillerie lé 
menue (passevolants, spingardes), fermaient la 
L'armée, y compris les troupes restées au camp, s'^ 
quarante-cinq mille hommes. Beaucoup de ces gens 
des soldats éprouvés, notamment Tescadron du com 
Fortebracchio, auquel Ludovic adressa les complim 
plus vifs. Le bruit énorme, le tumulte, les croiser 
entre-croisements de piques, de lances, les -scintil 
éblouissants d'or, d'argent, enivraient, enthousiasmai 
mée; il semblait que jamais le soleil radieux dltali 
répandu ses splendeurs sur une pareille scène. Lud 
bien doué comme artiste, s'émut : il se tournait, l 
brillants, radieux, vers les dames et les demoise 
suivaient en voiture, et leur demandait leur avis sur 
spectacle : malheureusement, son cheval, participant à] 
générale et mal tenu, s'abattit des quatre pieds. Mau\ 
sage ! Ludovic n'en fit que rire ; il dit qu'il fallait pa 
tribut à la guerre... 

Le soir, il pressa encore les capitaines d'agir. Les 
diteurs vénitiens ne partageaient pas sa confiance ; 
représentèrent que la France ne risquait pas son l( 
dans une bataille, tandis que lui, il y risquerait son 
Ce raisonnement convainquit Ludovic, qui n'insista pi 
seulement passer l'ordre à Milan d'envoyer* de grossi 
bardes, de hautes échelles, enfin les engins d'un a 
tout événement. 

L'armée française achevait sa concentration à Verc 
compagnies Orléans, Orange, Clèves, Guise, Coligny, 
formaient le noyau, bouillantes troupes, pleines de ^ 
solides hommes d'armes, fleur de la bravoure francs 
compagnie d'Orléans notamment, commandée par se 



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270 HISTOIRE DE LOUIS XII 

taine provisoire Robinet de Framezelles et par Nicolas de 
Louan, lieutenant provisoire, était d'élite ; on trouvait dans ses 
-angs des chevaliers d'un dévouement sans bornes pour leur 
îhef : Jacques-François de Guierlay, Gilbert Bertrand et Jean 
Bertrand, François d'Entragues, sv de Balzac, le breton Jeau 
Suibé, Joachim Brachet, Lancelot du Lac, le bâtard de Frame- 
selles, Jacques Asse, Jacques de Tranchelyon, Jean de Pons, 
Prégent de Coétivy, les barons de Saixonnage * et de Sezières, 
ous noms très connus et déjà presque illustres, à côté de 
raillants soldats, Ogerot le Basque, le Petit Basque et autres. 
jCS revues de ces brillantes compagnies commencèrent le 5 
LOÛt à VerceiP. La présence de pareils hommes explique les 
lésitations du provéditeur vénitien; sa réponse à Ludovic^ 
lans le dernier conseil de guerre, qu'il fallait de la prudence, 
ue la forlune ne favorisait pas toujours les bataillons les plus 
:ros ; l'accusation portée contre la France de viser à l'empire 
u monde. D'autre part, le 5 août, à la Diète de Worms, tiri, 
ichwitz et Glaris se déclaraient décidés à soutenir unique- 
lent le duc d'Orléans, en dépit des efforts de Maximilien; le 
hancelier Louis Feer, malgré l'argent de Ludovic, s'était 
Durné vers Antoine de Bessey, bailli de Dijon et agent de 
Iharles VIII, qu'il aidait de tout son pouvoir à recruter des 
ommes ^. 

Le même jour, 5 aoùt^ Alexandre YI accorda aux sollicita- 
ons de Ludovic une bulle d'excommunication contre les 



1) V. plus haut, p. 241. Un « Français de Saconnage » faisait partie des 
int gentilshommes de la maison du roi (KK. 78, f* 41). Les Sassenage 
aient parents du marquis de Salaces, et, en 1486, un Jacques de Sasse- 
ige avait déjà passé les Alpes à la tête d'une bande d'aventuriers, pour les 
faires de Saluées (Delaborde, p. 189). 

2) Clairamb., 239, f^» 425, 427, 429, 431, 433, 437, 439. 

3) M. de Liebenau {Arch, st. Lombardo, 1889, p. 613-623), d'après les 
•chives de Lucerne. 



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BLOCUS DE NOVARE 

cantons de la Confédération suisse qui troubleraient le r 
de Ludovic, avec assignation éventuelle à comparaître 
les trente jours en cour de Rome *. Les cantons allèrei 
les poussaient leur intérêt et leur passion : ils n'allèrent 
Rome. En même temps, Alexandre, par bref communiqui 
puissances, fulmina contre Charles VllI lui-même les foi 
spirituelles que Ludovic réclamait avec tant d'ardeur*. 

Un instant le bruit courut que Charles VIII rentrait à 
et François Sforza, Tinterprélant par un projet de dive 
sur Alexandrie, envoya aussitôt, le 5 août, des instructii 
ses agents secrets d*Asti et aux capitaines d'Arazzo et d'Ani 
La rumeur ne reposait sur rien, et, le 6, François la dé 
lui-même. Les espions de Turin ne signalaient rien de 
veau, sinon Tarrivée de nouvelles troupes de France*. I 
se borna à tenir en haleine ses adversaires par une dén 
tralion sur la route de Novare : les Italiens manifest 
l'intention de défendre cette route, et même, pour la dég 
ils avaient, les jours précédents, brûlé le hameau de Ci 
rano qu'elle traverse; Charles VIII imagina, pour les 
prendre, de faire sur la droite une autre route, qu'il eni 
de quelques défenses. 

Aux pluies torrentielles succédait une forte chaleur 
brouillard, épais comme la fumée, s'élevait du pays, pêne 
tout, jusque dans l'intérieur des tentes : l'armée assiégé 
en souffrit extrêmement. Les fièvres s'y répandirent 
intensité. Les médecins recommandaient de ne pas boi 
vin pendant les accès : mais comment se faire obéir si 

1) Publiée parM.Chuael, Notizenblatt derK, Akad, der Wissensch., 
1856, no 77. Gf, Malipiero, p. 383-389. 

2} Bergenroth, Calendar oflelters, despatchës, . ., in the arck, at Sim 
Henri VII, I, 66. 

3) Lettres des 5 et 6 uoùL (Arch. de Milan, G., 14y5, Alessandria), 



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272 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

point, surtout des Allemands? Beaucoup d'Allemands et un 
cerlain nombre dllaliens moururent* : quantité de gens de 

pied, même plusieurs hommes d'armes demandèrent à s'en 

• 

aller, cinq Grecs passèrent àTennemi. L'eau potable manquait 
aussi ; on s'en procura aisément en creusant des puisards. 

On prétendait les Novarais fort abattus, fort mécontents 
des rapines des Bourguignons. Le 6 août, les assiégés n'en 
firent pas moins une sortie heureuse, où ils tuèrent trente 
Italiens et en prirent à peu près autant. La lassitude de l'armée 
italienne permit, le même jour, d'introduire tranquillement 
dans la place quatre voitures de pain et vingt-huit tètes de 
gros bétail ; bien plus, l'escorte, en passant, enleva à cinq 
cents Milanais leurs armures de poitrine. Les coalisés se ven- 
gèrent de l'avanie, en saccageant, par ordre, le beau et riche 
territoire de Novare ; partout ils mirent le feu, et enlevèrent 
tout ce qu'ils purent. On espérait, par cette tactique cruelle, 
réduire au désespoir les malheureux Novarais et les acculer à 
la capitulation ou à la ruine : mauvais calcul. Les Novarais 
n'en témoignèrent que plus d'obstination et de courroux. C'est 
au milieu de cette scène de dévastation que parut au camp un 
ambassadeur de Savoie, « homme sage, et bon serviteur pour 
sa maîtresse, » dit Commines. Cet envoyé commença par 
protester, avec politesse, de l'amitié de la duchesse pour les 
Vénitiens ; on lui répondit honnêtement. Puis, il excusa sa 
maîtresse, forcée, à son grand déplaisir, de recevoir les Fran- 



1) On ne souffrait pas seulement de la fièvre ; Marcello de Cumes, appelé 
au camp de Tarmée assiégeante, trace un tableau très pénible (G.-J.Welscb, 
Sylloge curationum et ohservationum medicinalium, cmturix VI, Ulm, 
1668, 4o), dont il résulte que cette armée était ravagée par la syphilis et 
par la morve aiguë, communiquée des chevaux à l'homme : à tel point que 
plus d*un auteur a cru devoir faire remonler au siège de Novare l'origine 
de ces deux maladies. V. à ce sujet M. le D' Th. Renault, La syphilis au 
XV* siècle, nol. p. 5, 46, 56 etsuiv., 91, 126. 



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BLOCUS DE NOVA RE 2 

çais à Verceil. Ce singulier représentant des intérêts 
Charles VIiI donna même, par raffinement de diplomat 
des renseignements peu bienveillants sur Farmée françaisi 
une parlie des barons voulaient, disait-il, retourner et 
eux sans façon, d'autres réclamaient la paix : trois personc 
seulement poussaient à la continuation de la guerre, mi 
ces personnes-là étaient de celles dont l'argent vient à boi 
Le roi dépensait toutes ses ressources à solder ses troupes ; 
ne paraissait pas chercher de grave bataille, mais il avai 
cœur l'affaire de Novare, et il expédierait bientôt un secou 
Ayant ainsi parlé, le diplomate partit pour Milan. 

Le 9 août, les stratiotes, dans une pointe sur « Bulgaro » di 
la direction de Yerceil, tuèrent huit soldats de Trivulce et 
ramenèrent quatre. Les prisonniers parlèrent de quinze m 
Français campés à Asti, Turin et Verceil. 

Charles VIII ne venait à Turin que par échappées et res1 
à Chieri, partagé entre les plaisirs, la guerre et le gouven 
ment du royaume. C'est à Turin qu'il signa une nominat 
de conseiller au Parlement de Toulouse, en faveur du famé 
Antoine Duprat, qui remplaça Jean Sarrat, promu preir 
président** Il manquait d'argent. Le trésorier des gueri 
Guillaume de la Croix, sur qui éclatait sa colère, just 
avoir fait des avances : mais plusieurs receveurs se tr( 
valent en retard. Le roi pressait, tonnait, encourageait 
accorda une pension de 1,200 livres au général des finan 
Thomas Bohier, qui lui rendait, il est vrai, d'inapprécial 
services. Du côté des Suisses, tout allait bien. On appr 
Turin, le 12 août, que des bataillons de Suisses entraient 
Lombardie, enseignes déployées, dans le dessein de t 

1) Fr. 4658, n» 1. La honte du roi, dit un contemporain étranger, ft 
S*amu8er près des femmes et dans Je luxe, et de refuser de secourir le 
d'Orléans (Carpesauus, dans Ild. Fu6hs, ouvr, dté, I, p. 210). 

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274 HISTOIBE OK LOLIS XU 

ravager, et que les coalisés allaient se trouver obligés de 
détacher des troupes pour faire face à cette nouvelle allaque. 
Peu après, rarrangement avec les Suisses devint officiel : le 
roi leur assurait 20,000 livres de pension, et devait recevoir à 
la fin du mois une armée de douze à quinze mille hommes ^ 
Par contre, le 10 août, cinq cents Allemands du roi passèrent 
à la solde de Venise. 

Le 10, Mantoue reçut de Trivulce un cartel personnel de 
défi, auquel il ne répondit pas. L'armée italienne leva le 
camp, pour s'établir à « Caxuol », où les provédileurs s'ins- 
tallèrent dans un petit château. Depuis plusieurs jours, elle se 
consacrait au rôle unique de couper les vignes et les arbres, de 
piller, saccager, brûler. Ce jour-là même, avec Tautorisation 
de Ludo>îc, Mantoue fit incendier sous ses yeux la petite 
ville de n Bulgaro » (Borgo-Vecelli). 

Le H , François Sfona rapporte à Ludovic qu'un vieil homme 
d'armes de Trivulce a dit, près de Verceil, que le roi ne pren- 
drait pas personnellement le commandement de l'armée *. 

Le 12 un envoi de deux cents arquebuses entre librement 
dans XoN-are. Cent suisses passèrent encore de Verceil et 
environ deux cent cinquante de Novare au camp italien, pour 
V prendre solde. Un espion raconta que le roi restait près de 
Chien, où le retenait une amourette ; d'autres le disaient 

malade '. 

En réalité, le roi commençait à s'inquiéter vivement ; la 
paix ne semblait plus si facile à conclure qu'au début. In- 
formé des négociations, Maximilien menaçait la Bourgogne *, 

t) TiL Bohier, 16 : fr. 3924 (dix-neuf leUies de Charles VIII). 

:^ Arch. de M;;An, 6.> 1*«5, Akssamâria. 

3^ Maliwrd, p- oTS, 

4 . I^ dac de Bourp>giie • * dédarê U guerre a U France, disait-on a 



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BLOCUS DE NOVARE 

soutenait vivement Ludovic et créait de sérieux 
D'un autre côté, malgré la prudence de Tamba 
Savoie, les pourparlers directement suivis parLui 
péraient la méfiance des Vénitiens. On connaissai 
Ludovic à Venise ; on le savait capable de volte-f 
santés pour un intérêt quelconque ; il pouvait br 
entrer dans les vues de son beau-père et trahir ses al 
tout en faisant cause commune, les Vénitiens agiss 
dément contre lui ; leur plan était fort simple : déb 
vulce^ le plus implacable ennemi de Ludovic, le 
leur solde, et « calmer » les San Severino, seuls a 
du duc de Milan. Comment calmer les San Severin 
plus simple. Il n'y avait qu'à confiera Conlarini et 
turiers le soin de leur préparer une mort hono 
quelque rencontre ^ 

Cependant, avec un courage surhumain, les n 
assiégés travaillaient à des fortifications intérieun 
rieures. Ils n avaient presque ni vin ni viande ; ils r 
du cheval. Seuls, les grands seigneurs buvaient qu 
gées de vin acide, qu'ils sucraient. Un œuf se veii 
sous. Avec un peu de blé péniblement broyé^ on fais 
très noir et mauvais. La bonne harmonie no régna 
jours entre Français et Allemands. Chaque nuit, h 
allumaient des feux sur les remparts pour solliciter c 
on les disait tout à fait découragés de n'en recev( 

1) Longue lettre de Charles Vlll à Pierre de Bourbon, fr. 39î 
(Turin, 12 aoftt). 

2) Malipiero, p. 379. w Resta do cose da far : una è de vadug 
como Triulci, che niilrisse difîdentia tra'i popolo e'I duca de ^ 
parle del duca: Taltra è aquietari Sanseverini. El reraedio de 
che Bernardo Conlarini i fesse morir condestro modo in qualcl 

3) Galéas Visconti à Ludovic, 13 août (Rosmini, Histoire de 
221). 



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276 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Le 13 août, Mantoue est atteint de la dysenterie : cent sol- 
dats de Caîazzo désertent en masse, à la grande colère des 
provéditeurs. L'envoyé du pape, porteur de la bulle pour 
Charles VID, passe an camp et publie Tobjet de sa mission. 

Sur un ordre du duc d*Orléans, les assiégés, réduits à la 
dernière extrémité, se résolvent à mettre hors de la ville 
environ cent cinquante personnes, mendiants, femmes sans 
aveu... Beaucoup de ces infortunés, exténués par la fièvre et 
la dysenterie, faisaient mal avoir: ils disaient n'avoir presque 
pas mangé depuis quinze jours. 

La situation se serrait : les vivres commençaient à manquer 
aussi aux assiégeants ; les assiégés ne semblaient plus pouvoir 
tenir. Le 13, à Taube, les assiégeants reconnurent le marquis 
de Saluées en personne, sur les barricades du faubourg Saint- 
Gaudenzio. C'était le côté fedble de Novare \ 

Le 14, une ambassade vénitienne est expédiée au roi^ 
Quelques soldats de l'armée italienne désertent, sous la con- 
duite d'un fils de Jean Borromeo. 

Le matin du samedi 15 août *, jour de TAssomption, Tarrnée 
vénitienne, forte de huit à dix mille combattants, attaqua les 
faubourgs de Novare par trois côtés à la fois, par les portes 
S. Nataro, S. Agabio et S. Andréa. Une lutte désespérée s'en- 
gagea. Louis d*Orléans, épuisé de maladie et de privations, 
accourt ; il est au premier rang, il déploie une intrépidité ma- 
gnifique. Six de ses hommes expirent à ses côtés... *. 

Les Franco-Xovarais, accablés par le nombre, pliaient ; 

i] Ludovic écrit à Philippin de Fiesque, le 29 juillet 1499, qu'entre la 
porte « San-Guenzo » et la citadelle, dix mille hommes pourraient sortir par 
le foâsé du château ^ Arch. de Milan, Dommi Dtp/otnalict, Dominio Sforzesco), 

2) CrivelU à Ludovic, 14 aoùl(Arch. de Milan, G., 14^, Cong. di Novara). 

3} Le 16, selon Benedetli. 

4) D au tre part, quand il fut a NouTaire assiégé 

Du st igneur Ludovic (dont il fut puis vangé]. 






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BLOCUS DE NOVARE 

déjà Tennemi allait forcer la porte de la ville, lorsq 
des Suisses les sauva presque miraculeusement : de 
Vénitiens restèrent sur le champ de bataille. Pour c 
le souvenir de cette cruelle alerte et de cette délivi 
ville de Novare institua, le jour même, une messe V( 
lennelle à la Vierge. Les Vénitiens rejetèrent la res 
lité de leur échec sur le retard des Milanais à ex4 
mouvement convergegt dont on était convenu. Peu a 
Novarais reçurent de Charles VIII une lettre datée di 
les encourageait, en ne leur demandant plus que hi 
d'attente ; le roi promettait de bien reconnaître leur s\ 
et leur dévouement*. 

Le bâton et l'étendard de commandement destinés 
toue arrivèrent au camp vénitien le 15, avec un gvî 
monial et de pompeux discours. 

Les provéditeurs reçurent en même temps du Sens 
d'étendre les opérations c'est-à-dire de tout détruire 
mettre à feu et à sang, jusqu'à Verceil. 

Cent déserteurs allemands de Tarmée du roi et de 
recrues suisses, vinrent encore, le 16, renforcer Tar 
lienne. Les rapports des espions dépeignaient Chai 
comme en proie à de gros embarras d'argent, et à 1 
troupes insuffisantes. 

Le 17, nouvelle cérémonie au camp pour la recono 

Ne defTendit il pas ung de ses belevars 
Tant et si longuement, que six de ses souldars 
Furent près luy tuez ? Mais tousjours il tint bon, 
Et si les deslogea du bourc qui estoit bon. 

(Les hardiesses de plusieurs roiSy tns. fr. ] 

L'auteur des Hardiesses, Jean Sala, ne dit pas exactement à qii 

du siège se rapporte cet acte de bravoure, qu'il ne craint pas 

parmi les plus notables exploits de l'histoire, mais les circonsta 

blent se référer à TafTaire du 15 août. 

1) Chr. inédite de Gorriccio, à Novare (citée par Rusconi, p. 3£ 



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278 HISTOIRE DE LOUIS XH 

du marquis de Mantoue comme capitaine général. Beaucoup 
d'apparat ; après la messe solennelle et de nombreux discours, 
mise en marche du cortège, avec escorte d'honneur, tapage do 
trompettes et embrassements multiples. On transmit ensuite h 
Milan le sceptre et Tétendard, pour satisfaire la curiosité de la 
duchesse Béatrix qui désirait les voir. 

Charles VIII venait de traiter avec les Florentins et do leur 
rendre Sarzana et Sarzanella *. Les revues continuaient à Ver- 
ceil et aux environs : la concentration semblait complète : la 
compagnie d'Urfé arrivait par Fontaneto, la compagnie de 
Coligny campait à Sainte-Agathe-les-Verceil*. Pourtant cent 
Allemands du roi passsèrent encore au camp vénitien, où ils 
touchèrent à l'instant une prime d'engagement. 

A Novare, on ne vivait plus. Un espion rapporta que, le 17, 
on avait lu, sur la place, la lettre du roi qui promettait des 
secours à bref délai. Que d'angoisses ! Plus un morceau de pain 
dans la ville, plus de vin. On se nourrissait de fèves bouillies. 
Des Allemands ayant découvert quelques raisins aux portes 
de la ville, s'en servaient comme de sucre. Il y avait beaucoup 
de malades. D'après ce rapport, la population maudissait la 
situation et ses auteurs : cependant, sa constance extraordi- 
naire donnait un singulier démenti '. 

De Verceil, un autre espion signalant un envoi de vivres 
sur Novare, le marquis de Mantoue lui-même, avec Caïazzo, 
deux colonels, Jérôme Stanga et deux cents stratiotes ou che- 
vau-légers, passa la nuit du 17 au 18 août à battre la campagne 
dans la direction de Vespolate, sans rien trouver que ses propres 
émissaires disséminés partout. Il revint au camp le matin pour 

1) Turin, 16 août (Copie aux Arch. de Milan; cf. Arch. de Florence, Atli 
publici, Cartapenze, VI, xli, l). 

2) Clair. 239, 437, 439. 

3) Rosinini, Histoire de Trivulce^ II, 221. 



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BLOCUS DE NOVARE 

apprendre que la dysenterie y reparaissait : huit Allei 
étaient gravement atteints. 

La nuit suivante, cent qualre-vingls archers ou arl 
à cheval, portant chacun un sachet de farine, entrèi 
quillement à Novare, par la roule de Vorceil *. 

Faute de mieux, on se mit à élever des bastions et; 
un bon fossé autour du camp italioi. Peligliano pré 
demment une action militaire sur Verceil. 

Divers rapports d'espions, reçus le 19 août, évalu 
forces du roi à huit mille hommes de pied, dix-huit cent 
et parlaient d'une forte artillerie. Ils signalaient noi 
deux pièces de huit pieds et demi pour des boulets 
vres, quatre grands passevolants de quatorze pieds, 
boulets de 22, quatorze faucons de sept pieds et doi 
boulets de 12 livres*. Ils ajoutaient que le roi se ] 
d'attaquer par trois côtés à la fois. Ces nouvelles i 
l'état -major très perplexe. Petigliano parla de se 
Gaïazzo voulait, au contraire, rester en place et se 
solidement... Bref, on ne prit aucun parti; sur Tavis < 
ranto échappés de Novare avaient encore pu, le mi 
gner Yerceil, on résolut seulement de doubler les vec 
C'est à ce moment que les provéditeurs vénitiens en| 
Petigliano au service de la République, comme n 

1) Lettres de Stanga et de Galéas, 18 et 19 août(Arch. de Mila 
1495: Alessandria, et Congiura di Novara). 

2) Selon Malipiero (p. 380), Tarmée vénitienne comptait, avant ! 
avec Tarmée milanaise, vingt-cinq à trente mille hommes, plus 
cents stratioles de Contarini campés à part, et l'armée milanaise 
mille hommes, compris les Suisses, soit un total de trente-trois à t 
mille hommes, accru, depuis lors, du pelit corps amené par Ludo^ 
renforts successifs que nous avons notés. 

D'après le compte fourni par Sanudo, le roi avait neuf cents la 
doonance réparties en dix-sept compagnies (la compagnie d'Orléans < 
et mille chevau-lègers, soit dix-neuf cents lances (formant cinq i 
cents hommes à cheval) : environ cinq mille cinq cents fantassin: 



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280 HISTOTRE DE LOUIS XII 

caùip. Petigliano en référa à son médecin-astrologue, Bene- 
detii, lequel nous rapporte lui-même qu'il trouva le ciel d^avis 
conforme, par suite de la position de Jupiter et de la Lune, 
dans les environs de Vénus. Ajoutons que Venise garantissait 
un traitement annuel de 44,000 ducats, et que Petigliano, 
malgré les astres, jugea l'offre indigne de lui ; il finit, après 
beaucoup de marchandages, par accepter 33,000 ducats d'or 
en temps de paix et 50,000 en temps de guerre *... 

Simple escarmouche de stratiotes, le 20; ils firent deux 
prisonniers, dont ils laissèrent l'un grièvement blessé, et pen- 
dirent l'autre à la haute potence du camp. Pendant cet exploit, 
une vingtaine de stratiotes se rendirent à Novare pour oCfrir 
leurs services au duc d'Orléans : le duc les reçut d'autant mieux 
que, la situation devenant atroce, chaque jour dix ou douze 
Allemands disparaissaient par la route de la montagne. 

Le 21 août, les Novarais au désespoir tiraient des coups de 
canon de détresse ; on leur répondit de Verceil. 

Les troupes royales donnaient quelque signe de vie. La com- 
pagnie Beaumont-Polignac arrivait à Fontaneto *. A Alexan- 
drie, on vit soixante chevau-légers français courir sous les 
murs de la ville, sans grande utilité d'ailleurs, et faire un pri- 
sonnier sous l'œil de la garnison. On apprit aussi que le fameux 
pont de bateaux de Ponte Stura, jeté jadis par le duc d'Or- 
léans, qu'on disait détruit par les coureurs italiens, restauré 
par le Montferrat, restauré par le roi, n'avait été ni détruit» 
ni restauré, et servait toujours '. Le bruit se répandit alors au 

provenance, allemands, savoyards, gascons, piémontais : et, comme artillerie, 
cinq serpentines, quatre passevolants (ou coulevrines), quatorze spingardes. 

1) 30,000 florins et 40,000 seulement, selon Malipiero. On lui donna la 
compagnie de six cents chevaux, commandée jusque-là par Ranuce Farnèse 
(p. 378). 

2) Fr, 25782, 141. 

3) Lettre de Fr. Sforza (Arch. de Milan, Guerre^ i495. Alessandria). 



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BLOCUS DE NOYARE 281 

camp italien que Charles YIII possédait réellement vingt mille 
hommes de pied, que ces forces se grossissaient d'envois 
suisses, qu'il allait combattre. A cette nouvelle, les Suisses 
complotèrent de déserter en masse vers le roi de France; 
Georges Pietrapiana les retint, mais avec beaucoup de peine. 
A Alexandrie, on arrêtait un courrier français ; à Novare, on 
surprit, à la nuit, un courrier envoyé par les provéditeurs au 
Sénat. La lettre des provéditeurs fut lue en public : elle n'était 
pas brillante. Ils se plaignaient de la défection de deux cents 
lances milanaises ; un grand nombre de gens de pied de 
Venise s'étaient enfuis aussi, disaient-ils, après la paye ; mais 
ils enregistraient le bruit du retour de Charles VIII en France^ 
comme fort sérieux \ 

Le duc d'Orléans confia cette lettre^ avec une dépêche chif- 
frée, à deux courageux citoyens de Novare, qui se chargèrent 
de la porter au roi : à leur tour, ceux-ci, au milieu de la nuit, 
tombèrent dans les mains des assiégeants. Le lettre du duc 
d'Orléans fut expédiée à Milan^ où on parvint à la lire. Le 
duc se plaignait amèrement qu'on laissât courir le bruit 
déshonorant du départ du roi ' : sans vivres, sans argent, ses 
soldats parlaient de se rendre, puisqu'ils ne voyaient jamais 
venir le secours si souvent annoncé. Il mandait aussi au roi les 
discordes et les désertions de l'armée de la Ligue '. 

1) Ce qui accréditait ce bruit, c'était les nouvelles, de plus en plus mau- 
vaises, de la santé du dauphin Charles-Orland, qui se mourait à Amboise. 
Une consultation des médecins, du 29 août, nous a été conservée (fr. 2922, 
f^ 26). L'enfant mourut au mois de décembre. 

2) On commençait à se moquer de Charles Vllf , après avoir tremblé devant 
lui. « Le sieur de Cernon », arrivé le 22 août à Chieri, déclara au roi qu'il 
avait pillé et mis à sac une petite ville de la seigneurie de Gênes, pour se 
venger de ce que, le jour précédent, on y avait fait « un roi de France, en 
une chaire de papier collé », et puis on lui avait mis le feu par derrière (Nie. 
Gilles). Ce Cernon était Louis de Villeneuve, sg' de Serenon. 

3) Sanudo : Malipiero. 



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282 HISTOIRE DE LOUTS XII 

L'ordre donné par le Sénat vénitien de miner le territoire 
jusqu'à Verceil convenait peu à Ludovic, qui aurait voulu 
rester sur le terrain diplomatique vis-à-vis de la duchesse de 
Savoie. La duchesse prolestait de son désir de voir évacuer 
Verceil par la France, et elle en demandait les moyens à Lu- 
dovic, Mantoue et les provéditeurs maintinrent néanmoins 
Tordre fonaot de violer sa frontière et de traiter les environs de 
Verceil comme ceux de Novare. A cet ordre barbare, que ne 
justifiait aucune coutume, s'ajoutèrent des détails encore plus 
hideux. II s'agissait de piller, sans péril, des gens inoffensifs : 
les avides pouvaient se montrer ingénieux. Fracassa fit re- 
mettre les opérations au lendemain; la nuit venue, il partit 
seul avec ses cinq cents chevau-légers et put ainsi opérer dans 
le Vercellois une razzia fructueuse : il ramena deux mille 
bêtes à cornes et mille moutons. Ce fut alors le tour des slra- 
tiotes; ils coururentles maisons, d'où les paysans s'enfuyaient 
affolés^ et ramenèrent mille animaux. Dès ce moment, on vé- 
cut au camp dans l'abondance : comme le dit Benedetti, on 
avait vaincu le régime des privations. La duchesse de Savoie 
fit ramener dans l'intérieur du pays ce qui avait échappé aux 
déprédateurs. 

Le soir du 2t août, les stratiotes surprirent un convoi de 
vivres dirigé sur Novare et le dispersèrent; il ne parvint à 
Novare que dix hommes, portant en croupe des sacs do 
farine*. 

Le 22, le seigneur de Pesaro amena une compagnie de deux 
cents hommes d'armes aux coalisés, et l'on prépara des tentes 
magnifiques pour une nouvelle visite de Ludovic... Légère 
escarmouche dans la direction de Verceil, entre deux pelotons 
de reconnaissance... Le marquis de Mantoue tombe malade '. 

1) Sanudo : d'Adria (qui fait honneur de la surprise à Mantoue), 

2) D'Adria, p. 67. 



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BLOCUS DE NOVARE 283 

Le 23, les provéditeurs envoient un nouvel émissaire en 
Suisse, chercher deux mille hommes, qu'on attendait encore. 

Dans la nuit du 23 août, cent cinquante hommes à cheval, 
tous malades, exténués, sortirent de Novare, précédés de 
deux trompettes, et déclarèrent se rendre, car la ville ne 
pouvait plus tenir* : l'eau était exécrable; les perpétuelles 
alertes, le service incessant des remparts épuisaient les défen- 
seurs : n'ayant rien à metlre sous la dent, ils tuaient leurs che- 
vaux pour les manger ; Novare ressemblait à un vaste hôpital ; 
les rues même étaient pleines de malades, qui se mouraient 
surtout de faim. Privés de communication avec le roi, les mal- 
heureux, pendant la nuit, faisaient du haut du château, sur le 
sommet des tours, des signaux de feu, pour demander du 
secours... Mais, seul, l'ennemi voyait ces signes de désespoir et 
de détresse briller dans les ténèbres, et il y répondait par des 
rires... Louis d'Orléans essayait de réagir : il déclara avoir 
reçu des lettres qui annonçaient l'arrivée du roi : il fit battre 
le tambour, sonnerlescarilIons,clochesfunèbre8qui semblaient 
le glas des affamés. 

Pendant ce temps, les assiégeants s'entretuaient : Italiens et 
Allemands s'étaient repris de querelle, et dix Italiens restèrent 
sur le carreau ; devant la foule furieuse de l'armée italienne, 
les Allemands voulurent ^'enfuir; les Italiens, hors d'eux, les 
poursuivirent la pique dans le dos, et en tuèrent cinquante; 
ils les auraient massacrés jusqu'au dernier, sans l'interven- 
tion de Petigliano. Mantoue ne trouva d'autre remède que 
de multiplier les sentinelles aux environs et de calmer les 
soldats par de copieuses libations *. Il écrivit à la duchesse de 
Savoie quelques bonnes paroles '. Quant à Galéas, il tra- 

1) Lettre de Galéas, 24 août (Arch. de Milan). 

2) D'Adria, p. 67. 

3) Lettre de Galéas du 24 août. 



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S84 HISTOlKK DB LOCIS XH 

Tersait U Sesia et durgeaît une troupe de cinquante paysans 
qui inenaieQt da bétail ^ Aossî, le 23 août, Mantoue pouvait- 
il aviser LadoTÎc que les vivres n^arrivaient plus à Novarc. 
D faiisait bonne garde; il campait, de sa personne, au quar- 
tier général de Casalegio. et Jean-François de San Severino 
était chargé de veiller sur le côté de Vespolate; malgré 
Tordre rigoureux donné aux sentinelles de faire feu ou de crier 
an moindre bruit, deux cents chevaux et quelques fantassins 
purent encore, dans la nuit du 2i, quitter Novare, et gagner 
Yerceil à travers les lignes ennemies *. 

Si la dysenterie faisait des ravages au camp des coalisés, à 
Novare elle régnait en maîtresse. Un franciscain sorti de la ville 
pour chercher des fruits, afin de nourrir, disait-il, sa commu- 
nauté, raconta qu'il ne restait plus rien à son couvent, qu'on 
venait d y enterrer dix-sept Français, que le duc d*OrléaQs 
était malade, à bout de forces '. 

Le soir du 21 août» un certain nombre d'assiégés réussirent 
encore à s'échapper à cheval, mais on apprit qu'en arrivant à 
Yerceil presque tous mouraient des suites de leurs premiers re- 
pas. Des espions annoncèrent, le soir du 26 août, Tapproche 
de quinze mille Français, porteurs de charges d'aliments pour 
Novare. Mantoue voulut tendre lui-même Tembuscade avec 
sa cavalerie et son artillerie. Bientôt, on entendit résonner 
dans la nuit le sabot des chevaux du convoi français. C'était 
simplement une troupe de soixante hommes d'armes ^ menée 



i) Arcb. de Milan. 

2) Lettre de J. F. San Sererino (Arcb. de Milaa). 

3) Dans les Comptes ducaax de ce moment, nous voyons le duc donner un 
écu à « deux pauvres religieux » qui lui ofTrent un fruit (Tit. Orléans, 955). 

4) Benedetti. D^Adria, dans ses Groniehe (p. 67), parle de deux cents 
hommes d'armes et quatre mille Allemands. Mantoue leur aurait opposé 
mille chevau-légers, et cinq mille Allemands... Benedetti nous a laissé 
le récit le plus sérieux du siê^ : Sanudo n'est pas toujours très exactement 



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|fi^H.ï^ ^ 



BLOCUS DE NOVARE 285 

par un jeune seigneur, ami du roî^ Jacques de Goligny, s^' de 
Chatiilon. Tout d'un coup, aux pâles rayons de la lune^ la 
troupe française se voit surprise, et cernée; elle se débande; 
chacun s'enfuit, en jetant les provisions. Les stratiotes se pré- 
cipitent sur la farine, sur le vin, sur les vivres, sans chercher 
à faire de prisonniers; ils arrêtent pourtant Ghàtillon ', le sire 
de la Palisse, celui-là même qui devait un jour s'illustrer dans 
ces mêmes contrées, et quelques autres hommes d'armes. Les 
stratiotes, peu habitués à de si bonnes prises^ les dépouillent 
à fond : or, argent, anneaux, colliers, porte-monnaie, cheval, 
tout y passe. Les autres fugitifs se cachèrent où ils purent. 
On ne les attaqua point. Un capitaine d*infanterie vénitien 
trouva toutefois un moyen ingénieux de faire encore, sans se 
donner de peine, quelques prisopniers ; il allait, criant : 
« Voilà les stratiotes. » Ce cri fit sortir des buissons plusieurs 
Français qui préféraient traiter avec un Italien, et le capitaine, 
séance tenante, réglait leur rançon. Pour mettre fin à ces abus, 
les provéditeurs proclamèrent qu à l'avenir tous les prison- 
niers seraient amenés au camp, et expédiés à Milan * ou à 
Crema. Ils décidèrent aussi de licencier les Allemands^ avec 
lesquels on ne pouvait plus vivre. 

Les Novarais étaler t vraiment à bout de leurs forces ; ils ne 
parlaient, dans leurs lettres, que de gens morts de faim..., ils 
disaient ne pouvoir plus attendre t{ue dix jours, puis huit jours 
puis trois jours... Ces trois jours se passèrent encore... et, 

ioformé. Quant à D^Adria, ses Croniche doivent être consultées avec pré- 
caution. 

1) Nous remarquons néanmoins qu'à ce moment le duc accepte un mulet 
offert par M. de Maillé (renfermé avec lui à Novare), et un grand cheval, 
offert par M. de Chatiilon {Tit. Orléans, 955). 

2) Les prisonniers, faits par les troupes de Ludovic, étaient, par ordre, 
envoyés, depuis le commencement du mois, à Milan et enfermés au château 
(Diaire manuscrit de Ph. de Lischate)* 



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286 HISTOIRE DE LOCIS Xll 

« de mémoire d'homme, ni même dans les chroniques », on 
ne trouvait d'exemple d*une misère si atroce. 

Que faisait donc le roi ? Pourquoi ces séjours prolongés à 
Chieri, loin de son armée ? pourquoi le bruit qu'it ne comman- 
derait pas lui-même Tarmée? L'on a dit qu'il s'oubliait dans' 
les bras d'une femme : à coup sûr, il s'amusait. Son conseil 
était divisé : les uns parlaient de la nécessité d'en finir, mon- 
trant l'approche de l'hiver^ les maladies et les congés qui éclair- 
cissaient les rangs des Français, déjà bien peu nombreux, le 
défaut d'argent, les inondations qui coupaientle pays,re(Tusioii 
bien inutile du sang humain; d'autres mandaient à Louis d'Or- 
léans de tenir bon. La mort soudaine, à vingt-six ans, de la mar- 
quise de Monferral, cette vraie amie de la France, vint encore 
compliquer la situation : la marquise laissait deux jeunes en- 
fants, sous la tutelle de son oncle, brave comme elle, Constan- 
tin Arnili, frère du dernier roi de Serbie *. Malgré les efforts de 
Pierre de Bourbon et l'ambassade du vicomte de Rodde, Guil- 
laume de Caramaing*, l'armée espagnole s'avançait aussi sur la 
frontière du Roussillon, et Charles VIII no pouvait que prier 
Pierre de Bourbon w d'aviser' ». tin même temps, il réclamait 
de l'argent, car, au lieu de douze ou quinze mille Suisses 
qu'il désirait, voilà qu'il lui en arrivait vingt-cinq mille*, de quoi 
« subjuguer toute l'Italie, » disait-il,... Pierre de Bourbon 
faisait l'impossible : « Le roi, écrivait-il au trésorier des fi- 
nances, reçoit dix mille Suisses de plus qu'il ne pensait, soit 
une augmentation de dépense de 60.000 francs par mois. En- 



1) Commines. 

2) Fr. 20590, 60, 62 : 25717, 7i8. 

3) Fr. 3924 : Aut. de Saint-Pétersbourg, (I), 1, 26. 

4) Commines, édition Dupont, III, 425 : Fr. 3924, f» 6, n« 14; leltrede 
G. d'Amboise aux États de Normandie, 6 mars 1495-96, Arch. muoicip. de 
Rouen, 228, 1. 



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BLOCUS DK NOVABE 287 

\oyez-lui de suite vos obligations; il lui faut tout Targentpc" 
sible. Il espère finir en septembre et revenir*. ^) 

Le 28 août, le roi adressa de Chieri aux habitants de N 
vareune lettre pathétique^ que nous retrouvons dans les papie 
de Ludovic. Il les remerciait chaudement du « service fait 
au duc d'Orléans et à lui, il promettait encore de les secourir 

Un ambassadeur de la duchesse de Savoie vint au camp co 
lise se plaindre des pillages : on le renvoya à Milan. 

Le 29, Petigliano décida les assiégeants à s'approcher de 
ville : les Italiens mirent le feu dans les faubourgs : ils s'ét 
blirent, au nombre de deux cents chevaux et de trois cei 
gens de pied, dans l'église San Nazzaro : ils élevèrent ans 
une casemate devant Téglise Sanla Maria, à portée des m 
railles, et deux bastions près de leur camp, sur les dei 
roules de Verceil à Novarc. 

Le Sénat de Venise^ outré contre les Suisses, ordonnait ( 
ne plus recruter que des Italiens, et surtout de presser Tassai 
Mais les pluies persistantes formaient autour de Novare i 
vaste marécage qui rendait les mouvements d'ensemble tr 
difficiles. 

Quelques straliotes, en train de piller, arrêtèrent dei 
pillards français et quatre archers, le 30 août. 

On ne pensait plus qu'à l'assaut final. Le matin du 31 aoù 
Petigliano, qui le réclamait vivement, fit couper autour de 
ville tous les restes de vignes ou d'arbres à fruits, et doni 
Tordre de tourner Novare pour Tétreindre de près*. Ma 
Ludovic n'était pas Thoinme des grandes décisions. Il venî 



1) Fr. 15537, f» 226. Le 9 septembre, il envoya 1000 livres au sire d\ 
bret, commandant de l'armée du Languedoc (fr. 26104, 1096). Cf. Tit, 1 
Âmand, 2. 

2) Arch. de Milan. 

3) Lettre du 31 aoûl (Arch. de Milan, Guerre^ 1495, Alessandria). 



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288 HISTOIRE DE LOUIS XII 

d*apprendre le traité des Florentins avec le roi : un ambassa- 
deur florentin passa à Alexandrie le 31, avec deux envoyés du 
cardinal de la Rovère*... Ludovic savait que Nerio Capponi se 
trouvait près du roi, qu'Hiblet de Fiesque méditait un mou- 
vement sur Gènes avec quatre mille hommes de pied, que 
Constantin Arniti nouait des intelligences avec des Grecs et 
des Albanais. Il savait aussi les embarras du roi, les excès de 
ses Suisses (il avait fallu envoyer à Suze six cents hommes 
pour arrêter le pillage des Suisses), l'abandon d*Asti sans dé- 
fense *. La situation du Montferrat Finquiétait... 11 envoya, le 
31 août, François de Landriano poser à Galéas diverses ques- 
tions : « Que faire des prisonniers français ?ils sont misérables, 
et ne peuvent rien payer.. . Est-il vrai que, de Verceil, on a dirigé 
des troupes sur Naples? Les Allemands de Novare devaient 
partir aujourd'hui, s'ils ne recevaient pas leur solde : Tont-ils 
reçue? D'autres Allemands ou le marquis de Mantoue sont-ils 
entrés en négociations avec eux? Arri ve-t-il de nouvelles troupes 
italiennes? Avez-vous dix mille Italiens? » Il demandait aussi 
qu'on lui renvoyât huit cents Italiens et qu'on expédiât un bon 
détachement à Felizzano, près d'Asti '. 

Un prisonnier, échappé de Novare, déclara que, depuis huit 
jours, les Français ne quittaient plus leurs armes, et s'atten- 
daient à Tassant d'un instant à l'autre. 

Les Novarais firent prisonnier un courrier de Venise. 

Contarini poussa une reconnaissance sur la Sesia, qu'il passa 
même à gué, et il gravit avec ses stratiotes un coteau qui 
dominait Tautre rive, près de Verceil... 

1) Lettre de Fr, Sforza, 31 août (td.). 

2) Lettre du môme, 27 août (td.). 

3) Instr. à Landriano (Arcb. de Milan, Gueire, 1495, Cong, di Aowira). 



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CHAPITRE XXI 

Traité dk Verceil 



Le duc d'Orléans et les Novarais, « n'espéroient plus qu'au 
secours du Roy, auquel ilz escrivoient par chiffres assez 
souvent de leur nécessité, qui ne pouvoit prendre (in que par 
une bataille ou prompte paix, à laquelle tous également affec- 
tionnez, aucun toutesfois ne vouloit, creinte d'amoindrir sa 
réputation, donner la première ouverture^ ». Tout en se félici- 
tant de Tétat de son armée^ Charles YIII écrivait, le 25 août : 
« Le plus tost m'en pourray retourner par delà, qui est ce que 
plus je désire' »... Il se montrait gai et dispos ; le 29aoùt^ il 
annonçait officiellement sa volonté de reprendre l'offensive ' : 
il souffrait» sans protester, qu'on l'accus&t de vouloir rester en 
Lombardie, pour prendre Alexandrie, attaquer Milan... C'était 
une feinte pour masquer les projets de départ, dont Louis 
d'Orléans lui avait signalé le mauvais effet. La paye eut lieu à 
Verceil, le 1«^ septembre *. 

Ludovic aurait voulu tenter un coup de main ^ur Asti : 
François Sforza l'en dissuada; à supposer qu'on réussit, il 
jugeait impossible de s y maintenir, à cause de l'esprit de la 
population *. A Novare, Petigliano allait commander l'assaut, 
quand en approchant des murailles, dans le faubourg S. Aga- 

1) Mémoire manuscrit, fr. 17519, î^ 192 v*. 

2) Fr. 3924, f. 6. 

3) Desjardins, I, 626, 627. 

4) Fr. 20379, p. 58. 

5) LeUre du 1" septembre (Arch. de Milan, Querre, 1495, Alessandria), 

111 19 



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290 HISTOIRE DE LOUIS XII 

pito (Saint-Jean), le 2 septembre, il reçut un coup d'arquebu- 
sade ^ En voyant le coup parlir, il s'était instinctivement 
baissé^ de sorte que la balle lui traversa l'épaule gaucbe et 
vint se loger dans le flanc droit : on le porta mourant dans un 
couvent voisin. A l'instant, le bruit de sa mort courut parmi 
les troupes; ce fut un deuil et un découragement général. Les 
médecins, après un examen approfondi, ne jugèrent pas la 
blessure mortelle; toutefois Petigliano ne voulut pas entendre 
parler de chirurgie et préféra se remettre entre les mains d'un 
charmeur... 

Louis d'Orléans, réduit à la dernière extrémité, et sans 
argent, dut faire frapper quelques ducats de cuivre, auquel il 
donna cours forcé pour la valeur nominale des ducats d'ar- 
gent*. L'armée ennemie pénétrait tous les faubourgs de 
Novare , elle n'avait plus qu'à forcer une porte pour se rendre 
maîtresse d'une poignée d'hommes qui se mouraient. 

La conduite du roi semblait incompréhensible: Charles VIII 
restait encore à Chieri , sans utiliser les Suisses « avec les- 
quels on pouvait conquérir l'Italie ». Le S septembre, il écri- 
vait au régent pour demander de l'argent et ordonner la levée 
des ban et arrière-ban de tout le royaume'. Le 27 août, il 
demandait de l'argent, il en demandait le 10 septembre*... 

1) Galéas n'en informa Ludovic que le 8 (Arch. de Milan, Guerre, 1495) : 
dans sa correspondance, il omet presque toujours les mauvaises nouvelles. 

2) Bembo, Rerum Venetarum Historiœ, liv. II : Cf. Tobiesen Duby, Pièces 
obsidionales, Récréations numismatiqueSy pi. III, n© 12 : Cantù, Hist, des 
Italiens, Irad. Lacombe, VII, 243 (avec quelques réserves). 

3) Fr. 3924, f* 7. 

4) Lettres à ces dates, fr. 3924. Le duc d'Orléans fit, à Verceil, un prêt 
d'argent fort important, sur les sommes disponibles qui ne pouvaient plus 
servir pour Novare. Nous supposons que le prêt eut lieu à ce moment, par 
l'intermédiaire de Georges d'Amboise. Nous ne connaissons ce prêt que par 
des mentions indirectes. Nous savons seulement que Charles VIII acheva, 
le 16 octobre 1496, le paiement d'un simple acompte de 50,000 livres, qu'un 
autre paiement de 5,000 livres avait encore lieu le 3 avril 1498, et que 



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TRAITÉ DE VERCEIL 291 

Mais on ne savait plus du tout ce qu'il comptait faire, et lui- 
même ne le savait peut-être pas. Les bruits les plus dissem- 
blables couraient : on annonçait lamarche sur Novare, un re- 
tour sur Asti ; l'on apprenait qu'Hiblet de Fiesque, avec le 
cardinal Fregoso, rassemblait des troupes de pied et de cheval, 
ainsi que de grandes provisions, à Acqui et à Nice. Dans quel 
but?.... Tout le monde se le demandait*. 

Envoyé en Montferrat, pour aider à l'établissement de la 
régence de Constantin Arniti, Ph. de Commines était de ceux 
qui auguraient mal des événements ; il voyait Thiver arriver, 
le roi livré à des mercenaires en grand nombre, Tennemi puis- 
sant; il n'était pas partisan d'une bataille, et il redoutait 
qu'un jour ou l'autre « ces prélats » (MM. de Saint-Malo et de 
Rouen) y entraînassent le roi. Lui-même, dans sa sagesse, il 
avait jugé, un mois , deux mois auparavant, le moment venu 
de négocier ; après Fornoue, il avait négocié, et inutilement : 
au camp devant Novare, il avait négocié, et, des deux côtés, 
des trois même, la cour, Ludovic, Venise, personne n'avait pris 
au sérieux son intervention. lien cuisait durement h son amour- 
propre, si cruellement atteint déjà! Heureux d'avoir obtenu au 
moins une mission en Montferrat, il saisit l'occasion de renou- 
veler ses offres de services, de rappeler au roi les risques de 
Fornoue, l'utilité, admise alors, d'un « honneste appoincte- 
ment ». Charles VIII le renvoya encore à Saint-Malo : Saint- 
Malo refusa encore de l'entendre et déclara qu'il garantissait 
la victoire. Commines n'abandonna pas la partie. Le conseil 
du roi se trouvait en proie à une confusion d'idées très pénible : 
les esprits s'étaient aigris, le roi ne donnait aucune direction, 

Charles VI!Ï mourut avant d^avoirtout remboursé au duc d'Orléans (fr. 20379, 
p. 59, p. 60). 

1) Lettre de Fr. Sforza, 8 septembre (Arch. de Milan, Gwrrey 1495, Aies- 
sandrià). 



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292 HISTOIRE DE LOUIS XII 

chacun parlait et agissait de son côté. £t comment parlait-on ! 
On s'accusait réciproquement de scélératesse, de trahison; « le 
maréchal de Gié était vendu à Sforza , le prince d*Orange à 
TEmpereur, — Saint-Malo au duc d'Orléans » ; on précisait 
même que « le duc lui garantissait une pension de 10.000 li- 
vres, en cas de conquête du duché de Milan ', » et ainsi de 
suite... Commines n'eut donc pas de peine à trouver des parti- 
sans. Louis de la TrémoïUe l'engagea fort à tenter l'aventure 
d'une négociation privée. Commines se brouilla avec Saint- 
Malo, s'assura de l'appui du prince d'Orange, et partit. 

L'armée française campée à Cameriano et Borgo-Yecelli, 
sous les ordres du prince d'Orange^ des comtes de Foix et de 
Vendôme, du maréchal de Gié, s'étendait sensiblement en avant 
de la Sesia, et ne se trouvait plus séparée de l'ennemi que par 
une plaine humide^ entrecoupée de fossés débordés. La mala- 
die l'éprouvait rudement. Le comte de Vendôme, que nous 
venons de nommer , François de Bourbon, un beau jeime 
homme de vingt-cinq ans, à l'aspect brillant et sympathique, 
arrivé tout récemment de France en poste pour prendre part 
à la bataille, avait été presque aussitôt saisi de la dysente- 
rie. On éloignait évidemment le roi du camp ; le roi venait voir 
ses soldats^ mais il ne coucha qu'une fois parmi eux. L'armée, 
lasse d'une attente longue et pénible, trahissait son ennui ; 
bien des Français retournaient chez eux, avec ou sans congé. 

Commines, à peine arrivé à Casai, s'aboucha avec un maître 
d'hôtel du marquis de Mantoue , chargé des compliments de 
condoléance de son maître, et réussit à lier partie avec lui . 
Sans en référer au roi, sans recevoir ni demander aucune ins- 
truction, il adressa, le lendemain de cette rencontre, c*est-à- 



i) Commines : Guichardin : notre notice, Pierre de Rohan, duc de Ne- 
mours..., 47, n. 7. 



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TRAITÉ DE VERCEIL 

dire le 7 septembre, un des trompettes de sa m 
italien, avec des lettres, par lesquelles il ofTrai 
teurs ses services comme médiateur : il appuj 
velle offre du nom du roi, dont il affirmait la 
personnelle, tout en convenant que des avis 
produisaient dans le conseil \ 

Novare attendait toujours ! 

Le !•' septembre*, Contarini courut devan 
un certain nombre de stratiotes, pour essay< 
assiégés dans un guet-apens ; mais la malbeui 
semblait frappée de stupeur, d'immobilité. L( 
vénitien s'éclaira; on y célébra, brillamment, h 
défaite qui aurait été infligée à Tarmée français 
pignan, par vingt-cinq mille Espagnols et le 
en personne. Les attaques de flux, qui n'épar 
point les chefs de Tarmée, n*assombrirentpasc 
déserteurs donnaient sur la situation de Novs 
navrants : on y mourait en foule, on man< 
même de salaisons, on n'espérait plus de seco 
çais et les Allemands voulaient piller les n 
défiaient de la fidélité des habitants ; il ne resi 
seul passevolant en état : le duc d'Orléans p( 
encore, disait-on, tenter la destruction d'une ég 
la ville*. 

Les Italiens prirent leurs précautions en cons 
le 4, de nouveaux déserteurs rapportèrent qi 
duc d'Orléans avait donné Tordre à la trouj 



1] Commines. 

2) Nous trouvoDS ud acte de Louis d'Orléans, daté de Vei 
1495, dans le ms. fr. 20379, p. 58. C'est un acte de Fon ( 

3) Sanudo (Suite inédite de Sanudo, pour le mois de se 
1441, Bibi. nat. de Paris). 



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294 HisTOttB Di Lons xn 

cfaeTanx pr^U et les ralises boudées; oo en concluait qne, 
malftile et affamé, il projetait une faite. Le duc avait promis 
une surpaye à ses gens d*armes ; mais ceux-ci criaient que 
peu leur importait TarsTent, puisqu'ils ne trouvaient rien à 
acheter, et d^ailleurs la nouvelle monnaie n'obtenait guère de 
crédit*. Le siè?e prenait une tournure dramatique. 

Le 3, Mantoue, sous le feu même du rempart, occupa le 
couvent franciscain et l'église San Nazaro, bonne position 
pour serrer la ville dont le couvent touchait les murs, et pour 
commander, au besoin» la route de Milan : il y fit établir de 
solides barricades, et y mit deux cents hommes d'armes, trois 
mille gens de pied et de l'artillerie, sous le commandement 
du comte Pian de Meleto'; le lendemain, à la tête de Tarmée 
entière, il prit d'assaut, maison par maison, tout le faubourg 
attenant à San Nazaro, et il emporta les bastions qui défen- 
daient la porte de la ville. Les >^ovarais, atterrés, au déses- 
poir de se voir frappés an cœur, ne pensèrent plus qu'à 
vendre chèrement leurs vies. Cinq cents soldats, éperdus, ex- 
ténués, s'enfuirent à cheval, pendant la nuit, à tout hasard, 
sans armes, et réussirent à glisser à travers les vedettes des 
stratiotes'. Quant aux défenseurs indomptables, ils prirent un 
de ces partis farouches, après lesquels il ne reste qu'à mourir. 
Comme les Russes incendiant Moscou, les Novarais, plutôt 
que de les céder aux vainqueurs, mirent le feu à tous leurs 
faubourgs, qu'ils ne pouvaient plus défendre. Au milieu d'un 
cercle de flammes ou de ruines fumantes, Novare dresse 
encore ses murs noircis, inaccessibles! Elle va succomber^ 
quand le dernier de ses défenseurs sera mort de faim * ! 



1) Lt 

2) D Adria, p. 33i* 

3) S^nudo, ms. cite- 

i- D'Atina : S^inu-io (S seplembiv\ 



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TRAITÉ DE VERCBIL 2' 

Lo 8 septembre, chez le roi, à Chierî, tout était en liess 
Charles VIII donnait un bal, et Ton dansait. Tout à cou 
Georges d'Amboise, accourant en hâte de Turin, se pré< 
pite: il apporte des nouvelles terribles; les faubourgs de N 
vare n'existent plus, ils sont à l'ennemi : en cet instant, soni 
rheure suprême pour M. d'Orléans. Aussitôt, les dans 
cessent, le bal s'arrête, le trouble est général. Le roi, pie 
d'une émotion qu'il ne peut dissimuler, prend àpartdei 
capitaines présents, MM. de la Tremoïlle et de Bresse : i 
décide de ne rien attendre... Dès Taube, le signal esldonm 
renvoyant son entourage à Turin, le roi se rend direct 
ment à Chivasso, et le lendemain, 10 septembre, à Ve 
ceil. Saint-Malo, à Turin, cherche de l'argent à tout pris 
après beaucoup de difficultés, de disputes, d'impatiences, 
réussit àtirer 15,000 ducats, moyennant 30 pour 100 d'intérf 
de Nerio Capponi, l'ambassadeur florentin, et encore fallut- 
fournir toutes les cautions possibles. Sitôt l'argent compt 
Saint-Malo monte à cheval, court à Verceil, après avoir laisj 
à Turin, selon l'ordre du roi, le cardinal de Lyon (Andj 
d'Espinay) pour contenir la duchesse de Savoie, « qui ne i 
montrait pas meilleure Française qu^il ne fallait ». A Turin i 
trouvait aussi Baptistin Fregoso, boudeur, furieux mêm 
contre les Français. Des émissaires français partent, en toul 
célérité, presser le bailli de Dijon d'arriver avec tous h 
Suisses enrôlés, hâter la compagnie de M. de Lestn 
(cinquante lances) et deux mille arbalétriers récemmei 
levés en Dauphiné. A voir comme se précipitaient les chosej 
on se demandait si ces troupes arriveraient en temps utile '. 

Le 8, une lutte très chaude s'engagea pour forcer une porl 

1) Rapport anonyme sans date (du 11 septembre), d'un espion (Arch. c 
Milan, Guerrêf 1495). Ludovic, par contre, faisait annoncer qu*il se rendra 
au camp (Sanudo). 



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296 HISTOIRE DB LOUIS XII 

de Novare; les assiégés se défendirent avec une énergie 
extrême et repoussèrent Tattaque. Un des capitaines véni- 
tiens, Ant. Fabro, un autre vaillant soldat, Jean de Feltre*, 
tombèrent grièvement blessés. 

Le lendemain 9, quatre mortiers et une batterie de menue 
artillerie, apportés sous les murs, dans l'ancien faubourg 
San Agapito, ouvrirent contre les remparts et les maisons pri- 
vées un feu destructeur; les échelles étaient prêtes. Dès 
qu'une brèche parut se dessiner, les soldats vénitiens se préci- 
pitèrent. Cette fois encore, ils se heurtèrent à une résistance 
invincible, ils laissèrent un certain nombre de morts, notam- 
ment un de leurs capitaines, Pierre Schiavo. 

Des religieuses, sorties de Novare le 11, rapportèrent des 
détails affreux : la garnison se mourait de faim; les gens de la 
plus haute aristocratie se nourrissaient d'un peu de froment 
cuit. On découvrait les toits des maisons pour fabriquer des 
abris aux remparts. La nuit, suivante, Parmée assiégeante 
reçut de Milan deux pièces de siège de gros calibre, avec les- 
quelles, dès le lendemain matin, elle se remit à battre les 
portes et les tours de la ville qui, bientôt, commencèrent à se 
délabrer ; la prise de la ville n'était qu'une question d'heures. 
Galéas voulait tourner absolument toute l'artillerie sur la 
ville avant l'arrivée du roi ; mais, chaque fois qu'il fallait 
prendre un parti, la mésintelligence régnait. Les provédi- 
teurs, émus de l'arrivée du roi ', craignirent un coup de dé~ 
sespoir de ces Novarais, dont l'énergie faisait tout redouter ; 
Galéas les traita vertement'. D'autre part, les provéditeurs 

i)^Sanudo. 

2) A partir du 8, on leur signale des mouvements de troupes françaises 
sur la Sesia; un espion, arrivé de Turin dans la nuit du 9, leur apportait 
des détails circonstanciés sur les apprêts du roi (Sanudo, ms. cité). 

3) Louis d'Orléans n'avait pas l'habitude de se servir d'espions, et il en 
était réduit aux expédients ou à des renseignements volontaires pour savoir 



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TBAITÉ DE VERCEIL 297 

le soupçonnaient lui-même. Ses rapports avec le roi, les mes- 
sages qu'il expédiait, leur paraissaient sentir la trahison: 
ils démêlaient quelque nouvelle trame de Ludovic et se dé- 
fiaient des avis qui comportaient un risque. Entre les soldats, 
mômes haines, mêmes suspicions qu'entre les chefs; le Sénat de 
Venise promettait des primes aux soldats montés les premiers 
à Tassant; de là, des jalousies, des rivalités pour le partage 
éventuel de dépouilles qu'on ne tenait pas encore. Les Mila- 
nais ne voulaient pas voir les Vénitiens entrer les premiers 
dans la ville, ils prétendaient que leur maître tenait entre les 
mains le sort de l'Italie, que les Vénitiens ne pouvaient rien 
faire sans son ordre, et les Vénitiens ne voulaient pas entrer 
les seconds. Un grand nombre de capitaines, écœurés d'un 
tel désordre, parlaient de s'en aller et disaient tout haut 
« qu'on pouvait passer à gué le Tésin ». Le Sénat de Venise, 
fort inquiet, procédait à de nouveaux armements sur tous les 
points de son territoire ; il dépêchait à Novare force artillerie 
et des ponts de bateaux : les provéditeurs voulaient attendre 
la fin de ces envois; chaque jour'^ il leur semblait voir apparaître 
Charles VIII sur la Sesia. Après de longues discussions que 
résume Sanudo ^, on décida de demander encore des renforts, 
et, le 14, de faire face à l'armée royale'. Le 15, le marquis de 
Mantoue prononça le nom de d^Argenton ^ et le mot de paix. 

ce qui se passait chez Tennemi. Le 10, il donne un écu à un homme de 
Noiare, qui vient secrètement Tinformer de ces incidents {Tit. Orléans, 
955). 

1) Sanudo. Chaque jour arrivait au camp quelque nouvelle pièce d'artil- 
lerie de siège. 

2) Ms. ital. 1441. 

3) Petigliano partit le même jour, pour se soignera Milan. Au rapport d'un 
déserteur, Trivulce pensait qu'il suffirait de se montrer pour faire lever le 
siège ; mais, la première fois que ses gens se heurtèrent, près de la Sesia, à 
une reconnaissance de slratiotes, ils prirent la fuite. 

4) Sanudo, ms. cité. 



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298 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Les fureurs arrivèrent à un tel diapason parmi les alliés, que le 
chef des stratioles, Contarini, espèce de géant, à la poigne 
rude comme Tesprit, proposa aux provéditeurs d'attirer Ludo- 
vic à un conseil de guerre, de le tuer séance tenante, et de 
s'emparer ensuite de ses états; les provéditeurs applaudirent 
et eu référèrent au Conseil des Dix. Le Conseil refusa *. 

D'un autre côté, chose bizarre, les vingt-cinq mille Suisses 
de Charleâ VIII, cause majeure de la frayeur et du désarroi 
qui se manifestaient dans les affaires vénitiennes, ne don- 
naient pas, au roi lui-même, moins de soucis. Charles VIII 
leur avait prodigué les bonnes paroles, les promesses a plan- 
tureuses », les compliments. Les Suisses réclamaient autre 
chose : de l'argent; ils en réclamaient avec une arrogance 
presque séditieuse, et l'argent manquait'. 

Nous avons laissé Com mines en intrigues avec le marquis 
de Mantoue. Commines n'avait jamais perdu de vue le marquis, 
et , lorsque le roi désavouait ses démarches, il n*en avait pas 
moins écrit, dès le 24 juillet, à Mantoue, pour lui demander, 
tout en confessant la défense du roi, d'envoyer un délégué dans 
quelque ville neutre*. Celte fois, il poursuivit plus hardiment sa 
pensée de jouer, vis à vis du royaume, le rôle d'homme provi- 
dentiel, de deusex machina. A vrai dire, ses démarches, dont 
il ne pouvait dissimuler le caractère tout personnel, se présen- 
taient sous un jour assez singulier. Au moment où Commines 
les engageait à Casai, le Monferrat était précisément Tobjet de 
menaces très violentes de la part du gouvernement milanais, 
qui l'accusait de donner asile, sous le couvert d'une fausse 

1) Bembo. Diaprés Sanudo (ms. cité), le Sénat envoya Tordre formel de ne 
pas traiter sans Tavis de r£tnpereur, du pape et de toutes les puissances 
intéressées dans la Ligue. 

2) La Mer des Histoires : Bembo. 

3) Kervyn de Lettenhove, Lettres et Négociations, II, 223. 



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TRAITÉ DB VBRCEIL 299 

neutralité, aux ennemis de Milan ^ Ludovic ne refusa pas 
d'écouter Commines, mais sans le prendre bien au sérieux. 
Lell septembre, il envoya de Milan des trompettes parlemen- 
taires au camp français porter une cédule^ en italien^ aveclatra- 
ductionen français. Les trompettes devaient voir « M. Loys' », 
le prince d'Orange, le maréchal de Gié, et autres capitaines, et 
observer soigneusement leur attitude, puis demander Trivulco 
et lui remettre la cédule^ Sforza ne se figurait certainement 
pas réussir par cette voie dans la négociation qu il engageait à 
rinsu de ses confédérés. Surpris des démarches opiniâtres de 
Commines et de Tétat d'esprit qu elles révélaient, il vou- 
lait sans doute tàter le terrain, par des prétentions exorbi- 
tantes. Ces prétentions nous sont connues par une note restée 
dans ses papiers. Il réclamait, tout d'abord et spécialement, 
rintervention de l'Empereur au traité à intervenir, la restitu- 
tionintégrale deNovare,des dommages-intérêts pour les incen- 
dies et dégâts résultant de la guerre à Pontremoli (près For- 
Qoue) et dans le comté de Novare : le règlement de ce qui aurait 
été pris sans paiement : lo remboursement des dépenses faites 
jadis à Gènes pour l'expédition de Naples, de 180,000 ducats 
prêtés par lui et de 17,000 avancés par son frère Ascagne; la 
remise aux Génois de Sarzana, Sarzanella et Pietra-Santa 
« suivant la promesse du roi » , et le libre commerce en France 
pour les Génois *. 

1} Lettre de Fr» Sforza, 10 septembre (Arch. de Milan, Guerre, 1495 
Alessandria). 

2) Il faut, sans doute, lire u M. de Foys ». Le 13, on arrêta au* camp 
italien un trompette de M. de Foix qui portait dans les villages des lettres 
pour tenter un soulèvement contre Ludovic (Sanudo, ms. cité). 

3) Instruction du 11 septembre (Arch. de Milan). Un vague bruit de né- 
gociations commença à se répandre au camp dès les premiers jours de 
septembre. Un trompette de Commines arriva le 7 au camp; on lui fit bon 
accueil (Sanudo, ms. cité). 

4) Arch. de Milan, Guerre, 1495. 




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300 HISTOOK DB LOUIS XII 

PeodaBt qaU posait ce jalon, le même joar, 44 septembre, 
u # baron du roi de Franee ». qne Benedetli appelle « Brescio » , 
fit dire secrètement anx proTéditears vénitiens que le roi dé- 
sirait traiter arec le Sénat de Venise : on céderait à Venise 
Crémone et le Crémonais; Venise et Charles VIII s'enten- 
draient poor mettre sor le trAne de Milan le fils de Jean Ga- 
léas... 

Aneon de ces pourparlers, si yagiies et si mal engagés, ne 
réossit. Trivnlce reçut les trompettes milanais de telle 
façon qne, le 13 septembre, nne proclamation ducale, solen- 
nellement publiée, le déclara rebelle et tndtre à la patrie*; 
c'était évidemment la réalisation d'une menace contenue dans 
la cédule. 

Quant aux provéditeurs. loin d*étre en mesure d'accueillir 
efficacement des paroles de paix, ils avaient à se défendre 
contre Timpatience du Sénat, furieux de la prolongation de la 
défense. Si Novare était un port de mer, disait le Sénat, il y a 
longtemps que^ seulement avec trente galères, nous l'aurions 
pris et mis à sac. — « Non, répliquaient les provéditeurs le 
43 septembre, Xovare, fAt-il port de mer, avec sept mille 
bommes comme ceux qui s j trouvent et ses murailles, vous 
n*auriexpas été plus vite. Pour enlever une mauvaise position, 
il a déjà fallu verser le sang de bien des braves. Les exploits 
de Samson pAliraient auprès de ceux de Petigliano et de nos 
autres cbefs. Certes, si nous tenions deux ou trois bastions de 
l'enceinte, on aurait la ville en deux jours! Le difficile est de 
les prendre. Nous manquons d'artillerie, d'échelles; les bom- 
bardes ne sont arrivées qu'bier, et aujourd'hui Ton a tiré. 
J'espère voir bientôt la fin, concluait Trevisani. Nous occu- 
pons le faubourg depuis huit jours: que n'aurions-nous fait 

i) Diaîmntn. dePhU. de Lisdùite. 



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TRAITÉ DK VERCEIL 301 

durant ce temps, avec l'artillerie convenable! Dieu sait nos 
efforts, nos vœux d'en finir ^ » ! 

La sagacité de Commines devait se trouver à l'aise au milieu 
d'un pareil imbroglio. Changeant de direction, il s'était, cette 
fois, directement adressé à Ludovic, en lui faisant très secrè- 
tement ses offres de service, sous le couvert de Constantin 
Amiti, avec Taide du maître d'hôtel de Mantoue. Tout en se 
ménageant une porte de sortie par la démarche officielle de 
Yerceil, Ludovic, toujours prompt à saisir une intrigue, ren- 
voya à Casai, en très grand secret (car tout était mystère), un 
agent inférieur, Jules Cattanei, avec l'émissaire de Commines. 
Cattanei devait voir Commines sans témoin, le traiter affec- 
tueusement, sonder le fond de sa pensée, lui proposer de venir 
à Milan, ou rester secrètement près de lui, si Commines en 
exprimait le désir ^. L'impatience de Commines n'attendit pas 
l'arrivée de Cattanei; il fit passer à Galéas, nous ne savons 
comment, un Mémortaly que celui-ci mit sous les yeux de Lu- 
dovic, tout en l'informant de la démarche faite par les Français 
près des Vénitiens. Ludovic répondit avec circonspection, le 
13 septembre, à Galéas, qu'il convenait d'attendre la réponse 
des Vénitiens et d'inviter de suite les gens du pays à se ren- 
fermer sur deux points spécifiés', afin de préparer ou de 
laisser présager une grande bataille. 

Commines était revenu à Verceil, où il vit presque aussitôt 
arriver un autre agent secret de Ludovic, le comte Albertino 
Boschetti^ celui-ci gentilhomme du duc de Ferrare, et d'es- 
prit par conséquent fort éclectique. Partagé comme son 
maître, le comte Albertino était, personnellement, à la solde 
du duc de Milan, et il venait voir son fils, homme d'armes de 

1) Malipiero, p. 390. 

2) Arch. de Milan, Guerre^ 1495. 

3) S. Gaudenzio, S. Stefano. Id. 



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302 HISTOIRE DE LOUIS XII 

la compagnie Trivulce. Il s'adressa au prince d'Orange, en 
lui demandant, de la part du marquis de Mantoue, des prové- 
diteurs et des capitaines, un sauf-conduit pour le marquis de 
Mantouc lui-même, qui désirait venir, avec une escorte de 
cinquante chevaux, traiter de la paix. Il sollicita ensuite et 
obtint une audience privée du roi; là, en présence de Trivulce, 
il tint un langage tout opposé; il engagea le roi à refuser le 
sauf-conduit sollicité; Farmée des alliés, disait-il, mourait de 
peur et ne tarderait pas à « déloger* ». ^ 

La séance suivante du conseil fut remplie de violents débats, 
Trivulce et «les prélats» (comme disait Commines) s*armanl 
des confidences de Témissaire, Commines et d'autres soutenant 
la nécessité d*en finir. On décida que les principaux représen. 
tants du parti de la paix, le prince d'Orange, le maréchal de Gié, 
le sire de Piennes et Commines lui-même se rendraient, avec 
Trivulce, sous bonne escorte, aux grand*gardes italiennes, 
entre Borgo-Vercelli et Cameriano.Us s'y rendirent vers deux 
heures de l'après-midi, et virent Mantoueet Contarini*; il fut 
convenu que des délégués italiens viendraient le lendemain 
au camp français* Aussitôt, dans le camp italien, se répandit 
le bruit que la paix venait de se conclure, mais qu'on tenait la 
nouvelle cachée. 

En effet, le 15 septembre , François Bernardin Visconti et 
Jérôme Stanga se présentèrent: Saint-Malo se joignit aux 
commissaires du conseil, et Ton aborda de suite la questioD : 
les Italiens demandaient Novare, les Français Gènes, comme 

1) CoomÎQes. Nous dirons ajouter que le comte AlberUno, de retour au camp, 
fit une relation toute d'.ît rente ^Benerietli, p. 211). Charles YIIÏ signa le 
14 septembre un sauf-c.^njait au C2jir.;ii< de Maoîoue pour une eolreTuc( Bas- 
cbel, y-Mits :*( Ikf M m<rn »';?,.. /wiir ta Sx*iVfc* de f Histoire de Frtmcej p. 290). 

:^ Sanudv> rapporte que, penJant e^ teoips-Ià, Ludovic cmvmlemdait avec 
es provéùiteurs et Tambassadeur d^Cspa^œ, près de CaioerâBO : mais 
BeuedeUi .v'.firme «4u\! u'arrtTa que le 16 au c^np avec Béalrix. 



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TRAITÉ DE VERCEIL 

fief du roi, confisqué par Ludovic. Les premiers pourp 
durèrent deux jours, sans grand résultat. 

Dès qu'on parlait de négocier, Ludovic ne pouvait re 
Milan; il en partit le 15*etarrivale 16 à l'armée, d'une m< 
fort imprévue, avec la duchesse Béatrix et quatorze demois 
Le 17^ Gîé, Commines et Tiennes accompagnèrent au can 
lien Yisconli et Stanga: ils étaient bien résolus à céder, c 
ne pouvait soutenir Novare qu'au prix d'une bataille^ et de 
bataille ils ne se souciaient point; encore fallait-il <choni 
ment» s'en décharger. Ils imaginèrent de suggérer la r 
de Novare au roi des Romains, comme suzerain du Mila 
ils observèrent même, malignement, que Novare se tro 
plein de troupes allemandes. Delà, de nouveaux pourpa 
des allées et venues d'un camp à Tautre. 

La nouvelle de ces préliminaires se répandit avec une 
dite surprenante. Le 21 septembre, la reine annonçait 
à Moulins, que le roi serait bientôt de retour «au moyen 
bonne paix • ». 

Le 16 septembre, on convint delà suspension préalabl 
hostilités pour trois jours, avec faculté de ravitailler lesî 
gés •. Dans la crainte d'excès et de malheurs, le duc d'Or 
crut devoir faire consigner, à la citadelle, les premiers e 
de vivres; il expédia aussi à Verceil deux cents che^ 
auxquels il n'avait plus rien à donner. 

Des Français, pâles, maigres, profitèrent de la trêve 
sortir de la ville ; on les voyait arriver au camp italien, 
chant à boire, à manger; ils ne se décidaient à rentrer (j 
soir, bien repus. Leur plus odieux tourment, suivant 

1) Diaire man. de Phil. de LischcUe, 

2) Portef. Fontanieu. 

3) Louis d'Orléans fit demander des Yivres pour dix mille pan 
(Sanudo). 



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r 



TRAITÉ DE VERCEIL 

pour lui complaire, risquât tout son Etat ! Car si le roi de Fi 
faisait un mouvement, il suffisait de dix-huit jours 
perdre tout le duché de Milan \.. Saînt-Malo, Trivulce 
Vénitiens étaient d'ailleurs résolus à s'entendre, et Lu 
ne pouvsut que suivre le courant *. » 

Une crue subite de la Sesia, qui emporta, le 19, le po 
Verceil, compliqua les pourparlers et rendit même la situ 
de l'armée royale assez critique. La pluie gâtait tout dai 
tentes, l'inondation menaçait, le camp se trouvait sans 
munications avec la ville... Cependant Gié, Piennes et 
mines se rendirent, le 20, près de Ludovic ; en somme^ Toi 
arrivé^ de part et d'autre, à limiter la négociation à deux 
tions, ou plutôt à une seule : Naples. Le roi voulait : l'cons 
toute liberté d'action de ce côté ;2*^ garder s a base d'opén 
à Gènes. Les envoyés français posèrent encore la con< 
préliminaire de la sortie du duc d'Orléans. Louis d'Oi 
lui-même la réclamait ; le roi lui avait envoyé France 
Guierlay, qui revint à Verceil sous le couvert d'un tron 
de Galéas, et nous voyons un homme expédié en diliget 
Verceil aux ambassadeurs du camp de Novare pour le c( 
du duc '.Ludovic persistait dans son refus opiniâtre ; l'av 
provéditeurs le contraignit seul à s'incliner, et l'onconvii 
Louis pourrait sortir, sous la foi du serment des ambassac 
à condition de rentrer, si la paix ne se faisait point. Po 
formalités de la sortie, nouvelles difficultés; Ludovic re 
absolument un sauf-conduit; il fut décidé que le marqi 
Mantoue accompagnerait Louis avec un ambassadeur fn 
et que deux Novarais pourraient se joindre à lui \ 

1) Sanudo, ms. 1441. 

2) Benedettù D'après Sanudo (ms. 1441), les proYéditeurs re 
muets, faute d'instructions. 

3) TU. Orléans, XIV, 955. 

4) Arch. de Milan, Guêtre^ 1495, Cong. di Novara. Détail curiei 

m 20 



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306 HISTOIRE DE LODIS XU 

L'extraclion devait avoir lieu le lendemain, 21 ; le noaovais 
temps et les inondations ne permirent, ce jour-là, aucun mou- 
vement. Les conférences diplomatiques continuèrent seule- 
ment au camp : au cours des conférences, on reçut une fois 
de plus la nouvelle que Maximilien s'apprêtait à descendre 
en Italie avec « une grandissime armée ». 

Le lendemain matin, Ludovic entra en pourparlers secret» 
avec l'ambassade française, ce qui excita de nouveau Téveilet 
les vives critiques des Vénitiens *. 

Enfin, ce jour, 22 septembre, le maréchal do Gié se rendit 
à Novare, avec Caïazzo et quelques Milanais, précédés d*un 
trompette de Galéas ; il annonça au duc d'Orléans que tout 
était prêt pour sa sortie « à petite compagnie »• Pour garantir 
la sûreté du passage, le marquis de Mantoue s'était remis lui- 
même en otage aux mains du comte de Foix '• 

Le duc d'Orléans éprouva une grande joie '. Mais une der- 
nière difficulté vint des gens de Novare, qui soupçonnaient 
dans les négociations un expédient, pour faire sortir le duc et 
les abandonner ensuite à leur malheureux sort. Ils avaient tant 
souffert ! Ceux qui avaient échappé à la mort paraissaient des 
cadavres ambulants, et, si quelques personnes, peu portées 
à tenir compte, après coup, des difficultés, imputaient à 
leur imprévoyance une partie de leurs malheurs, tout le monde 
convenait que, depuis le fameux siège de Jérusalem» Thistoire 
n'avait pas eu à enregistrer des souffrances si épouvantables, 
si énergiquemcnt supportées*... Pour calmer ces pauvres 
gens, le maréchal de Gié dut leur laisser en gage son propre 

chantres du marquis de Mantoue yont, ee joar4à, obaoter devant le due 

d'Orléans, qui leur donne 18 liv. {TU, Orléans, 955). 

1) Benedelli : Sanudo. 

2) Commines : Chronica di Monferrato. 

3) Commines. 

4) Commines. 



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ThAlTÉ DE VERCEIL 307 

neveu, Louis de Guémenéc, connu sous le nom de M. de 
Romefori *, avec promesse d'obtenir le droit pour tous de sor- 
tir dans un délai de trois jours. On toléra aussi que le duc 
emmenât une faible partie do la garnison^ c'est-à-dire toute 
la partie valide', environ deux cent cinquante hommes à 
cheval, dont il fut dressé un état nominatif. Une centaine de 
malades étaient déjà sortis dans la journée...; bref, environ 
mille honrimes s'échappèrent à la faveur de la trêve. Enfin, à 
huit heures du soir, le duc d*Orléans traversa les remparts do 
Novare, au milieu d'une escorte milanaise, précédé jusqu'à 
Vcrceil d'un trompette de Galéas. Gié et Caïazzo, partis en 
avân^ avaient piîs les précautions nécessaires pour le pas* 
sage'. Près de Gameriano, on rencontra, comme il était 
convenu, le peloton français, où se trouvait le marquis de 
Manloue ; Mantoue et Louis changèrent d^escorte, et chacun 
alla dé son côté *. Cette triste sortie s'opérait au milieu d'une 
nuit extrêmement noire, au point que le duc d'Orléans du i 
requérir l'assistance d'un paysan avec une lanterne, pour tra- 
verser le pont de Verceil '. C'est en cet équipage qu*il arriva 
enfin dans la ville, où le reçut François de Guicrlay. 

Trois jours plus tard, les plénipotentiaires français obtinrent, 
pour le reste des gens d'armes de Novare, l'autorisation de 
partir sous le contrôle de Mantoue et de Galéas. Le vaillant 
marquis de Saluces put ainsi quitter Novare, le 24 septembre, 
en présence de Ludovic lui-même, auquel il fit sa révérence^; 

i) Pierre de Rohan, p. 47, 

2) Chron, di Mùnferrato, c. 1246. 

3) Gratification de 4 écus au trompette, fr. 26104, 1093 : Sanudo. 

4) Rapport, aux Arch. de Milan, publ. par K. de Lcttcnhove, H, 228. 

5) TU. OriéanB, 955. 

6) Beuedetti : Sanudo. Ce dernier parle du 26, mais il est mal renseigrié. 
Il dit à tort aussi qu'il resta aii château de Novare trois cents gens de pied 
du maréchal de Gié : il ne resta que trente hommes, et le maréchal de Gi<- 
ne commandait point de gens de pici. 



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I 



308 HISTOIRE DE LOUIS XII 

el, avec lui, tous les malades, tous les mourants s^ébranlërent 
pour essayer de regagner leur pays. A la stupeur générale, il 
ne sortit, en tout, de Novare que cinq mille cinq cents hommes ; 
sur ces cinq mille hommes , il n'y en avait pas six cents en 
état de se défendre. Il ne restait plus de chevaux; on les avait 
mangés. Ainsi, en deux mois de siège, les assiégés avaient 
perdu un tiers de leur effectif, plus des neuf dixièmes se trou- 
vaient hors de combat ; et ils ne s'étaient pas rendus ! 

Pendant plusieurs jours, ce fut un affreux spectacle, de voir, 
dans Tespace des dix longues lieues qui séparent Yerceil de 
Novare , se traîner des spectres hâves, mourants, incapables 
de se reprendre à la vie ! Us tombaient sur les routes : des 
soldats ennemis, pris ^eux-mêmes de pitié, leur portaient 
secours» 

^ Les gens du marquis de Saluées^ après avoir bien pénible- 

p ment gagné Galliavola, moururent presque tous en arrivant, 

g soit de fatigue, soit du fait même de la nourriture ^ Commines 

^ nous a laissé de cette retraite un tableau bref et vigoureux . 

^ a J'en sauvai bien cinquante, dit-il, pour un écu ; ils étaient 

f' étendus dans un jardin, près de Gameriano ; je leur fis donner 

\ de la soupe , il n'en mourut qu'un sur place ; les autres repri- 

^^ rent leur route et quatre d'entre eux expirèrent sur la route. » 

f On renonce à comprendre que GharlesYUI ne paraisse pas avoir 

pensé à aider un peu ces héros obscurs, à qui ses lettres 
avaient porté l'espoir, auxquels il promettait du secours et de 
glorieuses récompenses, qui avaient magnifiquement fait, sur 
sa parole, le sacrifice de leur vie, dans des conditions surhu- 
maines ! Il se borna à faire donner huit cents livres,tout à la fois 
comme secours et comme paye, à ceux qui purent parvenir à 
Yerceil. On repartît cette paye, « tant aux morts qu'aux vifs», 

1) Grumello, cité par Ausconi. 






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TRAITÉ DB VERCEIL 

parmi les Suisses notamment, auxquels il manquait qu 
cents hommes. A Verceil, « sur les fumiers de la ville », il ex 
encore trois cents de ces malheureux! En somme^ il ne re 
à Novare, que trente hommes, pour garder le ch&teau, i 
liberté de se ravitailler. Cette petite troupe ne tardapas àse 
bander ^ Quant aux habitants de la ville, ils durent prêter 
ment de ne recevoir, jusqu'à nouvel ordre, ni amis, ni enne 

Ce cruel, cet horrible siège de Novare a laissé dans Fhisl 
des impressions très diverses. Autour de Charles YIII, on v 
officiellement la générosité du roi. VEpitaphede Charles \ 
de Saint-Gelais, rappelle, comme un souvenir glorieux, 
<c délivra de moût cruel affaire le sien frère d^Orléans, à 
vairre * »• Dans le monde officiel italien^ il se trouva des 
toriens pour affirmer que Petigliano, par exemple, avai 
quelques jours {intra paucos dies)^ obligé Novare à se rem 
Il faut prendre son parti de ces diversités, et laisser parle 
faits. En général, on estima que «jamais gens de guerr 
portèrent si grande et longue faim S), et le duc d'Orléa 
conquit Tépithète de «très valeureux* ». 

Le roi, évidemment, se crut fort généreux : il accu< 
Louis d'Orléans froidement *. Louis s'étant permis d'int< 
der pour un archer de la compagnie du roi, condamné 
je ne sais quel méfait, le roi accorde la grâce, le 24septen 
par un billet sec et laconique, mais en refusant de repre 

1) Gommines : Jean Bouchet, Annak$ (T Aquitaine : hist. maniu 
Gohori. 

2) Recueil de MonUiglon et Rothschild, VIII, 96. 

3) Oraison funèbre de PetigliaDO, par Joann. Bapt. Egnatius, Venetus(i 

4) Bouchet, Annales d' Aquitaine» 

5) La Mer des Histoires. 

6) André de la Vigne, le chroniqueur officiel, rapporte que, le st 
23 septembre, le roi reçut à souper le duc d'Orléans, « amiablemeni 
bonnairement. » Mais le duc prit un logis à part, où, lors de son arri^ 
roi lui envoya du pain, du vin, de la viande. 



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310 IIISTOTRE DE LOUIS Xll 

Tarcher*. Louis d'Orléans, si rudement déçu dans ses projets, 
qu'il trouvait légitimes et féconds, engagé par le roi dans une 
très grave partie, puis retenu à mi-chemin, puis abandonné, 
éprouvait, de son côlé, un vif ressentiment. Ce ressentiment 
s^accrut encore, lorsqu*il vit Antoine de Bessay et Tévêque de 
Sion arriver avec des Suisses, qui ne demandaient que la ba- 
taille. Vingt-deux mille Suisses se trouvaient rassemblés à 
Verceil : c'était à croire, dit Commines^ que toute la Suisse 
était là : et, en effet, il no restait guère dans les cantons 
que des femmes, des enfants et des vieillards, et les femmes 
seraient arrivées elles-mêmes si on ne les eût fait arrêter 
à la frontière*. Louis frémissait' de voir l'argent dépensé 
« à foison^ )), et une force irrésistible ramassée à dix lieues 
de Novare, pour arriver à un avortement lamentable et 
cruel, sans combat*. Au camp de Novare, les Allemands et 
les Italiens recommençaient précisément à s^entreluer* : il 
lui semblait qu'on pouvait et qu'on devait balayer ce camp 
d'un seul coup. Tel était l'avis soutenu par le comte de Ligny 
et, naturellement, par l'homme de confiance du duc d'Orléans, 
par Georges d'Amboiso. 

Les politesses de Ludovic, de Galéas, du comte Caîazzo, qui 
le 2o septembre et le 27, envoient douze trompettes jouer de- 
vant lui ', ne désarmèrent pas le duc. 

1) Autogr. de Saint-Pétersbourg, (1), 1, 34. 

2) Toutes les farines du Piémont et d'Asti étaient noises à rtquisilion 
(lettre du 18 sept., Arch. de Milan, Guerre, Alessandria). 

3) Quand « ledit s»' fut arrivé devers le roy, il luy despleut oaerveilieuse- 
ment des appoiatemens qu'on avoit ainsi faicts » (Sainl-Gelais, p. 95). 

4) Gaguin. Rappelons que le prince avait fait ou faisait au roi une avance 
de fonds considérable, que celui-ci accepta parfaitement. 

5) Cinq jours plus tard, dit Bouchet {Annales d'Aquitaine), il n'aurait 
jamais voulu quitter Novare. Cf. Saint-Oelais : A. de la Vigne. 

6) Benedetti : Sanudo, 

7) Tit. Orléans, XIV, 955 : Revue des autographes^ faso. 99, n» 2.54. 



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TRAITÉ DE VERCEIL 3 H 

Da reste, les négociations se prolongeaient; chaque jour, 
on prorogeait la trêve, non sans quelques inévitables inci- 
dents. Ici, un malheureux franc-archer, en revenant de No- 
vare, est détroussé par les Albanais * ; là, c'est un trompette 
du comte de Montpensier.... Le 26, dans son exode, la gar- 
nison de Novare emmenait quelques pièces d'artillerie; des 
soldats milanais saisirent deux de ces pièces ; de là, une vive 
alerte à Verceil. Tout le monde courut aux armes. Le duc 
d'Orléans, sans rentrer chez lui, se précipite à pied, avec un 
arc et une trousse, jusqu'au pont, oîi on lui apporte sa cuirasse 
pendant qu'il attend des nouvelles. Le roi lui-même apparaît^ 
à la tête de sa garde, de ses pensionnaires ; Tarmée entière est 
sur pied, et elle commençait à traverser le pont, quand on 
apprit que Galéas faisait restituer les pièces. 

Sur la frontière d'Asti, les soldats milanais se prennent de 
combat avec quelques soldats demeurés à Asti, et enlèvent 
des bestiaux. Le gouverneur d'Asti fait parvenir une récla- 
mation à leur chef d'Alexandrie, François Sforza, en invo- 
quant la trêve. Sforza répond, le 23 septembre, « ne pas savoir 
ce que c'est que cette trêve V » On eut dit que, de Ludovic à 
Louis, la trêve n'existait pas. 

Louis éprouvait des regrets d*autant plus cuisants qu'il 
retrouvait quelques disponibilités d'argent formant le solde 
de ses emprunts. Il envoya, de suite, chercher à Lyon ce 
reliquat, qui consistait en 20,100 livres, dont 7,400 venaient 
du prêt du comte d'Angoulême. Son émissaire dut courir à 
Moulins, de là revenir à Turin, retourner à Lyon, puis il 
ramena à Turin Targent et vint enfin à Verceil demander au 
duo s'il se souciait de le recevoir; ces voyages avaient pris 
trois semaines ; îl était trop tard ; le duc renvoya en France 

1) TiL Orléans, Ô55. 

2) Lettre à Ludovic (Arch. de Miian, Guerre, 1495, Alessandrid). 



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312 HISTOIRE DE LOUIS ZII 

17,000 livres et ne garda que 3,100 livres, qu'on lui apportait 
déjà converties en gros de Milan^ Au premier moment, le duc, 
n'ayant rien, ne put donner que quelques aumônes à ses Alle- 
mands*, quelques gratifications à divers serviteurs, archers, 
courtilleurs, pour leur permettre de se soigner, de se soutenir, 
de rentrer en France '. Mais il se préoccupa autant que possible 
du sort de ses soldats ; il envoya un de ses maîtres des requêtes, 
Hébert ^ Bennot, régler les détails de l'évacuation, il fit « veiller 
au fait des vivres, et qu'aucun pillage ne fut fait aux vivan- 
diers »'; le 27 septembre, il demande à Ludovic un sauf-con- 
duit, pour amener de Novare les Suisses que la maladie y 
retenait encore *. 

Georges d*Amboîse dirigeait toutes ses affaires. Dès le 
24 septembre, le duc obtint une commission royale, qui auto- 
risait Georges à accompagner les autres ambassadeurs au 
camp de Ludovic, où il lui adresse, peu après^ une lettre \ 

Les négociations continuaient, toujours sous la direction 
du prince d'Orange, de Gié, de Commines. Après les premiers 
tâtonnements, les ambassadeurs avaient discerné la situation 
du camp, la mésintelligence de Milan et de Venise, leur mé- 
fiance réciproque, le désir extrême de Ludovic de traiter à 
rinsu des Vénitiens, de peur de se voir abandonné par eux et 
perdu.... Entre Venise et Ludovic, le moindre incident prêtait 
aux difficultés.... Ludovic fit jeter un pont sur le Tésin; les 

1) m. Orléans, 964. 

2) TU. Orléans, 955. 

3) TU. Orléans, 963. 

4) Alias Hubert. 

5) TU. Orléans, 964. 

6) Catalogue d'une vente d'autographes^ 10 mai 1886, Eug» Charavay, 
n^ 177. Observons toutefois que celle lettre est attribuée au comte de Moot- 
pensier, qui se trouvait alors À Naples. 

7] Georges lui offre deux chevaux : le sire de Comminges lui offre un 
cheval (TU. Orléans, XIV, 956, 957, 964). 



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TRAITÉ DE VERCEIL i 

Véaitiens s'émurent à rinstani, et la population réclama ' 
. Après huit jours d'un repos bien gagné, Louis d'Orléa 
témoin de celte situation obscure, recommença à s'agiter. Il < 
tendait, autour de lui, tous les régiments suisses, solides, 
tacts,venus pour se battre, réclamer hautement la bataille : ce 
ment résister à la tentation de traiter avec Venise et d*écra 
Ludovic?. . Louis n^admettait pas qu'on reconnût à Ludo 
le titre de duc de Milan\ Commines et ses amis répliquai 
que le duc d'Orléans, ayant quitté Novare^ n'avait plus rie 
défendre; ils rappelaient toujours la force de Tennemi^ 
nombre de ses troupes, la solidité de ses retranchements, Ti 
possibilité de confier la personne du roi à une armée de m 
cenaires, capables, à un moment donné, de se retourner cor 
lui^ de le saisir même comme gage d'une opime ranço 
L'hiver arrivait à grands pas^ l'argent faisait défaut. Bien c 
tainement, la paix qu'on allait conclure ne paraissait pas 
plus solides ; mais la nécessité obligeait à se contenter d 
règlement honorable et montrable *. 

D'ailleurs, les affaires du Milanais ne paraissaient déjà p 
qu'un incident de la politique générale, car à Naples tout al 

1) Benedetti : lettre de J. P. Visconli, 28 septembre (Ârch* de Milan 

2) Malipiero (p. 394) déclare qu'à Venise on voulait absolument attai 
Ludovic, et laisser Novare au duc d'Orléans : il était d'ailleurs de noto 
publique que les Vénitien&coa voilaient, depuis bien des années, la conq 
d'une partie du Milanais. Malipiero croit même pouvoir affirmer (p. 
que, dès le mois d'août, Louis d'Orléans aurait offert de céder Novare 
Vénitiens» Il confond, sans doute, le territoire de Novare avec celui de 
mené. 
• 3) Commines, 

4) « Groyans bien, dit Commines, par les signes que voyons, qu*ell 
.iiendroit point ; mais nous avions nécessité de la faire pourmainctes raii 
que aves entendues, et pour la saison d'yver qui nousy contraignoit,et8 
f par faulte d'argent, et pour nous despartir honnorablement, avec une hoi 

\ rable paix par èscript; qui se pourrait envoyer partout, comme elle I 

l (t. II, p. 525). 



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314 IIISTOIRC DE LOUIS XII 

de mal ea pis; le Chaleau-Neuf de Naples i 
tionnellement pour le 6 décembre, s'il n' 
Le roi réclamait Tenvoi d'urgence au com 
de 70,000 livres S et ou ne pouvait pas \ei t] 
absolument recouvrer la disposition de G< 
tion des secours.... Le roi d'Espagne, arm 
tramait avec TAnglelerre et TÉcosse une lig 
gereuse pour la France que la ligue de For 
deux patriciens vénitiens, fixés à Londres 
ne se faisaient pas faute de participer, au n 
voirs de leur seigneurie '.... Enfin, aulre n 
bien qu'on n'osât guère Talléguer, la sar 
et celle du dauphin laissaient fort à désirer 

Le roi voulait avoir une entrevue avec Li: 
vue, fixée au 6 octobre ^, fut remise par su 
qui plongea le camp dans le deuil et qui 
ment le roi : la mort de son cousin, le a 
arrivée le 2 octobre à Verceil. 

Les obsèques du jeune prince furent ce 
glise Saint-Eusèbe de Yerceil, avec une p< 
a défrayé les chroniques contemporaine: 
l'hôtel du roi, en deuil, faisaient la haie^ 
tuaire à Téglise : tous les ordres religieux 
ou non, le clergé des diverses paroisses^ le 
cardinaux de Gènes et de Saint-Malo, 1 



1) !•' octobre (Autogr. de Saint-Pétersbourg (T), 

2) Les officiers de Charles VIII lui avaient prêté à 
poniblè (Tit. Alègre, 72). 

3) Rapport d*ua envoyé près la oour d'Espagne 
1441). 

4) Autogr. de Saint-Pétersbourg (I), 1, 42. 

* 6) Minute sanei date, d'une lettre de Ludovic I 
Milan, Guerre, U05 : Sanudo, p. 625). 



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316 HISTOIRE DE LOUIS XI! 

les dégâts commis durant la trêve, bien que, personnellement, 
il blâmât cette concession. Les Astesans voulurent en réfé- 
rer au duc d'Orléans : le 9 octobre, ils attendaient encore 
n d'heure en heure » les instructions ducales ^ 

Le 9 octobre, la séance plénière du conseil, où la paix fat 
enfin votée, ne se passa point sans violences. Le duc « prit dé- 
bat » avec le prince d*Orange « jusqu'à le démentir ». 

A l'issue de cette réunion orageuse, MM. de Gié, de Piennes, 
de Ganay, de Morvilliers, le vidame de Chartres et Commines 
se rendirent au camp de Ludovic, et signèrent avec lui, avec 
lui seul, le traité connu sous le nom de Traité de Verceil. 

Le lendemain matin, 10, dès la première heure, Gié retourna 
au camp milanais, avec Commines, Morvilliers, Ganay et Ri- 
gauld d'Oreille; on échangea de suite les serments de la rati- 
fication, à la grande allégresse de Ludovic. Quand tout fut 
fini, on communiqua le traité aux Vénitiens, en leur laissant 
un délai de deux mois pour y adhérer. Mais, dès la veille au 
soir, on annonça la pai^ au camp de Ludovic. 

La longueur des négociations témoignait de difficultés, 
faciles à prévoir, avec un homme retors, opiniâtre comme 
Ludovic. Les négociateurs français ne contestaient point les 
droits de Ludovic sur le Milanais^ et n'avaient parlé que pour 
la forme de réserver la question de Novare.De ce côté-là, point 
d'obstacle. Le roi de France reconnaissait Ludovic, et renon- 
çait expressément à soutenir les prétentions orléanaîses 
BUr le duché. Quant à Novare^ évacué en fait par les troupes 
françaises, Ludovic s'en fit ouvrir une porte le l''x)ctobre et 
l'occupa militairement, sans autorisation*. La négociation 

1) Lettre du 9 octobre, de Fr. Sforza (Arch. de Milan, Guerre, 1495, 
Alessandria), 

2) Benedetti. Un des soldats du ch&teau de Novare apporte à Louis 
d*0rléans une lettre adressée par Ludovic à son capitaine, nommé Courat 
{m. Orléans, XIV, 955). 



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TRAITÉ DE VERCEIL 3 17 

n*én fut aucunement troublée» et le traité ratifia formellement^ 
ces divers points essentiels. En réalité, les pourparlers ne 
portèrent que sur deux questions : l"" la liquidation du passé ; 
2^ la coopération de Gènes à une nouvelle campagne contre 
Naples. 

Sur la première, fort complexe et épineuse pour les amours- 
propres^ on s'entendit facilement ; Ludovic promit ce qu'on ' 
lui demanda, sauf à réserver mentalement sa liberté d'action. 
Dès le premier jour, il consentit la restitution des biens de 
J.-J. Trivulce^ depuis longtemps confisqués, et garantit une 
amnistie générale, applicable à Trivulcé, aux Gaccia et à 
tous les gens compromis comme eux dans l'affaire de Novare, 
au seigneur de Monaco S à tous les amis de la France '• Il 
n'inquiéterait aucun des Génois qui avaient pris parti contre 
lui, et qui se trouvaient maintenant au pouvoir. Quant aux 
prisonniers de guerre, ceux qui avaient déjà traité de leur 
rançon, paieraient exactement le prix accepté par eux, sans 
aucune des majorations de la dernière heure si fréquentes en 
pareil cas; les autres recevraient purement et simplement la 
liberté. Ludovic rendait au roi les neuf galères saisies au port 
de Gènes, Tartillerie et les vaisseaux dernièrement pris à Ra- 
pallo : de plus, il lui donnait quittance de tous prêts et avances, 
jusqu'à concurrence de 80,000 ducats. 

Le règlement des affaires pendantes avec le duc d'Orléans 
souleva, seul, de grandes susceptibilités. On obtint de Ludovic 
une renonciation expresse et formelle aux droits, non définis, 
de ce supériorité, souveraineté, ou droits quelconques », théo- 
riquement prétendus par les ducs de Milan sur le comté d'Asti. 



1) Je&n Qrimaldi, seigneur de Monaco, se trouvait, assez indirectement, 
compromis pour la France, comme gendre du comte Philippe de Bresse» 
V. Saige, DocumerUs historiques sur la principauté de Monaco^ t. II. 

2) Sanudo, p. 617. 



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318 HISTOIRE DE LOUIS Xll ' 

«ni en ses appartenances et dépendances, dont est le marqni-' 
sat de Ceva », et à tout « droit (pt«s pratique) d'adhérence, 
confédération, protection ou ligue avec les sujets, vassaux, 
ou marquis desdites terres » « Par cette renoncialma générale 
el pércmptoire , on coupait court aux désordres, auxtiniU. 
lements incessants et fatigants, qui se produisaient, depuis 
tantôt un siècle, dans le marquisat de Ceva. 

La question de Novare donna lieu à des pourparlers prolon- 
gés et diflicultueuz. Ludovic exigeait la restitution immédiate 
de la ville, sans conditions ; il offrait au duc d'Orléans, pour 
ses dépenses, une indemnité de 50,000 ducats, moyennant 
terme pour les payer. Louis d'Orléans se rendait à la néces- 
sité, mais il voulait l'indemnité comptant, le jour de la resti- 
tution de Novare. Pour empêcher de nouvelles complications, 
Charles VIII iniposa une transaction * : Ludovic paierait an 
duc d'Orléans les 50,000 ducats par liers^ en trois échéances 
semestrielles, la première fixée au 1** avril 1496, et, jusqu'au 
parfait paiement, il donnerait en France des sûretés « à la 
discrétion du roi » •. 

Quant au second chapitre des négociations, c'est-à-dire 
Gènes et Naples, Ludovic reconnut la suzeraineté de la France 
sur Gènes et sur Savoue, le droit do Charles VIII de se servir 
de ces places pour ses armements. On ne put pas lui faire 
consentir à l'occupation du Ch&telet de Gènes par une com- 
pagnie française : sur ce point encore, il fallut transiger; on 
convint que le duc de Ferrare occuperait le Chàtelet, au nom 
et aux frais de la France. Ludovic s'engagea à cesser toute 



l)Sanudo, p. 621. 

2) M. Rusconi {Aasedio di Novara) dit que, par le traité de Verceil, Louis 
d'Orléans renonça, moyennant 100,000 ducats, à ses droits sur le ducbé de 
Milan. Nous n*y trouvons rien de pareil : Tindemnité ne fut que de 50,000 
ducats, et Louis d'Orléans ne renonça que fort indirectement à see droits. 



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TR41TÉ DK VBRCEIL 319 

démonstration contre Pise, à réclamer du pape la levée de 
Texcommunicalion lancée contre Charles VIII, à autoriser 
dans ses États le passage de Tarmée française , à fournir mènie 
9a roi deux vaisseaux de renfort en 1495 et un autre en 1496» 
à prendre part à la nouvelle expédition contre Naples, si le 
roi s*y rendait en personne, à contribuer même pour cinq 
cents hommes à une guerre contre ses alliés les Vénitiens, si 
Venise refusait d*adhérer au traité. Eniin, il s'engagea à don- 
ner au roi des otages : le fils aîné d'Auguslin Âdorno, «t deux 
autres à la désignation du roi^ 

Tel fut ce traité , où» moyennant quelques avantages finan- 
ciers, le roi sacrifia ses souvenirs et ses rancunes les plus 
légitimes à la pressante nécessité de la paix. Ce retouf inopiné 
à une politique de confiance envers Ludovic, à une alliance 
qui avait si mal réussi, ne satisfit pas tout le monde» tant 
s'en faut. Les plus chauds partisans de la paix, négocia- 
teurs en tète^ ne se faisaient aucune illusion; ils ne cher- 
chaient qu'un expédient pour sortir d'une situation embar- 
rassée. 

Bref, les intérêts du duc d'Orléans avaient servi d'arme 
pour ébranler profondément la situation de Ludovic ; ils four- 
nirent la rançon de la paix. De quelles souffrances inutiles^ 
de combien de sang vainement versé et de bravoure gaspillée, 
se fait la politique ! 

Ce fut Tavis général. Le bruit se répandit même qu'une 
clause secrète du traité stipulait un exil du duc d'Orléans*. 
Certes, Charles VllI n'avait pas pu aller jusque là ; mais la 
rumeur n'était pas sans fondement, en ce sens que Louis. 
d'Orléans ressentit une profonde amertume et ne pardonna 

^ 4) Hist. de Charles VIÏI, p. 723 et s. : Damont, Corps diplomatique^ III, 
p. II, p. 531 : fr. 2961, f*» 26 : Arcb. de Florence, Cartap, Vï, un. 
2) Fr. 1960? : Da Paullo. , 



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HISTOIRE DE LOUIS XH 

Charles VIII, ni à Comraînes, nî à leurs collabora- 

ipaix signée, Ludovic laissa éclater sa joie : il ordonna 
(ries et des Te Deum*. On se réjouit de bien bon cœur^ 
plus que la peste, récemment reparue dans plusieurs 
isait en même temps que la guerre. La ville d'Alexan* 
gnala par do grandes démonstrations de reconnais- 
^ers ses patrons, la sainte Vierge, sfidnt Roch, saint Sé- 
dans presque toutes les rues et dans les carrefours, 
Iles madones, bien dotées, pourvues d'un petit autel 
ampe, témoignèrent de la gratitude publique'. 
r même du traité, Ludovic et les Vénitiens levèrent 
Ludovic avait osé inviter les provéditeurs à la solen- 
îrment, et, le 11, il leur offrit à Vigevano un festin 
, pour célébrer allègrement Téloignement des Fran- 
rit congé d'eux par un beau discours, et peu à peu 
vint chez soi. Mantoue fit à Venise une entrée triom- 

ird, Louis déclara avoir été obligé de s'incliner devant la volonté 
seul, avait pouvoir de le tirer d'embarras {Procédures politiques 

Louis XU^ p. 890) . En 1505, le procureur général du roi près 
3nseil accusa formellement et réitérément le maréchal de Gié 
: une grosse somme de Onance pour faire au feu roj Charles 
ippoinctement de Novarre, qui esloit au grand desavantaige du 
ent » (td., p. 284, 373). En 1504, on fait interroger le maréchal 
les articles suivants : « Item, s'il eust jamais intelligence avec le 
dovic, et s'il eut oncques dons ou aucuns presens dudit Ludovic 
de par lui^ et mesmement a Tappoinctement que fut faîtaVersay 
BU Roy Charles et les communaultés de Italie. — Quelles paroles 
lant ce, avec les ambassadeurs et messagiers dudit seigneur 
s'il promist tenir la main a rencontre dudit seigneur Ludovic d 

Cf. Guichardin, livre IV). 

!, sans date, de ses ordres (Arch. de Milan, Guerre, 1495, Con* 
vara). Le 10 octobre^ les cloches sonnèrent à Milan pour annon^ 
Diaire de Pk, de Lischate), 
ina. Annales Aleœandrini (Monumenta di storia patria, IV, 

la Vigne. 



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TRAITÉ DE VERC'^IL 321 

pbale, sur le Bucentaure, au milieu d'embrassemenls et de 
congratulations sans fin, parmi toute sorte de réjouissances, 
la ville illuminée, les canaux couverts degondoIesS.. 

Au camp français, Tannonce de la paix souleva des orages. 
Les vingt-cinq mille Suisses, qui venaient d'arriver avec 
Tespoir de ravager Tltalie entière, se voyaient arracher leur 
proie, sans coup férir... Ces gens robustes et éprouvés s'es- 
timaient invincibles, et, de fait, dit Commines lui-même, 
<c tant de beaulx bommes y avoit que je ne veiz jamais si belle 
compaignie, et me sembloit impossible de les avoir sceu des- 
confire ». La nuit qui suivit, ils agitèrent en fureur lesparlis 
les plus extrêmes : ils voulaient enlever le roi. Charles VIII 
se hâta de disparaître de Verceil le 11 octobre*, et il lui en 
coûta plus de 500,000 livres pour décider les Suisses à par- 
tir. 

Charles voulait, avant son retour en France, une entrevue 
avec Ludovic. Une première fois, Ludovic s'était poliment 
excusé sur la mort du comte de Vendôme. De Trino, le 13 oc- 
tobre, le roi lui députa Philippe de Commines et Rigaud 
d'Oreille pour insister encore'; cette fois, Tallié de la France 
se gêna moins. U déclara qu'il y voyait mille périls : « il crai- 
gnait les Vénitiens ; au camp français on tenait contre lui des 
propos menaçants* ; » il n'accepta d'entrevue que sur un pont, 
avec une barrière fermée séparant les deux partis, comme 
faisait autrefois Louis XI avec son frère le duc de Guyenne. 
La proposition parut insultante à Charles VIII et à son en- 

1) Benedetti. 

2) A. de la Vigne. 

3) Lettre de Charles y\\\ (Arch. de Milan). Commines, joué dans toute 
cette négociation par Ludovic, comme il Tavait été quelques mois avant par 
les Vénitiens, ne s'en vante pas. 

4) (c II est bien vray, dit Commines, que plusieurs folles parolles avoient 
esté dictes, » 

III 21 



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FfISTOIRE DE LOUIS XII 

lourri des plus purs sentiments de la chevalerie. On 
it faire connailre la vérité, et Ton excusa Ludovic 
té. .. Les bons rapports avec Ludovic s'arrêtèrent là. 
ite ultérieure du duc de Milan ne put qu'accroître 
1. 

montrait à quel danger il venait d*échapper... On 
t Tami du pape, puisqu'il semblait disposer des 
nications; on vit, non sans étonnement, le sultan 
, avec lequel il ne semblait pas qu'un chrétien put 
îttre, lui envoyer des chevaux de prix, comme 
lie et officiel de félicitations pour sa lutte contre la 

il la malheureuse ville de Novare, Ludovic, violant 
ement ses serments le jour même où il les prenait, 
î pays conquis. Le 10 octobre, jour du traité, Galéas 
îverino y entra à la tête d'une forte compagnie de 
nés, qu'il y installa". Le lendemain, on transforma 
I un parc d'artillerie ', et les vengeances commen- 
[ possède encore aux Archives de Milan la honteuse 
3 cousin d'Antoine Caccia, Jérôme Caccia, avocat à 
ni, le 12 octobre, demande à Ludovic de lui attribuer 
ens de ses parents, a traîtres, » dont il flétrit d'im- 
51 conduite^ dès qu'il sait le duc d'Orléans définitive- 
[né*. 

), flit un historien novarais, trouva w un bourreau» 
lui; Galéas de San Severino commença par frapper 
ville ruinée d'énormes contributions de guerre, et 
r des listes de suspects; il remit partie de ces suspects 

ro, Annali Veneti, p. ^46. 
ti. 

la 11 (Arch. de Milan, Guerre, 1495, Congiura di Novara). 
1495, Cong. di Novara. 



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TRAITÉ DE VEHCËIL 323 

aux mains de la justice, il relégua les autres à Milan. 11 fit aux 
citoyens une situation telle que, selon l'expression d'un con- 
temporain, ils étaient las de la vie*. Sur Tordre de Ludovic, le 
chef des impôts [maitre des entrées) fil impitoyablement pour- 
suivre, sous prétexte de crimes de droit commun, les personnes 
dont on convoitait les dépouilles. 

Gomme texte de loi^ les poursuites visaient des ordres du 
gouvernement : « secondo li ordini ducali ». On retrouva 
l'ancien courrier de Naples, Antonin de Perho, qui, donna dans 
UD long interrogatoire', le 28 octobre, les détails les plus cir- 
constanciés sur TafTaire, et le nom des chefs. Un peu plus tard, 
au mois de décembre, Ludovic fit arrêter presque tous les 
membres de la famille Borromée, dont il occupa militairement 
les châteaux; les Borromée finirent par obtenir leur liberté 
et la restitution de leurs biens, en laissant au duc la garde 
des châteaux pour trois ans. Philippe Borromée, inculpé d'a- 
voir été à Asti visiter Trivulce, fut, sous ce prétexte insuffisant, 
retenu seul en prison. Ludovic lui arracha, sans doute au prix 
de plus d'une torture, Taveu écrit, signé de sa main, de ses 
offres d'autrefois au duc d'Orléans •; Philippe passa en juge* 

1) Bescape, cité par Rusconi, owr. cité, 

2) Publié par Rusconi, Asudio di Novara, p. 14 et s. 

3) Publié par Rusconi, Assedio di Novara, p. 19 et 20, avec quelques 
inexactitudes de lecture; p. 19, I. 21, une phrase est omise; p. 20, 1. 1, au 
lieu de lapace fosse condtisa, lire lapace non fosse; 1. 2, supprimer le mot 
cosa\ ). 10, au lieu de ch* io nonmostrarebe^ lirec/i' io mostrarebe. M. Rusconi 
commet aussi une légère erreur en atlribuant à ce document, non daté, la 
date de septembre ou octobre, — Les autres détails que nous donnons sur cette 
affaire sont tirés de la partie inédile du Diaire de Sanudo. Cf. G. Magenta, 
/ Visconti e gli Sforza nel Castello di Pavia, 1, 558. La conduite de Ludovic 
envers les Borromée fut une des causes majeures de sa chute en 1499. Lors 
de sa fuite en Allemagne, en 1499, répondant à une lettre de don César MafTei, 
il convenait que celte affaire seule pouvait fournir des armes contre lui, et il 
cherchait vivement à se justifier; il affirmait n'avoir toujours désiré qu'un 
arrangement amiable des affaires des Borromée et n'avoir été pour rien dans 



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324 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

ment. On lui reprochait aussi des paroles malsonnantes au 
moment de la paix ; il aurait vivement pressé le duc d'Orléans 
de s'y opposer, il lui aurait adressé dans ce but François de 
Nibia, puis Baptiste da Sisa, chancelier de Vitalien Borromée, 
puis Aluysio, homme d'affaires de Madame Florimond Visconti, 
offrant tout son aide, tout son appui, si la paix ne se faisait pas. 
A la dernière heure encore, il avait envoyé une dernière fois 
Nibia et un ancien courrier de la duchesse de Savoie, Anselme 
da Gatlico, demander à Louis communication du projet de 
traité, lui offrir la disposition du château d'Arona, et du bois, 
des bateaux, afin de jeter un pont sur le Tésin, pour un coup 
de main in extremis sur Milan. Un certain Jean de Briosco se 
tenait à la porte Ticinese, de Milan, avec une forte troupe, 
prêt à aider le duc d'Orléans; Nibia lui-même se chargeait de 
tout. Le duc d'Orléans, correct, obéissant, rései'vé, n'avait 
pas répondu grand'chose à ces ouvertures; quant aux négo- 
ciations et au traité, il avait déclaré ne rien savoir. Sur l'aveu 
de ces faits, couverts cependant par l'amnistie, Philippe Bor- 
romée fut condamné à mort : Ludovic signa de sa main Tordre 
d'exécution et le fît publier. On obtint difficilement la commu- 
tation en un exil à Ferrare. 

Les deux Opizin Caccia n'osèrent revenir à Novare, et s'exi- 
lèrent en France près du duc d'Orléans ; Manfred Tornielli 
s'était enfermé à Briona ; San Severino, paralt-il, s'empara du 

rexhérédaLion initiale de Jean Borromée par son frère Vitalien, origine des 
difficultés (Arch. st, Lombardo, 1879, p. 599-605). — Cependant les Borromée 
ayant demandé à faire appel entre ses mains de Texhérédation dont ils se 
plaignaient, Ludovic ne répondit rien. Le 19 juillet 1499, il chercha, mais 
un peu tard, à excuser ce silence, causé, selon lui, par Tunique désir de 
s'entourer d'avis compétents; il avouait implicitement ses torts, en refusant 
de donner raison à Ludovic Visconti, leur adversaire, car, dit-il, <i nede noi 
medesmi volemo andar a casa del Diavolo, Il fera tout, pour Visconti, sauf 
de perdre son âme! » (Lettre du 19 juillet 1499, Arch. de Milan, Doeu- 
menti diplomalicif Dominio Sforzesco, Luglio 4499). 



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TRAITÉ D£ VERCEIL 325 

château *. L'évêque de Novare, sans aulre forme de procès, 
perdit ses droits sur la petite seigneurie de MatarellaV Toutes 
ces vengeances prirent souvent une tournure raffinée, et 
d'apparence juridique, qui en rend la trace difficile à suivre. 
La rareté des documents compromettants semble indiquer 
aussi qu'on ne les a pas tous mis dans les Archives. Ludovic 
réclama rétroactivement la gabelle pour l'époque du siège ; 
il reconstruisit les fortifications au moyen de taxes person- 
nelles, sur divers particuliers, notamment sur Tévêque*. 
Le nom français était honni. Malgré les garanties données 
au roi pour une coopération active, et tout au moins pour le 
service du passage des troupes, le commissaire ducal*, Scara- 
mouche Yisconti, mande à Ludovic qu'il a fait déloger déjà 
deux ou trois fois une poste établie par Charles VIU. Yisconti 
affectait de déplorer la ruine du pays, qu'il attribue entièrement 
à la furia dei Francesi^. Il désarma avec soin la population de 
Novare, qui conservait beaucoup d'armes françaises ou alle- 
mandes •. L'ordre régna ainsi à Novare. Le représentant do 
Ludovic, Jean Beccaria, put enfin y entrer dignement le 16 dé- 
cembre, et recevoir beaucoup d'honneurs '. 

i) Rusconi, Lodovico U Moto, p. 55. Mais M. Rusconi, qui n'apporte 
aucune mention à Tappui de ce dire, parait avoir confondu avec une opé- 
ration du siège. 

2) Vincenzo de Vit, Memone delC antico castelb di Matarella, dans les 
MiiceUanea distoria italiana, 1890, t. XXVIII, p. 293, 

3) Rusconi, p. 44,45. 

4) Il n'y avuit plus de podestat (ment, dans les arch. de la cathédrale de 
Novare, citée par Rusconi, p. 8, n. 2). 

5) Lettre du 24 novembre (Arch. de Milan, Guerre, 1495, C, di Novara). 

6) 28 novembre (Arch. de Milan, Guerre, 1495, Congiura di Novara). 

7) Lettre du 16 décembre (id.). Mais la haine resta violente contre Ludovic. 
Au mois dé juillet 1499, les Novaruis donnèrent le signal de la rébellion : l'un 
d'eux, Etienne Avogadro, vint à Turin' « vociférer » qu'on allait enfin voir 
le More chassé et obligé de fuir (note d'un espion, du 24 juillet 1499; 
A. de Milan, Dom'' Sforz'^, Luglio 1499), 



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TRAITÉ DB VEROEIL 327 

nandS et, le 24 oc! obre, le roi put expédier, de Triao, à Péron 
de Basche et à Et. de Vesc Tordre de secourir Naples *. Mais la 
défiance, la haine de Ludovic continuaient à déborder autour 
de Charles VIII; malgré les intrigues de Commines, qui allait 
jusqu'à adresser à Ludovic des letties anonymes, le roi 
écrivait à Venise, ce dont Commines se plaignait avec fort peu 
de dignité '. 

L'expédition de 1495 ne laissa que de mauvais souvenirs. 
Celle prétendue croisade, cette entreprise religieuse, cheva- 
leresque, n'avait été qu'un tissu d'inconséquences, de four- 
beries, d'intrigues, de faiblesses de toute sorte, et, pour beau- 
coup, une affaire de spéculation privée. La victoire de Fornoue 
elle-même, le seul fait d'armes de la campagne, n'était pas 
de celles dont un roi peut s'enorgueillir : le hasard, la vail- 
lance personnelle y avaient joué un trop grand rôle ; la concep- 
tion laissait à désirer. La défense de Novare constituait un 
épisode vraiment héroïque, mais ce souvenir-là n'était pas à 
la mode. 

En revanche, Charles VIII revenait ébloui de tout ce qui 
donne à ce noble et beau pays d'Italie, son charme incompa- 
rable. Ne pouvant transporter sur les bords de la Loire, ni le 
ciel de Naples avec le golfe de Baïa, Capri, Capoue et leurs 
jardins enchantés, ni cette profusion de clarté et de couleur, ce 
luxe, cette somptuosité, ces mœurs raffinées, cette entente mo- 
derne des choses de la vie, qui lui laissaient dans les yeux 
comme l'impression azurée d'une vision de « Paradis, » il cher- 
cha, du moins, à dérober le secret de l'art merveilleux, de l'art 

1) Lettres de Charles VIII des 18 et 20 octobre (Arch. de Milan). 

2) Catal. of the collection.,, A. Mormon^ 189. 

3) 20 octobre* Lettre de Fr. Sforza, publiée par Kervyn de Lettenhove, 
II, 233. Sur le séjour en France de Fr. Srorza et sa libération de 1495 à 
1498, nous ne pouyonn que renvoyer au dossier des Archives de Milan, 
Potenze sovranc, Sforza^ Francesco, di Bosio, c'« dt; Sunla Ptoia, 



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328 HISTOIRE DE LOUIS XII 

incomparable, qui alteignail à son épanouissement, et dont nous 
ne pouvons plus que rechercher pieusement les traces. Malheu- 
reusement, le pillage de Fornoue le dépouilla des trésors artis- 
tiques qu'il traînait péniblement à travers les Apennins. Avant 
de quitter lltalie^ il manda en France ce certain nombre de 
gens officiers », qu'il fit venir de Naples, « faiseurs de bardes, 
deviseurs de bastiemens, orfèvres et plusieurs autres », et 
les fit « mener et conduire jusqu'à Amboise*. » Voilà la 
phrase, où l'histoire trouve la morale, et Texcuse providen- 
tielle, d'une folle équipée. 

Quant au duc d'Orléans, aussitôt après le traité, il revint à 
Asti*, mettre rapidement ordre à ses affaires et préparer son 
départ. Nous le voyons de là envoyer à Milan ou à Vigevano, 
un courrier vers Ludovic. Malgré son rôle dans les négocia- 
tions, le maréchal de Gié eut le talent de rester l'ami du duc, 
avec lequel il échange, en ce moment même, des dons de 
chevaux : Gié élait resté à Trino ; le duc s'adresse /à lui pour 
réclamer diverses menues pièces d'artillerie demeurées à No- 
vare, et Gié fait transmettre la réclamation à Ludovic. Georges 
d'Amboise, lui, ne quittait pas le roi, à Verceil, à Trino, 
à Chieri ; il reste naturellement en communications constantes 
avec son maître. Le courrier Saint-Sernin, jadis fait prisonnier 
pendant le siège de Novare, dans un voyage près de la mar- 
quise de Montferrat, reprend son service avec une activité 
extrême : il va d'Asti à Chivasso, à Trino près du maréchal 
de Gié, revient à Asti près de Robinet de Framezelles. 

Le duc d'Orléans, très correct dans sa tenue, partit pour 
rejoindre le roi et traverser les Alpes avec lui : Saint-Sernin 

1) Reçu de Jean de Cbandîo, 25 novembre 1495 (Tit, Ghandio, 3). Chandio, 
maître d*bAteldu roi, reçoit 375 iiv., avancées pour une partie de leur nour- 
riture durant le voyage. 

2) Cf. une lettre de lui, contresignée Cotereau, datée d'Asti, le 15 octobre 
1495 (KK 897, 252). 



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TRAITÉ DE YERCEIL 329 

court à Tarin, « savoir si son train partirait d*Asti, et autres 
choses... », puis, à Blois, expédier à Lyon le trésorier et les 
fauconniers ; peu après, Louis envoie encore Ruscigny hâter 
les fauconniers, qu'on rencontre à moitié route, à La Palisse. 
Hébert Bennot reste en arrière pour régler les affaires, en 
Montferrat, à Turin et dans tout le pays ; le secrétaire Le Hou- 
doyer va à Verceil reprendre Tartillerie du duc et la ramener 
à Asti. 

Le duc d'Orléans rapportait d'Italie une « épée d'honneur » 
ornée d'or, à laquelle il attachait un grand prix'; il ramenait 
aussi le prisonnier de Rapallo, Frcgosino, reslé à Asti, dont 
il confia la garde à Gilbert Bertrand, seigneur de Lys-Saint- 
Georges'. 

Le 22 octobre, le roi et le duc d'Orléans couchèrent à Suze. 
Là et à Grenoble, ils retrouvèrent les aubades et Taccueil des 
ménestrels. Une indisposition du roi les retint à Grenoble 
du 27 au 4 novembre, pendant que le duc et la duchesse de 
Bourbon, ainsi que Jeanne de France, duchesse d'Orléans, 
les attendaient à Lyon*. Le duc de Bourbon conserva la ré- 
gence jusqu'à l'arrivée du roi à Lyon et nous avons encore 
de lui des mesures importantes de régence, datées du 6 no- 
vembre, veille de cette arrivée*. Il était si ému que la nou- 
velle indisposition du roi lui causa une vraie alerte. Pour le 
rassurer, Charles VIII lui écrivit lui-même, le !•' novembre : 
« Mon frère, j'ay sceu que voulez venir devers moy, à cause 
de ce que povez doubter que suis plus empesché de malladye 

1) Comptes d*octobre-décembre i495 {TU. Orléans, XIV, 955 à 964. Cf. 
KK 897, 242, 249 : Vente à Asti, Je 15 octobre de quelques héritages à 
tt Gabr. Velulo », marchand d*Asti.) 

2) Fregosino acheva de payer sa rançon au commencement de 1497 (CataL 
de la vente d'autographes du 29 mai 1886, Ëug. Charavay, n** 54.) 

3) Ckroniq, de Renoist Maillard. 
A) Fr. 20590, f**» 20, 53. 



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1 



HISTOIRE DE LOUIS XII 

ay fait sçavoir. Je vous cerlifiie que je suis hors 
1, Dieu mercy, en façon que j'espère partir d'icy 
lercredy pour m'en aller à Lyon, où vous estes, 
y escript à ma femme à ce matin. Et, pour ouster 
pourroyt estre de vostre venue devers moy, je 
8 ne vouldroys que prissiez cesle peine, car j'es- 
f vous veoir et bien au long vous compter de mes 
» 

Orléans ne songeait plus qu'à faire bon visage, à 
à chasser. De Grenoble, il fait acheter des vins de 
En arrivant à Lyon, il réclame encore son tré- 
rouve, il reprend son existence, si vide, d'autrefois, 
avait fait donner 100 livres pour la réparation de 
it-Jacques de Blois : on nWait pas cessé de lui 
^asniers dans la forêt de Boulogne : Jacques de 
son fauconnier, avait gardé deux pages, au tra- 
ies événements'. Louis envoie en hâte à La Pa- 
er Ruscigny. Le grand fauconnier du roi lui offre 
X, M. de Saint-Mesme lui donne un émerillon : 
sacres^ confiés pendant le siège de Novare au fau- 
la marquise de Montferrat, lui sont rendus. Le 
leurs reprises, reçoit les aubades des tabourins 
Is de la ville de Lyon, et du comte de Bresse, des 
de Stuart d'Oison, des joueurs de musette et de 
rguerile de Flandre. Il donne vingt sous au fou de 
bon; Colletin Jacolin, joueur de harpe lyonnais, 
anl lui divers morceaux^, 
que les services de guerre trouvèrent leur ré- 

le SaiQt-Pétersbourg, (I), 1, n*» 42. 
)Uki variante plusieurs fois indiquée. 
ins,*XIV, 955. 
ins, 963, 964. 



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TRAITÉ DE VERCEIL 331 

compense officielle '. Le 12 octobre, le duc donne 110 livres à 

Lancelot du Lac, son écbanson, qui, à Novare % « en plusieurs 

assaulx, s'est bien et vaillamment porlé. » Jeanne 

canonnier Jean de Paris, pour services de son mai 

un caiionnier, pour sa bravoure à Novare où il a 

deux canonniers de Novare, que le roi n*a pas om 

un Espagnol, nommé Charles Ëxcurel, qui s'est 

duit à Novare, reçoivent de lui des gratifications 

tient, comme on peut croire, des pensions de 1 

à Georges d'Âmboise et à M. de Bussy ; il attribui 

sion de 1,000 livres au comte Opizin le Blanc ^ et i 

de 800 au comte Manfred Tornielli. Parmi les i 

sionnaires du duc, notons encore le contrôleur 

200 livres, le médecin Gabriel Bugne, à 60, Jean ( 

du duc à Lyon (200), Robert d'Estaing, lieulenar 

Bussy (100), le sire de Champdeniers (240), Gilberl 

seigneur de Lys de Saint-Georges, comme capitaine 

ducale (220), le fils de l'ancien précepteur du duc Jet 

le jardinier de Blois, Geoffroy Cotereau (10 livres' 

compensa largement ses capitaines. Pierre d'Url 

âgé, épousa, vers ce moment, une riche héritière, 

de Beauvau . Bérauld Stuart, déjà confirmé dam 

réversibles au domaine royal, reçut une gratii 

12,000 livres •,1e sire de Gamaches une indemnité di 

1) En outre des profits de toute espèce récoltés par les capita 
sommes d'argent, objets d'art, domaines... 

2) Opizin est appelé « Jehan Obsin, conte en Lombardie : 
Gasse, chevalier, conte de Novaire ■. Il reçoit, d*abord, 1,20 
sion, puis 1,000 seulement» mais le due y ajoute 200 liv. de | 
« Messire Obessin naigre » reçoit aussi des subventions (149 
Obsin, 2, 3, 4, 5). 

3) Joursanv., 59i. 

4) m, Orléans, 963. 

5) TU, Orléans, 968, 969. 

6) TiL Stuarl d'AubIgny, 9. 



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332 HISTOIRE DE LOUIS XII 

pour le siège de Novare * ; le maréchal de Gié* des dons consi- 
dérables', Robinet de Framezelles une pension de 2,400 livres* ; 
le maréchal de Rieux des marques d'amitié et de protection 
dans ses affaires privées*. Trivulce resta au service de la 
France, avec de larges pensions*. Le secrétaire Jacques Signot 
offrit au cardinal Briçonnet la dédicace de son livre La totale 
description de tous les passages qui sont pour entrer des Gaules 
en Italie, passages illustrés par Annibal et Charles VHP. 
Jacques de Miolans, déjà chevalier de Tordre, lieutenant gé- 
néral du Dauphiné et capitaine des cent gentilshommes du 

1) Tit. Gamaches, 43. 

2} Gié s'était déjà fait confirmer, le 14 juillet 1493, une pension de 2.0001. 
sur Mortain, qu'il touchait depuis de longues années {Hist, manuscrite de 
dom Monce, à la Bibliothèque de Nantes, p. 303, 295, 293, 105, 111, 514 : 
Procédures politiques du régne de Louis J/i, introduction) : Gié avait sous- 
crit aux emprunts du roi. Il avait une large part des dépouilles de Naples. 

3) V Procédures politiques du règne de Louis XII, p. xux, 670. 

4) TH. Framezelles, 8, 9. 

5) X<« 9321, 132. Voici encore diverses mentious de gratifications royales : 
Fr. 2043:^, 121. Don de la paisson de Lusignan au sire du Fou, pour 

services rendus à Naples (Lyon 15 novembre). Cf. Tit. du Fou, n* 5. 

Fr. 10237, 156. Lettre du cardinal de Saint-Malo, déclarant que le roi 
rend à Odet d^Aydie le grenier à sel de Libourne, dont il jouissait sous 
Louis XI (Turin, 3 septembre). 

Catalogue Joursanvault , 483. Charles VIII donne à Just de Tournon 
7,000 livres, pour ses services à Naples (23 mai 1497). 

Tit, Astarac, n® 16. Reçu par Jean, comte d^Estrac (Aslarac), conseiller 
et chambellan, capituine de cinquante lances, de 1,550 liv. à répartir entre 
ses gens (26 décembre 1495). 

Histoire manuscritey de Fontaoieu. Charles VIII donne àLigny une pointe 
de diamants, au marquis de Saluces des droits sur des salines, à Stuart 
d'Aubiguy Beaumont le Roger (octobre 1495, date inexacte pour le dernier fait). 

Saige, Documents historiques de la principauté de Monaco^ t. II, p. 15. 
Ordonnance de Charles VIII, accordant à Jean Grimaldi, seigneur de Mo- 
naco, son chambellan, la liberté de commerce en France, en récompense 
de ses services « tant par mer que par terre » (Turin, 22 octobre), etc., etc. 

6) Sanudo, p. 624, 625. Charles VIII lui donna les seigneuries de 
Pézenas et de Château-du-Loir (Rosmini, Hist de J.-J, Trivulce, II, 230, 
231 : Procédures politiques du règne de Louis Xll), 

7) Camuzai, Meslanges histonques, 1619, p. 234-242. 



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I 



TRAITÉ DE YERCEIL 333 

roi, obtint, par ordonnance du 1«' novembre, le pouvoir de 
retenir les genlilshommes et de nommer aux places de la 
maison du roi. Mais Miolans ne survécut pas beaucoup à la 
campagne, et, le o mars suivant, Yves d'Alègre reçut la suc- 
cession de son commandement ^ Charles VIII écrivit aussi à 
Ludovic pour demander qu*on rendit à son médecin, Théodore 
de Pavie, des livres de médecine enlevés à Fomoue. Le roi 
profita de la circonstance pour réclamer « plusieurs paintures 
de diverses façons et devises, que Tun de mes paintres * avoit 
tirées et portraictes, ou il y avoit aucunes villes et chasteaulx, 
quartes marines et autres nouvelles choses de par délia », 
et ses registres de dépense'. 

1)KK78. 

2) On remarquera que Charles VIII emmena, d'après cette lettre, un 
peintre français en Italie. Plus tard, Louis XII, au témoignage de Jean 
d'Auton, emmena à Milan le peintre Jean de Paris. M. Renouvier cite une 
lettre de recommandation royale, datée de Turin, d*où il résulte que Jean de 
Paris suivait Charles VIH : il est donc probable que c*est ce même peintre 
qui Ht toute la campagne. 

3) Arch. de Milan, Frauda, Corrispond,, Carlo VII et s. Lyon, 7 décembre. 
« In queila predu, dit Benedetli, vidi io un libro nel quale erano dipinte 
▼arie imagini de meretrici sotto diverso abito et età, ritratte al naturale, 
seconde che la lascivia et Famore rhaveva tratto in ciascuna città. » 



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CHAPITRE XXII 

DeBNIÈUS ANMÉliS liB ChARLSS VIII 

(1495^1498) 

Charles VIII revenait à Lyon ' avec la pensée bien arrêtée 
de ne s'y arrêter que pour fourbir contre Naples de nouvelles 
armes . Malheureusement , le traité de Verceil n'avait pas 
déblayé le terrain en Lombardie ; Gommines, qui s^en était 
fait l'entrepreneur, se multiplia vainement pour en tirer 
parti : après une ambassade personnelle à Milan, avec Ri- 
gaud d'Oreille, pour « seurté du traictié... et solliciter d'ac- 
complir les articles' », où il n'obtint que la restitution de 
quelques tapisseries et de quelques-uns des livres perdus à 
Fomoue', il sollicita et accepta d'être envoyé seul à Venise, 
pour achever le règlement. Son entrée fut fort modeste; il 
trouva les prévenances et la courtoisie habituelles, rien de 
plus. Le Sénat, exaspéré contre Ludovic, et, par conséquent, 
mécontent de Commines, laissa les propositions de paix quinze 
jours sans réponse : à la fin, le 17 novembre, il répondit 

• que « la République ne se trouvait pas en guerre ni en rup- 
ture ouverte avec le roi », et refusa toute autre explication 
que celte déclaration laconique*. Commines partit ' ; au re- 
tour, il voulut prendre sa revanche par une visite à Vigevano ; 

il n'y fut pas plus heureux. Avec beaucoup de politesse, Lu- 

1) « Sain, gaillard, joyeux et triomphant », dit Brantôme (II, 319). 

2) Quittance de Rigauld, seigneur d*Oreiile, en Auvergne (Collection 
Bastard, 973). 

3) Porlef. Fontanieu, paiement du 24 décembre. 

4) Arch. de Venise, Secreto 35, 198 v. Cf. Kervyn de Lettenhove, 111,98. 

5) Le 26 décembre, le doge proclama la mesure qui annonçait, ordinaire- 
ment, de nouveaux armements : il défendit toute vente de chevaux dans la 
cavalerie (lat. 10142, f» 33). 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES Vlll (1498-1 498) 335 

dovic se moqua de lui, aussi nettement que possible : il lui 
refusa toute audience particulière, mais il lui offrit de belles 
promenades. Sur les bords du Tésin, on fit voir à Commines 
des remparts, improvisés au moment où tout le monde croyait 
le duc d*Orléans en marche sur Milan; on ne lui dissimula au- 
cunement qu'il aurait suffi au duc d'Orléans de paraître sous les 
murs de Milan pour que les portes s'ouvrissent d'elles-mêmes : 
des officiers de Tarmée milanaise s'empressèrent de lui indi- 
quer, d'une manière fort intéressante, les points stratégiques 
du pays, les positions dont le duc d'Orléans, disaient-ils, 
n'avait pas su tirer parti : l'un de ces officiers alla jusqu'à se 
moquer tout haut de ce que l'armée française n'eût pas profilé 
de sa victoire, àFomoue, pour anéantir l'armée italienne*. C'est 
Commines, lui-même, qui nous rapporte ces détails, avec 
amertume. Juste châtiment de ses intrigues pour sacrifier 
Louis d'Orléans au duc de Milan, pour paralyser l'action mili- 
taire, et engager le roi, dans un but de pur intérêt personnel! 
A son retour à Lyon, l'infortuné diplomate trouva ses adver- 
saires triomphants, tous ceux qui médisaient de la politique 
de Verceil, au pinacle : « On me lava bien la tête », dit-il. 
D'autresque luiavaient commis d'aussi fortesbévues, mais son 
excès de zèle et de finesse permit à tout le monde de se dé- 
charger sur lui; il devint le bouc émissaire des ressentiments 
contre Ludovic, et il ne put, malgré son talent, se relever du 
discrédit, de la déconsidération, qui le frappèrent depuis lors. 
Il fit comme Talleyrand : il écrivit ses Mémoires, Mémoires 
spirituels, éloquents, importants, toujoursnécessairesàconsul- 
ter, mais qu'il n'est pas indispensable de croire aveuglément. . . 

A Lyon, le roi se trouva fort empêché de prendre les me- 
sures nécessaires pour sauver Naples; partout, à l'intérieur 
comme au dehors, il ne rencontrait qu'obstacles. 

1) Commines, H, 352, 451, 482. 



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336 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Alexandre VI travaillait avec ardeur à une ligue contre lui, 
non pas de toute l'Italie S mais de toute TEurope. Dès le mois 
de décembre, il fut entendu que, dans la prochaine campagne, 
le roi de Naples opposerait à Charles VIII une résistance hé- 
roïque, que le pape quitterait Rome, que la ligue lèverait des 
troupes formidables. L'empereur y adhérait; Alexandre VI 
pressait l'Angleterre et l'Ecosse*. En même temps, Maxi- 
milien protestait contre le traité de Verceil, par un manifeste 
aux Génois, où il réclamait leur « ancienne et indubitable 
dépendance de l'Empire » : il leur reprochait de déserter ,"Sr 
la fois, la cause italienne et la cause impériale, d'aider la 
France contre TÉglise, il leur ordonnait de rentrer dans la 
ligue et déclarait les absoudre du serment prêté par eux à la 
France '. 

Charles VIII n'avait pourtant pas beaucoup à se louer des 
Génois; au contraire. Malgré sa promesse, Ludovic n'avait 
pas arrêté les deux vaisseaux nolisés par le roi de Naples : 
et, le 2 novembre, il envoya expliquer au roi que cette ques- 
tion soulevait de grands principes de liberté commerciale; 
on ne pouvait pas empêcher deux vaisseaux de trafiquer, « on 
verrait s'il était possible de veiller à ce qu'ils ne s'enga- 
geassent pas au service de Ferdinand », — sans violer les 
principes*. Le même jour, précisément, Charles VIII, impa- 
tienté, écrivait pour réitérer sa réclamation*. 

En réalité, on se gênait fort peu. Les deux vaisseaux 
avaient été nolisés par ordre du gouvernement génois et par 

1) GozMidini, Memorie per la vita di Giov. II dé* Bentivogli, doc. n»63. 

2) Bref du 17 décembre (ital. 1441). 

3) LeUre du 6 décembre (id.). 

4) Instructions du 2 novembre 1495 (Arch. de Milan, Militarey Guerre^ 
1495). 

5) Grenoble, 2 novembre (Arch. de Milan, Pot. Est,, Francia, Corris- 
pondenza). 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES Vin (1495-1498) 337 

les soins de Brice Giusliniani, au mois d*aoùt \ On «e prépa- 
rait ouvertement, à la gtierre, au su et avec Taide de Ludovic, 
qdi concourait largement aux dépenses d'armement^, et, le 
4 novembre, le* conseil publia une défense officielle aux pa- 
trons débarques d'accepter des engagements du roi de France 
ou do Ludovic Sforza, pour une expédition contre Naples, 
conformément au Irai té de VerceiL En revanche, il autorisait 
le Bôlis de neuf vaisseaux pour le compte de TEspagnè', et 
férrhait les yeux sur les nolis de Naples^. Cela ne facilitait 
pas la mission de Pérou de Basche et d*Étienne de Yesc, char- 
gés d^organiser à Gènes une nouvelle expédilion ^. Cependant, 
à'petne la paix signée, le duc de Ferrare avait pris-ees me- 
sures pourooèuper le Ghalelet; le 22 octobre, il mit sur pied 
une compagnie, au milieu de Tenthousiasme de ses sujets, 
exaltés de la marque de confiance de Charles VIII, et aux 
yeur desquels il passa, dès lors, pour un maître « sage, fin, 
adroit et bon », pour le « premier homme d'État d'Italie » *. , 
Le 26 octobre, le conseil de Gênes décida d' « honorer son 
arrivée» » et d'assurer un logis aux envoyés de Charles VHP. 
Le duc parlit, en personne, le 2 novembre, pour installer sa 
garnison « au nom du duc de Milan et de la France » *, et 
aurfrais de la France •. 

1) 31 juillet (Arcb. du Ministère des affaires élrangères de France, GéneSy 
2, f« 226 vo). 

^ ^ Instructron du 23 octobre à Paul de Cosla et Et. de Bcrnei, envoyés à 
Milan (id., f» 225). 

3) IL, fo 230 vo. 

4) Commines prétendit avoir enfin obtenu à Milan l'arrêt des deux navires 
de Ferdinand {hevve des autographes, fasc. 89, n» 19). 

*B)Sadudo, p/65o. 
6) Diario Ferrarese, c. 313. 

ïï) Ministère des alîaires étrangères, Gènes 2, f* 230 v». 
• ^ Dmrio Ferrarese. 

9) K. 76, 12 : paiement, à Tambassadeur do Ferrare, de 350 1., selon le 
traité de Verceil (16 octobre 1496). 

m 22 



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338 HISTOIRE DE LOUIS XU 

Le mois de décembre ne fut pas gai à Lyon. £n quelques 
jours^ on apprit la maladie et la mort, à Âmboise, du jeune 
dauphin, Charles Orland^, depuis si longtemps menacé. On 
avait fait dire bien des messes pour sa santé, à Tours, à 
Bourbon rÂrchambault '. Il succomba, au grand désespoir de 
la reine, cet unique enfant, si beau suivant elle, si hardi déjà'. 
Le roi parut moins profondément ému : sa santé n'était pas 
très bonne ; les médecins lui prescrivirent des distractions. 
Pour leur obéir et adoucir le chagrin de la reine, Charles VIII 
ordonna des mascarades, «jeux et momeries». i)ans l'une 
d'elles, le duc d'Orléans parut avec une dame, et il égaya 
tellement cette fêle funèbre que la reine s'en montra blessée: 
il lui semblait voir le duc se réjouir de la mort de son fils, et, 
pendant plusieurs jours, elle refusa de lui parler*. 

La reine, partisan de la paix à tout prix, ne pouvait pas 
apprécier les idées de Louis sur Novare. Surtout, l'absence 
de dauphin rendait la situation du duc d'Orléans de plus en 
plus embarrassante et difficile ; le duc n'allait plus pouvoir faire 
une démarche, ouvrir la bouche, exprimer un sentiment, sans 
aviver les soupçons... Et Ton devait se montrer d'autant plus 
sévère pour lui que la situation générale prêtait plus à la cri- 
tique. L'état du royaume n'était pas brillant; les brusques 
impositions ' avaient déterminé une panique financière et une 

1) Corn mines : lettre au duc de Milan, 21 décembre (Arch. de Milan, Pot. 
Est, Francia, 1494-95). 
2)Fr. 20491,f»93. 

3) Corrozet, Le thrésor de Vhistoire de France, p. 197. 

4) Commines : Brantôme.FCe détail semble se rapporter plutôt à 1497, car 
Brantôme parle du ch&teau d'Amboise. La reine eut en 1496 et en 1497 
des fils qui moururent, et, en 1498, une fille qui ne vécut pas. 

5) Cf. fr. nouv. acq. 3041 (avant-dernier feuillet ro), un fragment de Le 
Maire de Belges : « Hic (Charles VIII) tandem post famosisissimam illam 
expeditionem Siculam ad suos reversus, regnum suum peccuniis exbaustum, 
sed pacatissimum, Ludovico Aureiiauensi reliquit. Eram ea tempestate ego 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) 339 

profonde crise économique*. Les affaires s*arrêtaient ; la 
valeur de la propriété subissait une baisse énorme*; les 
paysans des frontières émigraient '. La guerre produisait dans 
la population ses effets habituels : dégoût du travail, désertion 
de l'agriculture. L'armée française, à Naples, avait vécu de 
bombances, et trop souvent de rapines; on avait considéré le 
royaume de Naples comme une proie; peu de dépouilles, il est 
vrai, parvinrent jusqu'à la France et bien des gens d'armes 
revinrent de là-bas exténués, « tout nuds »; mais ces gens 
avaient perdu l'habitude de la charrue et se répandaient sur les 
routes^ aussi misérables qu'oisifs, en quête d'aventures \ Le 
budget de la guerre, après avoir ainsi appauvri l'agriculture, 
lui enlevait ses ressources. L'armée française rapporta de son 
expédition d'épouvantables germes de démoralisation et de 
maladie, dont l'effet ne tarda pas à se faire sentir au fond des 
bourgades les plus reculées*. Naturellement, on attribua ce 
« malnapleux », qui courut la France dès 1496, à l'effet d'un 

Johanes Mairius eum thesaurario Bellijocensi moram trahens, annos natus 
ciroiter quinque supra viginti. » 

1) Une lettre de rémission, en faveur d'un jeune homme de Marseille qui 
avait tué Kassassin de son père (JJ 231, fo 165), fait allusion à des dé- 
sordres qui paraissent s*étre produits à Marseille vers ce moment, une 
révolte contre le viguier et la noblesse, où beaucoup de gens reçurent la 
mort ou des blessures graves. La populace avait incarcéré le viguier et 
les nobles; un nommé Cassin, assiégé dans sa maison, se réfugia dans 
l'église Saint-Ladre ; la populace l'en arracha, sans égard pour l'asile ecclé- 
siastique, pour la croix dont Use couvrait, ni pour /'enset^e fleurdelisée qu'il 
s'était mise sur la tôte : Cassin supplia qu'on ne le fit pas mourir sans confes- 
sion : on le massacra devant la porte. 

2) « Il y a grand temps que les biens ne furent en si petite valeur. Ce qui, 
il y a trois ans, valait 60 sous, en vaut 12 ou 15 » (Lettre de Georges d'Am- 
boise aux États de Normandie, le 2 mars 1495-1496, Archives municipales 
de Rouen, 228, 1). 

3) JJ 232, 55, vo : des paysans malheureux, criblés de dettes, passent en 
Roussillon (qui appartenait à l'Espagne) pour y gagner leur vie. 

4) Not. JJ 234, 183 : JJ 233, 130. 

5) V. notre ouvrage, Origines de la Révolution : la Veille de la Réforme, 



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) . HISTOIRE DS LOUIS XII 

Bon itaUen^ Nous n'insisterons .pa3 sur un sujet, qni a 
cité, du rest«^ bien des études, et que nous^nlavons pas ici 
hission d'approfondir. Boroon^nnous à constater que la 
ison du duc d'Orléans paya largement^on tribut', La^cour 
le montra pas plus indemne... 

Lvec un goùl très vi£.pour l'architecture, la musiqae, la 
fiture ^ Charles \III, en dépit de Télat deipUts en pluapné- 
'e de sa santé, n'avait point trouvé, dans^a croisade^ le 
min de^Damas. Au milieu des Lyonnaises., U oublia un peu 
> Napleft.u> il. s'oublia lui*mômeV La;aour emtcaina à sa 
e, dans ses déplacements, une escorte de ipauraes filles, 
At dignes de suivre les armées^ selon leur habitude..., et 
. pourtant, tenaient un rang en quelque sojcte reconnu*. 

Liber de Podïo, à^Éi, Médicis, 'publié par Chaèsaing, 1,265 :'« moVbum 
olHadum )»>'Er ItaHe, on r&ppelait a mal. fran^&U » ^Gmnica^ di ùu- 
I, dfif^ la Bibliotheca historica italiana, II, 191 : Burcbardi Diarium, II, 
518 :.GQhori, fo 29 v« : Alvisi, Cesare Borgia dwca..., p. 41 : le D' Re- 
,, La Syphilis' aiiis'c éiêcle); • '" '^i.> «i . .- •: 

Môme le maître de chapelle, René Menart, conseiller ducal ; un Luquois, 
irvant de la chapelle; un cbevaucheur, un huisaier, un gentilhomme du 
(Tit. Orléans, XIV et XV, 973 à 995 : Joursanv , 868). 
Fh 26I(fe,«p. 1235 : aair. 307, fplll : cf. K. 73, 6 : V€nteid:4atiogr. 
nvier 1884, Etienne Cbaravay, n» 77 : Tiraboschi, Sloria délia litle- 
*a italiana, VI, 129. Pérugin devint célèbre en France. Le poète Jean 
irtet écrit '< soubz une meschantepainoture,fuicte de mauvaises <}Ouleurs 
[plus mesohaiit peinctre du monde, par manière d*yxonnie : 

Pas n'approchent les faiclz mnistre Rogier 
Du Perusin qui est si granl ouvrier, 
Ny des painctres du feu Roy de Cecille... 
En perspective est ung peu inutille... 

igier, ajoute-t^il, peint comme on le fait à Suint-Lô pour les hôtel- 

jffr. 1717,^95), 

Dans le Vtrgier d'Honneur, un poète, chantant le retour de Naples de 

les VIII, engage, en termes cyniques, les dames « à se remettre en 

^> Charles VIII se fait traduire par son lecteur Guillaume Tardif les 

lies du Pogge(Voir l'édition Montaiglon, Paris, 1878, 8«). 

Louis d'Orléans leur donne des gratifications, notampoent à Jeanne- 

>I]e (fr. 26105, n«» 1214, 1244: Tit, Orléans, 995; celle dernière, pour 



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DERNIÈRES ANNÉK8 DE CHARLES VHI (1495-1498) 341 

C'était bien le cas de dire, une fois de plus, de ces pèlerins de 
Rome : Qmmultum veregrinantur^rarù sanàtifitantut. ' " 

Aux témoignages d*une gtàntfô licence, se' mèlaietit ceux 
d'une piété très vive, et dés pi^éôccUjJatlôné philôè^ophiqùeé', 
littéraires, très élevées. La préséûciè de saîhl Phançôis dé 
Paule, sa sainteté' si sifti'ple et si profonde, son presligé, &es 
conseils, exerçaient sur lès priùoesàès uriô influëûCe êb^lifti- 
ordinaîrc* : Ik reine,' Anhe de France, Jeanne de Pranoe^ 
Louise de Sa(vole% J)rofei^saient pour le saint ermite un véri- 
table culte. La dévotion se trouvait àia mode. 
' Louis d'Orléans, la âanté déjà fort atteinte par ses éprotives^ 
de jeunesse,' révenait d'Italie très éprouvé, lui aiwsi : les 
fièvres dè*Ldmbardie, àî longtemps prolongées, les radesses 
du siège dé Novàré lui avaient laissé tm aiïafblisdemènt,' dont 
il ne se remit'jàmaiè, et dont nous constaterons plus d^une fors^ 
danà la suite', lès tristes bfféU. Se montra-l-il plus sage- q>iiô le 
roi? Nous n'oserions l'affirmer. Brantôme, le cbroniqtieur 
attitrëi et sâhs doute bien informé, de ces côtés particuliers 
de l'histoire, nous dépeint Louis comme «bon compagnon, 
aimant fort les dames. » Son retour près de Jeanne de France 
lui servait d'excuse. Du moins, comme le dit Bravlôme', i' 
élait discret : il n'avait pas la vantardise de son aïeul XiOuis I*'', 
il ne parlait pas... Les diffieullés de sa situation vinrent en 
aide, sans doute, à sa vertu. 

£n arrivant à Lyon, il achète deux livres d'heures « en par- 
chemin et en mouUe*; » il en achètera encore deux autres, en 

s'en retourner à Paris, et sur la recommandation de M. de Ne^ers et du 
maréchal de Bourgogne). 

1) Lat. 10860, 10856, 18320, pa&sim, 

2} G*est en son honneur que Louise de Savoie appela François son fils, 
e futur François I«' (Procédure de canonisation). 

3) Femmes galantes^ Discours VU. 

4) Laborde, Les ducs de Bourgogne^ III, 7223. 



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342 HISTOIRE DE LOUIS XH 

juillet 1496, qu'il fait couvrir de velours rouge et orner de 
fermoirs d'argent. Il achète cinq patenostres d'or*. Dans les 
deux années qui vont suivre, il multiplie officiellement les 
œuvres pies, et nous n'appelons pas seulement œuvres pies 
les dons habituels, courants, à des monastères' ou à des 
églises ', ni les hautes ou basses messes, avec mille cierges, 
dans les couvents de Lyon*, mais des œuvres vraiment parti- 
culières : aumône à un pauvre religieux, pour faciliter ses 
études de doctorat, don de trente-cinq sous au sire de la Marck 
«pour jeûner avecques luy lejoursaint Sébastien, etaussy pour 
luy promettre qu'il ne mangeroit ledit jour que avecques luy*. » 
Il fait payer à un de ses clercs de chapelle une amende de 
10 sous pour être entré éperonné dans le chœur de Saint- 
Dizier, et il la lui rembourse*. Son chancelier, Denis Le Mer- 
cier, se livre sans doute aussi à de fortes études, car il se 
fait prêter, par la bibliothèque de Blois, le livre appelé « Abas 
Joachin » '. 

Il est certain que Louis d'Orléans ne rapportait point de 
Lombardie les mêmes impressions que son aïeul Louis I^, 
dont il venait d'imiter, de si loin, la conduite. Louis P'^ en 
contractant ce que Ton appelle aujourd'hui « un mariage 
d'argent, » s'était donné un beau-père ambitieux, intrigant, 
artisan de sa forlune et prêt à la poursuivre indéfiniment. 
Étourdi par un milieu, tout nouveau, de banque, d'argent, 
d'affaires et dejouissance, Louis P*" s'y était jeté à corps perdu, 

1) Laborde, 7224, 7230-7232, 7242 : TU, Du Refuge, 64. 

2) Carmes de Lyon et d'Orléans, Ciarisses de Bourg. 

3) Curé d'Averdori, curé de Saint-Dizier de Lyon (Comptes* de 1496: 
JoursanvauU^ 3309). 

4) TU, Du Refuge, 63. Le duc tient à Lyon un enfant sur les fonts du 
baptême, le 8 janvier (i(/., 62). 

5) TU. Orléans, 995. 

6) TU, Orléans, 991. 

7) KK 902, fo XXVI. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES YIII (1495-1498) 343 

en y apportant le prestige de son nom. Son petit-fils ne connut 
que le revers de la médaille: à voir de près dans Ludovic 
Sforza, objet de sa haine et de son mépris, beaucoup des pro- 
cédés qui avaient subjugé et déchaîné, si j'ose ainsi dire, son 
aïeul, il les prit en aversion profonde. Il avait pu, en Lom- 
bardie, raffiner ses goûts intellectuels et artistiques, mais il 
en revint converti pour jamais à la simplicité, à l'économie, 
à la frugalité, au goût des choses intellectuelles, à la bonho- 
mie et à la loyauté. Il en revint aussi, peu partisan d'un pou- 
voir trop absolu des rois; il voyait assez à quelles futiles cir- 
constances tiennent les destinées d'un pays, quand elles 
dépendent d'un seul homme... 

L'excès des caprices de Charles VIII devait, du reste, dé- 
terminer un mouvement général de réaction. Louis d'Orléans, 
qui s'y était toujours attendu, tenait à ne pas s'éloigner du roi*. 

1) Des actes, signés de lui, coDstatent sa présence à Lyon, le 12 janvier 
(TU. Orléans, XIV, 948), et le 3 février (fr. 20379, p. 59) ; mais les actes 
ducaux portent rarement l'indication du jour. Le secrétaire Cotereau, à cette 
époque, contresigne tous les actes du prince. Des patentes ducales, datées 
de Blois, février 1495 (ancien style), figurent au registre KK 897, f» 237; 
mais ces patentes ne sont que la grosse d'une décision du grand conseil 
ducal, resté à Blois, et portent la mention : « G. Bernier, à la relation du 
conseil ». Cotereau dressa le 10 janvier 1495 (1496) Tétat des étrennes payées 
par le duc à sa maison et à celle du roi le 1«' janvier {Tit, Orléans, 953) : 
nous y remarquons les mentions suivantes : « Les tabourins suyces du 
roy... Ung joueur de cor estant au roy... Ung autre tabourin... : » plusieurs 
ménestrels et tabourins de la ville de Lyon : les « filles de la court » 
(6 écus couronne). 

Dans le compte de trésorerie d'octobre-décembre 1496 {Tit. Orléans, 
991), nous relevons les dépenses suivantes : Pour menus plaisirs à Lyon, 
87 livres, 107 livres, 23 livres. Parmi les Dons et Récompenses : Jeannot 
Bidani, dit le More, homme d'armes de la compagnie Ligny, arrive de 
Naples à Lyon; le duc l'envoie au roi pour lui porter les nouvelles. Le 
Poullalier envoie au duc une tirasse, pour chasser aux grives. Claude 
de Louvain (ou Louan), aumônier, donne, au nom du duc d'Orléans, 
7 livres 5 sous « a un prestre, qui a baptisé l'enfant de Jehan de Paris, 
paintre du Roy, et a la fenme qui porta ledit enffant que mondit seigneur 
taint sus font; a chascun deux escuz au soleil, vallant ladite somme de vu l. 



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344 HISTOIRE DE LOUIS XII 

La morale du traité de Verceil fiit de rendre à M. et M** de 
Bourbon et au duc d*0rléans une influence très eonsidéfable. 
Le <luc de Bourbon semblait plus régent qu'au temps^de tfa 
régence ^ Le roi se montrait froissé de voir Ludovic* éluder 
cavalièrement les principales clauses du traité et agir ea 
adversaire plutôt qu'en alHé. Le roi de Naples coTiservfiât 
à sa solde trois carraques de Ludovic; Charly Vill'n'oble- 
nait pas les deux galères promises et, avec de Targetit, ne polu- 
vait rien se faire donner à Gènes. Ludovic continuait, potîr- 
tani, à protester de son dévouement, et se plaignait à son 
tour. En vain,.Commines et le médecin Théodore de PavT6* 
insistaient près de lui : le comte François Sforza, donné ^én 
otage conformément au traité de Verceil, avec un autre itfiîa- 
nais, s'en mêlait aussi "... François Sforza était conduit, comme 
un prisonnier de guerre, à la suite de la cour» sous bonne 
garde ; Ludovic trouva cela mauvais, et répliqua en priant 
qu'on laissât à son cousin une certaine liberté, a avec les 
moyens de rester à Lyon sans trop d'ennui et d'incommoditéif) *. 
De son côté, Charles VIII réclamait vainement les otages spé- 
ciaux garantis par le traité de Verceil, pour assurer la fidélité 
de Gènes et les paiements dus à Louis d'Orléans. Le 24 janvier 
1496, Ludovic écrit que, selon les prévisions, Adorno a refusé de 
donner son fils et que Luc Spinola s'est dérobé aussi ; Ludovic 

V s. t. » : un don de 36. s. à un pauvre archer blessé; une dépense 
secrète de 72 sous, dont le duc n*a pas à rendre compte. 

1) Le poète italien Nagonius chanta cette influence en termes très lyriques 
(lat. 8133) : « El duca de Borbpn governava quasi la Franza », ditune note 
italienne de 149<3 (ital. 14U). Seul, Louis d'Orléans ne semblait pas hostile 
à Sainl-Malo ; MM. de Bourbon, de Gié, de Graville. voulaient profiter de 
son impopularité pour le faire disparaître. Lareiuea{»puyait.Graville(Perrel, 
Nolice.,, sur L. Malet de Graville, pièces n»» 16, 17). 

2) Appelé « messire Théodore » dans la lettre du 17 décembre 1495, 
publiée par M. Kervyn de Lettenhove, Lettres et Négociations... ^ II, 240* 

3) W., p. 241. 

4) W., p. 242. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (149S-1498) 345 

promet de continuer ses bons offices près des Gêiioi^\ notais il 
wrmamfesle aucun souci d'enroyep lee otages «u'd^iloûner.les 
èùi*eté*pré*mses au duc d'Oriéans.* » i ..î. i. 

' "Ctiattieàf Vllïn^accepte ni les réolamatioiis ni les faus^fuyants 
de"faHidvio/, il \m écrit* qu'il va remettre François ^Sforea 
ati duc, comme garantie des 50,000 ducats. Ludovic répond 
en protestant et en distinguant : selon* lui, son iCQusin Firaur 
çois est un- otage « géàferal », qui ne peut point gacaotir.des 
obligationé' spéciales , 'il' parait blessafnt que «< oe oamle » 
deirtemïe'le'gagè d'un versement d'écus*. Ludovic se plaint 
aussi qfie'leâuc d'OriéansTetarde larestitutioa desbieqsconr 
fifti^és'àdes Mikaais, en Astesan. De roi écrit qu'il ordonne à 
Louis 'de Ipaiter «- gracieusement les otages » et de rendre les 
biens', mais Louis ne veut se dessaisir des otagies que contre 
le vetsèmèni des 50,000 ducats. • . ^ ' 

; Tout ce qui concerne Asti présente un caractère wilant : le 
roi avait laissé là, avec ses instructionsparticuliiicesS legrand 
adversaire du duc de Milan, Trivulce,'in&titué lieutenant général 
dirdued' Orléans. Trividce était redoutable àlouslc^ titres: il 
possédait* notamment, de l'autre côté du Milanais^sur lafroar 
lière «uisse, le fief de Musocco, et on lui prêlait le projet de 
sy rendre pour négocier avec les Suisses contre le Milanais. U 
est certain qu'itentrefeint toujours des rapportsamicauxiavec les 
cantons suisses, et qu'avec les Suisses à Musocco, à Asli avec 
des troupesirançaises^il tenait le duc de Milan dans une sorle 

1) Il invoque les souvenirs de Gié, de M. d'Argenton et du président de 
Paris (Ganay), comme témoins des difiicultés^ soulevées à ce sujet (Kervyn 
do Leitenhove, t. III, p. 105). . , , . , 

2) !•' février (id., 106). 

3) Lyon, 17 janvier (Arch. de Milan). Il semble que Louis avait fait 
vendre au moins quelques-uns de ces biens, en partant d'Asti. , , 

4) Fr. 25717, 174. Lyon, 28 janvier 1495-96; paiement d'un messager en? 
voyé à Asti pour mander Trivulce près du roi, avant le retour de Charles VIII 
en France, et d'un autre envoyé à Venise. 4 



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346 HISTOIRE DB LOUIS XII 

d'étau. Ludovic chercha à s'entendre avec lui, à se réconcilier, 
à le conquérir, mais bien inutilement ^ Asti, par le fait^ ten- 
dait, de plus en plus, à devenir le véritable quartier général 
de la France en Italie, tellement que le roi pressentit le duc 
d'Orléans sur un nouveau projet de cession, non plus à Ludovic 
Sforza cette fois, mais à la couronne de France. Il lui offrait, 
en échange, des domaines situés en France '. 

Les deux premiers mois de Tannée 1496 se passèrent àLyon, 
en négociations diverses, sans grand résultat. Pendant ce 
temps, Ferdinand de Naples signait avec les Vénitiens le traité 
du 21 janvier 1496, qui mettait à sa disposition leur flotte, le 
marquis de Mantoue et des forces importantes. La nouvelle 
armée de la Ligue, soutenue par le pape, acclamée par toute 
ritalie, s'ébranla vers la fin de février. 

Du côté de Pise, se produisaient bien d'autres incidents. 
Malgré Tordre formel et réitéré du roi de rendre Pise, Sarzana, 
Sarzanella, Pietra-Santa, aux Florentins, restés ses seuls 
alliés, et dont il tirait beaucoup d'argent, les capitaines refu- 
saient d'obéir. Robert de Balsac, seigneur d'Entragues, qui 
occupait le poste le plus important, le commandement de Pise, 
donna le signal de la désobéissance ^ Entragues, attaché en 
dernier lieu à la fortune du duc d'Orléans, était un de ses 
chambellans*; naturellement, on trouva de suite à la cour 

1) Rosmini, t. II, p. 222. 

2) Note sur la situation en 1496 (ital. 1441 : Diarii di Sanuto, I, c. 19). 

3) V. Cherrier, Histoire de Charles VIIL Le 10 janvier, le duc de Bourbon 
écrit formellement aux Florentins qu'on tiendra rengagement de leur resti- 
tuer les forteresses (Arch. de Florence, AUi publia, Cartapetize, U VI : 
communication de MM. Gorrini et P® Santini). 

4) Robert de Balsac, seigneur des baronnies d'Entragues et de Jays, 
avait été envoyé en ambassade par Louis d'Orléans {Catal. JoursanvauUy 
444), qui l'appréciait fort. Les ms. fr. 26106 et 26107 contiennent de nom- 
breuses preuves de son énergie administrative. Son plus grand titre de 
faveur était de tenir à M. de Graville, qui avait épousé Marie de Balsac 
d'Entragues (Leroux de Lincy, Vie d'Anne de Bretagne, t. II. p. 115). 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES Vin (1495-1498) 347 

des personnes pour répandre le bruit d'une intrigue du duc 
d'Orléans. Il n'en était rien, pourtant; jamais le duc d'Orléans 
n'avait cessé de préconiser l'alliance florentine, à laquelle il 
se montrait fidèle. La nouvelle attitude du roi, hostile, ou, du 
moins, très ferme à l'égard de Ludovic, très pacifique pour le 
reste, attestait l'influence de MM. de Bourbon et d'Orléans, et 
l'évacuation de Pise marquait le point le plus essentiel de cette 
politique. Nous ne voyons donc pas par quels motifs Louis 
d'Orléans aurait encouragé D'Entragues dans une voie de dé- 
sobéissance, où, lui-même, en de plus graves circonstances, 
avait si énergiquement refusé d'entrer . Sans doute , Eu- 
tragues se conformait à des suggestions plus personnelles, et, 
en tout cas, il ne pouvait compromettre, par sa conduite, que 
son chef immédiat, Louis de Luxembourg, comte de Ligny, 
capitaine général des lieux occupés , qui ne le désavouait 
pas. Au reste^ le caractère d'Entragues n'était point de nature 
à inspirer une grande confiance. Sorte d'aventurier, plein 
d'une ambition ardente, il avait jusque-là vécu d'intrigue^^t 
de variations; sous le règne de Louis XII, il montra, dans le 
poste de sénéchal d'Agenais, une activité inquiète. La fortune 
de sa famille continua à croître par les procédés les plus dou- 
teux : son fils s'enrichit en enlevant une fille de Tamiral 
de Graville et devint, grâce à ce bruyant scandale, seigneur 
de Malesherbes et autres lieux ; son petit-fils épousa Marie Tou- 
chet, la maîtresse de Charles IX, et de ce mariage naquit la 
fameuse Henriette d'Entragues, qui couronna les exploits de 

sa maison par son rôle près du roi Henri IV 

Revenons à Amboise, avec Charles VIII, au commencement 
de mars 1496. Louis d'Orléans protita du retour de la cour pour 
aller à Blois* et à Orléans. Il y emmena sa femme Jeanne, 
vis-à-vis de laquelle il conservait l'attitude la plus correcte. Il 

1) De Blois, il écrit deux fois au roi [Til. Or.éans, XIV, 9T7, 978). 



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HISTOIBE DE LOUIS Xfl 

i plusieurs fois avec elle, notamment à un grand dîner 
a le roi, au château d^\mbois&; 'à cette occasion, le 
rlut^hes8e'd*0rléans passèrent' même, tAte à côte, plu- 
ars chez le roi*. Louis profita de ce téfpit pour mettre 
3s affaires, qui en avaient un p^ubesoiii^j'et liquider 
de Texpédilion. Plus exact que le roi qui mourut 
BT ses comptes de 1495 ', il arrêta, dès he 16 mars; les 
de raûnée précédenle*. Il avait touché, au raoià de 
5 seulement, la seconde partie de sa pension, c'éét- 
,000 livrés*. Leâ derniers événement^ avaient accru 
:es ordinaires de sa maison : il trouvait' de grosses 
embourser, des intérêts d*empruût asser lourds à scr- 
antle trimestre de juillet-septembre i 495, sesdépeilses 
erie, réduites à 1,000 livres pendant le trimestre sni- 
aient élevées à 4,000. Le chiffre àés pensions annnelles 
it maintenant à 14,761 livres par an \ 
l'reste, Louis ne pouvait que rejlrêndte fe'ôs habittidës\ 

e de France, P», 240. 

minutes de la rîhamb're ^es comptes, kK 902. 
i26,fo»^71 etsuiv. • • 

10 mars (TiL Orléans, XIV,. 958, 96^2,. 9Q5),, 
379, p. 59. Il poursuit le paiement de la rançon de Fregosino 
rsanvauU, 445)'. 
rléans, 955.-965. , 

!S le rôle des gages d'avril-juin 1496 (Tiï. Orléans, XIV, 970}, la 
lale se composait alors de dix-huit chambellans, sept payés à raison 
s autres 60, Georges de Sully 45; les sept premiers étaient Mont- 
norency, Jean de Louan, du Çoudray, Theyray, Çjiampdeniers, 
Puy; les autres Gilbert Bertrand, Louis Picarl, Noël Dehan, 
rachel, M. du Mesny, Nicolas dé Lou^ah)'(oii de Lô\Jân), Jean 
cques de Pra, Jean de Brilhac, CbarlesleVanneui;» Sully; quatre 
lôtel, à 60 liv., et deux à 90 (G. des Ormes et Alexandre Mala- 
: écuyers d'écurie, dont Jean Guibé, Louis de tfédouville, Jean 
le, François de Guierlay, à 45 liv.; dix panetiers à 45'liv., dont 
ohan, Jacques de Dinteville, Françpis du. I)l^qge,(J^9Lncelot du 
^chansons au même prix, dont Raouiet du Refiige; trois écuyers 
au môme prix, dont Giresme de Malebayle l(Jèr6me Malabaila) ; 



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DERNIÈRES ANNÉES ]>£ C0ARLES YHI (1495-1 498) ^49 

A. Orléaas iM>ffim6 àBlois,.il ne troiivaTien de bhï^ changé. 
Obv avait. paisiblement, célébré, le 8 janvier, ranuiyer^re 
de Charles d'Orléans ^ Les Orléanais avalent érigé, une statue 
à. saint Michel, sur la taur de leur « Gros-Horloge n^. Le chan- 
celier et le.. conseil du duc venaient d'opérer dans la forêt 
d'Orléans . une grande tournée d'inspection '. . On accensii 
quelques arpents, de bois à deux individus qui se ohargëreut 
d«. nettoyée ;un étang. Lq due &i vendre, pour 60 sous chaqoa, 
soixant0tsepttonneaux.de vinrestés en compte \ C'eQtj^^bable- 
imnt vers calfie époque.qu'il signa une ordonnance, délibérée et 
encegisti^e en la Chambre des. comptées de Blois^ pour réprimcff 
lesjfiéglîgenoes éties malversations des officiers d^Asti. ,. . 

.Cette ordonnance prescrit' que, chaque.mardi et vendredis 
le liftutenaai général d'Asti tiendra, à heurefixe^ dans, la cilar 
délie, une réunion plénière;des officiers ducaux^ où tout citoyen 
pojanra déposer ses plaintes. , 

.£n matière ^criminelle,, il arrivait souvent que les offioieiv 

quatre gens de finance; les gens d'église et médecins, savoir le protono- 
iaire'dëlPrîè'/ pa^"45 ï., tè ï^tbiônôtaire de Louvaîn (Louân), 30 HV., mesB. 
Guy. SaalleB,} d5 l.t; Jean Ch'alocin» il l. 5 s. ; Jean Burgensis et Salomon de 
Bombelles, 75 1. chacun ; Jean Thomas, 37 I., Jacques le sirurgieriy 15 1.; 
cinq Fecrélaires, Jean Cotereau, Jean de Vaulxi à 45 et 30 I., Jean Her- 
voi/€a fHerv()ët), 30 1. ; Jean le Houdoyer, . Ch. Seran, à 15 liv.; trois 
écuye/'^.decui/iinee^ un apothicaire, à301.^ douze valets de chambre, à 22 1. 
(Jean Monldouicet seul à 30); cinq sommeliers de paneterie, sept d'échan- 
sonnerie, treize ^Meiiaî(dont Courcoulj, trois saiflciers, deux fruitiers, gix ma?- 
ràcbaux.des logis; les faucanniers, Ruscigny, à 4p I., Jacques Antoine, à 36, 
Qt sept; au très, à 30 liv. ; quatre huissiers, huit hérauts et chevaucheurs, 
quatrevalets a établé, sept charretiers, six fourriersTonze chantres, dont 
un à 45 1., et dix à 30 liv. ; soit, pour les gages d'offiGiers de la maison, une 
dépe^fp totale de 5>72Q liv. Le compte est établi et signé par Jacques de 
Chambray (le seigneur de Thevray). 

IJBibf/dè'BIoîs. 

^2) Lemaire, iin^gai^es..., p. 509* 

3) TU. Du Refuge, 61. 

4) KK 902, f" 28 vo, 30. ' " ^ 
5)KK897,f«»»262v, 255. 



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350 HISTOIRE DE LOUIS XU 

ducaux remissenl leur peine à des condamnés^ pour motif d'in- 
digence, ou simplement pour corriger le jugement. Le con- 
damné s'en tirait par une pétition adressée au juge d*appel; ou 
même, sans pétition, rinsolvabilité, Tabsence suffisaient pour 
une remise d'office par le trésorier. La Chambre des Comptes 
de Blois, chargée de vérifier les non-valeurs, se trouvait en 
présence de simples notes, impossibles à contrôler, ce qui lui 
paraissait un abus surprenant. En matière criminelle, d'ail- 
leurs, rindigence n'empêche pas l'application des peines cor- 
porelles, pour lesquelles « tout le monde est riche ». Le duc 
rappelait donc que la justice devait, avant tout, suivre son 
cours, et qu'on ne pouvait admettre une soi-disant réforma- 
tion des jugements par un service de trésorerie, qui avait 
trouvé là un moyen bien simple de colorer ses négligences. 
Il défend, à l'avenir, toute transaction pour un crime ou délit 
frappé, par la loi ou les statuts, d'une pure peine pécuniaire 
.de cinquante ducats, et pour tout crime ou délit entraînant une 
pénalité corporelle, quel que fût le chiffre de l'amende : dans 
ces matières, le duc se réservait personnellement l'exercice du 
droit de grâce ou de composition, et déclarait tout acte con- 
traire radicalement nul. 

Pour les délits ne rentrant pas dans les catégories précé- 
dentes, le conseil ducal statuerait tous les mardis et vendredis, 
en séance publique, à la citadelle. 

Le conseil ducal se composait du juge des impôts {f'udexre- 
narum)^ des avocats ducaux, du référendaire, du trésorier, et 
des procureurs ducaux; il statuait, en dernier ressort, sur les 
compositions, à la majorité des voix, le juge compétent en- 
tendu, avant ou après jugement. Procès-verbal de la décision 
serait régulièrement dressé, mentionnant le chiffre arrêté et le 
vote nominatif de chacun des membres du conseil. 

Le duc supprimait, en matière pénale, l'emploi des circons- 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VUI (1495-1498) 351 

tances aggravantes ou atténuantes. Il recommandait d'appli- 
quer nettement la loi aux crimes avérés, et, en Tabsence de 
preuves suffisantes, une ordonnance de non-lieu, plutôt qu'une 
demi-poursuite mitigée à tout hasard par des circonstances 
atténuantes. 

Quant à la perception des amendes, le trésorier devra tenir, 
comme pour toute autre recette, des registres réguliers et 
clairs, et délivrer des quittances nettes, sans aucune retenue 
sous aucun prétexte. 

Un jour par semaine sera consacré aux recettes par le 
trésorier, assisté tout ce jour du référendaire (ou son délé- 
gué), qui devra viser le registre. 

Tout ordonnancement de dépenses devra faire l'objet d'une 
décision spéciale du conseil , motivée ; il sera motivé lui- 
même et signé, à la fois, du trésorier et du référendaire. 

Le trésorier est responsable du montant des quittances 
délivrées, dont il doit produire le compte. Chaque fois qu'une 
condamnation n'aura pas encore été exécutée , il inscrira 
expressément, à la date de l'enregistrement, le motif du 
retard. 

L'ordonnance enfin prescrit Touverture d'un registre à 
part, sous la responsabilité du trésorier et le contrôle du réfé- 
rendaire, pour Tenregistrement des contrats sous forme réso- 
lutoire. Il paraît que, pour se soustraire aux droits d'enregis- 
trement, les contribuables avaient pris l'habitude d'insérer 
dans les actes une clause résolutoire, qui suspendait la per- 
ception de l'impôt. Quelque temps s'écoulait, le contrat 
devenait ferme; mais le receveur de l'enregistrement l'avait 
perdu de vue, ou bien il ignorait même que, pour un motif ou 
pour un autre, la clause de résolution eût cessé d'exister, et 
l'impôt échappait. La tenue d'un registre spécial devait tarir 
cette source de fraudes. 



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HISTOIRE DE LOUIS XII 

9fdoini8niC6? é(aii rédigée ea latin, suivaiUrruso^e de la 

eelterie d'Asli *. i ,. . ..i ^ 

) est cet intéressant texte.de ioi^ tout eiapreijM4e3.idé^* 
mnêHes d«i duc d'Orléans, idées que naus lui yerrpns.dé- 
per et appliquer sans cesse dans le cours de ^an^règpiie : 
fabsolaet'rig^oureuxdans la cocnptiAilité et les finances; 
iiir tlsfns' l'^nryînisiralioii' de la justice. Xquîs estioi^it 
a justice devait frapper rarement sfiKle làllaiil>y maisfrap- 

>rt et sans rémission. , ., i ^. 

)st aussi' un point imporlaat.qu'ii&ut dégager de cette 
iMifce ; c'est FiDstitution de séances pubiique&xlu conseil, 
ièrement tenues, où n'importe, qui pouvait se présealper 
re entendre ses doléances, justifiées ou non. S'urletrdne, 
SU eontïnua à considérepieette pratique^. comme Tau- 
indispensable de rexenifloe du pouvoir h9£$t»ile>Franc6. 
TAuton rapporte quîeh 1502^ sc^ premier fiom^^narri- 
L Gènes, ^fut d'établir un tribunal temporaire de ca genre 
recevoir les réclanaations des citoyens. 1 ..'.,-, . j:. 
int aux difficultés dans le marquisat ;dQCeva^> Qljes 
aient en voie d'apaisement, grâce à l'abandon officielle- 
consenti par Ludoviô dans le traité de Yeroeil, gr&ce 
[t à réilergie rude qu'on connaissait à Trivulce» Le pafK9^ 
lUt, trouva le moyen d'être désagréable au duc d'Orléans, 
^férant à Raphaël de Ceva, l'un ,des mar>qui^^ l'évècbé 
\ vacant par la mort de Scipion Damiani. 
lor de Montenart profita du tj^aité de Vejrceil pour.v- 
' les ddfnâines de Montbasiglia, qu'il s'était fait donner 
[5, après confiscation sur Jean-François de Ceva-Mont- 
ja; il acquit les droits litigieux de prétendus coproprlé- 
et les droits des coseigncurs de Saint-Michel, Rolandin, 

897, P» 252 v« et suiv. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHÂRLE! 

Jean et Galéas de Ceva *. Nous avoni 

quelle énergie il avait servi les inl 

son cousin André, pour les affaire 

devons déclarer que la spéculation 

pour grossir un bien dont l'origine r 

parut fort suspecte et encourut un I 

Ceva n'était pourtant pas intéressan 

à la folie furieuse. Un jour, en oct 

rudement contre un bouvier du don 

près l'avoir frappé il lira sur lui un 

blessa grièvement au bras. Antoine d 

rut à l'instant, à la tète d'une troupe 

violemment à son oncle comment i 

homme, surtout dans une propriété 

indivision (avec son frère Georges 

L'oncle, écumant de rage, défie Ai 

menace de le traiter comme le bouvi( 

pendant qu'André brandit furieuse 

toine fond sur Jui. Toute la troupe 

tant. On terrasse André comme une 

avec une telle rage, qu'on le laisse 

une heure après. Ainsi périt l'ancien 

mains de ses gens et de sa famille... 

Si l'administration d'Asti avait été 

regard des Ceva qu'on le prétend 

bonne occasion de leur nuire. Une in 

vrit en effet : Antoine de Ceva etdeu: 

à comparaître devant les magistrats ( 

de meurtre. Mais les circonstances ei 

crime : Antoine et ses deux complices 

1) KK 897, 260 V . 

2) Jean d'Auton, t. II. 

m 



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35 i HISTOIRE DE 1.0UIS XII 

lion intacte. Âvaut la fin de l'instruction, ils obtinrent des lettres 
de grâce, motivées par leur bonne conduite antérieure ^ 

Cependant, Charles YIII, après un assez long séjour à Tours, 
repartit pour Lyon, sans vouloir passer par Paris, dont il ne 
pouvait pardonner les critiques et le refus de subsides*. Les 
mauvaises nouvelles de Naples lui causaient une émotion dou- 
loureuse, humiliante, et peu à peu, la nécessité d'une nouvelle 
campagne se faisait jour. 

Quant à Ludovic, depuis que les Vénitiens s'étaient brouillés 
avec lui et avaient dirigé tout droit leurs forces sur Naples, 
depuis qu'il sentait Trivulce attaché à ses flancs et le duc d'Or- 
léans influent en France, il avait perdu tout repos; sa vie 
s'écoulait dans une perpétuelle alarme. Il se retournait encore 
vers Venise : dès le 8 avril 1496, il appelait l'attention du 
Sénat sur le retour (non encore effectué) de Charles VIII à 
Lyon, sur ses préparatifs, ses projets : au nom des intérêts 
communs de l'Italie, il réclamait des contingents vénitiens, 
pour occuper fortement sa frontière de l'ouest, Novare spécia- 
lement et Alexandrie. Le Sénat se montra plus calme, et même 
hésitant. Il répondit, à la fln, par quelques paroles récoi^for- 
tantes et par la promesse d'envoyer, le cas échéant, plus de 
troupes que l'année précédente'. Une promesse ne suffisait 
pas à calmer Ludovic, qui passa le mois entier dans une sorte 
d'affolement. 

Le 18 avril, il affirmait encore à Venise, avec certitude, la 
présence de Charles VIII à Lyon depuis le 28 mars, pour 
y faire « d'innombrables recrues * ». Les renseignements 
particuliers, recueillis par le Sénat de différents côtés, contre- 

l)JJ23l, Do 251. 

2) Nie. Gilles. 

3) Sanudo, c. 98. 
4)n. il5. 



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DERNIKRKS ANNÉfcIS l»K CHABLES VIII (1495-1498) 

dirent bientôt les exagérations que Teffroi dictait à L 
lie roi se trouvait à Tours, et rien n'élait encore naoins 
que son départ; quant à ses armements, ils ne semblai 
fort actifs. Il venait de disgracier Ligny comme resp< 
de la conduite coupable d'Entragues : le duc d'Orh 
trouvait à la cour ^ 

Malgré tout, Ludovic continua ses préparatifs avec u 
vite fébrile; il fit augmenter les fortifications d'Alexai 
de Novare '. Il insista encore pour l'envoi immédiat 
Vénitiens de quatre cents lances et de 100,000 ducats 

Charles VIII, effectivement, manifestait contre lui ] 
mauvais sentiments ; le roi semblait outré. Ludovic é 
vement entré, comme Venise, dans la ligiïe générale q 
ganisait contre la France, avec le pape, l'empereur*, TEs 
TAnglelerre % et qui suspendait sur l'Europe entière la i 
d'une conflagration imminente. Charles VIII reconnais 
erreurs passée^, et maintenant, s'il entamait une campt 
voulait comipepcer par emporter Gênes et Milan. < 
c'était l'avis du roi, tout bon courtisan abondait d^ 
vues, Commiucs par dessus les autres; suivant lui, I 
n'était qu'un misérable; emporter Milan, c'était prei 
clefdeNapIes... La rumeur, parvenue aux oreilles deL 
restait encore à Tétai de rumeur; cependant, ou s'acc 
dès le 14 avril, à reconnaître le duc d'Orléans comme 

1) C. 118. 

2) C. 120. 

3) 30 avril (Sanudo, c. 136). 

4) iNous donnons, pour plus de clarlé, le litre d'Empereur à Ma 
bien que, n'étant pas encore couronné, ii portât seulement celui di 
Romains. 

5) Bergenrolh, Calendar of Letters,,. in the Archives at Sima 
Ehewhere, Henry F//, I, 83, 88,94, 97, 117, 125; Rymer, V, p. i\ 
ms. Moreau 708, 185 : Lunig, etc. : fr. 25717, 178; Champoilioa 
L'étirés de j-ois..., II, 505 : Sanudo, o. 152 el s. 



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356 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

futur de Texpédition. Trivulce, revenu en France, recevait 
Tordre de Saint-Michel, et repartait pour Âsti, où il arriva au 
commencement de mai. En dépit des traités^ Ludovic n'avait 
pas hésité à lui déclarer implicitement la guerre; par une pro- 
clamation du mois de mars, il interdisait même Feutrée du ter- 
ritoire milanais à toute personne au service ou de la suite de 
Trivulce... Dès qu'il vit revenir « Jean-Jacques », il eut peur et 
se hâta d'envoyer d'humbles excuses. 

Trivulce y riposta brièvement. Sa vraie réponse fut .de 
mettre Asti et Ceva * en état de défense, d'élever des redoutes, 
de réparer bastions et barrières '...Cette fois, le gouvernement 
français ne dédaigna plus de s'entendre avec le marquis de 
Mantoue, et Ton eut ce curieux spectacle de voir le Sénat de 
Venise obligé d'interdire à son généralissime un voyage en 
France '. 

Ainsi acculé à la nécessité d'une nouvelle guerre par des 
menaces évidentes, Charles VIII revint à Lyon, reprendre 
décidément ses préparalifs\ Etienne de Vesc et Saint-Malo se 
retrouvèrent au rendez-vous... On n'y retrouva pas Tenthou- 
siasme exubérant de 1491... Saint-Malo, si hésitant jadis, 
hésitait encore davantage. Naturellement, on le traitait de 
« vendu ». Il possédait le chapeau rouge, il connaissait 
maintenant Tltalie, ses risques, l'effet produit par l'expédi- 
tion ; il voyait la France atteinte dans sa prospérité *, le roi 
obligé de braver une impopularité écrasante, pour décider un 
nouvel emprunt près des villes*. N'était-ce pas assez? 

1) Diarii di Sanuto, I, c. 184. 

2) Rosmini, Vie de J.-J. Trivulce, II, 235 et sulv. 

3) Arch. de Venise, SecretOy 35, p. 182. 
^) Boislisie, Etienne de Vesc, p. 159. 

5) Lettre citée de Georges d'Am boise, du 2 mars 1495-96. 

6) Portef. Fontanieu : lettre aux habitants deTroyes, publ. par M. Stein, 
ouvr. cité. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (i49S 

Louis d'Orléans accompagnait le roi *, et no 
à Lyon, en parfaite communion d*idécs avec 1 
queuses contre Ludovic. Toute sa conduite en 

Il ' pensionne Antoine de Bessay, le bailli de 
des rapports avec les Suisses ; il reçoit et agré 
deux gentilshommes milanais qui viennent o 
vices, d'un trompette italien. Il lui arrive 
des lettres, auxquelles il répond en diligeni 
Charles VIII dans ses difficultés financières 
plaisir au roi», il avait négocié, dès le com 
Tannée, avec des banques lyonnaises, un cm 
rable, moyennant des frais de courtage et de g 
en avança au roi le montant, pour partie duqu< 
gnation de 44,100 livres tournois sur la trés< 
tagne, et un bon de premier à compte au 1®' n 
Personnellement, il se tint prêt à partir; il > 
Malo, inspecter la fonderie de canons de Lyoi 
bon pourboire aux ouvriers; il se commande 
guerre tout blanc et en donne un autre à Tun d 
il fait venir à Lyon les hocqiietons des archers 
écrit à MM. de Thevray, de la Rocheguyon, < 
Miolans ; il réclame par exprès la présence du 
il envoie à Rouen prier Georges d'Amboise 
hommes de sa maison d'arriver en diligence, 
entendoit aller de là les mons ». Il s'astreint à 
nomie que, trouvant les prix de Lyon trop éle\ 
mise en adjudication au rabais de la fournitur 
de sa maison, et mande, à ses frais, deux 



1) Nous le trouvons à Lyon, avec Cotereau, le 20 mai ( 
KK 897, 245), les 16 et 2rjuin (KK 897, f»» 238 vo, 240, S 
(irf., 265 v«»), et le 6 septembre (TiL Orléans, 971). 

2) Comptes de cotte époque (TU, Orléans, XIV et XV, 



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358 HÎ5T0ÎRK !)E LOUIÔ Xll 

Blois pour y prendre part. Par ses ordres, son trésorier vient 
à Lyon, avec un cheval portant tout Pargent disponible, con- 
férer « du voyage qu'il vouloit et avoît entencion de faire en 
Ast. » Toute son attention se porte sur Asti. A un moment, 
où le bruit court que Ludovic va venir assiéger Asti, on met à 
la disposition d*Hector de Montenart Tartillcrie laissée par le 
roi à Exilles. Louis envoie trois ou quatre fols à Asti, « pour 
ses grans affaires )», son secrétaire Hervoet. Il écrit k Robinet 
de Framezelles, déjà rendu à Yillanuova d'Asti; il mande au 
chevalier de Louan de partir poup Asti en diligence, avec toute 
sa compagnie. Bref, il agissait comme s'il devait prendre une 
grande part à la guerre; mais déjà les influence^ changeaient 
près du roi, à la faveur des événements. Et les événements 
marchaient.... 

Venise luttait en vain contre son généralissime : le Sénat 
eut beau pousser la précaution, Timpertinence, jusqu*à faire 
arrêter à la frontière un gentilhomme qui reconduisait en 
France Claire de Gonzague, comtesse de Montpensier *, il 
apprit un jour que le marquis de Mantoue avait formelle- 
ment traité avec la France, et ne put que le destituer tardive- 
ment*. 

Ludovic, depuis le mois de février, s'agitait, de son côté, 
pour arracher à la France le concours des Suisses, auxquels 
il offrit, avec mille protestations d'amitié, une augmentation 
de pension de 200 ducats d'or'. « Messeigneurs de Berne » et 
de Lucerne acceptèrent aussitôt ces ducats sonnants, sans 
prendre aucun engagement. L'envoyé milanais attendait les 
séances de la diète avec perplexité \ Bientôt, en guise de ré- 

1) A. de Venise, Secreto, 36, 125 (14 avril 1497). 

2) W., 137 vo (23 juin 1497). 

3) Chmel, Notizenblatt, 1856, n* 78. 

4) Chmftl, n* 79 (19 mars). 



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DERNIÈRES ARNÉBS DE CHARLES YUI (1495-1498) 359 

poilse, le fougueux évêque de Sion envoya ses hommes rava- 
ger la vallée d'OssoIa. Maximilien, aussitôt, de protester par 
une lettre au pape. Ludovic prit son parti plus pratiquement ; 
il provoqua une sorte d'arbitrage , qui le condamna à payer 
3100 florins du Rhin *. Pendant ce temps» Charles VIU» le 
16 mai^ le somma de restituer les galères stipulées au trttité 
do Verceil et qu'il retenait encore *. 

Ludovic^ dans son effroi, prit aussi une précaution singu- 
lière. Personne n^était infatué comme lui de ses aïeux; il 
ne lui suffisait pas de descetidre de Vénus, il lui fallait pou- 
voir se dire le maître légitime de Milan. Or^ il existait^ soi- 
gneusement renfermé dans les arcanes les plus secrètes des 
Archives de Pavie, un testament de Jean Galéas Visconti, le 
beau-père de Louis P' d'Orléans, qui confirmait les préten- 
tions du duc d'Orléans, conformément au contrat de mariage 
de Valentine Visconti. Ce testament disparut subitement des 
Archives, et, en revanche, on découvrit une donation de Phi- 
lippe-Marie Visconti, le dernier des Visconti, à François 
Sfor:Èa'. 

Dès l'arrivée de Charles VIII à Lyon, tout se prépara pour la 
guerre immédiate. Le conseil se réunissait sans cesse : An- 
toine-Marie, de San Severino, qui représentait Ludovic, reçut 
son congé. Le cardinal de la Rovère jurait sur sa tête qu'avec 
deux mille Suisses et des approvisionnements à Asti, il se 

1) Chmel, n«' 80, 81 (11 mai et 28 mai). 

2) Arch de Milan. 

3) V. Daniele Giampietro, dans VArch. st, Lomb,, 1876, p. 640-651 : le 
très curieux travail de M. Pietro Ghinzoni, t<i., 1882, p. 335 : Faucon, Le 
Mariage de Louis d'Orléans et de Valentine Visconti, — Ludovic, le 6 juin 
1498, recommande aux magistrats de Pavie Tristan Calcho et Bernardin 
Corio, « domeslicos nostros », qui vont travailler à la bibliothèque pour 
écrire une histoire de Milan. Ludovic ordonne de leur ouvrir la bibliothèque 
et de leur laisser emporter, dans la bibliothèque ou dans les archives, tout 
ce dont ils auront besoin (C. Morbio, Francia cd Italia, p. 49). • 



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360 HISTOIRE DE LOUIS %U 

chargeait de conquérir toute la rivière de Gènes *. Après, être 
retourné, le 27 avril, à Amboise, où il laissa la reine qui com- 
mençait une nouvelle grossesse, le roi revint le 10 mai *. Sans 
l'attendre, on annonçait déjà le prochain départ du duc d'Or- 
léans pour Asti, avec de Targent, pendant que le roi marche- 
rait sur Gênes par la Corniche. 

Le duc d'Orléans, pourtant, sentant les événements lui 
échapper encore, commençait à se tenir à l'écart; le plan de 
campagne sur Gênes, suggéré par le cardinal de la Rovère, 
déroutait ses vues sur Milan : d'ailleurs, il ne se portait pas 
bien. Le 12 mai, il rentra à Lyon, mieux disposé. Le 14, en 
recevant les ambassadeurs florentins, chauds partisans de 
l'expédition, il ne marqua pas de mauvais vouloir : il ob- 
jecta seulement qu'on allait un peu vite, qu'on manquait de 
vivres, de fourrages '. 

Le 16 mai, une réunion solennelle du conseil du roi décida 
définitivement une nouvelle expédition immédiate, par mer 
et par terre, qui débuterait, non pas par Milan, mais par Grênes, 
et que le roi commanderait en personne. Vainement, l'ami- 
ral de Graville et ses amis recommencèrent leurs protestations 
de jadis; Charles YIII ordonna. On forma donc une nouvelle 
commission spéciale des affaires d'Italie, comprenant, cette 
fois, MM. de Bourbon et d'Orléans, Saint-Malo, le chaijucelier, 
Louis et Georges d' Amboise, d'Urfé, et Etienne de Vesc. 
Décidément ce dernier paraissait prendre la succession de 
Saint-Malo dans la faveur royale*, et l'astre du duc d'Orléans 
pâlissait; il n'était plus question de donner au duc le comman- 
dement de l'armée française, on le ramenait au rang de simple 

1) Desjardins, 1, 662]: Sanuto, e. 184. 

2) Diarii di Sanuto, 1, 138, 184. 

3) Desjardins, 659, 662, 663. 

4) Desjardins, 664-669 : Guicliardin, XIX, 20. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VUI (1495-1498) 361 

capitaine : Trivalce joignait le titre de lieutenant général du 
roi à celui de lieutenant du duc d'Qrléans'. Cette nouvelle 
expédition avait lieu d'accord avec Florence, àj laquelle on 
commença par demander de Targent, pour la solde des Suisses 
à la fin du mois. 

Louis d'Orléans ne se mêla pas de discuter avec le roi, re- 
devenu, comme deux ans auparavant, tout à fait personnel et 
intraitable '. Il déclara, au conseil, qu'il refusait d'aller en 
Italie soutenir sa propre querelle, et qu'il ne s'y rendrait que 
sur les ordres formels du roi. Tout allait bien, les ambassadeurs 
florentins s'applaudissaient de voir les Français prendre feu. 
Charles VIII, le 23 mai, déclara l'heure venue de marcher, et 
le duc d'Orléans chargé d'ouvrir la marche. Le 25 mai, on 
annonce officiellement le départ de Louis dans une dizaine 
de jours; comme nous l'avons dit, ses préparatifs étaient 
faits*. Tout d'un coup, quarante-huit heures après, on dit 
que le roi Charles manifeste Tintention de retourner à Tours 
et à Paris, voir la reine, faire un pèlerinage... Les ambas* 
sadeurs florentins refusent d'en croire leurs oreilles : ils en 
réfèrent à Saint-Malo, qui (dément énergiquement la rumeur; 
peu après, Georges d'Amboise, puis le roi lui-même la leur 
confirment. Charles VIII s'était épris d'une des demoiselles 
d'honneur de la reine*... Les ambassadeurs conjurèrent 
Louis d'Orléans de retenir le roi. Louis ne voulut pas s'en 
mêler : il répondit, vaguement, que le roi, sans doute, rap- 
porterait de là-bas l'argent qui lui manquait : c'est le roi lui- 

1) Guichardin. 

2) Desjardins, 664,665. 

3) La compagnie d'Orléans, d'un effectif de quatre-vingt seize hommes 
d'armes et cent qualre-vingt-dix-sept archers, fut passée en revue à Saint- 
Chamont le 23 juin (Clair. 239, 459). 

4) Desjardins, I, 669 et s. Au jour de Tan précèdent, le roi avait donné 
douze bracelets d'or à ces demoiselles (fr. 26104, 1121). 



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â6â HtSTOlrtti DE LOUIS tlï 

même qui voulait rexpédilion, et il dtifRsait de l'en tendre 
pourvoir que rien neTeù détournerait... Au fond, tout lo con- 
seil voyait avec consternation les caprices de Charles et la 
situation étrange qui etl résultait : une campagne annoncée, 
ordonnée, voulue absolument par lui, et primée par une fan- 
taisie d'amoureux, sans qu'aucun avis put, en quoi que ce 
soit, trouver place... Le toi ordonna à M. d'Orléans» à 
Sainl-Malo, Graville et Vesc de répondre à tout le monde 
qu'avant son départ il ferait expédier la solde des Suisses 
et des compagnies, qu'il assurerait au duc d'Orléans une 
bonne bande de Suisses, que M. de Bresse se chargerait 
de tenir les ennemis en respect, qu'enfin lui-même revien- 
drait à jour fixe, aprbs son pèlerinage à saint Martin, u Tout 
cela, disait Charles, s'exécutera avec une célérité de chevalier 
plutôt que de roi. » Il tint le même langage aux ambassa-^ 
deurs florentins, et leur parla, avec une grande confiance^ 
de ses armements. Orléans allait emmener, à lui seul, près de 
dix mille lances, et le comte de Bresse, douze mille hommes 
de pied. 

Le 4 juin, à la suite d'une nouvelle démarche des Floren- 
tins, Charles VIII eut avec Saint-Malo une véritable alterca- 
tion : il lui reprocha violemment les retards de l'expédition. 
Saint-Malo ne s'en embarrassa pas beaucoup. Le roi ne partit 
que le 28 juin pour Tours, sans avoir rien fait, que de nom- 
breuses parties de chasse. En dépit de ses déclarations, il y 
resta, et n'alla pas à Paris; son Conseil, demeuré à Lyon sans 
nouvelles, sans ordres, sans aucun pouvoir, ne pouvait qu'at- 
tendre *. Charles se borna à écrire, d'une manière générale, à 
Saint-Malo « d'y entendre, suivant son ad vis et oppinion * » : 

1) Desjardins, 671, 673, 677, 678, 680. 

2) Les dépêches de Foscarl, Tambassadeur vénitieni que ilous avons ci- 
tées, et la correspondance diplomatique de Ludovic, f ublîée par Chmel, à. 



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DERNIÈRES ANNÉKS DE CHARLES VIIÎ (1495-4498) 363 

mais Sainl-Malo ne voulait rien entreprendre de son ôhef et 
envoya seulement au roi une note de ce qu*il fallait faire. En 
passant en Berry, le roi dépêcha quatre secrétaires, avec une 

laquelle nous avons si souvent recouru aussi, fournissent, pour eette période, 
d'abondants renseif^nements. Nous nous bornons à en extraire les quelques 
notes suivantes qui peignent bien la situation ; on peut en compléter les traits 
par les Recès fédéraux, par Die Mailàndischm Peldzûge der SchweizeVf du 
pasteur Ildeph. Fuchs, etc. : 

{Archivio storico italiano, t. VU, p. 727-728), 16 juin 1496. Les Suisses, 
sauf Berne, Schwitz et Underwald , se sont entendus avec la France. Ces 
trois cantons demandent à la ligue 12,000 florins (dont Berne, 7,000). 

(P. 730). 18 juin 1496. Le légat fait des représentations aux cantons qui 
ont adhéré à la France ; il les menace d'excommunication, notamment Saint- 
Gall, s'ils ne se retirent. 

(P. 731). 22 juin. Le duc de Milan accepte de participer aux 12,000 florins 
demandés. Mais le légat dit que le pape a donné ses bulles, et insinue qu'il 
croit avoir ainsi payé sa contribution. 

(P. 734). Le roi d'Espagne n'entrera en campagne contre la t'rance, que 
si le« autres membres de la ligue y entrent. 

(P. 735). Charles VIII fuit de grands apprêts pour venir en Italie : son 
espoir est dans les Suisses ; ceux-ci sont très divisés. 

(P. 740). Inspruck, le 28 juin 1496 (lettre du 3 juillet). Le roi des Romains 
montre aux ambassadeurs vénitiens un parc d'artillerie de soixante pièces, 
qu'il veut, dit-il, mener en Italie contre les Français. 

(P. 742). D'après 5es espions, «abbiamo dagli esploratori nostri», ditMaxi- 
milieu, Charles VIII aura 300,000 écus. L'argent manque, mais les sujets 
emprunteront sur leurs blés pour payer ces tailles. Jusqu'à présent, le roi 
Charles n'a pas d'argent, ce qui l'empêche de rien entreprendre. 

(P.7i4-745). On annonce l'arrivée d'ambassadeurs français, le prince d'O- 
range, l'archevêque (sic) d'Albi, M. de Castelnovo (Castelnan). On prétend 
qu'ils protesteront que le roi ne veut rien faire en Italie que d'accord avec le roi 
des Romains. Nous avons prémuni l'Empereur contre eux. Il a répondu : « Do- 
minioratoresj vere prudenter dicitis : ci è notalaloro pessima naturae condi- 
zione, e sempre le parole loro sono diverse dal core. Semprechè il Re di Fran- 
eia ha mandato messi, abbiamo loro dato buone parole, et poi abbiamo fatto 
quello che ci è parso il meglio; doè, che a Monsignor di Buzaia (Du Bou- 
chage) non dessimo udienza, anzi lo licenciassimo, »» Nous lui dîmes que nous 
espérions qu'il ferait la même chose cette fois. Il dit : « Je ne peux, la poli- 
tesse m'oblige à les entendre ; » s'il avait refusé l'audience de Du Bouchage, 
c'était par crainte de porter ombrage aux Vénitiens : mais maintenant que 
ceux-ci connaissent ses intentions, c'est différent. L'Empereur veut assurer 
riiali-î cautre les Français, et, dans ce but, « era tra lealtre eost necessario 



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364 HISTOIRI': DE LOUIS XII 

somme d'argent^ pour noliser une flotte à Toulon (à défaut de 
Gênes), secourir Naples, ravitailler Gaëte; il voulait qu'on 
fortifiât en hâte la rade de Toulon, et qu'on y employât au 
moins 10.000 « florins »; il ordonnait de requérir tous les 
navires marchands, d'interdire l'exportation du bois, et de de- 
mander une interdiction semblable à Nice et en Piémont, 
pour les besoins des constructions navales. On réparait à Gènes 
la nati Negronne et d'autres vaisseaux : Gié et GraviUe al- 
lèrent en Bretagne chercher la grande nau Loyse^. Le 22 juil- 
let, le roi ordonna, de Tours, une levée de trois cents mari- 



che alla venula in Italia di Sua Maestà» si togiiesse Asti. » il eotretient des 
rapports fréquents avec Milan. 

(P. 750). 10 juillet. Erasme 'Brasca, ambassadeur de Milan, a communiqué 
à S. M. la réquisition de Dorizoles, ambassadeur français, et la réponse 
qu'il y a faite. 

(P. 756). 19 juillet 1496. L'Empereur dit que Jean Cunisech est revenu de 
Suisse avec la conclusion de Berne, Schwitz et Underwald ; toul va très bien, 
quoique Charles VIII ait donné pour la guerre 30,000 fr. 

(P. 761). Il santissimo proposito di S. M, di venire in Ualia ad resisten- 
dum (tdventui Régis Gallorum. L*Empereur a des rapports suivis avec l'Es- 
pagne, pour la libération de Tltalie et l'expulsion des Français. 

(P. 768). 21 juillet. Le légat demande avant tout que l'Empereur entre en 
Italie. 

(P. 770). Formule de la ligue : Pro bello etpace, 

(P. 778). 26 juillet. Nouvelles de Turin, du i6 : les ambassadeurs français 
sont arrivés et cherchent à accaparer le duc de Savoie pour les projets 
français. 

(P. 782). 26 juillet. L'Empereur envoie une ambassade aux Florentins (suit 
la teneur des instructions). 

(Chmel, no 83). 10 juillet 1496. Le pape, l'Empereur, Ferdinand et Isa- 
belle, la République Sérénissime de Venise, le duc de Milan, se réunissent 
pour remercier les Bernois d'avoir dans la dernière guerre opposé d'héroïques 
refus aux sollicitations pressantes de secours adressées par les Français, et 
pour envoyer aux consuls de Berne 3,000 francs par an à répartir entre 
divers notables. 

(/d., no 84). li juillet. Les mômes ont l'honneur d'offrir aux Bernois 
une rente de 4,000 fr., payable à des termes bien spécifiés. 

i) Châlilion-sur-lndre, 9 juillet (ms. Moreau 774, f° 4; Commines, éd. Du- 
pont, III, 444). 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) 365 

nicrs de combat dans le diocëse de Saint-Malo, sous les ordres 
du capitaine Porcon*. On levait les vagabonds pour les en- 
voyer sur les galères '. Le 27 juillet, Saint-Malo donne au roi 
quelques détails sur les préparatifs maritimes, sur l'équipe- 
ment de la nau Pallevoysine^ sur l'arrivée de la nau Charente. . 
Mais il n'y avait encore à Asti que quatre cents Suisses et 
cinq cents gens de pied, et Ton recevait de Trivulce des nou- 
velles détestables. Ludovic était allé à Linz voir Maximilien, 
avec les ambassadeurs du Pape et de Venise^ et lui avait 
offert, pendant trois mois, 40,000 ducats par mois, pour en- 
trer en Italie à la tète d'une forte armée allemande. Maximi- 
lien avait accepté. Ludovic voulait maintenant se faire roi 
d'Italie ou, du moins, roi des Lombards. L'Espagne menaçait 
la frontière. En Bourgogne^ on n'était pas sans inquiétudes, 
même sur l'état moral du pays (où Maximilien essayait de 
fomenter une insurrection) '. On ajoutait que vraiment la pré- 
sence du roi à Lyon dans de pareilles circonstances s'impo- 
sait. A cette lettre était annexé un billet, très réservé, du duc 
d'Orléans, qui insistait aussi sur le retour du roi et la néces- 
sité de faire partir les compagnies : « Vous en ferez vostre 
plesir, et, de ma part, toujours me trouvères près à vous 
obéyr an tout et par tout*. » Le roi répondit à Louis que 
ces nouvelles lui plaisaient, parce qu'elles justifiaient la ven- 
geance éclatante qu'il se proposait de tirer de Ludovic ^ 
Néanmoins, il ne reparut pas. 

Dès le début de juin, voyant tout en désarroi, le duc 
d'Orléans essaya de reprendre l'entreprise pour son compte et 

i) Preuves de VHistoire de Bretagne, IIÎ, 784; La Pilorgerie. 

2) Chr. de Benoist Maillard. 

3) Lettre de rémission, publiée par nous dans les Chroniques de Louis XII , 
par Jean d'Auton, t. Il, Pièces annexes, 

4) Coaiânines, éd. Dupont, III, 454; Cf. Sanulo. 

5) Desjardins, 683. 



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366 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

de négocier, au moins, une ligue personnelle avec Florence ; 
il le fit sans mystère, car il chargea de ce soin l'archevêque 
d'Aix, ambassadeur royal'. Mais, au milieu de juin, on 
connaissait à Venise le départ du roi, la lenteur et Tincohé- 
rence des préparatifs ; on pensait que le roi emmènerait le duc 
d'Orléans à Tours; on savait la reine extrêmement hos- 
tile atout projet d'expédition'... Aussi, en dépit des assurances 



1) Une longue dépêche des Dix de liberté, de Florence, aux ambassadeurs 
en France (publiée par Desjardins, I, 691 et suiv.), donne le détail de celle 
démarche» « Uarchevêque présenta, le 8 juin 1496, les lettres de créance 
du duc d*Orléans, qui proposait une ligue personnelle avec Florrnoe et de- 
mandait un prêt de 40,000 ducats sous caution, ainsi que Tenvoi d'ambassa- 
deurs spéciaux près de lui-même. L'archevêque (Philippe d'Aussonvilliers) 
ajouta qu*Ëntragues proposait de remettre à FJorenee Ripufratta, la vieille 
citadelle de Pise et les deux galères disponibles è Pise, à condition 
que Florence obtînt du roi son pardon: les Lucquois offraient de remettre à 
l'ambassadeur de France en dépôt Pietrasanta et Mutrone, de s'allier avec 
Florence et d'arrêter ses ennemis. — Deux jours plus tard, les Dix oppo- 
sèrent une fin de non recevoir; la ligue avec le roi leur semblait sulTire, ils 
manquaient d'argent; Entragues ne leur inspirait aucune confiauce, cepen- 
dant ils voulaient bien parler en sa faveur, lis consentaient de grand cœur 
à accréditer leurs ambassadeurs près du duc d'Orléans, dont ils se rappe- 
laient l'amiiié à Asti. — L'archevêque d'Aix parut fort dépité de cette ré- 
ponse, surtout en ce qui concernait la question d'argent, et son méconten- 
tement assez apparent laissa les Dix dans un certain malaise. Ils craignaient 
aussi, et non sans apparence de raison, que, sur ce refus, le duc d'Orléans 
ne différât fort son voyage annoncé à Asti. — Précisément, ce jour-là, on 
apprit la décision du Sénat de Venise, d'expédier à Pise et Faenza des 
troupes considérables : nouvelle qui causa dans Florence une vive ruaieur. 
Les Dix se réunirent, et, après une longue discussion, décidèrent d'en- 
voyer à Venise des représentants, sans en aviser l'ambassadeur de France. 
Cette circonstance, aussitôt connue, fit déborder le dépit de l'archevêque, 
qui s'emporta en paroles « étranges »; il voulait, disait-il, partir de suite 
et écrire à ce sujet. Les Dix redoutent un scandale, un éclat, et chargent 
leurs ambassadeurs en France d'y aviser immédiatemenL » On disait à 
Florence que Ludovic le More se rapprochait de la France et voulait, de 
nouveau, négocier un rapprochement entre elle et Maxi milieu. Cette rumeur 
aurait dû éclairer les Florentins sur la portée réelle des propositions trans- 
mises, au nom du duc d'Orléans, par l'ambassadeur du roi. 

2) Sanudo, c. 208, ^37. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VllI (1498-1498) 367 

prodiguées par Etienne de VescS on jugea bientôt dans toute 
l'Italie que « les choses s'en allaient en fumée * » et qu il n'y 
avait rien à craindre, rien à espérer. Les armements, en effet, 
traînèrent. 

Le 13 août, Georges d^Amboise et le maréchal de Baudri- 
court quittèrent Lyon pour aller trouver le roi. Louis 
d'Orléans aurait voulu s'en aller aussi ; le roi lui prescrivit de 
rester. Le désarroi était tel que le duc d'Orléans dut, à ce 
moment, démentir le bruit qu'on faisait courir d'un traité 
secret de Charles VIII avec Ludovic '. 

Malheureusement, depuis trois ans, le gouvernement fran- 
çais semblait avoir pris à tâche de troubler l'Europe : la con- 
duite de Charles VIII tenait tout en suspens, sans rassurer 
personne. L'agitation était extrême à la cour de Maximilien, 
où les ambassadeurs de Venise, de Naples, de Milan, multi- 
pliaient leurs efforts. « Maintenant que le royaume de Naples 
n'a plus rien à craindre, disait Maximilien à l'ambassadeur de 
Venise, le 8 août 1496, je n'ai plus de motifs d'aller en Italie. 
Si pourtant le roi de France tentait un coup do main contre 
Milan, comme il y semble encore disposé, le duché cour- 
rait un grand péril, à cause du mécontentement universel 
de la population. Le roi de France*, on le sait ici de source 
certaine, a un parti à Milan. Peut-être la seigneurie de Venise 
ne veut-elle pas voir le péril de son voisin. Il serait imprudent 
à elle, toutefois, de se fier aux Français. Profitez de la tran- 
quillité actuelle pour faire la paix]avec eux, ils ne l'observeront 

1) V. sa lettre au cardinal de la Rovère, publiée par Boislisle, Etienne de 
Vesc, p. 161. 

2) Sanudo. 

3) Desjardins, 686-695. Le 29 août, Charles VIII adressa une lettre à 
FabricioColonna(Arch. de Florence, Cartap VI, n° lviiii). 

4) On remarquera ces expressions diplomatii^nes, qui tendaient à solida. 
riser el à confondre le roi avec le duc d'Orléans. 



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368 HISTOIRE DE LOUIS XII 

pas : dans un an, deux ans..., à la première occasion^ ils mar- 
cheront sur Milan, s'en empareront aisément et feront de 
même pour toute l'Italie. Le grand danger est de voir le roi 
de France s'entendre avec ces bêtes d'Allemands *. » Quant 
à lui, ajoutait-il, il perdrait plutôt la Bourgogne que de laisser 
la France s'étendre en Italie. « Pour la libération de l'Italie, 
dans des conditions moins essentielles, il avait déjà, dé- 
pensé près de 200,000 florins, au point de se priver quelque- 
fois du nécessaire »... En parlant ainsi, Maximilien avait, pour 
ainsi dire, les larmes aux yeux. Il s*étendait encore sur les dif- 
ficultés de la situation: les gouvernements italiens, eux, pou- 
vaient s'aider de l'argent de leurs sujets; mais, en Allemagne^ 
tout retombait sur la cassette impériale. Pourtant, il lui pa- 
raissait impossible de faire avec la France une paix solide et 
durable. Il parlait encore quand se présenta l'ambassadeur 
milanais, les mains pleines de nouvelles, pleines de preuves, 
suivant lui, que la France tentait un grand effort pour attaquer 
l'Italie*. 

Le roi d'Espagne ne parlait pas moins haut. « Prêt à envahir 
la France en personne », il invitait Maximilien à entrer de suite 
en Italie et à lui communiquer un plan d'action combinée, 
auquel il souscrivait d'avance'. Les pourparlers continuèrent 
ainsi, au milieu d'une extrême agitation \ 

Enfin, Maximilien se décide à paraître en Italie, mais plato- 
niquement, sans troupes... Le 15 août, il adresse à l'ambassa- 
deur vénitien un billet aigre-doux, en latin, pour exprimer 
son vif mécontentement ; les Suisses, levés par ses soins pour 
le compte de la Ligue, auraient déjà passé les Alpes, s'ils 



1) « Quesle bestie di Âlemanni » (les Suisses). 

2) Dépêches de Foscari, dans YArchivio storico italiano, VII, 797, 798. 

3) Foscari, 11 août, p. 800. 

4) Foscari, 12 août, p. 802. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VUI (1495-1498) 369 

n'attendaient la paye qu'ils devaient trouver à Bellinzona et 
qu'on a si souvent réclamée à Venise...*. Le 18 août, l'empe- 
reur a pénétré en Milanais; il se trouve à Tirano. Sa devise, 
dit-il, est : « Résistance à une invasion du roi de France! » 
Plus il va, plus il s'étonne, plus il s'irrite. A Tirano déjà, il 
trouve tout mal, il s'aperçoit qu'il joue un rôle ridicule, il 
déclare qu'il aurait bien pu s'arranger avec la France qui lui 
avait fait des offres, surtout étant données les dispositions de 
ces « bêtes d'Allemands'... Je suis venu en Italie comme un 
ange; si vous ne m'aidez pas et que vous me laissiez honteu- 
sement retourner en Allemagne, je reviendrai comme un 
diable ». Puis, spécifiant très nettement sa menace : « Si j'en 
croyais les Suisses, le duc de Milan ne serait plus à Milan... 
Croyez bien qu'on les déterminerait plus facilement à marcher 
contre l'Italie sans solde^ que pour elle avec de l'argent, sur- 
tout pour l'état de Milan, qu'ils ont en haine. » Maximilien 
prononçait ces mots avec beaucoup de feu, comme un homme 
surexcité '. 

Sa démarche parut déchaîner l'orage. Le légat du pape af- 
firmait que Maximilien allait tirer Asti des mains des Fran- 
çais*. Le 21 août, le roi d'Espagne annonce que ses forces 
sont massées à Perpignan. Le 22 et le 25, à (c Morbenga » 
(Morbegno), l'ambassadeur espagnol et Maximilien échangent 
des serments de haine contre la France ^ Enfin Maximilien tra- 
verse le lac de Côme, et il se trouve le 29 août à Côme, dans 
le cœur du Milanais. Il s'arrête un instant, et examine froide- 
ment la situation. La France, pour fêter sa venue (disait-il), 

i) Ibid.y p. 804, note. 

2) « Di questi bestiali Alemanui, » 

3) Foscari, p. 809. 

4) 19 août. Foscari, p. 811. 

5) Foscari, p. 814, 815. 

m 24 



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370 HISTOIBE DB LOUIS XII 

avait envoyé à Asti cinq cents lances et deux mille hommes 
de pied; elle avait garni de troupes et d'artillerie toutes ses 
frontières, renvoyé de Bourgogne à la frontière d'Espagne 
quatre cents lances qu'on avait remplacées à là frontière de 
Bourgogne par trois cents autres lances et huit cents hommes 
de pied. Elle se tenait donc sur la défensive : en revanche, on 
ne parlait plus de Naples, elle renonçait à toute expédition. 
Charles YIII devenait-il sage? ou bien le gouvernement 
français voulait-il tout simplement laisser les Allemands ac- 
complir leur voyage en Italie ? Maximilien admettait, sans 
hésiter, cette seconde hypothèse : « Milan et l'Italie entière, 
sont toujours en péril, et peut-être» quand le péril se mani- 
festera, ne serons-nous plus là^ »... « Le roi de France ne 
cherche qu,'à gagner du temps et à accroître ses forces, » 
disait-il au légat le 1^ septembre *. l\ déplorait la situation de 
l'Italie, les rivalités, plus aiguës que jamais, entre les divers 
États *, l'absence des forces suisses, par défaut d'argent, tan- 
dis que cinq cents Suisses venaient d'entrer au service de la 
France ^ ; il persistait à pronostiquer la descente prochaine 
d'une forte armée françaiee en Italie ^ U trouvait Ludovic 
dans des transes, à cause de Tanimosité populaire qui se décla- 
rait, de plus en plus, dans le duché.. Le fils du malheureux Jean 
Galéas, un petit garçon de huit ans, ne pouvait paraître dans 
les rues de Milan, sans qu'une sourde rumeur s'élev&t autour 
de lui, sans que le peuple murmurât, criât même : « Le duc ! 
le due ! » La présence de Maximilien ajouta aux peurs de 
Ludovic; elle pouvait déterminer une explosion, ou, en tout 



1) Foscari, p. 819. 

2) Foscari, p. 825. 

3) W,p. 833. 
A) Id., p. 822. 
5) îd., p. 836. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VllI (1495-1498) 371 

cas, provoquer des démonstrations près du suzerain du Mila- 
nais... Ludovic entraîna le roi des Romains à Yigevano, en 
lui faisant éviter Milan ^ 

Quant aux Vénitiens, un peu las des perpétuelles demandes 
d'argent de Maximilien et fort rassurés du côté de la France, 
ils se montraient beaucoup plus calmes. Dès le 13 août, leur 
ambassadeur commença à insinuer que Maximilien tiendrait 
une conduite peu convenable à sa grandeur, s'il ne venait en 
Italie que pour trouver en face de lui de simples lieutenants du 
roi de France : sa présence ressemblerait presque à une pro- 
vocation contre la France, maintenant tranquille V 

Il est certain que les agissements combinés de l'Allemagne 
et de FËspagne mettaient à néant les projets de Charles YIII. 
Le roi tenait bon pourtant; il adressa, le 11 août 1496, un 
long manifeste à la Diète Germanique, pour ndaintenir haute- 
ment son droit à l'intégralité du royaunie de Naples et reven- 
diquer nettement la possession directe de Gênes, le duc de Milan 
ayant violé les conditions d'investiture *. 

Les villes de France étaient restées sourdes à ses demandes 
d'emprunt* : et les ressources du trésor^ gaspillées en prépa- 
ratifs inutiles, répondaient à peine aux nécessités de la dé- 
fense des frontières. Il insista. U imposa le Languedoc pour 
150,000 livres. Un mot de la reine, à ce sujet, fit le tour de 
TËurope : elle aurait dit au roi qu'elle se' chargeait de trouver 
facilement un million : « Où donc? dit le roi. — Chez Saint- 
Malo, qui a gagné bien davantage à votre service »... L^ar- 
chevëque d'Aix, ambassadeur français à Florence, était dans 
une situation très pénible. Laissé sans argent, il avait dû faire 

i) Sanuto, c. 291. 
2) Foscari, p. 807. 
3)Sanulo, c. 285,286. 
4) Foscari, p. 866. 



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372 HISTOIRE DE LOUIS XII 

des emprunts à la banque Capponi : sachant ses correspon- 
dances avec la France interceptées sur le territoire milanais, 
il ne pouvait écrire ni recevoir d'instructiops : les Florentins 
se plaignaient vivement de n'être pas secourus, et de n'obtenir 
même pas en France des envois de froment. L'ambassadeur au- 
rait voulu partir ; il était retenu par l'impossibilité de rembour- 
ser ses emprunts et par ]a crainte de porter un coup funeste 
à la considération de son pays, s'il disparaissait sans payer.., 
d'autant plus que l'Empereur faisait la cour aux Florentins ^ 
Cependant Charles VIII, au mois de septembre, leva encore 
en Dauphiné trois cents lances, à destination d'Asti, et annonça 
l'envoi de douze cents autres. Quoique Ferdinand et Isabelle, 
venus en personne à Perpignan, eussent commencé les hosti- 
lités par la prise d'un château, il rappela quelques troupes de 
cette frontière; il levait en Suisse quatre mille hommes. Deux 
mille lansquenets devaient s'embarquer à Marseille. Il faisait 
percevoir les nouveaux impôts. 

Le roi se trouvait à Orléans avec ses trésoriers. 
Rassuré du côté de l'Empereur, il reprit la pensée de secourir 
Naples sans délai*. S'il y avait à enregistrer en Italie quelques 
défections, par exemple, celle du seigneur de Monaco, qui 
se déclarait « bon italien* », tout le Piémont en revanche, 
c'est-à-dire la Savoie, Mon tf errât. Saluées restaient fidèles à 
l'alliance française *• Le marquis de Saluées avait même 
demandé et obtenu une occupation française. 

Contrairement à Venise, Ludovic pressait l'Empereur d'agir, 
de ne pas hésiter"^. On s'en étonnait : on lui objectait le traité 

1) Foscari, p. 865, 866, 867. 
2)Id. 

3) Sanuto, c. 320. 

4) Foscari, p. 841. 

5) Foscari, p. 845. Ludovic lit un grand nombre de résumés de leUres, 
interceptées, de France, notamment une lettre du 24 août, de Lyon, dont il 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES Vlll (1495-1498) 373 

de Verceil et son alliance avec la France. Le duc de Milan ne 
s'en embarrassait pas. « S'il avait obéi jadis à la nécessité, 
depuis lors, disait-il, les Vénitiens n'ont-ils pas vu tous mes 
sacrifices pour la libération de l'Italie? J'ai souscrit la paix 
de Novare; si je refusais, c'en était fait de l'Italie, car nous 
étions dans la pire situation ^.. >> Il protestait avec force de 
son désintéressement, de sa pureté absolue d'intentions. Il 
ne voulait ni de Pise ni d'Asti ; il tenait seulement à garantir 
sa propre sécurité et celle de l'Italie*. Il ne cherchait que le 
bien général; mais il ne pouvait plus vivre dans la position 
actuelle. Pour en sortir, il ferait n'importe quoi; il traiterait 
même avec le roi de France, et il faudrait bien alors que les 
autres confédérés suivissent son exemple... Gomment ne pas 
profiter de la situation? On ne trouvera jamais occasion plus 
favorable, l'Espagne plus prête, l'Empereur mieux disposé, 
un plus admirable pape qu'Alexandre VI. C'est le cas d'agir* . 
Maximilien y semblait disposé ; on parlait de marcher sur 

résulte que le roî devait arriver dans huit jours, pour marcher vers lltalie, avec 
une nombreuse armée, que des gens d'armes etrartillerie arrivaient aussi. — 
W.,p. 846. De lettres de Gènes, il résulte que Charles VIII fait armer k 
Marseille douze galères, trois galions, trois barques, pour attaquer deux 
galères vénitiennes à Pise et six autres envoyées au secours de Gênes; qu'il 
veut expédier deux mille fantassins et six cents chevaux, secourir les Flo- 
rentins contre Pise, via Livourne. Ces nouvelles causent une vive émotion. 
— W., p. 849 et s. Le 9 septembre 1496, à Vigevano, sous rœil de Ludovic, 
TEmpereur et Venise concertent des armements contre la France. — Irf., 
p. 865. Le 10 septembre, on annonce IVrivée de quatre mille Suisses au 
service de Milan, dont quatre cents déjà sont à Côme. 
1)P. 843. 

2) 7 septembre, à Vigevano. Jd., p. 844. 

3) Foscari (p. 841, 843), 6 et 7 septembre. « Di Asti ancora non mi 
euro, perche, come ho detto, purchè sia assicurato lo stato mio, cbe è aile 
frontière, e pari mente tut ta Italia, non cerco altro : ma altramente, siate 
cerlo che non voglio vivere a questo modo ; perché, più presto che perder lo 
stato. voglio accondiscendere ad ogni accordo col Re di Francia; e dietro 
di me converranno di nécessita venire gli altri principi confederali... lo non 
voglio un merlodi piùdi quelle che ho... » 



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374 HISTOIRE DE LOUIS XH 

Pise, d'arrêter un bateau sorti de Gaëte, de bloquer la flotte 
de Marseille : « J'ai bien envie, exclamait Maximilien, de 
donner à Tarmée française un sauf-conduit pour Naples, en 
sous-entendant, à la française, la clause de ne pas observer 
ma parole : ce serait un bon coup de filet, et qui vaudrait bien 
une dépense d'un million )>. Maximilien se rend à Tortone» 
puis sur la Rivière deijènes, toujours le verbe très haut; « il 
voulait, pour toujours, affrancbir l'Italie des machinations 
françaises ». Le 24 septembre ^ lui héraut français vient 
notifier la naissance d'un nouveau dauphin. Après l'audience: 
« Je devrais Tépondre au roi, dit Maximilien en riant, par le 
vœu que Dieu fasse son fils meilleur que lui : toutefois^ je lui 
enverraides congratulations etdes remerciements * ». — « Nous 
ne nous occupons pas de questions d'argent comme le roi 
de France, disait-il encore superbement en arrivant à Pise, le 
23 octobre, mais seulement de l'honneur. Nous et le roi, 
nous pe nous. ressemblons en rien et nous ne serons Jamais 
d'accordl Allons faire la guerre à Florence*! » 

Quel que fut l'extrême intérêt du duc d'Orléans dans toutes 
ces affaires, son nom s'efface. A peine si, le 4 octobre 1496, & 
propos de nouveaux mouvements de troupes à Asti, le bruit 
court, encore, de son arrivée dans cette ville *. Charles VIII, 
qui avait parlé de dépenser un million d'écus pour sauver 
Naples^ apprend bientôt qu'une escadre italienne croise devant 
Marseille ; puis, que l'armée du comte de Montpensier n'existait 
plus, que ses vaillants capitaines avaient succombé misérable- 
ment. Le comte de Montpensier mourut lui-même, le 9 no- 
vembre, au milieu de ses soldats : la garnison de Gaête, après 
une vaiUaute défense sous les ordres de Stuarl d'Aubigny^ 



1) Fosctri, p. 882, 890, 898. 

2) W., p. 926. 

3) Foscari, p. 908. 



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DERNIÈRES ANNÉES DB CHARLES Vin (1495-1498) 378 

se rendît, le 29 novembre, avec les honneurs de la guerre*. 

Charles VIII n'en pouvait croire ces nouvelles : il éclatait 
en reproches violents contre ses conseillers, qui se ren- 
voyaient Tun à l'autre la responsabilité des événements. Néan- 
moins, il passait sa vie eh plaisirs, en jouted et en tournais, 
c( ne pensant pas à autre chose », selon Commines, et toujours 
attaché à son idée de Naples : il voulait une revanche^ (c dût- 
il y perdre sa couronne ou sa vie ». Saint-Malo, édiâé sur 
l'état d'esprit dé son maître, laissait s'écouler avec beaucoup 
de flegme ces emportements et ces jactances, et se contentait 
d'agir le moins possible , soutenu, du reste, dans sa réserve 
par la reine, pÀr la presque unanimité du conseil et du 
royaume. Quant au duc d'Orléans, que le conseil pressa 
encore de suppléer lé roi et de prendre le commandement des 
affaires militaire^, il s'y refusa énergiquement*. 

Le 15 décembre 1496, on célébra en grande pompo, à Saint- 
Jean de Lyon, le service funèbre du comte de Montpehsîer. 
La chapelle ardente, formée, autour du grand autel, sous^ la 
direction du peintre Jean de Paris, brillait de deux cent vingt-' 
cinq cierges et de cent torches portées par des pauvres; sept 
princes conduisaient le deuil ; on disait la messe à dix-hûit 
autels : trois cent trente-sept écussons, grands ou petits, à 
l'écu de Montpensier, ornaient l'église... Saint-Malo donna 
l'absoute : Georges d'Amboîse et l'évèque de Périgueux 
chantèrent deux graind'messes solennelles 3... On devait bien 
donner à ce deuil une grande solennité : c'était le deuil de 
l'expédition. 

Trivulce, avec ses faibles forces, aurait pu encore d'Asti 
révolutionner le duché de Milan, oîi il entretenait de nom- 

1) Boislisle, EL de Vesc, p. 169-171 : Sanudo, c. 274. 

2) Commines. 

3) Fr. 11196, f 27. 



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376 HISTOIRE DE LOUIS XII 

breuses relations : maïs , sur Tordre du roi , il divisa ses 
forces en trois corps et attaqua à la fois divers points de la 
Rivière de Gênes, suivant les indications de Baptistin Cam- 
pofregoso et du cardinal de La Rovère. Rien ne réussit dans 
cette entreprise : la discorde se mit parmi les chefs, la ré- 
volte parmi les soldats, qui se plaignaient de retards de solde. 
Trivulce, peu fait aux discussions, revint à Asti de si mau- 
vaise humeur et si découragé, que Ludovic, fort satisfait des 
événements, chercha de nouveau à le gagner *. 

Le 10 mars 1497, le conseil du roi tint à Lyon une réunion 
plénière. Les ambassadeurs de Florence et le fils du duc de 
Ferrare, qui y furent admis, réclamèrent un énergique effort. 
Les ducs de Bourbon et d'Orléans, le prince d'Orange, au con- 
traire, soutinrent l'abstention. Leur avis l'emporta. Le roi par- 
tit pour la chasse ; on donna un ordre général de désarme- 
ment'. On conclut une trêve avec TEspagne*. 

Natuirellement, Ludovic Sforza triompha bruyamment. Il 
se vit désormais incontesté,' libre et tranquille, il ne songea 
plus qu*à se rapprocher de Charles VIII, il éprouva pleinement 
cette sorte de vertige du pouvoir auquel il était enclin. 

Son goût pour l'ostentation ne connut plus de bornes. Son 
chiffre, soit en peinture, soit en marbre, apparut sur tous les 
coins du château de Milan*, sur les portes de la ville; il y 
ajoutait son portrait et des médaillons de bronze. 

Les lettres, les sciences, les arts brillaient, à Pavie, à Mi- 
lan, d'un incomparable éclat. On ne saurait décrire l'essor 
magnifique de toutes choses. Léonard de Vinci, Christ. So- 
laro, mille autres artistes, donnaient à la cour une splendeur 

1) Rosmini. Charles VIII nomma chambellan son fils Jean-Nicolas Trivulce, 
avec une pension de 3.000 livres (fr. 25717, 193). 

2) Sanudo, 561. 

3) J 915 B, 22. 

4) Mongeri, Il castello di Milano (Arch. st. Lomb*, 1884, p. 451). 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES Vlîl (1495-1498) 

extraordinaire, admirable. Chaque jour, Ludovic s'en al 
Sainte-Marie-des-Grâces, voir Timmorlel' Léonard peind 
Cène. Selon Je comte Malazzani, la Monnaie de Milan 1 
pour 500 millions de lire^ à un coin dessiné par le mémo 
nard^ Passionné, artiste dans Tâme, Ludovic témoignait 
femme^ la sympathique et chevaleresque Béatrix d'Esté 
amour sans pareil, une sorte de dévotion. L*ivresse dura pi 
Quand Béatrix mourut en couches, avec son enfant^ en 14 
le More s'abandonna à de tels transports de douleur q 
craignit pour sa raison : car il s'enfermait des heures enti 
près du tombeau de sa femme, sans permettre que perse 
vînt l'y troubler. Il semblait pleurer son bon génie sur i 
terre. Au reste, ni son âge, déjà mûr', ni l'excès de sa dou 
ne modifièrent le désordre de sa vie privée, notamment 
relations avec la belle Lucia, créée par lui comtesse de M< 
du vivant de Béatrix; mais il commanda à André Solan 
splendide mausolée pour Béatrix^. 

Son immense fortune suffisait à peine à sa magnificenc 
répara et orna le château de Milan, bâti par François Sf 
sur le plan d*une vaste forteresse^ mais déjà embelli, ! 
Galéas Marie, par Philarète', le spirituel et gracieux ai 
Iccte de l'Hôpital-Majeur. Léonard et Bramante continué 
l'œuvre de transformation intérieure. Nous ne connais: 
plus malheureusement que par les descriptions de Coric 
fresques exécutées dans les grandes salles, dont on a fait, 



1) Ricordo délia zecca di Milano (Arch. st. Lomb*, 1878, p. 456-57 
p. 506-516). 

2) Son épitaphe, recueillie par Caatelli, lat. 6172, f» 36 r>. Cf. Me 
de l'amateiir d'autographes, n® 288, p. 152. En cette même année, Lu< 
obtint, pour le jeune Hippolyle d'Bsle, rarcbevôcbé de Milan. 

3) Quarante-cinq ans. 

4) C. Cantu, Arch<» storo Lombo, 1874, p. 483-484, et 1879, p. 230, r 

5) Antonio Averulino, dit II Filarete, 



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378 HISTOIRE DE LOUIS xn 

tard, des écuries. Paul Jove nous apprend qu'une de ces fres- 
ques représentait l'Italie sous les traits d'une reine vêtue d'or, 
entourée des représentations de ses viUes ; derrière elle , un 
écuyer maure (Aforo)^s'avaiiçait, une brosse à la main, pour 
soigner sa parure * . 

Quant au duc d'Orléans, "que devenait-il? Nous avons 
presque perdu sa trace,.. Il était découragé, mécontent comme 
tout le monde, de mauvaise humeur. U se fait jouer des ma- 
riotes par un Allemand; il assiste & des représentations « de 
personnages' », à des « farces et esbatemens' », à un spec- 
tacle d'animaux savants. Quelque jolie fille lui joue un air de 
manicordion^ \ il ajoute à sa chapelle un chantre de plus, 
« servant de dessus ». 

Il fait écrire et noter par l'auteur lui-même trois exemplaires 
des chansons composées par JeandeCrespines, ditCrespinet, 
Tun des chantres de sa chapelle; il offre un de ces exemplaires 
à la reine, un autre aux ambassadeurs florentins, et garde le 
troisième. Il achète, pour cinq sous, « à ung marchant, por- 
teur de livres, ung petit livret, »> pour son plaisir. Il écoute, 
avec bonhomie, les tabourins et ménestrels de la ville de Lyon, 
ceux du grand Prieur d'Auvergne, les bateleurs de Chauny. 
les joueurs d'instruments de Lyon *. 

Quelques sommes sont consacrées au jeu, ou à des menus 
plaisirs, sans indication de destination précise, surtout à Lyon. 
Éloigné de sa femme, il montre une extrême galanterie près 
des femmes d'autrui. Des tabourins viennent lui donner une 

1) C* Casati, Vicende edilizie del CasteUo di Milano, in-P», 1876. 

2) Joursanv.j 854. 

3) Laborde, d^ 7226. 

4) Laborde, n° 7246. 

5) Il s'amuse, au passage, du fou de la marquise de Rotbeiin, nommé 
Guérande. Le jour de caréme-prenant, les enfants de sa cuisine, de celles 
du roi et du duc de Bourbon, dansent devant lui. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VITI (1495-1498) 379 

aubade « chez la Sebille^ » chez la femme de « Dodieu, » que 
le duc vient voir à Tissue de ses couches. Il paie Tenjen d'une 
dame au glic^ chez Alexandre Gapponi. Il offre, très cour- 
toisement, un cheval à madame de la Salle, une nouvelle 
mariée, dont la main^ grâce au roi, avait récompensé M. de 
la Salle pour ses services dans la campagne de Naples. Il 
joue au ftutz avec le capitaine Imbault, et d'autres. Il joue à la 
paume avec MM. de Champdeniers et de Brilhac. Il chasse. 
Il remonte sa maison et son équipage; il fait broder à neuf 
les costumes de ses archers ; il habille ses piqueurs à ses 
couleurs* jaune et rouge', il achète, pour ses oiseaux, des 
vervelles* et des sonnettes; il fait dresser en Bresse, par deux 
de ses fauconniers, des gerfauts pour la chasse au héron. 

1) Joursanv., 647. 

2) Emblème de jouissance (jaune) et puissance (rouge). Dans une baU 
lade insérée au Vergier d^amours^ nous voyons un chevalier arborer les 
couleurs jaune et bleue : 

tt Pour bleu je sers ma dame souverayne, 
Et pour le jaulne j'espère joyssance. » 

D'autres rondeaux représentent le vert comme joyeux, le gris comme 
espérance, le jaune et violet 

« Pour demonstrer que je vis a plaisance... 
El le jaulne, de quelque sens qu'il est, 
Aungchascun desmontre joyssance. » 

Le blanc et le bleu sont les couleurs des amoureux. 
Dans le Chant royal de l'amoureux cordial, la dame célèbre le rouge et le 
pers ; le pers est la couleur du vrai amant : 

a Le rouge dont fut sur moy estandu, 
Qui devoit pour sa signiBance 
Puis que j'avoye en si hault lieu tendu 
Pour y avoir quelque peu d'aliance 
Que me debvoie sans aucune doubtance 
Tenir bien fier et moult fort orgueilleux. » 

3) Laborde, nos 7240, 7246 : Comptes ducaux. 



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380 HISTOIRE DE LOUIS Xn 

Ses deux maîtres veneurs, Jean et Aymé de Gand, arrivent 
à Lyon avec sa meute etquatre servants. Il court en Dauphiné le 
cerf et le sanglier. Il y égare un de ses oiseaux; le cheval d'un 
de ses veneurs y est tué; il mande le veneur du cardinal de 
Lyon; obligé de revenir à Lyon, il laisse Jacques de Dinte- 
ville à la chasse pour plusieurs jours, et lui envoie des pro- 
visions*. 

Voilà, en apparence ses seuls soucis : cependant, partout à 
la chasse, à la Héronnière, à Colombiers, à Trévoux, ses cour- 
riers le suivent, des lettres partent ou arrivent. Il s'occupe de 
ses aiïaires ; il règle ses comptes, notamment encore un vieux 
compte de la guerre de Bretagne depuis longtemps vérifié et 
oublié. Il correspond activement avec ses officiers de Blois. Il 
prend un grand parti : il entreprend la reconstruction du châ- 
teau de Blois*. Il va visiter ses domaines de Chauny et de 
Goucy * . Après s'être assuré par ses yeux du bon état de la place 

1) Le bailli de Dijon lui envoie un faucon, le vidame de Chartres un chien : 
un valet du roi et Claude de Vaudray lui donnent un sanglier, un fauconnier 
royal un lamier et un Taucon. 

2) La partie orientale du château de Blois, qui a vue dans la fj^nde cour 
Saint-Sauveur, et dont le donjon fut élevé en 1498 (Bernier, Histoire de 
Blois j p. 14-15). Jean d'Auton dit en 1502 que le roi faisait encore bfttir : ce- 
pendant les vers de Fausle Andrelin, placés au-dessous de la statue du roi 
sur le portail, portent la date de 1498, et nous verrons qu*on y travaillait dès 
cette époque. 

3) Georges d'Auxy, nommé gouverneur de Coucy, en remplacement de 
Georges de Sully, décédé, avait été prendre possession, des mains de Jean 
de Sully, frère du mort, au mois de juin 1496. Son arrivée fut signalée par 
un déplorable événement. Un laboureur lui remit uiie plainte contre Jean 
de Sully, qu'il accusait de l'avoir battu. D'Auzy reçoit cette plainte et la 
communique aux ofBciers. Puis il descend dans la rue, suivi de Jean de 
Sully, furieux, et de ses serviteurs. On paraissait assez surexcité. Un homme, 
qui tenait une arbalète bandée, laisse partir un trait. D'Auxy, ému, saisit 
une hallebarde dans les mains d'un de ses serviteurs. En un clin d'œil, ses 
serviteurs, croyant à un ordre, se jettent sur le coupable, le renversent, le 
rouent de coups ; l'écuyer Jehannetton lui donne un coup, qui se trouva 
mortel JJ 231, fol. 13 v»). Jehannetton obtint sa grftce lors de l'avèDement 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VUi (1495-1498) 381 

de Coucy, il y laisse enfermé François Sforza, son otage. Il 
commence le remboursement de l'emprunt à Tévèque de Gou- 
iances. Bref, il agit en administrateur ordonné. Son extrême 
économie ne le rend pas moins généreux ; il aime à répandre 
autour de lui de menuls présents \ 

Une assez grosse affaire de famille était venue le préoccuper : 
son cousin et ami, le comte d'Ângoulème, était mort préma- 
turément le l*' janvier 1496, laissant une jeune veuve, Louise 
de Savoie, avec deux petits enfants, François d'Angoulême, 
le futur François I*', âgé de seize mois, et Marguerite, âgée 
de trois ans. La vieille comtesse douairière d'Angoulème, 
Marguerite de Rohan^ existait encore^ mais dans un élat de 
complète décrépitude, qui ne lui permettait pas d*exercer une 
tutelle. Par son testament, le comte instituait sa veuve « tute- 
resse et curaleresse » de ses enfants, et nommait exécuteurs 
testamentaires plusieurs membres de son conseil, en première 
ligne Jean de Saint-Gelais, seigneur de Montlieu '. 

Comme chef de la maison d'Orléans, Louis d'Orléans recou- 
rut contre ce testament et réclama, à titre de plus proche parent, 
la tutelle des enfants^ leur mère n'ayant pas encore atteint Tâge 

de Louis XII : mais le roi tint rigueur à D^Âuxy, qui resta simple capitaine 
de Coucy, qui 8*y fixa même et s'y fit construire une maison. Par patentes 
du 27 décembre 1501, Louis XII lui donna la permission de se procurer des 
matériaux en démolissant une vieille muraille de la basse-cour du ch&leau 
{Tit, Auxy, u? 37). D'Auxy était encore capitaine en 1502, en 1506 (id., 
nos 39, 40, 41). 

1) Don à Montdoulcet (Odin de Mondoulcet, barbier et valet de chambre 
du duc), ambassadeur en Espagne avec Etienne Petit et Du Bouchage, pour 
se bâtir une maison ; fr. 10237, 110, don de douze pipes de vin d^Orléans au 
marquis de Gotron, gouverneur de Paris : KK 897, 247, dons à des officiers, 
mis horsde page; k Hans Huberquier, Pun des capitaines suisses qui avaient 
servi à Novare ; à une pauvre Bretonne, qui lui avait jadis rendu service et 
qui retournait dans sa Bretagne ; à divers officiers de l'administration ; à un 
gentilhomme du roi, resté malade à Lyon, pour ses services envers le roi. 

2) Procéd,poliL, p. 233,266, 267, 293. 



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382 HISTOIRE DE LOUIS XII 

légal (vingt-cinq ana). Louise de Savoie résista : elle alléguait 
la volonté du testateur, la coutume légale d'Angoumois qui 
fixait à quatorze ans la majorité des femmes nobles, la néces- 
sité de confondre ses intérêts avec ceux de ses enfants, l'im- 
possibilité de trouver deux douaires sans disloquer tout Tapa- 
nage. Sur le rapport du chancelier, le grand conseil s'en tira, 
comme le porte son arrêt du 26 février 1496, k par un expé- 
dient ». II renvoya les parties à se pourvoir sur le fond lors de 
la majorité de la comtesse : en attendant, il attribua la garde des 
enfants à leur mère et la « tutelle honoraire » au duc d'Orléans. 
La comtesse conservait la gestion des biens^ à condition de la 
soumettre une fois par an au duc. Les officiers prêteraient 
un double serment, à la comtesse et au duc. La comtesse, en- 
fin, ne pourrait pas, sans l'autorisation du duc, consentir d'a- 
liénation, ni changer ou nommer un officier ^ 

Dès lors, le duc d^Orléans prit la maison d'Angoulême sous 
sa direction et la gouverna comme la sienne propre '. Ce com- 
promis ne satisfit personne; cependant chacun fit bonne mine. 
La difficulté resta si secrète, que le chroniqueur attitré de la 
maison d'Angoulême, Saint-Gelais, ose affirmer que, dans son 
testament, le comte d'Angoulême avait supplié le duc d'Orléans 
d'accepter la tutelle de ses enfants. Exécuteur testamentaire 
de par ce même testament, Saint-Gelais savait pertinemment 
le contraire : il se borne discrètement à dire qu^l était un des 
serviteurs « recommandés » par le testament. Le duc d'Or- 
léans s'adjoignit le maréchal de Gié, autre cousin du défunt^ 
comme exécuteur testamentaire : tous deux agirent à ce titre, 

1) Procéd, polU,, p. 723 et suiv. 

2) Louis d'Orléans regretta fort soo cousin, dit Saint-Gelais (p. 194 de 
V Histoire de Charles VIJI). « Dés celte heure la, il preint ceste maison en sa 
main, comme la sienne propre, en portant tous les affaires comme les siens. Et 
a tant depuis faict de bien et d^honneur, et a la mère et aux enians, que perot 
mary, fils ne frère n'en sçauroient faire plus largement. » 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-4498) 383 

et, chose bizarre, ils finirent très sérieusement par se croire 
tels. Le duc d'Orléans, prescrivit, d'accord avec la comtesse, 
un inventaire exact des biens du feu comte '. 

Louise de Savoie, qu'on nejconsidérait encore à la cour que 
comme une enfant, ou comme une personne de peu d'impor- 
tance, et à qui même Ton ne témoignait pas grande confiance, 
parut prendre volontiers son parti de l'arrangement. Fine, 
mais dépourvue de toute franchise, silencieuse et rancunière, 
toute pleine de ses petites passions personnelles, de ses petites 
faiblesses, de son égoïsme, qu'elle dissimulait de son mieux, 
elle savait plier, sans se plaindre et sans oublier. Quant au duc 
d'Orléans, élevé à l'école des vieux principes de hiérarchie fami- 
liale et de garde-noble, il se jugeait, tout franchement, en droit 
de les appliquer. Vers le mois d'août 1496, il envoya son 
fidèle serviteur, le sire de Champdeniers, « pour donner ordre 
au régime et au gouvernement des enfants et de la maison* ». 
Champdeniers^ escorté d'un valet de chambre et d'un chevau- 
cheur, se rendit à Cognac près de la comtesse, fit venir de 
Saint-Jean-d'Angély à Angoulême le conseil comtal, régla 
avec la comtesse et le conseil la marche de la maison et en in- 
forma le duc d'Orléans. Il revint ensuite à Lyon, après une 
absence d'un mois. A ce moment, le duc écrit à Madame d' An- 
goulême et au sire de Saligny, le principal conseiller; il faut 
croire que cette correspondance conserva le caractère le plus 
cordial^ car^ au même moment. Madame d'Angoulême envoie 
à Lyon un de ses servants offrir au duc d'Orléans un souvenir 
affectueux, trois grands lévriers '. 

Ainsi, à la fin de Tannée 4496, le duc d'Orléans se consa- 
crait exclusivement à ses affaires personnelles, et se tenait, 

1) Fr. 22335, f. 267, 293. 

2) Proeéd. polit, du règne de LouU XU, 120, 721. 

3) Tit. Orléans, XIV, 996, 976, 974. 



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384 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

depuis six mois, résolument en dehors de toute action poli- 
tique ou même militaire. Certes, cette abstention, qu'il n'é- 
tait pas seul à pratiquer, lui était dictée par des motifs bien 
faciles à comprendre. Comme toujours, on ne Tattribua pas à 
ces motifs, et l'on réédita l'éternelle explication de tous ses 
actes : Louis était premier prince du sang, héritier de la cou- 
ronne. S'il se tint à Fécart, s'il refusa de partir pour l'Italie, 
c'est qu'il pensait à 1^ couronne, à la mauvaise santé du roi ^ 

Nous nous bornerons à constater que l'état du roi ne pré- 
sentait rien d'alarmant ni d'anormal, que la reine était grosse 
et eut un fils, que Louis d'Orléans^ tout en blâmant la poli- 
tique d'Etienne de Yesc, se maintenait soigneusement avec la 
cour dans des termes de la plus parfaite correction. 

Rapproché de la reine par son opposition à la guerre, il 
échange avec Anne de Bretagne de menus présents. A deux 
reprises, la reine, de Tours où elle restait, lui envoie à 
Lyon un lévrier, par des huissiers de sa chambre. Au jour 
de l'an, le duc répand, avec une ampleur inaccoutumée, 
ses gratifications dans tout le personnel inférieur de la maison 
du roi, huissiers, hérauts, trompettes, fourriers, tabourins, 
chevaucheurs, huissiers de la reine, joueur de cor, saquebutes, 
huissiers du grand conseil, filles suivant la cour, à « l'omme 
sainct » (huissier du roi)^ aux postes, comme aussi aux^a- 
lans sans soucy et tabourins de Lyon, à un Suisse, à un Aer- 
peux du feu cardinal de Lyon'. 

Lorsque le roi quitta Lyon dans les conditions que nous 
avons indiquées, le duc lui écrivit sur sa route, à l'Arbresle, 
à Châtillon-sur-Indre, puis à Tours : bien plus, il accrédita 
près de lui, comme jadis, le sire dé Champdeniers. 



1) Guichardin : J. Bouchel, Annales d'Aquitaine, 
2 Cf. Tit. Doulcet, 18. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (149S-1498) 385 

Le duc d'Orléans devait être parrain du nouvel enfant du 
roi. Lorsque la reine accoucha d'un fils*, c'est par le courrier 
de l'ambassade florentine qu'il en reçut la première nouvelle. 
A cette occasion, il offrît à la reine un dragouer d*or, œuvre 
de Fargentier Denis Mariette*. 

Enfin, le duc d'Orléans était si éloigné de toute opposition 
personnelle, que, quoique créancier du roi pour de grosses 
' sommes', il versa encore à Lyon, le 5 janvier, 1,000 écus d'or 
pour les « secretz et principaulx affaires du roi »*. 

Louis ne s'éloigna même pas de Lyon en novembre et 
décembre 1496 et en janvier 1497*. La se trouvaient aussi 
Suînt-Malo, le duc de Bourbon, venus, sur l'ordre du roi, 
conférer des affaires d'Italie avec Baptistin Gampofregoso et 
le cardinal de la Rovère *. Il ne pouvait donc suivre Charles VIII. 
Le roi recommençait à s'agiter et à préparer, avec Fregoso 
et La Rovère, une nouvelle expédition. 

C'est alors que germa dans la tête de Ludovic une idée sin- 
gulière ; celle de sceller son rapprochement avec la France, 
par un mariage de son fils et de la plus riche héritière de 
France, Suzanne de Bourbon, fille du duc et de la duchesse. 
On commençait, en Italie, à se lasser de Maximilien et à l'aban- 
donner. On ne trouvait pas ses prétentions appuyées de forces 
suffisantes; il se compromettait aussi, en se mêlant des affaires 
italiennes. Louis d'Orléans, on le comprend, se montra fort 
hostile à la proposition de Ludovic, qui n'eut aucune suite \ 

1) Qui ne vécut pas et mourut le 2 octobre 1496. 

2) Arch, du Collège héraldique^ no 528. 

3) 50,000 1. d'acompte lui furent remboursées en l^année 1496 (fr. 20379^ 
p. 59, reçu du 16 octobre). 

4) Fr. 25717, 188. 

5) TU. Orléans, XIV, 971, 979 : KK 897, 246, 248. 

6) Sanuto, I, c. 418. 

7) Sanuto, c. 432. 

III 25 



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386 HISTOIRE DE LOUIS Xlf 

Mais Venise, pour déplaire à Gênes, envoya, à la fin de 1496, 
des galères soutenir Pise, et une lettre de Trivulce vînt pro- 
poser une alliance avec les Vénitiens ^ Elle ne réussit pas 
mieux : Charles VIII déclara qu'il en voulait à Venise par- 
dessus tout '. 

Nous n'entrerons pas dans le détail des intrigues si nom- 
breuses qui s'entrecroisèrent et s'emmêlèrent en cette année 
1497. Un trouble profond agitait les petites puissances de la 
péninsule ; les projets les plus bizarres se heurtaient : chaque 
jour amenait quelque conception nouvelle. On passait sa vie 
à trahir ses amis, à courtiser ses ennemis, à jurer la perte de 
ceux qu'on embrassait, à embrasser ceux qu'on voulait dé- 
truire. Le gouvernement actuel de Gênes, par exemple, en- 
nemi acharné de la France et en guerre ouverte avec elle», 
sollicitait la permission de négocier en France et de venir aux 
marchés de Lyon*. 

Ludovic jouait, dans ces intrigues, un rôle de premier 
ordre, soit avec la France, soit contre elle. Un jour, il attribue 
à Charles VIII le projet d'une expédition en Allemagne*, pen- 
dant que son ambassadeur revient amicalement de Rome avec 

1) 21 décembre (fr. 15538, n«» 254). 

2) Sanuto,c. 432. 

3) V. Arch. du Ministère des Affaires étrangères, Gênes, 2, fo 225, 16 
novembre 1496; envoi à l'Empereur d'Alex. Sauli et de Nicolas Spinola, 
pour les affaires de Pielrasanta. Jd., fol. 226; 4 juillet 1497. Et. Spinola est 
envoyé à Milan se plaindre de certains faits de guerre, de la prise d'un na- 
vire marchand, et entretenir le duc du blocus de la flotte française à Tou- 
lon; 11 juillet, réponse du duc de Milan et des ambassadeurs d'Espagne, 
de Naples, de Venise; 26 Juillet 1497, ordre à la flotte génoise de ne point 
quitter le blocus de Toulon, où se trouvent six vaisseaux génois, notam- 
ment celui de Raphaël Grimaldi; 5 août 1497, ordre à Paul de Negrono, ca- 
pitaine de la flotte de guerre, de poursuivre ceux qui ont pris le navire 
marchand. 

4) Envoi de D. Costa, 6 novembre 1497 : Arch. du Ministère des affaires 
étrangères, Gênes 2, f» 226 v\ 

5) Sanuto, c. 435. 



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DERiNlÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) 

Stuart d^Aubigny*. Ou bien il s'aperçoit que Trivulcc 
Tattaquer* et profiler de son impopularité*. Au mois d 
vier 1497, Ips forces considérables qui arrivent à Asti 
licilent Tattention de toute Tllalie*. Ludovic arme et € 
des troupes dans la Rivière. Le bruit se répand, encor 
fois, au mois de janvier 1497, de l'arrivée imminente à 
d'Orléans à Asti^ Cette nouvelle se confirme; onannoni 
Louis passe par la Savoie*. Trivulce emporte Novi ; à I 
les Orsini se mettent à la solde de la France et crient F? 
De jour en jour, on attend le duc d'Orléans, dont la pr^ 
est annoncée à Exilles en Dauphiné\ On se voyait déj 
veille d'une nouvelle crise, comme celle de Novare'. A 
se rassure-t-on en apprenant que le duc d'Orléans n 
quitté Lyon', qu'il n a jamais eu l'intention de le quitt 
que le roi est retourné à Tours **^. 

Au mois de mars, un fils naquit à Ludovic, de sa fa 
Lucrèce Crivelli ; on constata, «n même temps, que 1 
tombait dans les excès delà dévotion la plus outrée*'.^ 
sait sa vie à Sainte-Marie-des-Grâces. On ne le voyai 
vêtu que de grossiers vêtements noirs, enveloppé da 
long manteau... *». 

Nous n'entrerons pas ici dans le détail des opérationi 

1) Sanuto, c. 436. 

2) /d., c. 438. 

3) Jd., c. 461. 

4) /d., C.474. 

5) /d., c. 476. 

6) /d., c. 479. 

7) W., c. 487, 488. 

8) l(i., c. 493. 
. 9) /d., 499. 

iO)Id.,c. 522. 
11) /(i., 556. 
12) Id., c. 746. 



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388 HISTOIRE DE LOUIS XII 

taires de Trîvulce contre Gênes ni des négociations incessantes 
de Charles VUI, non plus que du renouvellement perpétuel 
de ses projets de campagne, plus intenses que jamais dans les 
années i497eH498. 

Louis d'Orléans se tenait très à Técart, mécontent et isole *. 

Nous avons mentionné déjà un procès depuis longtemps 
pendant entre Èngilbertde Clèves et le sire d'Orval, ce procès 

1) Nous voyons Louis d'Orléans visiter THôlel-Dieu de Paris, où Louis !•' 
son aïeul, avait fondé une chapelle (Archives de THôtel-Dieu de Paris, 
lay. 162, 1. 1886, no 16). Le duc d'Orléans s'honore, vers le même moment, 
par un Irait de véritable bonté. Un malheureux magistrat, le conseiller 
au Parlement de Paris Claude Chauvreux, s'était laissé aller à des préva- 
rications très graves, à des subornations de notaires et de témoins dans une 
affaire de testament, en faveur de Pierre de Rochechouart, qui avait produit 
une fausse procuration de son feu oncle Louis de Rochechouart, évoque de 
Saintes, datée du 10 avril 1492, pour obtenir de son vivant Tévôché en cour 
de Rome, par voie de résignation (ms. Dupuy, 770). Chauvreux appartenait, 
semble-t-il, à une famille de notaires. Un Pierre Chauvreux était notaire du 
Châtelet d'Orléans en 1460 (Arch. municipales d'OHéans, CC. 666). Un Jac- 
ques Chauvreux fut maire d'Or.éans |n 1692, 1593, 1594 (Lemaire, Histoire 
(fOrléanSy p. 456). Quant à lui, licencié in ulroque jure, reçu conseiller au 
piirlemeiit, le 24 août 1475, il était l'auteur d'une glose De justitia restée 
in*^dite (Arch. nationales \*a 4785; ms. lat. 8513, f* 26 r») . Il avait été am- 
bassadeur à Rome en 1484. Ses collègues le chassèrent ignominieusement, 
et, par arrêt du 24 décembre 1496, le condamnèrent à la dégradation, à 
l'exposition pub'ique, à !a flt^ur de lis infamante, au bannissement perpétuel, 
à la confiscation (ms. Hupiiy, 770 : fr. 23286, f» 328). Une survécut pas & 
ces rigueurs. Louis d'Orléans obtint du roi le don de ses biens confisqués, 
et, non seulement dans sa piiié pour un tel désastre, il les restilua à la 
veuve et a«ix enfants du malheureux, mais, sans doute à la requête de M. de 
Rochechouart, compromis dans l'affaire) il prit sous sa protection cette infor- 
tunée famile, et adressa au parlement une lettre émue pour solliciter la com- 
passion de collègues justement indignés, froissés au plus sensible de leur 
être : « Pour ce que j'ay 1res a cueur les affaires desdits femmes et enffans. 
dit-il, et que je désire qu'ilz soient favorablement traictés, a ceste cause, 
Messieurs, je vous prie, tant comme je puis, que, pour l'amour de moy, 
vous les avez pour recommandez en leurs affaires, et que, en bonne et 
brielve expedicion de justice, ilz puissent avoir délivrance desdicts biens. 
Et vous me ferez ung très singulier plaisir. Priant Dieu... (etc) Escript a 
Lion, le vu» jour de feuvrier. Le duc d'Orleaus, deMillan et de Valloys, etc., 
bien vostre, Loys. — Coteread. » (Orig., Parlement 474, f» 69). 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) 389 

auquel le roi Charles VIII prenait tant d'intérêt pendant la 
campagne de Naples et pour leqjiel il avait adressé au parle- 
ment des injonctions réitérées. Jean d'Albret, baron d'OrvaP 
seigneur de Chateauvillain, était un grand seigneur peu sym- 
pathique et enclin aux procédures : pendant nombre d'années, 
il soutint contre Alain d'Albret, son cousin-germain, un pro- 
cès, illustre dans les fastes de la justice, pour la possession 
de la seigneurie d'Avesnes. C'est à propos des comtés de Ne- 
vers et de Rethel qu'il se trouvait aux prises avec Engilbert 
de Clèves. Jean d'Albret avait épousé, par contrat de ma- 
riage passé à Sancoins le 15 avril 1480 (ancien style), Charlotte 
de Bourgogne, fille de Jean de Bourgogne, duc de Brabant, 
comte de Nevers, Eu et Rethel, baron de Donzy, seigneur 
d'Anvers, des terres d'Outre-Meuse et de Saint-Valery-sur- 
Mer, La fiancée n'avait, selon l'usage du temps, qu'une 
modeste dot; mais son père lui assurait, au cas où il mourrait 
sans fils, son opulent héritage, comprenant nommément les 
comtés de Nevers et de Rethel '. Engilbert de Clèves prétendait 
à ces comtés; Jean d'Orval hérita ainsi des difficultés de son 
beau-père. En 1488, intervint, au dire du sire d'Orval, une 
renonciation d'Engilbert •. Toujours est-il que la querelle ne 
tarda pas à se ranimer avec violence, que le procès en saisine 
se poursuivait en 1489 et qu'on en vint même à des voies de 
fait passablement scandaleuses ^. L'année suivante, 1490, le 
duc de Brabant confirma à sa fille la cession de tous ses biens, 
y compris les comtés de Nevers et de Rethel, ne réservant 

1) Mort en 1524, ûls d'Armand-Amanieu d'Albret, sire d'Orval. Il rendit 
sur la frontière française de grands services en 1494; le roi l'obligea alors à 
prendre le gouvernement de TIle-de-France (fr. 3924, p. 4, 6 : fr. 15538, 
n» 229 : V. plus haut). 

2)Fr. 11877, p. 35,80 :fr. 4791. 

3) Fr. 11877. p. 35, 80. 

4) X*» 9323, f« 107 : K 539, dossier 1. 



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390 HISTOIRE DE LOUIS Xll 

pour lui que Tusufruil *. Depuis lors, cette importante affaire 
suivait la filière habituelle; les sacs s* accumulaient; elle rem* 
plissait les procès-verbaux du parlement. Le sire d'Orval, au 
grand mécontentement du roi, chercha à en presser la solution 
pendant que son adversaire se trouvait à Naples. Engilbert 
voulait quitter l'armée, pour s'en occuper; il n y resta que sur 
les instances du roi. Au retour, il prit sa revanche; il s'attacha 
à ce gros procès avec une passion que partagea son cousin 
d'Orléans. A l'étonnement général, on vit Louis d'Orléans 
se livrer aux démarches habituelles des plaideurs, aller, de 
maison en maison, avec Engilbert, solliciter les présidents, 
les conseillers... Néanmoins, l'affaire durait encore en 1504*. 
Le duc d'Orléans revint avec le roi de Lyon à Amboise, où 
le temps se passa en bonnes chères et en banquets'. Une sin- 
gulière évolution se faisait alors dans l'esprit de Charles Ylil : 
affligé de la perte de tous ses enfants, le roi devenait pieux^ 
et chaste*. Le mal qu'il avait fait au royaume lui apparut; il 
prit la résolution de se consacrer au bonheur du peuple et 
d'exercer en conscience sa profession royale. Il ordonna de 
rechercher dans les anciennes écritures en quoi consistait son 
devoir*. Il se mit donc à toucher plus fréquemment les 
écrouelles^; il voulut rendre la justice en personne, et indiqua 
deux fois par semaine des jours d'audience où tout le monde 

l)Fr.4788, ^•98, 103. 

2) Fr. 2910, f» 80 (communiqué par M. de BoisUsIe) : cf. ms. Dupuy 570. 

3) Saint-Gelais. 

4) Il s'attacha aussi très personnellement à entreprendre la réforme reli- 
gieuse (A. Le Perron), dont le besoin devenait urfj^nt. Il reste de lui des 
lettres fort pressantes à ce sujet. Citons aussi une curieuse lettre de lui sur 
les pirateries maritimes (X** 3921,155). 

5) N. Gilles. 

6) Lettre du 30 décembre 1497, ordonnant de rechercher la forme que te- 
naient les rois pour donner audiance au pauvre peuple, et mesme comme 
Monsieur saint Loys y procedoit (Godefroy, p. 745). 

7) Cl. de Seyssel. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIIl (1495-1498) 391 

pouvait se présenter, comme aux temps où il n'existait pas 
encore de parlement*. Il étudia les problèmes sociaux. A ce 
point do vue, toutes les questions se résumaient alors en une 
seule : on se plaignait du poids excessif des aides, Charles VIII 
pensait à supprimer les aides, impôt de répartition, et aies rem- 
placer par un impôt de quotité, égal sur tous les feux, 
« tellement qu'ilz ne puissent dire que Tun soit plus riche 
(c'esl-à-dire moins imposé) que l'autre de la value de deux 
blans ». Depuis longtemps, en Normandie, on réclamait cette 
réforme, et une nouvelle assiette des feux. Aussi, Charles 
pensait commencer le travail par la Normandie, dont, pour le 
rappeler en passant, Louis d'Orléans était gouverneur. ïl 
trouvait bon aussi de faire vendre le sel au rabais : d'établir 
dans chaque ville deux ou trois échevius électifs, annuels et 
gratuits*. Rêves généreux, rêves libéraux, en tout conformes 
aux vœux de Louis d'Orléans et de Georges d'Amboiso, mais 
qui auraient exigé pour s'accomplir, une période de paix inté- 
rieure et beaucoup d'esprit de suite. 

Au commencement de juin, le roi était revenu à Lyon re- 
prendre ses étemels projets d'Italie et avait mandé Trivulce. 
M. et M"** de Bourbon, fort résolus à empêcher à tout prix 
de nouveaux armements, insistèrent pour obtenir sa visite à 
Moulins'. Le roi s'y rendit vers la fin de juin*; mais on ne 

1) Commines. Le ms. fr. 10237, î° 64, contient une réclamation présentée 
ainsi au roi « tenant, dit-il, nostre audience publique », le fonds X*» 3921 
(194) une lettre de Charles VIII (Amboise, 27 janvier) sur une plainte pro- 
duite par un pauvre gentilhomme à son audience publique. Signalons, dans 
le même fonds (161) son ordre au parlemenl de faire justice exemplaire du 
ravissement de la fille du seigneur de Soupplainville, par le seigneur de 
Chameroles (Lyon, 18 janvier). Nous avons souvent parlé du seigneur de 
Soupplainville, bailli de Montargis. La seigneurie de Chameroles, en Orlé- 
anais, appartint à Lancelot du Lac, le héros de Novare. 

2) Vadvis du Roy^ note manuscrite contemporaine (fr. 20431, f« 46). 

3) Sanuto, c. 673. 

4) Probablement il quitla Lyon le 16 juin, jour où le duc partit. On 



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392 HISTOIRE DE LOUIS XII 

put pas lui faire entendre raison. Vers le 15 juillet^il décida 
de retourner à Lyon, où Trivulce lui réclamait^ d'urgence, 
60,000 ducats pour la solde de ses troupes. Il chargea aussi 
d'une ambassccde en Savoie et en Montferrat le comte de 
Ligny, qui allait retrouver sa femme restée à Casai *. Ni M. et 
lij"® de Bourbon, ni la reine, qui se trouvait grosse encore une 
fois, ni tous les plaisirs qu'on inventa, ne retinrent le roit 
heureusement, il apprit en route que la peste sévissait à Lyon, 
et Ton obtint, par ce motif, de lui faire rebrousser chemin. 
Il retourna donc à Moulins , maudissant l'épidémie , et il 
exigea que son médecin de Lyon vint lui certifier l'existence 
d'un danger*. Cependant, il n'abandonnait pas le projet de 
descente en Italie; Trivulce écrivit à Ludovic le More, qui lui 
confiait son désir d'un arrangement, que le roi refusait '. 
L'été s'écoula ainsi, et le duc d'Orléans ne quitta pas non 
plus Moulins, où il passa fort joyeusement* et avec un grand 
train de maison* tout ce temps*. Quinze archers de sa garde Ty 

s'attendait si bien à y revenir que Louis y laissa ses gratis chevaux^ avec 
quatre pages {Tit. Orléans, 987). 

1) Sanuto, c. 689. 

2) Sanuto, c. 695. 

3) Sanuto, c. 737. 
4)Id.,c. 746. 

5) Nous le trouvons à Moulins, avec Gotereau, à la fin du mois d'août 
{Vit. Orléans XV, 987), le 12 {id., 989), le 27 (td., 994) et le 28 septembre 
(fr. 20379, p. 59). 

6) Le rôie de Ja dépense de la cuisine du duc à Moulins, le jeudi 31 août 
1497 (avec crue pour M. de Nevers et divers gentilbommes de Tbôtel du 
roi) nous est resté et présente un véritable intérêt économique. Il comprend 
quarante-deux douzaines de pain à 2 sous 1 den. la douzaine; Tachât de 
trois poinçons de vin, entamés ce jour-là, à 45 s., 45 s. et 4 liv. t. ; trois 
pièces de bœuf, 9 s. 4 den. ; un veau, 35 s. ; huit moutons et demi, 6 liv. 7 s. 
6 den. ; trente-huit livres et demie de lard, 35 s. ; douze poussins, 13 s. 6 den. ; 
vingt-neuf pigeons, 27 s. 7 den.; quatre perdreaux, 12 s. 9 den. ; quatre 
levreaux, 15 s.; deux lapereaux, 5 s.; un lièvre, 5 s. 7 den.; cinq livres de 
graisse, 6 s. 3 den.; les pieds et fraises de deux veaux, 3 s. 1 den.; deux 
boulions de bœuf, 6 s. 3 den. ; quatre livres de beurre, 5 s. ; deux collets et 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VllI (1495-1498) 393 

accompagnaient, ainsi que ses officiers, et il s'y trouvait en- 
core le 19 novembre, lorsque le duc de Bourbon présida au 
obsèques solennelles de Philippe de Savoie, père de la conr 
tesse d'Angouléme, dans Téglise des Carmes de Moulins ^ 
ne revint à Blois que pour le mois de décembre ". 

Dans ce séjour, il se lia très intimement avec le duc de Boui 
bon; leur union croissante excita la jalousie, les soupçons, le 



quatre gigots de veau, 3 s. 4clen. ; trente-neuf poulies, « baillées pour 1 
oiseaulx de Monseigneur, ce mois», 60 s. 1 den.; six pigeons, 5 s. 7 de 
ob,; vingt cœurs de mouton, 3 s. 4 Hen. 

Puis, « saulcier : verdures, verjus, vinaigre, pois, oignons, navets; 
vingt- trois pâtés; une livre de poudre blanche, un quarteron de menui 
épices, un quarteron de poivre (3 s. 1 den. ob,), cinq livres de riz (9 s. 
une livre d'amandes (20 den.); deux livres de câpres (5 s.); 5 sous < 
fruits; vingt livres dechandell»^, « baillées ce mois, pour ce que Mons< 
gneur a souppé à la chandelle, » 25 s. ; une livre et demie de cire, 7 
6 den. ; un cent et demi de basions de torche^ 15 s. t.; dix-huit livres < 
« lumignon », 23 s. 4 den. ; trois livres de bougie, 15 s. Pour l'écurie : trei 
chevaux logés aux Trois-Rois, cinq chevaux, huit mulets et quatre autr 
chevaux : « A l'osle des Trois Roys de Lyon, pour ladite despence de six ch 
vauix, qui demourerent a Lion quant mondit s' partit, durant huit jour 
argent vui liv. t. » : les chevaux portant les tasses et coupes de Téchai 
sonnerie et les broches de la cuisine ; un cheval pour l'armurier, un po 
Valentin, enfant d'honneur : vingt-buit fers, de 15 den. chacun, mis a 
mulets durant ce mois : la dépense d*un cheval portant partie de la vaisse 
de cuisine; soixante-dix-huit fers aux chevaux de Técurie du duc penda 
le mois, 12 den. chacun, et drogues, onguents, etc., pour les chevau 
six chevaux du duc, restés à Blois en février, mars, avril, mai 1494, « pe 
dant que Msr alla outre les mons... » Les dépenses de fourrière comprennen 
10 sous d*aumdne aux pauvres, des dépenses de papier et de parchemin, 
feu et la chandelle des pages, la nourriture d'une partie des oiseaux, confi 
à Ruscigny (10 l.), les dépenses de balais, de blanchissage, la dépense d 
pages restés à Lyon, 13 1. 4 s. de dépenses d'apothicaire et d'épices pour 
mois, une fourniture de fleur de farine pour la cuisine, six charretées < 
bois, un demi*cenl de fagots, le logement des laquais, la location des écuri 
du prieur de Saint-Calais ; la dépense de quinze archers de la garde, dei 
charretiers, trois muletiers, quatre palefreniers, un maréchal et un sellier. 1 
dépense s'élève à 282 1. 5 s. 10 den. {TU. Orléans, 987). 

1) Fr. 11196. 

2) KK. 897, 263; lettre datée de Montils-les-Blois, décembre 1497. 



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394 HISTOIRE DE LOUIS XII 

critiques d'une partie de la cour*, de toute la faction qui avait 
gouvernéjusqu*alors*.Des intrigues se nouèrent, Charles VIII 
semblait retomber sous le joug de sa sœur; il n'avait plus 
de raisons de quitter Moulins, où il s'amusait beaucoup, 
disaient les gens de la cour; s'il revenait à Lyon, ce serait sans 
doufe pour quelque amourette, non pour faire la guerre '. La 
guerre, Charles VIII la voulait toujours : mais, grâce à l'épi- 
démie de Lyon, on le tenait, pour ainsi dire, en charte privée; 
MM. de Bourbon et d'Orléans travaillaient à remplacer Saint- 
Malo par Tamiral de Graville à la direction des finances*. En 
revanche, il se formait un parti ou une coterie, pour ruiner 
rinfluence du duc d'Orléans. Entre le roi et lui, il y avait tant 
de causes de heurt qu'il suffisait pour les envenimer gravement 
de quelques « mauvais rapports ». On reprochait au duc son 
grand train de maison, son faste, sa garde du corps, sa géné- 
rosité *• Le point vulnérable de Louis d'Orléans, c'était l'état 

1) Saint-Gelais, 

2) Sanudo, c. 758. Une ordonnance du 9 juillet 1497 nomma le premier 
président du parlement de Bourgogne, Guy de Rochefort, chancelier, en 
remplacement de Guillaume Briçonnel (Godefroy, p, 743). 

3) Sanulo, c. 757. 

4) Id.y 788,790. — Le comte de Foix devint gouverneur du Dauphiné. 
Le conseil communal de Vienne délibéra, le 11 février 1497-1498, sur la ré- 
ception à lui faire (Giraud et Chevalier, Le mystère des trois domSy p. 887). 

5) Les dépenses de gages et pensions, s'élevant toujours, montent pour 
Tannée financière, du i"' octobre 1496-30 septembre 1497, à 15,523 liv. 
Parmi les bénéficiaires, notons M. de Foix (2.500 liv.); M. de Bussy, Tarche- 
vêque de Rouen, Opicin Caccia, « Manfray » (le comte Manfred Tornielli, 
pour 800 liv.), Georges d'Auxy, Robert d'Estaing (100 liv. de pension). 
Champdeniers (240), Ant. de Bessay, Guierlay, le bâtard Fricon, Raoulet 
du Refuge, le médecin Gabriel Bugne (100 liv.), Théligny (120), l'orfôvre 
Henri Denzen (50 liv.), le jardinier Geoffroy Cotereau (10 liv.), le fils de 
Jean Thomas (pour ses études, 42 liv.), Gilbert Bertrand (220 liv.), etc. 
(ra. Orléans, 988). Le duc faisait, en outre, pour ses affaires, un certain 
nombre de menues pensions à des avocats et à des conseillers du parlement 
(rôle d'émargement, du 3 juillet 1497, se montant à un total de 130 liv., 
avec les signatures autographes, td., 996), 



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DERNIÈRES ANNÉES DK r.irXMf.KS VIII (Ii9'i-li98) 395 

de ses rapports avec sa femme. Après s'être rapproché d'elle 
convenablement, au retour de la campagne de Naples, Loi 
manquait encore de courage. Dans sa volumineuse correspo 
dance de Lyon, nous ne trouvons la mention que d'une sei 
lettre adressée à Jeanne de France*. Il vivait absolume 
séparé d'elle*. Le roi, jusqu'à présent n'avait pas paru s' 
préoccuper beaucoup. Sous l'empire de sa dévotion nouve; 
et de suggestions intéressées, il entreprit de réconcilier Loi 
avec Jeanne. Entreprise difficile , qui devait fatalement amen 
quelque aigreur ! Le roi disait parfois à son beau-frèr^ 
« Mon frère, allez veoir ma sœur. » Parfois le duc s'exécuta 
comme du temps de Louis XL Hors de là, il s'en dispe 
sait. 

Aux approches des grandes fêtes, Charles tentait un effc 
spécial; il déléguait près du duc quelque ami de bon conse 
Georges d'Amboise, le vieux Jean Burgensis. Le lundi i 
Pâques, la veille de Noël, en 1497, il lui fit parler ainsi p 
Burgensis. « Que ferais-je? répondait Louis aux objurgatio 
du bon médecin, vous le savez bien! » Georges d'Amboî 
eut encore moins de succès; Louis l'interrompit sans se gêne 
en jurant, et l'invita à laisser là une question dont il ne vouh 
plus entendre parler*. 

Fatigué de ses déboires politiques et personnels, des dif 
cultes incessantes qu'il trouvait en toutes choses, le di 
d'Orléans se retira dans son gouvernement de Normandie, ( 
il n'avait pas paru depuis son retour d'Italie, et où Georg 

1) TU. Orléans, 976. 

2) J' anne de France vivait, de son côté, réduite à sa modeste pensio 
Le roi l'avait gratifiée, comme supplément, de l'émolument de la gabelle 
Pontoise (Reçu de Jeanne, de 892 liv. 12 s. 6 den., provenant de celte g 
belle, le 8 décembre 1497, scellé du sceau mi-parti France-Orléans, m 
Clairambault 224, n* 360). 

3) Jeanne de France, p. 241 et suiv. 



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396 HISTOIRE DE LOUIS XII 

d'Amboîse le reçut affectueusement à rarchevèché*. Il y passa 
le commencement de 1498*. 

Comme délégué royal à la présidence des États locaux de 
Normandie, Georges d'Amboise avait eu à faire voter, par 
ordre du roi, des impôts bien impopulaires; mais il dé- 
ployait, dans ces difliciles occasions, une telle science de 
persuasion, tant de bonhomie, d*onction, il parlait avec tant 
d'attendrissement de son amour du peuple, des charges de la 
province, des besoins de la frontière, des dettes du roi, qu'on 
partageait sa peine, et qu'il gagnait, môme dans ces votes, un 
redoublement de popularité. Il était personnellement très aimé ; 
son gouvernement, soigneux, libéral et plein de tact, s'inspi- 
rait de tous les principes chers aux Normands. C'était comme 
la vivante antithèse du gouvernement royal. Ordonné et mé- 
thodique, il faisait valoir avec soin les biens personnels du 
duc dans la province* ; il dissimulait Tautorité sous des dehors 
gracieux, il acceptait volontiers et étudiait les réclamations 
sérieuses. Il avait pris pour vicaire général de son archevê- 
ché et pour représentant officiel Jean Masselin, Yaigle de 
la province, le député qui représentait, avec tant d'ardeur et 
si peu de succès, aux États généraux de 1484, les idées li- 
bérales. Personnellement fort riche, Georges d'Amboise se 
montrait aussi très généreux et tout dévoué au bien public. 
Dès son arrivée à Rouen, il divisa les grands revenus de l'ar- 
chevêché et les siens propres en trois parts. Tune pour les 
pauvres, l'autre pour l'entretien ou la reconstruction des biens 

1) Gratification aux serviteurs de M. de Rouen, « en faveur du desroy 
d'ostel durant que monseigneur a esté à Rouen » {Tit. Orléans, 863). Le 
duc prenait ses repas à Thôlel de rimage-Notre-Dame {îtL). 

2) A Blois, son conseil se compose de Denis Le Mercier, Vigneron, Etienne 
de Morvilliers, Robert Bafifart, Louis de Villebr*^ sme, auditeur des» comptes, 
et Denis Musset (séance du 22 mai 1497, KK 902, f«30). 

3) Bibl. de Blois, n'> ^565. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (i 495-1 498) 397 

archiépiscopaux, la troisième, seulement, consacrée "^ "" 
tenue de sa maison. C'est ainsi que, sur le second chapitr 
ses dépenses, il donna une si vive impulsion aux arts p( 
splendide reconstruction du château de Gaillon. Honor 
tous pour la dignité parfaite de sa vie privée, estimé du 
clergé à cause de son refus de cumuler aucun bénéfice, 
influence avait promptement effacé l'ancienne popularit 
l'amiral de Graville dans la province. Il devint, en que 
sorte, le roi du pays; sa ferme résistance contre les vexât 
des gens d'armes mit le sceau à la reconnaissance publi 
et d'une commune voix on le proclama « Père de la Patrie 
c'est-à-dire, dans le langage normand, Père delà Normar 
Cette situation, cette conduite elle-même excitèrent 
cour de vives susceptibilités*. Rienii'y donnait prise. Geo 
d'Amboise, au contraire, ne se servait de son influence 
pour peser sur les électeurs et obtenir des États des vote 
vorables aux désirs du roi *. Aux élections du 17 janvier 1 

1) Jean Masselin, Chronicon Archiepiscoporum Rothomagensium 
5083). 

2) Charles VJJI perdant, successivement,, tous ses enfants en bas 
Louis d'Orléans devenait, d'ailleurs, son héritier naturel. 

3) En 1495, malgré l'opposition du parlement à Tordonnance de Plais 
Georges d'Amboise fit exécuter cette ordonnance à Rouen. La ville de F 
devait au roi une rente de 840 liv. 10 s. pour ses halles. Elle profi 
l'ordre du roi pour la racheter moyennant 10.200 liv. Par patentes du î 
vrier 1494-95, Georges d'Amboise, archevêque de Rouen, lieutenant j 
rai du roi au pays et duché de Normandie eu l'absence du duc d'Orl 
gouverneur, autorisa la ville à émettre un emprunt, pour le montant 
capital. La ville avait nommé des procureurs près de lui dans ce but 
procuration du 28 janvier 1494-95 (Archives municipales de Rouer 
no 10). Aux États du 2 mars 1495-96, Tarchevêque prononça, en faveu 
exigences du roi, un discours en deux points, qui est un modèle ^ 
quence persuasive, d'après le résumé qui nous en est resté. 11 fit 
la paix avec l'Angleterre, paix si importante pour la Normandie, la , 
du roi à Naples, la nécessité de son retour, le prix des Suisses, les i 
tions hostiles de l'Espagne et de Maximilien, les pertes du roi à For 
11 convint qu'on pouvait protester contre de nouvelles demandes d'ai 



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398 HISTOIRE DE LOUIS XII 

pour les États locaux, il ne parut même pas, et laissa agir 
Jean Masselin. 

Nécessairement au fait des difficultés do la situation, 
Masselin lint un langage irréprochable : « Il faut, dit-il en 
substance, obéir au bon vouloir du roi, à qui il appartient de 
connaître et do faire le bien de la république : le roi a envoyé 
dans ce but M. d'Orléans, qui sait mieux que personne ses in- 
tentions. Veuillez donc élire des gens sages, non séducteurs, 
dévoués au bien public. Il ne faut point de sédition : choi- 
sissez des hommes expérimentés. » Puis Masselin fournit une 
liste de candidats, qui furent élus suivant Tusage*. 

Louis d'Orléans présidâtes États... La Normandie souffrait, 
se plaignait. Le cardinal d'Amboise n'avait pas craint de 
constater franchement la crise économique. Les États dé- 
cidèrent d'envoyer au roi une délégation pour réclamer la 
diminution des tailles ^ Par suite du mécontentement, le 
vieil esprit autonomiste de la Normandie se réveillait. Comme 
dit Commincs ^ « a tousjours bien semblé aux Normands, et 
fait encores, que si grand' duché comme la leur, requiert bien 
un duc ». La cour s'émut : elle voulut rendre le duc d'Orléans 
responsable*. Le roi reçut des avis confidentiels, de « man- 
que la Bituation économique était très mauvaise : « On sait, disait-il, qu* il 
est pour le peuple », mais, dans cette circoustauce, il déclarait recoooaitre 
l'urgente nécessité d'un effort (Archives municipales de Rouen, 228, I). 
4) Arch. munie, de Rouen, 228, I, 

2) Fr. 26106, 121. Quittance de Charles de Cheppry. seigneurdudit lieu et 
de Rommilly, chambellan du roi, de 120 1. t , sur le bailliage d*Évreux, à 
lui assignées, « par Messieurs qui tindrent les Estatz du pays et duché de 
Normendye Tan quatre cens dix-huit, pour avoir fait ung voyage avecquet 
autrez déléguez dudit pays devers le feu roy Charles dernier deceddé, que 
Dieu absoille, pour lui supplier et requérir dyminucion de la taille qu'il 
pregnoit audit pays, ainssy qu*il avoit esté coiiclud aux Eslatz dudit pays 
tenus a Rouen ou moys de janvier quatre vingts dix sept. » 
. 3) Ch. XIII. 
4) 11 parait probable, étant donné le retour de Charles VUl aux conseils 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) 399 

vais rapports »... Charles fit mander les baillis de Normandie 
pour ouvrir une enquête. 

Le duc d'Orléans quilta Rouen le 3 février», pour aller re- 
trouver le roi. Sa santé était si mauvaise qu'il ne pouvait 
marcher qu à petites journées, avec d'extrêmes précautions; 
il n'arriva que le 6 février à Paris, où il s'arrêta quelque 
peu*. Il voyageait avec apparat, toujours escorté de vingt e1 
un archers de sa garde particulière et d'une suite de vingt-cinc 
chevaux et onze mulets. Plusieurs gentilshommes de la maisor 
du roi le suivaient». Il fit un nouveau séjour à Moulins avec 



de sa sœur, qu*une partie des avis donnés au roi pour sa conduite er 
général, et plus spécialement envers le duc d'Orléans, émanaient de Madam< 
de Bourbon elle-même. Nous avons vu combien, lors de sa régence, ell( 
avait énergiquemenl tenu au maintien des rapports de Louis d^Orléans ave< 
sa sœur Jeanne, combien peu elle avait apprécié, en 1484, Masselin et 1( 
parti libéral. Ses avis durent servir de canevas aux intrigues contre le duc 

1) En quittant Rouen, il fait les dons suivants : a A ung menuysier qu 
a fait unecheze pour monseigneur, a tenir les estatz a Rouen, argent xxiii s 
— A ung medicin de Rouen, qui a guery et gouverné Comminge, pagi 
de monseigneur, qui estoit malade... (d'une maladie honteuse), argent vu 1 
V s. t. — A monseigneur, pour offrir devant Nostre Dame de la Rotonde di 
Rouen, argent xxxvi s., m d. » {TU, Orléans, 999). 

2) KK 897, 274 : lettres de Paris, contresignées Cotereau. 

3) Il vint à petites journées. Le samedi 3 février, il partit après dîner 
soupa et coucha aux Andelys à l'hôtel du Bratz-cTOr; on mangea cin 
quante-six douzaines de pain, trente-deux livres de beurre, trois cent cin- 
quante œufs, deux cent cinquante harengs et quantité de carpes, brochets 
anguilles, lamproies, etc. {TU. Orléans, 863). La dépense est de 109 livres 
Le dimanche 4, il dîne aux Andelys, soupe et couche à Magny; le lundi 5 
il dîne à Magny, soupe et couche à Pontoise {Tit, Orléans, 999, 1000 : dé- 
penses de ces deux jours, 54 livres 7 deniers et 48 livres 15 sous). Les 
habitants de Pontoise lui offrent deux poinçons de vin. Ce jour-là il a, danî 
sa suite, vingt-trois chevaux et douze mulets. La dépense du 4 est d( 
54 livres 7 deniers, celle du 5 de 48 livres 15 sous, sans compter la dépense 
de Salomon de Bombelles portée à part, y compris diverses dépenses extra- 
ordinaires. Louis donne partout de larges pourboires. Le 5, on consomme 
un quartier de bœuf, un veau, six moutons et demi, dix-sept chaponS; 
quatre perdrix, deux bécasses, trois conninSy trois chevreaux, vingt et une 
livres de lard à larder, deux livres de lard « à potage ». 



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400 HISTOIRE DE LOUIS XII 

le roi, très court cette fois. IJ voulut suivre Charles VIII sur 
la route de Lyon, où Ton préparait encore uue expédition sur 
Naples *. En passant à La Palisse, il éprouva une faiblesse 
et dut s'arrêter; on lui envoya un médecin en toute hâte. 

Charles VIII ne se portait pas beaucoup mieux *. Au retour, 
le duc le suivit jusqu'à Bourges. Leur mésintelligence allait 
croissant. En traversante Nivernais, les princes s'arrêtèrent 
chez Claude Legroin*. Charles VIII, devant le duc d'Orléans 
et le sire de Polignac, lisait pieusement un livre de confession : 
tout d'un coup, il s'arrêta, et, montrant au duc le chapitre de 
la Luxure : « Mon frère, dit-il, ce livre parle bien à vous ». 
Le duc repartit en termes amers, grossiers même, qu'il n'en 
serait pas ainsi si on lui donnait une autre femme. Le roi 
devint tout rouge, fit un geste de courroux, puis il se retint 
et baissa la tête ^. 

De tels rapports devaient amener un éclat. Le roi, cédant aux 
suggestions de Ludovic le More, voyait dans le duc d'Orléans 
et Trivulcel'obstacle^à sa réconciliation avec Ludovic ; il se ré- 
solut à les sacrifier. Malgré les protestations de Louis et du 
cardinal d'Amboise% on se sépara entrés mauvais termes. Le 
roi rentra à Amboise ; le duc se retira aux Montils-ies-BloiSy 

1) Charles VIII annonça à Trivulce son arrivée à Asti pour P&ques en 
termes si formels que Trivulce abandonna le projet d'aller à Musocco re- 
joindre les Suisses avec lesquels il avait passé un traité personnel d'alliance 
(Rosmini), traité, du reste, qui cadrait mal avec le rapprochement du roi et 
de Ludovic. 

2) « Primam adolescentiam Caroluscum parum caste egissel, vires ilîi inta- 
buerant ila ut ante paucos menses quam moreretur macilentia extenuatus 
atque efîœtus effeclus; preteritas intérim detestari voluptates» (R. Gaguin, 
Super Franc, Gestis) . 

3) Un nommé Guérin le Groin, très connu alors, avait été bailli de Saint- 
Pierre-Ie-Moutier (Jean de Troyes). 

4) Jeanne de France^ p. 246. 

5) Saint-Gelais. Cf. dans Joursanvault, no 404, mention d'une ambassade 
du duc d'Orléans en Lombardie, en 1497. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES YllI (1495-1498) 401 

près de sa femme, fort meurtri, n'osant plus paraître devant 
le roi, voyant ses amis en disgrâce et attendant lui-même d'un 
instant à l'autre un ordre d'exil*. Ses ennemis à la cour chan- 
taient victoire et, selon l'expression de Saint-Gelais « rom- 
paient les oreilles du roi » de ses méfaits : c'était le bruit 
commun qu'il « se tramait » contre lui « quelque chose de 
sinistre » ; le roi devait « lui oster ses archers et ses gens, 
et l'envoyer ailleurs, et M^f'de Rouen à Romme* », après les 
fêtes de Pâques. Le lundi 2 avril, Trivulce reçut du roi l'ordre 
de quitter Asti et son service : une lettre du duc d'Orléans 
au trésorier d'Asti confirmait la disgrâce *. 

Depuis quelques jours, Charles VIII se trouvait souffrant; 
ses médecins, constatant des tendances à la congestion, l'en- 
gagèrent à des précautions II n'en fit rien; le matin du 
7 avril, samedi, veille de Pâques-Fleuries, il alla à la chasse, 
revint tard, se fit laver la tête, dîna*, monta chez la reine et 
descendit rapidement avec elle dans une vieille galerie aban- 
donnée du château d'AmboiseS où était provisoirement ins- 
tallé un jeu de paume, et que la reine ne connaissait même pas. 
En y entrant, il se frappa la tête contre le dessus de la porte, 
qui était très basse. Il ne s'en plaignit point et regarda jouer, 
en causant : « Il espérait, disait-il^ ne plus jamais commettre 
de péché, véniel ni mortel, s'il pouvait. » Comme il pro- 
nonçait ce mot, il tomba à la renverse, et perdit la parole. 

1) Il était aux Monlils le 3 avril, et Jean de Louan, gouverneur d'Orléans, 
son ancien conseil de la guerre de Bretagne, était de nouveau son principal 
conseiller (KK 897, 256 v°). Ce même jour, 3 avril, il obtint du roi un rem- 
boursement de 5,000 livres « sur ce que luy prestasmesa Verseil, el ce oultre 
autres sommes dont il nous a nagaires fait appointement » (fr. 20379, 
p. 60). Le 2 février il avait louché 22,000 livres, moitié de sa pension [id.), 

2) Jeanne de France, p. 243, 246 ; fr. 19602. 

3) DaFaullo (qui était alors à Asti et se dit témoin ocula're). 

4) Burchardi Diarium, t. II, p. 456 : Commines. 

5) Appelée Hacquelebac ou Hacquelebant, du nom du capitaine que nous 
avons cité plus haut (p. 4). 

III 26 



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£02 HiSTome de louis xti 

CoUe scène se passait vers deux heures après-midi. La reioe ci 
tous les assistants s'empressent; on porte le mourant sur une 
paillasse, dans cette galerie malpropre, ouverte atout venant. 
Il fallut entraîner la reine dans sa chambre, presque de force. 
Les médecins accoururent; ils déclarèrent le mal sans remède. 
A peine le roi parut-il, deux ou trois fois, recouvrer la parole; 
on l'entendit alors balbutier quelques prières à la Vierge, à saint 
Claude, à saint Biaise. Il expira* vers neuf heures du soir*. 

Louis d'Orléans était roi*. C'était le 7 avril 1498; 7 avril 
1497, selon le style français contemporain, l'an 5459 de la 
création du monde selon les uns^, 6899 selon les autres*. 

Rarement vit-on un deuil semblable. La soudaineté du 
coup sous lequel succombait un prince de vingt-sept ans, le 
brusque changement qui en résultait, les sages dispositions 
récemment marquées par le feu roi^ sa loyauté, sa générosité, 
sa bonté vraiment rare et parfaite, tout s'unissajt pour arra- 

{) Charles VlII mourait d'une altaaue d'apoplexie (ou catarrhe), d*aprèa 
i^unanimité des témoignages (Commines, Guichardin, Michel Ris {De regibw), 
Burchard, Jean Bouchet, Jean de Sainl-Gelais, Octoviea de Saint-Gelais, 
Cronaca di Genova, di Aless. Salvago, publ. par Desimoni, p. 79 ; lettre de 
Du Bouchage, citée par M. de Mandrot, Ymbert de Batarmiy^ p. 208). L'his- 
torien de Bayard et Nie. Gilles «parlent d'une « faiblesse, » sans préciser. 
J. de Saint->GeIais affirme que l'attaque eut lieu instantanément après le 
coup. Commines dit, au contraire, que le roi ne cessa de causer, il cite ses 
paroles ; son récit recueilli deux jours après, à Âmboise même, paraît plus 
digne de foi qu'aucun autre. Cependant les Vénitiens affectèrent de la mort 
du roi une joie tellement vive qu'on les accusa de l'avoir empoisonné. On se 
rappela même que, peu avant l'accident, Charles VIII s'était approché un 
fruit du Midi, une orange, du visage... (Lamansky, Secrets d'état deVeniêet 
p. 300). Aussi Belleforest attribue sa mort à « une orange empoisonnée. » 

2) Ystore Anthonine (fr. 1371, f> 293) : Commines. « Infra octo horaa », 
dit le Diariim de Burchard. La lettre officielle de Louis XII à la reine de 
Castille (H. de la Perrière, Le XVh siècle et les Valois, p 4), porte « 1 heure 
du soir », d'après M. le comte de la Perrière. 

3) Commines. 

4) Jules Tahoei, Hislorica fmnciœ regum genesiSj^éSi (Lyon, 1560, in«4*). 

5) Ystore Anthonine. 



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DERNIÈRES ANNÉBS DE CHARUSS Vm (1495-1498) 403 

cher dea larmes. On oubliait les défauts de celui qu'on pleu- 
rait. A aucune époque la France ne se montra aussi docile^ 
aussi fidèle, et ne se solidarisa autant avec son roi qu*à la fin 
du XY* siècle. La mort du roi, c'était le deuil de tout le monde. 

Dès qu'il eût expiré, ses chambellans lui rendirent les der- 
niers devoirs, établirent son corps sur un lit de parade : les 
chanoines de Saint*Florent dlAmboise, les cordeliers et 
surtout les Bonshommes^ ces fils spirituels de François de 
Paule, protégés du roi qui leur avait donné leur couvent d'Am- 
boise, se relayèrent au chevet, pour y réciter des prières. 

Au premier bruit de l'accident, Louis d'Orléans vint à Blois. 
Il y reçut coup sur coup des nouvelles par divers chevaucheurSy 
et, enfin^ dans la nuit^ il apprit que le roi n'existait plus. A 
cet avis, le duc sanglota et se répandit en louanges du défunt \ 

Naturellement, « tout homme courait vers le duc d*Or* 
léans * ». Le ch&teau de filois se vit assiégé dès l'aube par une 
foule de solliciteurs, désireux, les uns de ne point sortir des 
offices et pensions, les autres d'y entrer. Le sire du Bou- 
chage, Tun des premiers arrivés^ fit au château u récit de 
toutes les choses comme elles estoient advenues ', » 

Durant la nuit, des chevaucheurs d'écurie partirent dans 
toutes les directions porter aux commandants de forteresses 
l'ordre de « tenir bon et de faire bonne garde ». 

Louis éprouvait une vive émotion, car Charles VIII avait 
le don de se faire aimer, et ceux même qui pouvaient se 
plaindre reconnaissaient sa douceur et sa droiture d'inten- 
tions^. Il courut à Amboise dès le matin, en témoignant un 
grand chagrin i on le regut comme le roi. Il monta à la chambre 

1) SaÎDt-Gelais. 

2) Commines. 

3) Maadrol, (mvr. cité, p. 207. i . 

4) Gommioes. . t 



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404 HISTOIRE DE LOUIS XII 

de parade, à Tentrée de laquelle il fit une grande révérence; 
après avoir jeté de Teau bénite sur le corps et dit une prière, 
il se retira*, en pleurant « moult chauidement*». U ne voulut 
pas se présenter chez la reine ', qui se trouvait dans un état de 
douleur et de prostration complètes : Anne de Bretagne était 
accroupie par terre, refusant obstinément toute nourriture 
depuis vingt-quatre heures, et faisait mal à voir. Louis d'Or- 
léans envoya pour la réconforter M. de Saint-Malo, fort incon- 
solable, lui aussi, de la mort de son maître, et Tévêque de 
Condom, Jean de la Mare, personnage universellement es- 
timé pour son talent d'orateur et sa sainteté. Saint-Malo 
fondit en larmes, à la vue de la reine. La malheureuse femme, 
qui restait veuve, sans enfants et sans parents, isolée dans le 
monde politique, à vingt ans, se jeta dans ses bras, et ils con- 
fondirent leurs sanglots. Jean de la Mare Texhorta douce- 
ment au courage; il la décida à accepter quelque nourri- 
ture*. 

Louis d'Orléans résolut de donner aux obsèques du roi une 
solennité sans pareille. Après avoir passé la journée à Am- 
boise et veillé aux mesures les plus urgentes •, il revint au châ- 
teau de Blois. C'est là que, le lendemain, lundi de la Passion, 
9 avril, la garde royale® et une nombreuse réunion où Ton 
voyait des seigneurs, des courtisans, des personnes accourues 
des points les plus divers, le saluèrent roi de France '. 

i) Saiut-Gelals. 

2) Cl. de Seyssel, Hi$t. singulière du r&y Louis XII, Paris, 1587, p. 46. 

3) Saint-Gelais dit, au contraire, qu'il s'y présenta, « en s'offrant à elle ». 
Saint-Gelais confond certainement avec la démarche, toute courtoise et mieux 
placée, que Louis fit, auprès de la reine veuve, quelques jours plus lard. 

4) Gohori, P» 38 : Brantôme : Le Ferron. Ce dernier reproduit même un 
long discours, fort ampoulé, qu'il prête à Jean de la Mare. 

5) Saint-Gelais. 

6) Guichardin. 
7} Sanuto* 



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Oooaïp 



DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) 40S 

Il resta à Blois jusqu'au 17 avril/ , plongé dans le grand 
labeur des premiers moments, et, plus d*une fois, pendant ces 
jours, il fil la rouie d'Amboise. De là il se rendit à Orléans \ 
pendant les obsèques du roi. Il tint à rester duc d'Orléans 
jusqu'au jour où le cercueil de Charles VIII disparut dans le 
caveau de Saint-Denis. 

Charles YIII laissait ses finances dans le plus complet dé- 
sordre'; les comptes de la maison royale pour 1493 et 
1496 n'étaient pas réglés; les dettes les plus urgentes de 
ladministration intérieure restaient en souffrance, au grand 
détriment du service* ; les comptables à tous degrés se relà' 
chaient de la régularité des écritures* ; le roi n'obtenait d'ar- 

1) Pour le 9 et le 10, V. Saint-Gelais ; pour le 11, M. de la Perrière, Le 
JV/o siècle et les Valois, p. 4; pour le 13, OrchnnanceSf t. XXI, p. 21; le 
14, Godefroy, Histoire de Charges VIll, p. 746. Le 15 était le jour de 
Pâques. Pour le 16, Gozzadini, Memorie, doc. 67, Desjardins, Négociations, 
t. II, 12. Pour le départ du 17, lettre dT, de Batarnay, publiée dans nos 
Procédures politiques du règne de Louis XI I, p. 11. '/S. 

2) Claude de Seyssel dit qu'il fut à Amboise encore le 9; une lettre de 
lui à Isabelle la Catholique, pour annoncer son avènement et la mort de 
Charles VIII, est datée d*Escures, près Blois, le mardi 11 avril. Cette lettre, 
qui appartient au Briiish Muséum (fonds Egerton), a élé publiée par 
MM. Leroux de Lincy {Vie d'Anne de Bretagne, t. III, p. 103), et de la Per- 
rière (à rindication ci-dessus), mais avec quelques erreurs. Au lieu d*£s- 
cures, M. Leroux de Lincy a lu Esvrey, et traduit Évry : M. de la Perrière 
a reporté cette lettre à une autre année que 1498. Il est à remarquer, du 
reste, que le 11 avril 1498 était un mercredi et non un mardi. Il est fort 
probable que la lettre préparée le mardi en chancellerie ne put être signée 
qu'à la hâte le 11 par le roi, en passant sur la route d' Amboise, à Escures, 
simple lieu de relai, où il ne séjourna pas certainement. 

3] Dans sa détresse financière, il avait cependant fait équip>er à nou- 
veau, de la façon la plus luxueuse, avec des garnitures d'orfèvrerie dorée, 
les deux cents archers français et écossais de sa garde (ms. Clairambault 224, 
n** 359). 11 avait appointé à Alain d'Albret 24,750 liv., en Bretagne, en Lan- 
guedoc et à Nar bonne (reçu d'Alain, du !•' mars 1498, it^., n® 362). 

4) Fr. 3087, f^ 94; fr. 2926, f" 71 et suiv.; fr. 2914. 

5) La commission judiciaire instituée en 1485 pour la réformation de la jus- 
tice en Languedoc n'avait pu être remboursée même de ses frais (Reg. des 
Etats du Languedoc, en 1502). 



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406 HISTOIRE bfc LOtld ttl 

gènt qtie par des emprunts ou des impôts forcés, au jour le jour. 
Éprouvés par un hiver très rigoureux, las d'une luUe si rude, 
les paysans saluèrent la mort du roi, que pleuraient les cour- 
tisans, comme le signal d*un affranchissement des tailles'. On 
vit les paysans de TAunis organiser sur l'heure un vaste com- 
plot, pour ne plus payer aucun impôt jusqu'à la fin de Tannée» 
et, s'il le fallait, résister par la force aux sergents des élus*. 
Et cependant le trésor royal se trouvait vide, au point de ne 
pouvoir faire face aux obsèques ordonnées par Louis XII : le 
nouveau roi se chargea de les payer sur ses biens patrimo- 
niaux' ; dès son arrivée à Blois, il écrivit aux gens des 
Comptes de Paris, qu'il voulait « sur toutes choses » qu'on dé- 
ployât le plus d'honneur et de solennité possible aux obsèques 
de son « très cher seigneur et frère le roy* »- 

Louis XII chargea Louis de la JrémoïUe de conduire le 
deuil , comme premier chambellan, avec toute la maison royale, 
et le cardinal de Giirck, Raymond Péraud, si attaché à 
Charles VIII, d'officier avec huit ou dix évéques ; dans les 
villes situées entre Amboise et Saint-^Denis, et finalement à 
. Notre-Dame de Paris, on devait célébrer, par de pompeux ser- 
vices, le passage du cortège. Le roi fit plus ; il envoya des 
chevaucheurs commander des services dans les principales 
églises du royaume ^ 
Frère Laurent Bureau*, provincial des Carmes deNarbonne, 

1) Fr. 26108, 460. 

2) JJ .230, f^ 71. 

3) Saint-Gelais : Cl. de Seyssel, Les louangeê du roy Loys XU^, p. 134 
Cf. un paiement de 2,000 livres à Pierre Fauchet, pour les obsèques de 
Charles VJII, le 20 septembre 1498 (Catal.Joursam,, 203). 

4) Portef. Fontanieu : Qodefroy, p. 746 : Ordonnances, XXÎ, p. 21, n. 3. 

5) Ordre envoyé au Puy, où on les célébra en grand apparat. V. la des- 
cription dans le Liber de Podio, d'Ët. Médicis (publié par Chassning, 1,266}. 

6) C'est par erreur que Commines indique à deux reprises Jean de Rély 
comme confesseur du roi. Jean de Rély avait cessé de remplir oêl olfioe. 



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DERNIÈRES ANNÉB8 DB CHARLES V»I (1495-1498) 407 

confesseur de Charles YIII, resta confesseur de Louis XII et 
reçut de larges gratifications '* 

Le grand écuyer Pierre d*Urfé, chargé d'organiser les céré- 
monies, comme il convenait à sa fonction, élabora une ordon- 
nance, qu'il fit imprimer, pour guider chacun des participants», 
fixer la tenue, les préséances, Tordre de marche de chacun. 
Les obsèques de Charles YIII no coûtèrent pas moins de 
45^000 livres : mais elles sont restées comme un type de la 
pompe d'une cérémonie de ce genre '. 

Au bout de quelques jours, le corps du roi remplaça son 
effigie dans lachapelle ardente; on le couvrit d'un poêle de drap 
d*or, à croix blanche, à bordure d'hermine et de velours rouge 
fleurdelisé, avec un dais de velours noir à croix blanche ; les 
insignes de la royauté posé^ sur le cercueil. La porte était 
ouverte; tout le monde pouvait entrer, les diverses églises 
se relayaient pour chanter des offices. 

On transporta enfin le corps à l'église Saint-Florentin, où eut 
lieu le premier service, le mardi do Pâques, avec un apparat 
sans égal. Vingt-cinq messes furent célébrées à la fois, tandis 
que, détail touchant, la confrérie Saint-Nicolas célébrait aussi, 
suivant sa coutume, uu service pour le confrère royal trépassé. 

1) K. 77, n» 25. Vincennes, 14 mai i498. Patentes donnant à frère Lau- 
rent Bureau, pour services rendus à Charles VIII et au roi dépuis son avè- 
nement, « le revenu, proHl et émoluments de nostre bourse ordinaire », et la 
■moitié des collations '< que nous avons le dro't de prendre en nostre chancel- 
lerie », comme s'il était notaire-secrétaire du roi (expéd. d*un vidimus de 
.Lyon, 4 déc. 1503). 

2) Ordonnance faille par messire Pierre Darse (Durfé) pour lenterrement 
du corps du bon Roy Charles huyliesme, s. I. n. d., in-4«, 42 feuillets ; pla- 
quette rare, dont un exemplaire se trouve dans un recueil delà Bibliothèque 
Sainte-Geneviève, aux armes du président De Thou : réimprimée en 1874 
(Paris, in-12), et dans les preuves de VHistoire de Charles VUL 

3) y, le long récit donné par Gaguin, livre XI; la Mer des Histoires; le 
Cérénonial françois; Godefroy, Hist. de Charles VIII, p. 753; fr. 4339. 
.4340, 4341, 4317, !• 35, etc.; le récit du greffier du parlement (cité pa^ 
M. de Mandrot), X<a 1504, les 21, 29 avril et 17 mai 1498. 



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408 HISTOIRE DE LOUIS XII 

La ville et la confrérie voulurent escorter, avec des torches et 
des bougies, le corps de Charles VIII depuis sa sortie du châ- 
teau jusqu'en dehors des faubourgs *. 

Nous ne décrirons pas en délail Tordre du cortège officiel. 
Vingt-quatre officiers portaient le cercueil, avec vingl-quatre 
archers de la garde, torches en main. Après la levée du corps, 
faite par le cardinal de Giirck, quatre évéques et bon nombre 
de religieux, s'ébranla la longue suite des huissiers du roi, 
trompettes, hérauts, sergents, rois d'armes, maîtres des 
requêtes ; le grand écuyer portant Tépée du roi : le clergé : le 
corps, entouré de quatre cents pauvres en deuil avec des 
torches : les princes du sang et une foule d'officiers ou de 
seigneurs, évalués au chiffre de sept mille ». 

MM. du Bouchage, de Piennes, de.Vesc, du Moulin, comme 
chambellans, portaient les quatre coins du poêle d*or. Quatre 
autres personnages, MM. de Mauléon, de^ Montauban, de 
Rochetort, de Ravel, portaient les coins d'un autre poêle de 
velours noir. Vingt-quatre Suisses, armés de hallebardes, 
escortaient les princes du sang'. Claude de la Châtre tenait 
le guidon du roi, roulé autour de la lance. 

Sur les routes que devait suivre le cortège, toute circulation 
était suspendue deux heures d'avance. Vingt-quatre archers à 
cheval s'en allaient attendre l'arrivée du cortège à l'entrée de 
chaque village et Tescortaient avec des torches jusqu'à l'église, 

1) Invent, des archives (VAmboiset par M. Tabbé Chevalier. CC 113,200. 

2) L'ordre et pompe des obsecqucs et funérailles du Roy Charles huiliesme^ 
nos.» orig. contemporain, fr. 4339, f^* 1-9. Ce récit, inédit, donne des détails 
que l'on ne peut naturellement trouver dans l'ordonnance de D*Urfé, préalable 
à la cérémonie,.. 

3) En Tabsence du roi, les princes du sang n'étaient représentés que par 
lé jeune comte de Montpensier, et par les jeunes comtes de Guise (de la 
maison d*Armagnac), et de Dunois, le sire d'Avesne (fils aîné du sire d'Albret), 
le duc d'Albanie (de la maison royale d'Ecosse). Le duc de Bourbon ne les 
suivit pas. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIU (1493-1498) 409 

OÙ se faisait un^e' halte, pour une cérémonie réglée d'avance, 
avec une lenteur majestueuse. 

Le cortège arriva le samedi 20 avril à Notre-Dame de Cléry ; 
il y passa la journée du dimanche, pour le service solennel, 
et en repartit le 22 «. Charles VIII était resté fidèle au culte 
de son père pour l'église de Cléry, qu'il avait, lui aussi, enri- 
chie des témoignages de sa dévotion *. On y laissa son ccèur, 
déposé dans un petit coffret de plomb^ sous les dalles, en face 
du tombeau de Louis XI *. 

On arriva le 28 à Notre-Dame-des-Champs, près Paris. Une 
grande plateforme était dressée, où l'effigie de Charles VIII, 
le visage moulé d'après nature, la couronne en tète, Vordre au 
cou, le sceptre en main, avec des bijoux et tout le costume 
royal, était étendue sur un lit de parade, richement drapé de 
drap d'or et de velours noir et bleu. 

Des gens de la cour passèrent la nuit autour du catafalque. 
Sur le long parcours qui s'étend de Notre-Darae-des-Champs à 
Notre-Dame, le service d'ordre fut admirablement organisé et 
assuré par des conducteurs. Dans toutes les églises de Paris^ 
les chantres et les attachés de la chapelle royale avaient veillé 
à la pompe des ornements et des autels. Les personnes du cor- 
tège trouvèrent leurs logis apprêtés, comme si le roi vivait 
encore*^ 

Le 29, lorsque Timmense procession se mit en marche, corn* 
prenant tout ce que la capitale comptait de corps organisés, 
parlement, université, corps municipal, etc., la foule remar- 
quait particulièrement les torches à deux écussons fleurçldîsés 
portées par des pauvres, les postes et messagers du roi, la 

1) Lettre de Du Bouchage, de Cléry le 22, publiée par M. de Mandrot.. 

2) Lai. 17138, (* 30. 

3) Recherches historiques faites dans Céglise de Cléry y par M. le comte 
de Balby de Vernon, Mémoire lu, le 17 avril 1873, à la réunion des Sociétés 
Savantes, à la Sorbonne. 



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410 HISTOIRE DE^LÛUIS XII 

'garde du Corps, les Suisses, les enfants d'honneur du roi, le 
maître d'hôtel Chateauvieux sur une mule à la tête de la mai- 
son; Télendard de guerre du roi.... Le corps était traîné dans 
un chariot à six chevaux, couvert d*un poêle de velours noir et 
d'un poêle de drap d*or, à lambeaux^ carrés, en velours noir 
"tissu de fleurs de lis et en hermine. 

Le prévôt de Paris, puis divers grands seigneurs portèrent 
successivement Timage du roi, «pourtraîcte au plus près du 
vif », sur un brancard, couvert d'une toile de Hollande très fine 
traînant jusqu'à terre. Les poêles de drap d'or, de velours, 
excitaient l'admiration. La tête et les pieds de l'image repo- 
saient sur des oreillers de drap d*or; on voyait à ses pieds de 
superbes brodequins de soie bleue à fleurs de lys ^ ; on aper- 
cevait une robe de salin cramoisi frangée d'or, passant sous 
une autre robe de satin, enveloppée elle-même du manteau 
Toyal de velours doublé d'hermine, qu'attachait sur l'épaule 
une agrafe d'or florentin. Les quatre présidents du parlement, 
vêtus d'écarlate, soutenaient les coins du poêle. 
' Les religieux de Saint-Denis, après l'office do Noire-Dame, 
vinrent recevoir le cortège en grand apparat ' jusqu'à l'endroit 
appelé la Croix du Grand Chemin . La cérémonie de Saint-Denis 
eut lieu le 1*' mai, selon les usages r le cardinal de Luxem- 
bourg dit la messe. Jean de Rély, évêque d'Angers % prononça 
Toraison funèbre, au moment de la descente du cercueil. La 

1) D*ordinaire, les semelles de Veffigie étaient de salin cramoisi, et non 
bleu-de-ciel fleurdelisé (Berihevlnf Recherches sur les derniers jours des rois, 
p. 193). 

2) Sous la oonduite de Tabbé de Fécamp, leur abbé commendalaire, 
révoque de Lombez (Villiers de la Groslaye) étant ambassadeur à Rome. 
Le .2 mai, le pape célébra à Rome le service funèbre habituel et dotina 
lui-môme Tabsoule (Burchardi Diarium, p. 460). Le 10, eut lieu à Saint- 
Louis des Français Un service solennel^en présence de cinq cardinaux et des 
ambassadeurs de France, d'Allemagne, de Savoie* 

3) Philosophe, théologien, orateur éloquent, Jean de Rély était, en 1480, 



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DERNIÈRES AKNÉES DE CHARLES Vllt (1495-1498) 4iï 

descente eut lieu avec le cérémonial habituel. Led serviteurs 
du feu roi vinrent, sur Tappel des hérauts d'armes, défiler 
devant le tombeau et remettre leurs insignes ; les ùiaitres 
d*hôtel jetèrent leurs bâtons, les sergents d*armes • leurs 
masses. On abaissa dans la fosse le guidon du roi et le grand 
étendard de France. D'Urfé mit à terre Tépée royale. .r 

A ce moment, éclata dans la vieille basilique un gémissement 
général. L'émotion était telle que deux des serviteurs de 
Charles VIII (un archer et un sommelier) moururent de sai- 
sissement ^ L'instant parut terrible. Tout à coup, les hérauts 
crient : « Mort est le Roy Charles ! Vive le Roy Loys • ». 

Le vieux d'Urfé, fort cassé par la goutte et par les ans, 
saisit l'épée royale, la tire du fourreau et la brandit^ au cri 
de : « Vive le roi ! » L. de la Trémoille lève Tétendard français 
très haut. Une acclamation formidable, éclatante, remplit les 
voûtes séculaires : « Vive le roil ' » Une nouvelle France, 
une France jeune, forte, virile, semblait sortir de ce tombeau 
prématurément ouvert, par un miracle analogue à celui 
du Christ, ressuscitant glorifié au lendemain de son sup- 
plice ! 

Louis XII n'assistait pas à cette assemblée, où parut, 
d'une manière si poignante, parmi tout ce que la nation comp- 
tait d'illustre, l'identification profonde de la Franco avec la 
royauté. Il était resté à Orléans, d'où il assista très probable- 

m chappellain et domesticque » de Tévéque d'Amiens, Louis de Gaucourt, 
comme il le dit lui-môme dans une dédicace de son Livre des trois vœux de 
religion (fr. 1896, f» 93 v*), lifre qu*il écrivit à Orléans. Il devint confes- 
seur du jeune Charles YIII et exerça cette charge pendant la période de la 
guerre de Bretagne. Il devint ensuite doyen de Saint-Martin de Tours, puis 
évéque d'Angers. Il* mourut le 27 mars 1499(V. son épitaphe, qui résume 
sa carrière, dans le Recueil d'épitaphes de Clairambault, f» 26, ms. 941). 
i) Procès-verbal du parlement. 

2) Saint-Geiais. 

3) Gaguiu. ' . : . . 



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412 HISTOIRE DE LOUIS XII 

ment au service de Cléry, avec le duc Pierre de Bourbon*. 

Cette grande cérémonie , malgré les précautions minu- 
tieuses de D'Urfé, ne se passa point sans difficultés de toute 
sorte. Le 28 avril, il avait fallu, à la demande des intéressés. 
Vérifier les privilèges de préséance présentés par chacun. On 
avait répandu dans la ville un ordre de cérémonie, qui causa 
une grande rumeur dans TUniversité, parce quUl paraissait 
contraire à son rang traditionnel. L*Université convoqua les 
imprimeurs pour savoir de qui émanait cette pièce exécrable ; 
personne n'ayant osé en avouer la paternité, elle la fit solen* 
nellement brûler durant les obsèques •. A l'entrée de Notre- 
Dame, Tévèque de Beauvais, comme pair de France, protesta 
violemment contre le rang qu'on lui assignait parmi les autres 
évêques : D'Urfé s'interposa pour éviter un éclat, mais 
Tévèque fit dresser procès-verbal de ses protestations'. 

D'Urfé aurait désiré que l'honneur de tenir les coins du 
poêle revint, en partie, à quelques-uns des principaux person- 
nages de la cour : le Parlement s'y opposa formellement et en 
revendiqua pour ses présidents seuls tout l'honneur. Mais la 
basilique de Saint-Denis fut le théâtre de la scène la plus 
scandaleuse, qui eut pour héros D'Urfé lui-même. Sitôt la 
cérémonie achevée, le grand écuyer fit enlever par ses gens 
tout ce qui se trouvait sur le cercueil du roi (où il ne laissa 
que le drap de l'église), c'est-à-dire les poêles d'or, de velours, 
d'hermine, le ciel de drap d*or^ les écussons, le lit, la toile de 
Hollande, la poriratcture du roi, robes, manteau, collier, cou- 
ronne, sceptre, etc.. Toutes ces dépouilles, suivant lui, for- 
maient le bénéfice de sa charge. Les religieux de Saint-Denis 
y mirent opposition, au nom de l'abbaye : il en résulta un 

1) Saint-Gelais. 

2) Du Boulay, Historia UniversUatis Parisiensis. 

3) Reg. du Parlement : ext. fr. 4340, P» 33, Jr. 4339, etc. 



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DERNIÈBES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1 49£ 

procès^ qui ne se dénoua qu en juillet 1501, par la 
nation de d'UrféV 

Les courtisans^ venus d'Amboise à la suite du corj 
maitre, ressentaient, en réalité, plus d'inquiétudes 
situation, et de fatigue physique, que d'émotion. I 
nourri des bienfaits de Charles VIII et même de : 
éprouvait la terreur d'une réaction qui semblait ic 
« Fettes bien garder les portes de noz maizons, affin 
ques mauvais garssons n y entrasset pour nous pilli< 
Du Bouchage à sa femme le lendemain de la céréi 
guise d'oraison funèbre. 

A rissue des obsèques^ le dîner funéral d* usage 
parlement et les officiers de la maison royale, dans 
Du Palais. Le cardinal de Gûrck dit les grâces^ et 
Chaumont prononça le licenciement de la maison, 
d*une tristesse générale. 

C'est un statuaire italien, Paganini, de Modem 
chargé de l'érection du magnifique mausolée de Chf 
à Saint-Denis ; on plaça Charles YIII près du toi 
Carloman, avec une épitaphe emphatique et très lous 

1) K 76, 21-23 : X«* 1506, f» 167 r : Félibien, EisU de Si 
p. 371. 

2) Ce grand rassemblement devint encore Toccasion d'un crimi 
maison mal famée, rue des Graveliers, à Paris. Après l'enterrem 
et après souper, un archer de la garde royale française (compagi 
étant allé, avec des valets de pied du roi, dans cette maison vo 
nommée Collette Culdebuchette, s'y prit de querelle avec un serg 
du Châtelet qui s'y trouvait ; Tarcher fut grièvement blessé, le » 
(JJ 230, 23 v^). 

3) Mandrot, p. 212. 

4) Ce beau monument était un tombeau de marbre noir surt 
statue de bronze de Charles VIII à genoux, en habits royaux ; 
coins, quatre anges de bronze doré tenaient les armoiries du roi, 
celles de Naples. Tout autour régnait une série de niches, garr 
tueltes de bronze. La statue et les q^iatre anges furent enlevés 
à la fonderie, en 1792 ; le monument lui-même fut démoli, le 4 



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414 uisToïKB DK i/)ms xn 

Là mort de Charles VIII donna lieu^ à nombre d'épUaphes^ 
de lamentations ou autres compositions littéraires ^ Robert 
Gaguin» jadis ambassadeur^ déplora les vicissitudes de la for- 
tune*, Fauste Andrelin, orateur officiel, formula trois épi- 
taphes', Jean Bouchet^, homme de grand style, célébra le 
prince pacificateur et brave ^ Simon Nanquier, poète latin, 
prit sa plume et peignit avec sensibilité le sort de ce jeune 
prince, moissonné au milieu des fleurs du printemps, à l'époque 
où le rossignol s'éveille, où la nature rit et se pare d'espé- 
rances et de promesses. Il le représenta comme la bravoure 
même et le fils des preux; bon, protecteur du malade, de l'or- 
phelin , de la veuve; ^ai, avec la clémence d'Auguste, grave, 
avec la piété d'Enée» dévoué au droit et à Téquité ; 

Le soir du 17 octobre 1793, on ouvrit le cercueil de Charles Vllf, posé sur 
des tréteaux ou barres de fer : on n'y trouva que des restes d*08 desséchés 
(Berlhevin, Recherches sur les derniers jours des roîf, p. 2939 275). 

1) V. aussi les vers cités par Godefroy, Histoire de Charles VZIi, p. 103. 

2) Compendiumi lib. XI. 

3) Varia Epitaphia^ dans le recueil de Fauste Andrelin, imprimé à Paris 
le 4 octobre 1504, pour Jean P^tit (12 ff. ip-4). La première épitaphe est la 
plus développée : 

u Dum sua régna studet ccetu decorare diserto, 
loque omni sanotos «ade locare patres \ 
Dum pressos nimio populos relevare tribûto 
Et gerere invicta splendidiora manu, 
Interceptus obit... >» 

La dernière consiste en ce seul dystique : 

« Relligio, bonitas, animus, donatio, justum, 
Hoo f ita sunt tecum, Carole summe, loco. m 

4) Les généalogies, effigies et épitaphes des rois de France (f^, 1545), 
f» 64 V», 

5) Petit de corps, de vouloir non pareil, je pacifiai, lui fait-il dire, tous 
les princes, sauf le duc d'Orléans qui, avec d'autres gens < (dont fault que 
je me plaigne) », se l)altit à Saint-Âubin, « et la fut pris par gens de pied 
rustiques. » Je luttai, à Forooue, ^ ^^ contre un, je. délivrai Louis d'Orléans 
h Novare. <c Je fuz courtoys, beninget libéral ».,• 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VllI (1495-1498) 

NoD Venus hune mollis, non hune fqribunda voluptas 
Justîcie a recto delrazil tramile * I 

Octovien de Saint-Gelais, poète et courtisan, celé 
triomphateur des guerres de Bretagne, -le restaurate 
roi Henri d'Angleterre, le palladium de la Picardie et 
Bourgogne, Tami de l'Espagne et le restituteur du R( 
lon^ le prince qui avait fait la guerre d'Italie pour une 
dication légitime, « non par folye », et transformé le ro; 
en « Jardin de paix encloz de justice », qui aurait fait < 
tage encore s'il eût vécu*. 

1) Nouv. acq. ial. 169, f<» 80, 81 : Opusculum de funere CaroH VI 
commento SimonU Nanquerii, Paris, 1606, 8« : cf. De lubrieo tempo\ 
riculOf Bucolicon de funere Caroli octavif Paris, 1563; De lubrieo t( 
curricuby deque kominis miseria, necnon de funere christianissin 
octavi, cum commento familiari, éd. gothique, s. d. 

2) Fr. 1721, fo« 34-35, épitaphe de Chartes VIII a par un quidam 
est transcrite dans les Hardiesses des Princes (fr. 10420) eomme du 
evesque de sainct Gelais ». Elle est imprimée dans le Vei'gier d*h 
Cf. fr. 3939. Octo?ien de Saint-Gelais est Tauteur d*une composition I 
« Complainte sur la mort de Charles VII] » (fr. 13761). Après un p 
long et lourd, apparaît la France (suivant Tusage), qui, naturellemi 
monte au siège de Troie, pour montrer que tout le monde meurt, e 
aisément en revue, depuis cette époque« un certain nombre de 
hommes disparus. Ensuite vient une espèce de chant de la Mort, ( 
premiers vers ne sont pas mauvais : 

w Mort est de soy le royal fondateur. 
De liberté le vray restaurateur. 
Le seur lien de paix et de concorde, 
D*amour parfaicte divin augmentateur. » 

La France convie toutes les professions et tous les pays à pleurer 

« Pleurez, thiares et chappeaulx> 

Croix, crosses, mitres a troupeaulz, 

Voz joyaulx. 

Vos sandaulx, 

Voz manteaulx, 

Et voz seaulx 

Ont perdu leur trésor insigne» 

Qui tant digne, 



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4i6 HISTOIRE DE LOUIS XII 

Le parlement de Paris aussi, qui avait si énergiquement 
tenu bon contre le roi en 1495, délibéra, le dimanche 29 avril, 
un hommage respectueux à sa mémoire. Il déplora la mort 
de Charles YIII, heureux et victorieux, puissant, aimé, plein 
de bon et haut vouloir, qui, en quatorze ans, a reçu et pacifié 
les divisions, réconcilié princes et sujets, « lesquelz n'estoient 
pas en petit nombre qui, par mauvais conseil, s*esloient par 
un temps esloignez de luy, sans ce que, depuis et de tout son 
règne, de quelconque faulte qui fut contre luy commise, il en 
ait voulu prendre vengeance » : du roi bénin et clément à 
tous, patient, endurant, qui a conquis la Bretagne, et dont la 
chevaleresque conduite contre presque toute Tltalie esta ja- 
mais digne de mémoire*. Loin de s'opposer à ce concert de 
louanges ou de s'en offenser, le nouveau roi en donnait 
Texemple. 

Quelques années plus tard, le fonctionnaire dévoué du non- 
veau règne, son écrivain patenté, Claude de Seyssel, résu- 
mera ainsi la carrière de Charles VIII : « Jaçoit qu'il ait esté 
un bon prince, plus noble et plus grand beaucoup de cœur 
que de corps, convoiteux d^honneur et de gloire, et désirant 
toutes choses bonnes et honnestes autant que son aage a peu 
porter^ doux, courtois et béning, libéral à ses serviteurs et 
amis, humain et gracieux à toutes gens, et dès qu'il eut com- 
mencé à faire de grans choses et vertueuses, tellement que 
Ton pouvoit espérer de luy tout ce que Ton peut d'un bon 

Qui tant bénigne, 
Qui tant ensigne 
Et mode encline 

Faisait voz monstres grans et beaulz. )> 
Voilà comment on arrivait à un évéché et à des bénéfices. Quand la France a 
fini de parler, il faut encore procéder à l'audition d'une « voix divine », puis 
« Tacteur » déclare que c'est fini. 

1) Fr. 4339, i^ il. Le parlement abordait ensuite les questions de pré- 
séance. 



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DERNIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1495-1498) i 

prince, s'ileust vescu aage d'homme, toutesfois estant défai 
en la fleur de jeunesse, et lorsqu'il commençoit à enten( 
son cas et prospérer, ne peut en aucune manière son rëgj 
estre comparé à celuy du Roy qui est à présent... ' » 

Ici s'achève l'histoire des trente-six premières années 
l'existence de Louis XII. 

Jusqu'à présent, on a pu s'en apercevoir, le récit de ce 
carrière princière nous a retenu bien souvent dans les mer 
détails de la vie privée, dans des données, pour ainsi d 
anecdotiques. Un nouvel horizon, maintenant, se découv 
s'il plaît à Dieu, nous allons plus largement nous mouvoir di 
les grands espaces de l'histoire, et, au-dessus des hommes, \ 
dessus du détail pittoresque des choses, voir la France mêi 

Louis XII arrivait au trône, mûri, formé par les viciî 
tudes amèras que nous avons racontées, par mille heurts^ \ 
des difficultés incessantes de toute nature, par unedépressi 
permanente. Les difficultés tenaient à deux causes, qui 
résument en une seule : la situation fausse du premier prii 
du sang, héritier éventuel de la couronne, trop haut pli 
pour rester étranger à la politique, et, en même temps, pc 
ne pas s'en trouver systématiquement exclu. 

Pénétré de la grandeur de sa race, héritier d'une mais 
acculée, de père en fils, au rôle ingrat de chef des méconten 
si ce n'est des révoltés, Louis apportait nécessairement sui 
trône des traditions toutes différentes de celles de la mais 
royale ; un plus grand souci des choses intellectuelles, de < 
questions d'art, de lettres, de sciences, où la maison d'( 
léans avait dA rechercher le lustre et l'occupation que 
refusait la politique; une conviction profonde et vécue ( 
inconvénients du pouvoir trop absolu, inconvénients di 

i) Du Koy Charles huictiesmey et de ses gestes, Bistoire du Boy Loys . 
èdilioD de 1587, p. 54 et s. 

ui 27 



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418 HISTOIRE DE LOUIS XII 

ciles à comprendre pour l'homme destiné à régner (Louis XI 
par exemple), même quand il en a souffertj, mais incarnés dans 
une race, lorsque, traditionnellement, cette race en a été 
nourrie plus que personne, quand elle les a plus durement 
ressentis que le dernier des paysans. Le fils de Louis et de 
Charles d'Orléans ne pouvait que porter au pouvoir, avec 
des ambitions particulières, le hesoin de calme, de régularité, 
de repos, et un esprit tempéré. 

A cette première cause, éloignée, de la disparité des ten- 
dances, s'en joignait une autre, personnelle à Louis XII, 
quoique se rattachant intimement à la première. Son existence 
avait été entièrement faussée par le mariage que lui avait 
imposé Louis XI, comme couronnement d'une politique, 
bientôt séculaire, de défiance. Sous Louis XI, sous la régence 
de Charles YIII, comme au fond des dernières difficultés qui 
allaient encore, en 1498» mettre aux prises le duc d'Orléans 
et le roi sans animosité personnelle, partout on retrouve celle 
cause de désarroi et de désespoir. 

Ainsi, si Louis XII s'était agité et s'il avait été souvent 
coupable, il avait beaucoup souffert; c'est pourquoi il s'était 
remis aux mains, douces et réconfortantes, de son ami Georges 
d'Amboise. La France, aussi, dans tout ce xv* siècle, s'était 
beaucoup agitée et avait beaucoup souffert. Après tant d'o- 
rages, de labeurs, après avoir si souvent jeté à travers les 
bourrasques une semence inutile, l'heure était venue, pour 
elle, de jouir d'un large rayon de paix et de soleil. Les fleurs 
de l'arl, de l'esprit, allaient éclore et s'épanouir, pour une 
moisson de plus. Il fallait que le moissonneur de la Provi- 
dence dans ce monde nouveau appartint à une race nouvelle 
et qu'il eût pris part à la peine. 



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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 



I 

Quittance des CHAifTRES de Charles d'Orléans 

(Tome /, pages 88, 97, 347,) 

Nous avons signalé le goût de Charles d'Orléans } 
chantres, sa situation lors de la naissance de sa fille Mai 
avons mentionné Charles d'Arbouville^ chambellan^ ho 
confiance de Marie de C lèves; Charles d' Arbouville fut 
le 30 janvier 1464-1465, gouverneur d'Orléans, d'où il 
à la duchesse des nouvelles de la cour ». 

Je Charles d Arbouville, chevalier et chambellan de mon 
le duc d'Orléans, de Milan, etc., confesse avoir receu aujo 
Jehan Vigneron, commis par mondit seigneur a l'office de s< 
fier, la somme de xxvu s. vi den. t., laquelle j'avoye baill 
commandement dudit seigneur a ses chantre^, pour don a 
par ledit seigneur pour avoir dit et chanté pour icellui sei 
$apiencia*. Tesmoing mon seing manuel, cy mis le xv* 
décembre, Tan mil cccc cinquante et sepl. 

Darbouvill] 

(Orig., 1 lires Arbouville, n* 11, à la Bibliothèque nati 
Paris.) 

1) Tit. Arbouville, 12, 13. 

2) Sapientia^ anUenne de TofQce de Noël, qui se chunle le 17 c 



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420 HISTOIRE DE LOUIS XII 

II 

Lettres patentes de Louis XI relatives ad comté d* Asti 

(Tome /, pages 202 et suivantes.) 

Nous avons parlé des efforts de Louis XI pour dépouiller la 
maison d'Orléans du comté d Asti y quil voulait attribuer à 
Sforza ou^ tout au moins, comprendre dans la dot de Marie 
cT Orléans, 

Ajoutons à ce sujet quelques détails complémentaires. 

Le 2i novembre 1461 ^ le duc de Milan répond par une note 
écrite aux propositions de Jean de Croy, accréditée la fois par 
le roi et par le duc de Bourgogne auprès de lui. Croy a indiqué 
trois solutions possibles pour régler les prétentions du duc cC Or- 
léans sur le duché de Milan: 1^ une indemnité en terres; 3^ une 
indemnité en argent; 3^ la conclusion d'une trêve. 

Le duc de Milan, tout en protestant de son droit plein et 
entier y se déclare prêt à une transaction^ par dévouement pour 
le roi, et dans l'espoir de se faire du duc d'Orléans un ami et 
un protecteur. Il offre de payer U7ie somme raisonnable ; il prie 
le roi de faire accorder la main de la fille unique du duc d* Or- 
léans à son second fils Philippe-Marie. L'aîné de ses fils est lié 
par des fiançailles, impossibles à rompre, à la fille du marquis 
de Mantoue ; le troisième doit épouser la fille du roi Ferrand 
de Naples; mais Sforza déclare aimer son second fils à l'égal 
de l'aîné; il lui assurera un revenu de 25,000 florins. Avec la 
possession d'Asti et du duché d'Orléans^ Philippe-Marie sera 
ainsi un grand et puissant seigneur. Il est (Tâge convenable, il 
demande à entrer au service du roi et à sa cour; il a si bon 
caractère « qu'il fera vivre M^^ d'Orléans dix ans de plus ». // 
avait été question pour lui dune fille de Jlf*"* de Savoie; mats 
Mme de Savoie n'a pas voulu. 

A défaut de ce mariage, Sforza offrait de racheter les droits 
du duc d Orléans sur Milan et Asti... {Bibl. nat. de Paris, Ar- 
chivio Sforzesco). 
. Vaffaire en resta là. Mais Louis XI ne la perdit pas de vue 



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NOTES ET ÉCLAIRCTSSEMENTS 

et ne cessa pas dinsister près du duc d'Orléans, Ler^ 
nais Emmanuel de Jacoppo écrit au duc de Milai 
tembre 1463 que, pour Asti, « le roi a meilleure oc 
jamais» Le duc d'Orléans lui fait des instances pow 
tion qui le touche fin a l'anima. Le roi a résolu de 
répondre avant que le duc n'ait remis F a /faire dAs 
mains » (Archivio Sforzesco). Le roi, en effets tintbi 
géra l'abandon des droits du duc d Orléans sur M 
Asti, moyennant une indemnité de 300,000 ducaL 
Sforza accepta avec enthousiasme ; sa foie déborde 
rément dajis ses lettres du 2i novembre i46S^ au i 
de Bourgogne, à Jean de Cro'y, à son ambassadei 
Malleta (Archivio Sforzesco). 

Tout en poursuivant si vivement cette négociation 
se trouvait avoir déjà disposé dAsti^ qui ne lui appar 
en faveur dun autre personnage. 

Comme nous l'avons dit, il avait jadis projeté à 
un partage du Milanais : il avait intéressé dans ses ( 
Philippe de Savoie, comte de Bresse^ en lui promet 
Philippe ne le tenant pas quitte de sa promesse, le 
d'Astif dut lui promettre les comtés de Diois et Valent: 
ne lui donna pas davantage. Il finit, en 1473, par h 
les terres du Lauragais, par les patentes suivantes : 

Loys, par la grâce de Dieu roy de France, savoir fais 
presens et a venir, que, pour consideracion de la proxii 
gnaige et affinité, esquelz nous aclient nostre très chier 
frère et cousin Phelippes de Savoye, conte de Baugye et î 
Bresse, et des grans, notables et recommendables services 
a faitz par cy devant et de plus grans qu'il nous a prorr 
rons et cuidons qu'il nous fera cy après, tant a Tentour de 
sonne que au fait de nos guerres et autres nos plus gran 
paulx affaires, en plusieurs manières. En faveur et pour 
quelles choses, ayons nagaires promis a nostredit frère e 
conté de Valentinoys et de Dyois, ou lui bailler autres te 
gneuries en recompense de la conté d'Asts, que libéra 
avions donnée, se en povions bonnement recouvrer. A ïa 
frère et cousin, pour les causes et consideracions dessusdit 



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422 HÎSTOmE DE LOUIS XII 

a ce nous movans, avons donné, cédé, quicté, iransporté et dé- 
laissé, donnons, cédons, quictons, transportons et délaissons, par ces 
présentes, de noslre certaine science, grâce especial, pleine puissance 
et auctorité Royal, pour lui, ses hoirs et successeurs, nos pais, juge- 
rie, terre et seigneurie de Lauraguez, leurs appartenances et appen- 
dances, situées en nostre seneschaucée de Thoulouse, ainsi qu'elles 
se comportent et exlendent de toutes pars, tant en villes, places, 
chasteaulx et fortresses, justice et juridicion haulte, moyenne et 
basse^ mère, mixte et impere, Sommes, hommaîges, lotz, ventes, 
quinctz, requincts, deniers, foires, marchez, fours a ban, forestz, bois, 
garennes, rivières, pescheries, eslangs, molîns, viviers, coulombiers, 
vignes, prez, pasturaiges, terres lavourables et non lavourables, 
cens, rentes en deniers et en grains, corvées, et toutes autres rentes 
et revenues, prouffiz et emolumens quelzconques : ensemble la juge- 
rie de Villelongue, située en ladicte seneschaucée de Thoulouse, avec 
tout le revenu et prouffit d'icelle et des judicatures des baillyes, no- 
taireries, jauleries, les albergues de ladicte judicature, et les gros 
exploiz de la court du seneschal audit lieu de Villelongue, et généra- 
lement tous autres droiz appartenans a icelles jugeries, terres et sei- 
gneuries, sans aucune chose y retenir ne reserver pour nous et les 
nostres, fors seulement les foy et hommaige, ressort et souveraineté, 
pour lesditz pays, jupreries, terres et seigneuries, et leurs dictes ap- 
partenances et appendances; ledommaine et revenu desquelles monte 
et peut valoir, comunes années, la somme de six mille Uvres tournois 
ou environ, que Ton dit valoir et monter aussi communs ans ladicte 
conté d'Astz, avoir, tenir, possider, exploicter et en joyr par nostre 
dit frère et cousin, le conte de Baugye, sesdits hoirs et successeurs, 
d'ores en avant, perpetuelement et a tousjous {sic) y et autrement en 
faire comme de leur propre chose et heritaige, en payant les charges 
et faisant les devoirs deuz et acoustumez, ou et ainsi qu'il appartien- 
dra. Si donnons en mandement a noz amez et feaulx conseilliers les 
gens de nostre court de parlement establye en nostre pays de Lan- 
guedoc, de noz comptes et trésoriers a Paris, au seneschal de Thou- 
louse et a tous nos autres justiciers et officiers, ou a leurs lieuxtenans 
presens et a venir et a chascun d'eulx, si comme a lui appartiendra, 
que nostredit frère et cousin et sesdits hoirs et successeurs ilz facent, 
seufTrent et laissent joyr et user, pleinement et paisiblement, de noz 
presens grâce, don, cession, quictance et transport, en baillant a 
icellui nostre frere et cousin ou a ses procureurs ou commis a ce, 
reaument et de fait, la possession et saisine desdits pais, jugeries, 
terres et seigneuries de Lauraguez et de Villelongue, et des villes. 



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NOTES ET ÉCLATBCtSSfeMÈNTS 

places, chasleaux, forteresses situées et estans en iceulx et 
dictes appartenances et appendances, et par rapportant ces( 
sentes signées de nostre main, ou vidimus d'icelles et n 
sance sur ce souffisant de nostredit frère et cousin tant s 
nous voulons nostre trésorier et receveur ordinaire de ladit 
chaucée de Thoulouse présent et a venir et tous autres qu 
tiendra, en estre et demeurer quictes et deschargez par no 
des comptes, ausquelz nous mandons ainsi le faire sans < 
nonobstant que lesdits païs^ jugeries, terres et seigneuries 
guez et de Villelongue soient de nostre ancien dommair 
vueille dire que d'icellui ne povons ne devons donner oi 
aucune chose, et quelconques ordonnances faictes par n( 
cesseurs roys de France et nous sur le fait et alienacioi 
nostre dommaine, et autres ordonnances» mandemens ou 
a ce contraires. £t afin que ce soit chose ferme et estable a 
nous avohs fait mectre nostre scel a cesdictes présentes, sau 
choses nostre droit et Tautruy en toutes. Donné a Âmboys< 
de février, Tan de grâce mil cccc soixante onze^ et de no 
le onziesme. 

LOYS. 

Par le Roy, le viconte de la Belliere, gouverneur de P 
les sires de la Forest, du Lude, de Monglat, maistre Jehai 
et autres presens. 

Fla» 

(Orig., parch., grand sceau pendant : aux Archives de 1 



III 

Lettre de l'évêque d'Aire au roi Louis XI 

{Tome 7, page 11,) 

Lévêque d'Aire, Tristan d'Aure, se fit T instrument 
Louis XI pour le mariage de Louis d!* Orléans et de J 

1) Le texte que nous publions a été très obligeamment transe 
nlention par notre ami, M. lé docteur Carlo Merkel, Térudil b 



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424 HISTOIRE DE LOUIS xn 

France, Son caractère se peint dans la lettre qui suit y adressée 
au roi ; 

Mon souverain seigneur^ je me recommande a vosire bonne grâce 
le plus très humblement que faire le puis. Et vous plaise savoir, mon 
souverain seigneur, que j'ay sceu, par unes lettres que m'a escripfes 
monsi* le baillif de Constantin, que vous avez esté mal content d'une 
requeste que je vous ay fait fere de la prébende de Tournay, pour 
Toccasion de cellui pour lequel en la demandoit. Mon souverain sei- 
gneur, vous avez bien eu cause de vous mal contenter; mais, pour 
mon excuse et ma descharge, je rescripz le cas tel qu'il fut a la vérité 
a mondit s' le baillif. Si vous supplie que de vostre bénigne grâce vous 
plaise loyr et a moy imposer telle pénitence qu'il vous semblera que 
devray porter. Car je scay bien que je feiz mal d*escripre si legiere- 
ment, sans estre autrement informé pour qui. Ja Dieu ne me doint 
tant vivre que je face ne consente aucune chouse qui doye estre a 
vostre desplaisance I Et pour non vous enuyer, mon souverain sei- 
gneur, ne vous en escripray plus au large, vous suppliant, pour Dieu, 
que ne vueillés croire en nul rapport contre moy, tant que m'ayés oy, 
car tousjours me trouvères vostre très humble et très loyal subgect et 
serviteur, comme tenu y suis et que estre dey. Mon souverain seigneur, 
je prie nostre seigneur qui vous doint bonne vie et longue, et acomplis- 
sement de voz très haulx et nobles désirs. Escript a Homme, le 
xvii«» jour de novembre. 

{Autog.) Vostre très humble et très obéissant subgect et serviteur. 

L'evesque d'Atre. 
[Au dos) Au Roy, mon souverain seigneur. 
(Orig. ms. fr. 2811, f» 101, à la Bibliothèque nationale de Paris. 



IV 

Joutes de 1484 

{Tome II, page 400,) 

Nous avons, à cet endroit de notre récit, donné des détails sur les 
exploits de Louis d'Orléans, aux joutes de Paris, en 1484, d'après 
l'histoire manuscrite de Barthélémy de Loches, à la Bibliothèque du 



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NOTES ET ÉCLAIRaSSEMEMTS 425 

Vatican. Au moment où paraissait le tome II, nous avons découvert 
dans les manuscrits de la Bibliothèque du palais de TEscurial un 
récit contemporain de ces joutes, que son étendue ne nous permet 
pas de reproduire ici, et sur lequel nous nous réservons de revenir. 
C'est un manuscrit in-4% d'une bonne écriture du xv* siècle, en espa- 
gnol, coté £ j V 5, de 90 fT. La note Hnale porte que ce livre fut traduit 
à Paris de français en castillan, par le commandeur Sancho de la 
Fosca, commandeur de la commanderie de Tanpas (?), par le com- 
mandement de très magnifique et illustre seigneur, le seigneur comte 
de Benabente, et achevé à Vincennes le 25 novembre 1484. Le récit 
original, en français, avait probablement été tiré en une plaquette 
imprimée, dont il ne reste plus de traces. Les comtes de Benabente 
étaient des grands seigneurs de Castille, au sujet desquels les archives 
de Simancas renferment d'iinportants documents. 

Au f° 59 du manuscrit, une miniature, assez grossière, mais cu- 
rieuse, représente le tournoi, le duc d'Orléans en lice : auxf^ 59 v-62, 
sont reproduits les blasons des jouteurs. Le duc d'Orléans (f* 59 v®) 
fit, le premier, pendre son écu (Orléans-Milan) le mercredi 21 juillet, 
et écrire son nom en lettres d'or : Loys. Les deux écus pendus après 
le sien sont ceux de Jean Baucher, s^^ d'Yvetot [trois têtes de loupy 
de sable languées de gueules, sur champ d'argent)^ et de Jean Martel 
[trois marteaux de gueules sur champ d'or). Puis vinrent une foule 
de seigneurs, français ou étrangers. 

— Erratum. A la fin de la note 3, page 100, tome II, au lieu de 
« II, 231-247 », lire : « I, 184-231 ». 



Pièces de comptabilité iktime du duc d'Orléans^ relatives aux 

RAPPORTS AVEC LA COUR (fin de 1484), AUX ARMEMEiNTS D*AlEN- 
ÇON ET A LA RENTRÉE EN GRACE (1485). 

[Tome 11^ pages 146 et suivantes,) 

Je (îeorges d'Auxi, escuier, conseiller et maistre d'hostel de 
mons. le duc d'Orléans, de Milan, etc., confesse avoir eu et receu de 
Jaques Hurault, conseiller, trésorier, argentier et receveur gênerai 
des finances de mondit seigneur, la somme de unze livres tourn.,[ pour 
ung voiage par moy fait de la ville de Melun a Gien devers le Roy, pour 
les afleres de mondit seigneur, ouquel voiage j'ay vaqué, tant a aller, 



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426 ntSTOIRK DE LOUIS XII 

séjourner que retourner a Paris devers iceluy seigneur, ptir l'espâCe 
de unze journées, au feur de xx s. t. par jour, vallant ladite somme 
de XI 1. t., de laquelle je me tiens pour contant et bien paie, et en 
ay quicté et quicte mondit s' le duc, sondit trésorier et tous autres. 
Tssmoing mou seing manuel cy mis^ le vu* jour de décembre.» l'an 
mil cccciui" et quatre. 

George b. Dauxy. 

(Orig., Titres Auxy, n» 19.) 

En la présence de moy Jel<an Serine, secrétaire de mons. le duc 
d'Orléans, de Milan, etc., Georges d'Auxi, escuier, maistre d'ostel 
de mondit s', a confessé avoir eu et receu de Jacques Hurault... la 
somme dequarente livres tourn., que ledit s' luy a données et ordon- 
nées pour luy aider a supporter la despence qui luy conviendra fere, 
et plusieurs hommes de guerre, lesquelz ledit s'' a fait demeurer 
avecques ledit Georges Dauxi pour la garde du chastel d'AIençon. De 
laquelle somme.... le xxii*' jour de février, Tan mil cccciin** et 

quatre. 

Serine. 
{Extrait de /*Orig., id., n» 20.) 

Nous Georges bastard Dauxy, conseiller et maistre d'ostel de 
mons. le duc d'Orléans, de Milan et de Valois, etc., certifGons a tous 
a qui il appartient que nous avons ce jour d'uy fait prandre ou gre- 
nier a sel estably par le Roy nostre sire a Evreux la quantité de deux 
sextiers de sel, dont nous n'avons pour ce fait paier que le droit de 
marchand ; le dernier jour de mars mil iin^iiii^^ et quatre. 

^ George b. Dauxy. 
(Orig., trf., n«>21.) 

VI 

Pièces de comptabilité intime du duc d'Orléans, sur son séjour 
A Orléans, ses rapports avec Dunois^ son parrainage du fils 
DE DuNOisS EN i486. 

{Tome II, papes 157 él iuivantéi,) 

Je Georges d'Auxy, escuier, conseiller et maistre d'hostel de mons. 
le duc d'Orléans, de Milan, etc., certifGe a tous a qui il appartient que 

i) Louis d'Orléans-Longue^rilIe. Remarquons ici que Louis de Longueville 
signait habituellement ses lettres : Loys d'Orléans, ce qui les a fait attri- 



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N0TB8 BT ÉCLAIRCISSEMENTS 427 

Jaques Hurault, conseiller, trésorier, argentier et receveur gen«»l 
des finances de mondit s^*, a paie et baillé contant, par son ordonnance 
et commandement, les parties et sommes qui s'ensuivent. C'est assa~ 
voir, au prieur de la Magdalene de Chasteaudun, pour avoir baptizay 
renflant de mons. de Dunois, lequel mondit s' a tenu sus fons, en don 
a luy fait par ledit s', six escuz d'or ; a la nourrisse et aux femmes 
de chambre de madame de Dunois, vingt escuz d*or ; au tabourin 
de madite dame, deux escuz d'or; et au chantre de chapelle de madite 
dame, demy escu d'or. Qui sont en tout la somme de vingt huit escuz 
d'or et demy , a xxxv s. pièce, vallant la somme de quarente neuf 

livres, dix septsolz , six deniers toum. Tesmoing , le xxv* jour 

d'octobre, l'an mil cccc quatre vingts et six. 

George b. Dauxy. 

[Extrait de fOrig., 7'itres Auxy, n° 22.) 

Je Georges^ bastart d'Auxy, escuier, conseiller et maistre d*ostel 
de mons. le duc d'Orléans, de Milan, etc., confesse avoir eu et receu 
de Jaques Hurault, conseiller, trésorier, et receveur gênerai des 
finances de mondit seigneur, la somme de soixante huit livres, quinze 
solz toum., pour me rembourser de pareille somme que j'ay [donnée] 
et baillée a l'esleu Mathurin Yiart et Guill. de Nery, lesquelz avoient 
gaigné ladite somme de mondit seigneur au jeu de la paulme, aux 
halles d^Orleans. De laquelle somme , le pénultième jour d'oc- 
tobre. Tan mil cccc iiii^^ et six. 

Georges. Dauxy. 

{Extrait de TOrig. , irf. , n* 23. ) 

Je Greorges d'Auxy, escuier, confesse avoir eu et receu 

la somme de sept livres, six solz, huit deniers toum., pour 

ung voiage que j'ay fait partant de Blois a Partenay devers mons. de 

buer & Louis XII, encore duc d'Orléans, par des historiens superficiels; 
Louis XII, comme les princes de maison souveraine, n'a jamais signé ses 
lettres, même avant son avènement, que : « Loys », tout court. Lorsque la 
mention de duc d'Orléans accompagne la signature, elle la précède, et elle 
comporte toujours la mention de Milan, sous cette forme : «Leduc d'Orléans^ 
de Milan, de Valois, etc. Loys ». Son écriture^ d'ailleurs, ne ressemble aucu- 
nement à celle de son filleul. Ces diverses considérations n'ont pas empêché 
le bibliophile Jacob, dans son livre Louis XH et Anne de Bretagne, peu exact 
comme illustrations et comme texte, de donner le fac-similé d'une lettre de 
Louis d'Orléans-Longueville, à titre de spécimen autographique de l'écriture 
et des lettres de Louis XII. 



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428 HISTOIRE DB LOUIS Xll 

Dunois, ouquel yoiage je yaqué par l'espace de unze journées, au feur 

de XIII s. un d. t. par jour. De laquelle somme , le xix"'' jour de 

décembre, Tan mil cccc iiii^ et six. 

George B. Dauxt. 
{Extrait de TOrig., «., n*24.) 

VU 

Lettre du premier président La Yacquerie au Roi, sur le 
PROCÈS DE Georges d'Amboise et autres prisonniers en 1487. 

{Tome II, page 206,) 

Mon souverain seigneur, je me recommande si très humblement 
que faire puis a yostre bonne grâce. Et vous plaise savoir, mon sou- 
verain seigneur, que j'ay receu voz lettres, par lesquelles me mandez 
que tiengne la main a ce que les procès des prisonniers pour avoir 
conspiré contre vous et vostre royaume soient mis en estât de juger 
et prestz pour y besongner par vostre court, a la Sainct Martin prou- 
chai n. 

Mon souverain seigneur, Pon a fait et continue Ton chascun joura 
toute diligence a achever lesdits procès; lesquelz seront prestz dedans 
ledit jour de Sainct Martin. Mais sur le fait des evesques. Ton n'y 
peut plus avant procéder que maistre Jehan Bret, vicaire de mons' 
de Tours, ne soit venu et présent; et tanlost qu'il sera arrivé, seront 
appeliez voz procureur et advocatz, et délibéré, eulx oys, ce qui se 
devra faire, et icelle deliberacion exécutée diligemment. 

Mou souverain seigneur, je prie Dieu qu*il vous doint bonne vie et 
longue et a[com] plissement de voz très haulx et très nobles désirs. 
Escript a Paris, le dixiesme jour d'octobre. 

Vostre très humble et très obéissant subject et serviteur, 

L DE LA Vacrie. 
(Orig., ms. fr. 15338, n* 134, à la Bibliothèque nationalede Paris.) 



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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 429 



VIII 

Lettre du comte de Dunois au sire de Bbaujeu, réclamant 

POUR SA femme et SES ENFANTS UNE PROVISION ALIMENTAIRE, 
ATTENDU LE SEQUESTRE DE SES BIENS (1487). 

{Tome II, page 181.) 

Mons , j^ay entendu que le Roy a remis toutes mes terres en sa 
main, et mesmement aucuneschousesquy appartiennent a ma femme. 
Je vous pry, Mons,, qu'il vous plaise envers le Roy m'y avoir pour 
recommandé, et especiallement pour ma femme, ad ce que elle et ses 
enfîans se puissent vivre et entretenir. Mons»*, je prye Nostre Sei- 
gneur qu'il vous doint bonne vie et longue. Escript a Redon, ce 
xxvii« jour d'avril. 
Le vostre humble serviteur et cousin^ 

François. 

(Orig. autogr,, ms. fr. 15538, n* 112, à la Bibliothèque nationale 
de Paris.) 

IX 

Lettres relatives a l'emprisonnement de Jean Thiercelin % 

(1488). 

{Tome II, page f i7, note 4 •.) 

Lettre de Jean Thiercelin à Madame de Beavjeu. 

Ma très redoubtée dame, je me recommande a vostre bonne grâce 
tant et cy très humblement comme faire le puis. 

Ma très redoubtée dame, je vous remercye bien humblement de ce 
qui vous a pieu de vostre grâce me faire donner seureté de m'en aller 

1) Ancien maître d'bôtel de LouisXI, qui l'avait notamment chargé, en 1475, 
de recevoir les ambassadeurs milanais à Lyon (J. 496). 

2) Gomme nous l'avons sommairement indiqué à ce renvoi^ dans la bagarre 
de la guerre de Bretagne, Jean Thiercelin, l'ancien agent de Charlotte de 
Savoie, avait M arrêté et ne fut rel&cbé que le 28 août 1488 • 



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430 HISTOIBE DE I«0U1S XII 

en ma maison \ vous suppliant humblement qui vous plaise n'avoir 
aucune ymaginacion sur n>oy, et me tenir en vostre bonne grâce et 
pour vostre povre serviteur, et qui vous plaise oblier toutes choses pas- 
sées, ne qu'on vous pourroit avoir raportées. 

Ma très redoubtée dame, si c'estoit vostre bon plaisir avoir pitié de 
ma femme, que je la veisse, qui a tant souffert et seuffre a présent ce 
qu'il est possible, dont j'ay grant paour que aucun inconvénient il lui 
en viegne. Sur tout, je feray vostre bon plaisir. 

Ma très redoubtée dame, je prie a Dieu qui vous doint bonne vie et 
longue, et aconplissement de voz très haulx et très nobles désirs. 
Escript a Clisson, ce lundi vi* jour d^oust. 

Vostre très humble et très obeyssant serviteur 

TlERCEUN. 

(Orig. autogr., sur papier, ms. fr. 15538, n» H6, à la Biblio- 
thèque nationale de Paris.) 

Lettre de Bourré du Plesais*, capitaine d^Angers^auro i. 

Au Roy, mon souverain seigneur. 

Sire, il vous a pieu m'escripre par Jehan Dubuchet, que je 
praigne céans Jehan Tiercelin, sans le tenir comme prisonnier; mes 
que je le lesse aller par le chasteau en m'en prenant garde. Sire^ 
comme je vous ay escript par cy devant, j*ay céans troys hommes 
qui vont par le chasteau^ car il me fut dit que je ne les tinsse point 
enfermez. L'un est a Mons. de Lorrene, l'autre estoit avec Odet d'Ai- 
die a Blaye, et l'autre est a Mons. de Lebret, et en outre mess'« de 
Joyeuse et d'Entreigues; et si je laisse aller Jehan Thiercelin, je croy 
que vous n'entendez pas qu'ilz s'entrevoient, ne communiquent les 
ungs avec les autres, qui est chose fort a garder, veu que je n'ay 
ceen nulles gardes, et ce que j'en ay retenu sont tous vieulx, qui sont 
céans du temps du Roy vostre père, dont Dieu ait l'ame. Car cealx 

1) Oq remarquera qu'il avait obtenu de M™« de Beuujeu sa liberté : le roi 
fut plus sévère. 

2) Jean Bourré, seigneur du Plessis en Anjou, ancien secrétaire de Louis XI, 
serviteur de con6ance de Charles VIII. C'est à lui que Charles VU 1 adresse, 
comme capitaine d'Angers, une relation détaillée et oonfidentielle de la 
ugue de Louis d*Orléans eo Bretagne, avec qualre*viQgta oq cent chevaux 
Lettre du 14 janvier 1487; fr. 20432, 75). 



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NOTES BT ÉCLAIRCISSïlfKNTS 431 

qui pevent travailler, je les ay envoier. par vostre ordonnance a Chas- 
teaubrienty jusques au nombre de xxx ; aussi en y a ung a l'ost que je 
y envoie avec lartillerie que je baille; et puis je vous en envoyé dy- 
menche quatre pour conduire les vi" francs que je vous ay envoiez, 
lesquelzne sont encores retournez; et du demourant en y a sept ma- 
lades^ que j'ay envoiez en leurs maisons pour se fere guérir, et aussi 
qu'il y a ycy ung très mauves air et y fait dangereux. Par quoy se 
peut voir clerement que je n'ay gueres gens. 

Tout&sveoies, s'il vous plaist de me renvoier ceulx que j'ay a Chas- 
teaubrient ou telle partie qu'il vous playra, je prendre ledit Jehan 
Thiercelin et en feré du mieulx que je porré, nonobstant que c'est 
grant charge et grant paine d'avoir gens en une place sans estre en- 
fermezy dont il se faille donner garde. 

Sire, je vous suplie très humblement qu'il vous plaise ne prandre 
a desplaisir le delay que j'ai faiz, car la doubte que j'ay qu'il m'en 
vint mal, dont Dieu me gart, le me fait fayre : et quand ilz seroient 
une foiz touz ensemble et bien advise^y ne s*en fauldroit gueres que 
a telle heure porroit il avenir ih seroient aussi fors que nous. Sire, 
je prie a Dieu qu'il vous doint très bonne vie et longue, et tout ce que 
vostre cueur désire, 

Escript a Angiers, le xnii« jour d'aoust. 

Vostre tre$ humble et très obéissant subget et serviteur 

BouRÉ. 

(Orig., à la Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg, Auto* 
graphes *.) 

X 

Ordonnancb m: Charles vm sur lks cessions d'offickj^ rb.nduk 
A Naples, lb 19 mars 1494-95. 

{Tome Illy p. 445, note 3.) 

Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, de Jherusalem et de 
Secille, a touz ceulx qui ces présentes lettres verront, savoir faisons 
que nous, considerans les singuliers grâces, dons et benefîees, qu'il 
a pieu a Dieu, nostre créateur, nous administrer, que de nous avoir 

1} D'après la copie de la Bibliotbèque nalioi^aie de Paris, nouv. acq. 
fip. 1232, f 272. 



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432 HISTOIRE DE LOUIS XII 

fait Roy, prince et seigneur de deux plus notables régions de dessus 
le Terre, qui sont nosdits royaumes de Frence et de Secille, et mes- 
mement puis nagueres d'avoir reprins et mis en no^ mains et obéis- 
sance nostredit royaume de Secille, qui avoit longuement esté usurpé 
par ceulx de la maison d'Ârragon, contre Dieu et contre raison, et 
en avoient expulsé et dechassé aucuns de noz prédécesseurs ; desi- 
rans, sur tout, prévenir et avoir Tueil a conduire noz affaires en si 
bonne manière qu'on ne puisse dire cy après que, par faulte d'y avoir 
pourveu, aucune chose en demourast en arrière ; et mesmement en 
ce qui concerne nostre dit royaume de France, dont plusieurs de noz 
prédécesseurs Roys ont esté si très grans, vertueux et vaillans, quils 
ont acquis le nom de très chrestien Roy a la couronne de France. 
Lesquels noz prédécesseurs, par leur bonne et grant conduite, ont 
tousjours tenu icely nostre royaume en leurs mains, et l'ont acreu et 
augmenté, sans ce qu'il ait esté distraie! par autres que par ceulx de 
la maison de France, quelque variation et diversité de temps qui soit 
survenue. Et a bien convenu quMlz se soient en ce gouvernez et con- 
duiz par le bon conseil, ad vis et oppinion de {^*ans et notables per- 
sonnaiges, qu'ils ont euz, entretenuz et appeliez avec eulx au régime, 
police et gouvernement de leur seigneurie, tant a Tentour d'eulx que 
par les provinces, contrées et endroix ou il estoit requis pour fayre la 
justice a ung chacun, et pour les autres actes et expediences qui sont 
nécessaires a l'entretien d'une si grande seigneurie et monarchie, qui 
est nostredit royaume de France, ou ilz et chacun d'eulx ont soi- 
gneusement entendu et veillé, en instituant et oi^donnant officiers a 
eulx feables en chacune province et lymite, pour le gouvernement de 
la chose publique, des plus expérimentez et aprouvez, pour faire 
cognoistre et entendre la grandeur de leurs affayres et Tutilité de 
ladicte chose publique ; lequel nostre royaume de France, depuys que 
l'avons prins en noz mains, soubz la main et tuycion de nostredit 
Créateur, nous l'avons acreu et augmenté de toutes pars, et icely 
de/Tendu des grandes invasions et surprinses que plusieurs princes 
estrangiers et aultres y ont voulu faire. Et, tant au faict de la justice, 
a l'imitation de nosdiz prédécesseurs que es autres actes ou il a esté 
requis, avons tousjours pourveu, par toutes les meilleures voyes et 
moyens que possible nous a esté, au soullagement de nostre pouvre 
peuple, affin d'iceluy faire vivre et maintenir en bonne paix, amour, 
justice et unyon, et que de noslre temps il puisse florir, accroistre et 
multiplier en abondance de biens, facultez et richesses. Et, n'est rien, 
après Tamour de nostre Créateur, que plus desirons que de ainsy le 



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'W^ 




NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS 



433 



faire. Et, en regardant ainsy diligëanment, affin de chercher le 
moyen d'y parvenir, entre autres choses mises en avant en nostre pré- 
sence, nous a esté bien amplement dict et remonstré que, a cause de 
ce que par importunyté de requestes ou autrement, nous avons, 
par cy devant, et durant nostre jeune aage, octroyé a plusieurs per- 
sonnes, noz officiers et autres, congié et licence de resigner leurs 
offices, et eulx en desmectreau prouffict de telles personnes que bon 
leur semblera, et, avec ce, bailler nos lettres de sourvivance pour 
tenir nosdiz offices du père au filz, de frère a frère ou autrement, 
tellement que, maintenant, en nostre chambre des comptes, et en 
celles de generaulx des aydes et des monnoyes que ailleurs, aulcuns 
de noz offices sont exercez par deux personnes, et Tun en l'absence de 
l'autre, tendant a ceste fin que, au moyen de réceptions et de l'exer- 
cice qu'ilz y font, acquérir droit en nozdiz offices. Ains est contre 
toute raison et disposition de droit que a ung seul office y ayt deux 
pretendans. Et aussy peut estre que nous avons accordé aucunes réser- 
vations d'offices, qui est donner occasion de souhaiter et désirer la 
mort d'aultruy. Par le moyen desquelx, iceulx noz offices, qui ont an- 
ciennement esté intituliez et ordenez par nosdiz prédécesseurs pour 
le bien et utilité de nous et de la chose publique de nostreditroyaulme 
et pour le fait de la justice et police d'icely, pourroient tomber entre 
mains de gens qui ne seroient dignes ne capables de les tenir ne 
exercer, et dont nous n'aurions certitude ne cognoissance, qui est 
chose trop scandaleuse, et est donner occasion a ceulx qui achaptent 
lesdiz offices d'y commectre des abuz, pilleries et rationnemens, le 
tout redondant a la foulle de nostredit pauvre peuple ; lesquelx congiez, 
sourvivances et réservations ont esté par nous ainsi octroiez et accordez 
par grant importunité, et peut estre sans mérite ne déserte, a ceulx 
qui les ont obtenuz ; nous moins que souffisanment informez des 
choses dessus dites, et de Tinterest qui en peut advenir a nous et a 
ladite chose publicque, parceque, en ce faisant, nous nous sommes 
ostez la faculté de pourveoir a nosdiz offices, quant vaccation y eschet* 
Et aujourd'ui sont iceulx noz ofQces, ou la pluspart, entre mains de 
marchands et autres non souffisans ; par le moyen de quoy, se la 
chose pululoit, n'y auroitplus de gens qui voulsissent acquérir degré 
ne licterature, ne qui se voulsissent aplicquer en nostre service. A 
quoy, pour le bien de nous et de ladite chose publicque, nous soit 
besoing pourveoir pour l'avenir, en manière que nozdiz offices ne 
puissent tomber en mains de gens qui ne nous soient congneuz, 
et que ayons fiance. Nous^ ces choses considérées, et mesmement 
m 28 



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434 HISTOIRE DE LOUIS Xlt 

que, en baillant ainsy par nous lesdiz congiez dô resigner sourvivan- 
ces, réservations et provisions sur le fait de nosdiz offices, ce a esté 
par importunité, durant nostredit jeune aage, qui est chose grande- 
ment préjudiciable auz droiz et preheminence en tant que par icelles 
nous nous sommes estez la faculté de pourveoir auzdiz offices^ quant 
vaccacion y eschet, en grant diminucion de nostre auctorité royal ; et 
aussy que les réceptions, qui ont esté ainsy faicles, au moyen desdîtes 
sourvivances, sont fort scandaleuses et périlleuses ; et mesmemoit 
que ung seul ofOce soit ou fust exercé par deux personnes, parceqœ 
en ce faisant noz faiz et afi^res en pourroient estre plus CsiciUemeat 
révélez, de remplir les lieux de jeunes gens qui ne sont expers, 
ydoynes, ne assez expérimentez, pour entendre le mente de nozdiz 
faiz et affaires. Pour ces causes, et autres grans considérations a ce 
nous mouTans, avons revooqué, cassé, adnullé et irrité, reyocquons^ 
cassons, irritons et adnuUons, de nostre certaine science» propre 
mouvement et auctorité royal, par ces présentes, toutes telles sour* 
vivances, résignations et congiez de resigner, et toutes autres ma- 
nières de provisions, que par cy devant avons peu octroyer et bailler 
sur noz offices a quelxoonques personnes, ne pour quelque cause que 
ce soit ou puisse estre, tant soient les personnaiges previlegies, oultre 
la directe provision et accoustumée, qui est que nuizde nosdiz offices 
ne peuvent vaoquer sy non par l'une des troys voyes, c'est assavoir 
par mort, forfaiture, déclaration preallablement£8ikte,ou par pure et 
simple résignation qui en a esté ou sera faicte et passée en noz mains^ 
après ce que serons averliz de la souffisance des perscmnaiges au 
prouf fict desquelx ladite résignation pourroit estre faicte, sans ce que 
ceulx que ainsi obtenuz lesdiz congiez de resigner sourvivances ei 
réservations, jasoit ce que, comme dit est, itz se soient fait recevoir 
et instituer en iceulx offices, et qu'ilz les ayent exercez et desserWa, 
presens ou absens, Tun de l'autre s'en puissent cy après ayder en 
quelque manière que ce soit, et les declayrons nulles et de nul effect 
et valleur, ensemble tout ce qui s'en seroit ^assuy. Et sur ce^ mandons 
a nostre futur chancelier, et a noz amez et feaulx les gens de nostro 
grant conseil, cours de Parlement a Paris, Bourdeaulx, Tholouze^ 
Bretaigne, Bourgongne, Daulphiné, Provence, commis ayans la garde 
de nos seaulx, tant a l'^itour de nostre personne que en noz <^nce* 
leries de France, maistres des requestes ordinaires de nostre hostel, 
et a tous noz aultres justiciers et officiers, ou a leurs Ueuxtenans oui 
commis, et a chacun d'eulx, ai comme a luy apartiendra^qve de nos 
presans vouloir, revocacion, cassation et adnullation, et Umi le ooa» 



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NOTES ET ÉCLAIRaSSEMENTS 

tenu en ce^ présentes, ilzfacent lyre, publier et enregistrer en 
grant conseil, cours de Parlement, et ailleurs ou inestier ser 
que aucun n'en puiste prétendre cause d'ignorance ; en defïi 
en oultre, a nostre dit futur chancelier et a ceulx qui ont ou ai 
garde de noz seaulx ordonnez en Tabsence du grant, tant a 1 
de nous que ailleurs en noz chanceleries, qu'ilz ne recoyvent 
mettent aucunes résignations, sourvivances, ne seellent ou ex 
aucunes autres provisions sur la disposition de noz offices, oi 
directe provision et accoustumée, comme dessus est dit, sans 
trevenîr en quelque manière que ce soit. Car ainsi nous plaiî 
voulons estre fait. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre 
seel a cesdites présentes. Donné a Naples, le xix* jour de 
Tan de grâce mil cccxaiii^^xnii, et de noz règnes, de Fn 
XII*, et de Secille le premier. Ainsi signé : Par le Roy : Le 
de Gyé, mareschal de France, de la Tremoille, de Grima 
Piennes, de Tlsle et de Beyiie, prevost de Paris, et autres p 
Du Boys. - 

(Bibliothèque nationale de Paris , ms. fr. 20432, f^ 61 v^ a 



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TABLE DES MATIÈRES 



Chapitri XV. — Préparatifs de la campagne de Naples (janvier-août 1494. 

Impressions produites par la mort du roi de Naples. Illusions de 
Charles VIÏÎ. Silence de Ludovic Sforza. Hostilité des États italiens. 
Louis d'Orléans près du roi. Ludovic négocie avec Naples. Voyage 
de Charles VIII et du duc d'Orléans : arrivée à Lyon. Réunion 
de la noblesse, des délégués des rilles. Projets de croisade. Mécon- 
tentement du royaume. Opposition à l'expédition. Pompes du roi, 
joutes, tournois, fêtes : amours du roi. Zèle affecté par Louis d'Or- 
léans. Galéas de San Severino à Lyon : sa conduite envers le duc 
d^Orléans. Louis d'Orléans chargé de commander la Qotte. Prépa* 
ratifsde Gènes : difQcultés et retards. Nomination d'une délégation 
spéciale : retard et insuffisance des préparatifs. Les délégués ne se 
soucient point de la mission. Instructions de D'Urfé : situation critique 
d*Asti : difficultés à Lyon, à la cour, dans le royaume, à Gènes. 
Scène violente de San Severino. Attitude du duc d'Orléans. Le car- 
dinal de la Rovère. Nouvelles scènes de San Severino. Influence de 
Ludovic et de Du Bouchage. Résistance des Génois. Départ de Louis 
d'Orléans. Son arrivée en Lombardie et à Asti : premiers rapports 
avec Ludovic. Son arrivée à Gènes. Conseil de guerre d'Alexandrie. 
Louis d'Orléans en Montferrat. Démonstration de la flotte napoli- 
taine. Georges d'Amboise à Lyon. La galère ducale. Effet produit 
sur les Français par l'Italie. Duplicité et activité fébrile de Ludovic. 
Derniers préparatifs. Retards du roi. Plan de campagne arrêté à 
Alexandrie. Embarquement des troupes et du duc d'Orléans. Dé- 
part du roi; son arrivée à Asti . • 1 

Chapitre XVT. — Septembre 1494. 

Forces de Louis d'Orléans ; ses bons rapports avec^Ludoviç. Ba- 
taille de Rapallo. Victoire du duc d'Orléans. Excès des Suisses. In- 
surrection étoufTée à Gènes. Plaisirs de Charles VIII : lettres que 
lui inspire Ludovic. Louis d'Orléans pris de fièvres intermittentes. 
Maladie du roi. Dévouement et activité du duc d'Orléans. Crises 
dans le conseil royal. Mécontentement de Ludovic. Guérison du 
roi : maladie du duc d'Orléans. Le duc reste à Asti. Ludovic presse 
le roi et lui fournit de l'argent. Négociations secrètes avec Florence, 
Rome et Naples. Attitude résolue de Louis d'Orléans. Echec des 



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TABLE DES MATIÈRES 

négociations. Alertes de Ludovic. Le roi à Casai, à Vîgevano, i 
Pavie. Marche en avant avec Ludovic. Début de campagne. Mor 
de Jean Galéas. Ludovic abandonne Tarmée et se fait proclamer du< 
de Milan. Son attitude nouvelle. Trouble général. Réserve du duc 
d'Orléans. Le roi reconnaît Ludovic comme duc de Milan • • . , 

Chapitre XVIL — Louis d'Orléans à A$H. 

Louis d'Orléans resté à Asti, sans troupes. La régence en FrancOi 
Conduite expectante de Louis. Le roi fait la cour aux Génois : soi 
entente avec eux. Prise de Sarzana : brouille avec Gènes. Froideui 
de Ludovic. Menaces de Maximilien. Mesures violentes de Ludovic 
Envoi de Du Bouchage. Vues de Ludovic sur toute l'Italie, sur Flo- 
rence, sur Rome. Arrestation d'Ascagne Sforza à Rome. Commen- 
cement d'une ligue contre la France, inspirée par Ludovic et Venise. 
Intrigues de Ludovic. Rupture de Ludovic avec la France. Sa prise 
de possession de Gênes. Attente de Louis d'Orléans. Charles VIIl 
àNaples. Conclusion de la ligue contre la France. Ludovic se charge 
d'occuper Asti. Marche de San Severino contre Asti. Négociations 
du roi avec les émigrés génois. •••••• • . • 

Chapitre XVIIL — Défense dCAsti {avril-mai 1495). 

Plan de campagne de Maximilien et Ludovic. Sommations de 
San Severino à Louis d'Orléans. Énergie de Louis : ses résolu- 
tions. Réponses à Ludovic : lettres à la régence. Représentations 
diplomatiques du roi. Armements d'Asti. J.-J. Trivulce. Excuses de 
Ludovic. Pauvreté du duc d'Orléans ; faste de Ludovic. Embarras 
de Ludovic ; ses excuses à ses alliés. Marche de Charles VIIL Oc- 
cupation deNovare parles troupes françaises. Origine du méconten- 
tement de Novare contre Ludovic : négociations & ce sujet avec la 
cour. Stupeur de Milan. Ludovic quitte le ch&teau pour se cacher. 
Entrée du duc d'Orléans à Novare. Reddition de la citadelle. Le 
duché de Milan prêt à acclamer Louis d'Orléans. Situation critique 
de Charles VIII. Invectives de Maximilien. Proclamations de Louis 
d'Orléans et de Ludovic. Georges d'Amboise à Asti 

Chapitre XIX. — Siège de Novare. 

Coup de main français sur Alexandrie. Défections autour de 
Ludovic. Offres de Philippe Borromée. Louis d*Orléans empêché 
par les capitaines royaux de marcher sur Milan. Négociations en 
Suisse. Affolement de Ludovic; ses instances à Venise; ses 
mesures. Mouvements divers des armées. Armements milanais et 
vénitiens; arrivée des stratiotes à Milan. Activité de Louis d'Or- 
léans; défaut de vivres • Discorde entre les capitaines royaux et les 
notables novarais : Louis se résigne & ne pas marcher en avant. 



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438 HTSTOmB DB LOUIS zn 

HégôeiaiionB du roi à Oénes. Esoarmouohei. Lés eoalltés italiens 
8*approcbeot ds NoTare. Louis d^Orléans s'y renrerme. Vains 
effbns de Sc^n Seyeriao pour ébranler les Norarais; ses démonstra- 
tions. Escarmouches . autour de Nov&re. Établissement da camp 
italien; arrivée de renforts. Tactique et courses des stratiotes. Les 
assiégeants coupent les conduites d^eau. Bataille de Fornoue. 
Effets produits par cette bataille. Mai^he de Charles Vllf* Situa* 
tion dirScile des défenseurs de Novare. Sor.ies et combats* Cam- 
pagne diplomatique en Suisse. Dissentiments parmi les coalisés 
italiens. Promesses de Charles Vltl. L'armée du marquis de Man- 
toue complète le blocus de Novare 203 

€rapitrb XX. — Blocus de Novare f^ juillet A^* septembre 1495). 

Énergie de Louis d'Orléans. Suite ininterrompue d*escarmouches. 
Fortifications de Novare. Rixes, au camp allié, entre Allemands et 
Italiens. Valeur des Novarais. Le sénat vénitien ordonne de pousser 
les opérations: Ludovic négocie. Discordes persistantes des coalisés. 
Souffrances de No ^ re. Vie de Charles VIIL Intrigues de Phil. de 
Commines. Rôle de la duchesse de Savoie. Inaction du roi. Situa- 
tion douloureuse de Novare. Visite de Ludovic au camp des coalisés. 
Revue du 4 août. Concentration de Tarmée française à VerceiU Ra« 
vage du territoire par les coalisés. Négociations de la Savoie. 
Charles VIII k Chieri. Incendie des villages du Novarais. Mécon- 
tentement des Vénitiens contre Ludovic. Courage des Novarais : ren- 
voi des bouches inutiles. Attaque des faubourgs, le 15 août. Céré- 
monies au camp coalisé. Petigliano nommé maitre-de-camp. Dé- 
tresse des Novarais. Razzias en Piémont. Sortie de Novarais exté* 
Aués. Rixes entre les assiégeants. Enlèvement d'un convoi. Morta- 
lité, par suite de la faim, à Novare. Encouragements du roi. 
Préparatifs d'un assaut général par les coalisés. . • • 252 

Chapitrb XXI. — Traité de Vereeil. 

Désespoir des Novarais. Blessure de Petigliano. Frappe de duoatf 
de cuir à Novare. Jnaction de Charles VIII. Commines en Montfer- 
rat. Maladies dans l'armée française. Le ducd'Orléans fait préparer 
une sortie de désespoir. Les coalisés établissent leurs batteries dans 
les faubourgs. Les Novarais incendient tout ce qui entoure le rem- 
part. Bal à Chieri, interrompu par les nouvelles dramatiques de 
Novare. Assaut repoussé) bombardement de Novare. Efforts éner- 
giques de Venise. Négociations pour la paix. Ordres d'assaut défi- 
nitif, par le sénat de Venise. Violentes discussions au conseil du 
roi. Suspension des hostilités. Négociations. Extraction du due 
d'Orléans. Évacuation de Novare. Froideur du roi. Nouvelles rixes 
dans Tarméo coalisée. Alerte du 26 septembre. Mécontentement du 



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TABLE DIS MATIÈRES 139 

ducd*0rléan8. Mort et obsèques du corote de Vendôme. Signature 
du traité dit de Verceil. Caractère de ce traité. Désordres dans Tar- 
mée française. Ludovic refuse i*entrevue du roi. Vengeances de Lu- 
dovic à Novare. Plaintes de Charles VIII . Louis d'Orléans A Asti : 
son départ avec le roi. Difficultés de sa situation. Récompenses de 
l'expédition 289 

Chapitrs XXIl. — Dernières années de Charles VUl. 

Commines à Venise et à Vigeyano; sa déconsidération. Ligue 
contre la f ranœ. Hostilité des Génoia. Mort du dauphin. Crise éco- 
nomique dans le royaume. Maladies nouToIlef . Vie de Louis d*Or- 
léans à Lyon. Mécontentement du roi contre Ludovie : influence du 
duc d'OrléanSy de M. et M»*' de Bourbon. Trifulce à Asti. Difficultés 
à Pise. Retour du duc à Blois; sa bonne tenue politique. Mise en 
ordre de ses affaires. Ordonnance ducale sur l'administration d'Asti. 
Mort tragique d'André de Ceva. Affolement de Ludovic. Préparatifs 
de guerre à Lyon. Louis d'Orléans prêt à commander l'expédition. 
Négociations de Ludovic en Suisse : disparition du testament de 
Jean Galeas Visconti. Ordres pour la guerre ; brusque départ du 
roi pour Tours. Colère de Maximilien contre les Suisses. Maximi- 
lien descend en Lombardie. Craintes de Ludovic. Démonstrations 
de l'Espagne contre la France. Impuissance de la France. Discordes 
en Italie. Capitulation de Gaête. Mort du comte de Montpensier. 
Discussions au conseil du roi. Prospérité, éclat de la cour de Mi- 
lan. Occupations du duc d'Orléans; galanterie, chasse, règlements 
d'affaires. Décision du grand conseil pour la tutelle des enfants 
d'Angoulôme. Bons rapports du duc avec la reine. Intrigues de Lu- 
dovic ; rumeurs diverses en Italie. Démarches de Louis d'Orléans 
pour Engilbert de Clèves. Changements dans l'esprit du roi. Con- 
duite de M. et M™* de Bourbon en 1407, pour empêcher le roi de 
préparer une nouvelle expédition. Intrigues pour brouiller le roi et 
le duc d'Orléans; reproches du roi au duc. Louis se retire A Rouen. 
Popularité de Georges d'Amboise à Rouen : sa politique. États lo- 
caux de 1498. Ëtat maladif du duc d'Orléans: son train de maison, 
son voyage A Moulins. Brouille avec le roi : bruits d'exil. Mort su- 
bite de Charles Vill. Chagrin témoigné par Louis d'Orléans. Dou- 
leur de la reine. Acclamation du nouveau roi. Ordres de Louis XII 
pour les obsèques. Désordres en Aunis. Pompe extrême des obsèques 
de Charles VlII, aux frais personnels de Louis XII. Cérémonie de 
Saint-Denis. Procès de D'Urfé contre l'abbaye deSaint-Denis.^jn- 
iaphes et lamentations. Conclusion/ • 334 

Notes kt Éclaircissbhbnts. 

L Quittance des chantres de Charles d'Orléans 419 



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440 HISTOIRE ÛE LOUIS XII 

II. Lettres patentes de Louis XI relatives au comté d'Asti. . . . 420 

III. Lettre de l'évéque d^Aire au roi Louis XI 423 

IV. Joutes de 1484 424 

V. Pièces de comptabilité intime du duc d*Orléans, relatives aux 
rapports avec la cour (fin de 1484)^ aux armements d^Alençon» à la 
rentrée en grâce (1485) 425 

VI. Pièces de comptabilité intime du duc d'Orléans, sur son 
séjour à Orléans, ses rapports avec Dunois» son parrainage du fils 

de Dunois, en 1486 426 

VII. Lettre du premier président La Vacquerie au roi, sur le 
procès de Georges d'Amboise et autres prisonniers, en 1487. • • . 428 

VIII. Lettre du comte de Dunois au sire de Beaujeu, réclamant 
pour sa femme et ses enfants une pension alimentaire, attendu le 
séquestre de ses biens (1487) 429 

IX. Lettres relatives à Temprisonnement de Jean Thiercelin, en 

1488 429 

X. Ordonnance de Charles VIII, sur les cessions d^offices, rendue 

à Naples le 19 mars 1494-1495 431 




ANGERS, IMP. A. BURDIN BT C", RDI OARNIER, 4. 



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